Les partis en france (fin)

Hé ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui font des choses pour rien ?

Je veux dire sans y avoir d’intérêt (personnel et direct) ou sans y être contraints ?

Non ! Non ! J’insiste, réfléchissez-y.

Bien sûr, vous croyez au désintéressement. Mais justement, est-ce si sûr ?

Regardez les animaux. Le chien dort ou somnole. Tout à coup, il se lève, s’étire et vient vous voir. Il veut quelque chose. Vous, vous avez décidé que ce n’est pas l’heure. Alors, tranquillement, il va faire un tour. Où ça ? Bah, tout simplement, il va vérifier l’état des poubelles des voisins et autres lieux connus de lui comme manne éventuelle. Il avait juste un petit gargouillis dans le creux de l’estomac. Sans cela, il serait resté à somnoler.

Oui ! Mais les hommes, ce n’est pas pareil !

Ah bon ?

Je veux bien admettre que les motivations sont plus variées et plus lointaines, mais la motivation existe nécessairement.

Les biologistes énoncent que les deux seules préoccupations de tout être vivant sont la survie de l’individu et la survie de l’espèce. Ceci est traduit de façon plus élégante par Schiller (Johann Christoph Friedrich (von)… 1759 1805) qui déclare : « La nature maintient les rouages de l’équilibre du monde par la faim et par l’amour ». Bon, oui, je sais, lui, il parle bien, c’est un poète ! N’empêche, réfléchissez-y.

La survie de l’espèce : soustrayez de votre activité tout ce qui a pour mission de séduire les représentants du sexe qui n’est pas le votre et, en même temps tout ce qui prétend vous donner une prééminence sur tout les représentants de votre sexe. Je ne vous demande pas de le dire haut et fort  ni de faire acte de contrition publique. Non, simplement, à chaque instant de votre vie, je vous suggère, dans votre for intérieur, de sourire à chaque fois que vous constatez que vous êtes dans ce registre. Vous voyez que déjà, quand on retire ces deux paramètres inhérents à la séduction ou à la domination, on réalise une sérieuse économie d’énergie.

De plus, la survie de l’espèce serait incomplète si on n’y incluait pas la somme de soins que l’on apporte à ses enfants petits enfants et autres descendants.

Maintenant, la survie de l’individu.

Bien sûr, il faut bouffer. La quête de nourriture occupe aussi pas mal de temps et consomme pas mal de joules. Cependant, la survie de l’individu, ce n’est pas que ça. On survit mieux quand on se protège du froid et des autres intempéries, quand on a son petit confort personnel.

Alors, on me rétorquera (non sans une certaine hauteur) : « Oui, mais tu oublies toutes les activités associatives et bénévoles qui ne rapportent rien ! »

Et ta sœur ?

Ces activités font partie des deux registres. Peut-être même un seul.

En effet, le militant associatif, syndical, politique, le prosélyte religieux considérant que l’espèce vit mal veut remédier à cet état de fait. Il veut améliorer les conditions de vie de l’espèce et de ce fait, lui permettre de survivre.

Toutefois, cette compréhension de la chose est pernicieuse. Dans le fond, c’est beaucoup plus égoïste.

Toutes ces activités sont liées, quand on y réfléchit exclusivement à la survie de l’individu. 

Le grand mystique qui s’impose, dans son sacerdoce, des actions qu’il pense et que l’on décrit comme admirables et altruistes, que fait-il au juste ? Il s’inflige une vie rigoriste ; il assume le bon fonctionnement de son Eglise ; il organise et gère la communauté des croyants et va porter la bonne parole à ceux qui l’ignorent encore. Certes. Et alors ? Il cherche surtout à sauver son âme.  On lui a dit et expliqué que les méchants iront, après la mort en enfer. C’est horrible l’Enfer ! C’est très désagréable ! Alors, lui, il a peur. Il fait tout ce qui lui semble utile pour ne pas y être englouti. Vous vous rendez compte, vous ? Entre être assis à la droite d’un grand barbu en robe blanche ou précipité dans la Géhenne le choix est vite fait ! C’est un investissement.

Alors, organiser sa vie après la mort, qu’est-ce que c’est, sinon œuvrer à la survie de son propre individu ? Et quelle survie, n’est-ce pas ? L’éternité quand même !

Nous avons dit qu’il y a aussi les activités militantes non religieuses : C’est un peu la même chose. Bon, bien sûr, on ne prépare pas sa résurrection. Pas loin, quand même.

Un militant de n’importe quelle association, on peut penser qu’il a, en gros, trois types de préoccupations. D’abord, l’intérêt immédiat. Le syndicaliste qui lutte pour une plus juste rémunération en profitera évidemment. Le président de la joyeuse société bouliste qui organise des concours trouvera des partenaires et des adversaires pour satisfaire son plaisir. C’est militants, constatant une carence dans l’organisation de la société tâchent d’y subvenir afin d’en retirer les avantages d’une plus grande justice ou un plus grand plaisir devant l’adversité. Ils pallient à des inconforts patents et, nous l’avons déjà dit, améliorer les conditions de vie et de confort matériel et moral, cela revient à assurer, tout au moins le conçoit-on ainsi, une meilleure survie de l’individu.

Dans un deuxième temps, le même militant en retire une image de lui  plus valorisante. Il a une mission dans la société. Il est connu et reconnu pour son activité au service des autres. On le distingue de la foule. Il est celui qui… Celui qui, sans qui et sans quoi… Son narcissisme s’en trouve revalorisé. Le trésorier de l’association de cyclotourisme, ce n’est pas n’importe qui.

Là encore, l’autosatisfaction mélangée à la reconnaissance et à l’admiration d’autrui lui procurent un confort moral tendant vers une survie plus riche et plus gratifiante. En fait, il travaille à son aura et à sa gloire personnelle.

Et puis, il y a l’étape ultime. 

Plus tard, après leur disparition, on en reparlera ? « Eh ! Tu te souviens du Père Machin ? Ah ! Ça c’était un organisateur ! » Laisser une trace de son passage, faire partie des grands, de ceux que l’on n’oublie pas, n’est-ce pas un espoir profond de chacun ? Même, dépasser la génération qui a connu l’individu, devenir l’égal de Auguste Blanqui, de Louise Michel, de Jean Massé, n’est-ce pas entrer dans l’histoire de l’humanité et y rester ? Y rester comment ? Je ne sais pas, moi : Avoir des rues qui portent son nom par exemple : Rue du père Machin. C’est la consécration.

C’est vrai, le militant ne cherche pas l’éternité. Non, mais il vise l’immortalité. C’est quand même un peu voisin, non ?

Du reste, qu’est-ce que je fais d’autre, moi, en ce moment. Je pourrais rester vautré sur une chaise longue à somnoler comme mon chien et ne me lever que quand la faim m’agace un peu.

Mais non, je suis là, je vous écris des tas de choses comme si ma vie en dépendait. Je dépense mon temps et mon énergie à vous exposer ma compréhension du monde, ce dont l’immense majorité se fiche éperdument.  Pourquoi ? Oui, pourquoi ? Je pense que je dois aussi travailler à mon immortalité. Si ! Si ! Je vous assure ! Obscurément, je n’envisage rien moins que d’être jeté dans le même panier que Platon, Montaigne, Nietzsche et quelques autres joyeux drilles du même acabit. Alors, hein, le désintéressement, laissez moi rire ! Oui, en y repensant, je me vois bien statufié en orateur romain sur le parvis des collèges ou des maisons de la culture.

Il n’y a pas d’agissement sans cause ou sans but.

Les hommes, comme tous les animaux répondent à des stimuli. Ils ne daignent se fatiguer que pour obtenir un plaisir ou pour éviter un ennui (ce qui revient au même). Donc, pour suggérer à l’humain une activité quelconque, il faut lui faire entrevoir un plaisir ou le menacer d’un ennui. C’est, du reste, ce que le bon sens populaire exprime par l’image du bâton et de la carotte. C’est aussi un peu ce que Freud (Sigmund 1856 1939), dans un domaine légèrement différent mais, assez comparable, quand même, exprime en considérant que les hommes cherchent toujours une situation mentale propre à éviter, le plus possible, les ennuis. Il dit, en gros, que les hommes cherchent à économiser leur psyché en ne consentant, en toute circonstance, que le niveau minimal d’investissement psychique.

Oui, mais, et le domaine artistique et plus généralement toute forme de créativité ?

C’est la même chose. Inventer, imaginer, créer, c’est une invraisemblable débauche d’énergie et de pugnacité volontariste tant physique que mentale. D’ailleurs ne dit-on pas que la création c’est dix pour cent d’imagination et quatre vingt dix pour cent de transpiration. Certes. Mais, c’est aussi justifié par une immense fierté quand l’œuvre est réalisée. Hé ! Vous n’en connaissez pas, vous des gens qui ayant, bâti un poulailler au fond de leur jardin, y conduisent orgueilleusement leurs amis pour visiter le chef d’œuvre ? Alors, je ne vous dis pas, si c’est une symphonie !

Pour agir, il faut un stimulus, une motivation.

Vous vous demandez bien où je veux en venir, hein !

Et cette fameuse URSS dans tout ça, qu’est-ce qu’elle devient ?

Bah justement ! Revenons-y.

Nous avons dit que pour que l’humain agisse, il lui faut une motivation : Le bâton et la carotte. 

Quelle est la plus grande crainte de tout salarié ? C’est de perdre son emploi. Or, dans l’Union soviétique, il est entendu que par définition, tout le monde a un emploi. Le chômage est complètement éradiqué. En soi, c’est une bonne chose ! Oui, mais, donc, plus de bâton.

Alors, il reste la carotte ? Pas davantage. En effet, Travailler avec pugnacité et volontarisme, cela pourrait, effectivement conduire à une reconnaissance et un avancement hiérarchique. Mais, on sait que cette promotion conduira à des responsabilités où l’on risque, même si l’on est soi même performant, vues les conditions environnantes liées au principe de Peter, d’être  en situation d’échec. Dans ce cas, le minimum qui soit à craindre serait que, considéré comme social traître ou saboteur, on soit déporté vers un goulag de Sibérie. Vous m’accorderez que ce n’est pas très motivant, tout ça !

En conséquence, on doit venir travailler. Bah oui, on vient ! On vous dit de prendre le marteau et de taper sur le morceau de ferraille. Bah oui, on tape ! De là à attendre de nous un volontarisme et une intention de performance, il y a une marge. En fait, chacun ne consent que le minimum d’effort. Chacun ne réalise que le strict minimum pour ne pas avoir d’ennuis diplomatiques avec la hiérarchie. J’ai connu un cheval, comme ça. Comme il était très intelligent, il avait, depuis longtemps, compris que moins il travaillait et moins il se fatiguait. Ah, on pouvait obtenir de lui des choses remarquables, mais il fallait le lui demander avec une insistance certaine.

Tenez, cela me remémore une anecdote que je vais vous raconter. Cela ne se passe pas en URSS mais dans l’ex République Démocratique Allemande, ce qui revient à peu près au même, dans une petite ville de la Forêt de Thuringe qui s’appelle Suhl.

Un matin, j’étais allé dans un magasin d’état : le Zentrum. Cela ressemblait à nos grands magasins dans lesquels il y a une caissière à chaque rayon. Comme j’envisageais de me rapporter un souvenir de mon voyage, je traînais par-ci par là entre les présentoirs. A un moment, je tombe en arrêt devant un pull-over. Vous voyez, un pull-over, un vrai. Pas un pull de fantaisie avec de jolis petits dessins, non, un pull de travailleur, un pull pour rester dehors quand il fait froid, un pull solide et chaud adapté à l’hiver de Thüringer Wald. Je décroche le Pull et je me dirige à la caisse. La caissière le prend, le dépose devant elle et commence à taper sur sa machine enregistreuse. A ce moment là, une petite sonnerie retentit. Instantanément, la caissière arrête de taper et s’en va. J’attends. Oui, j’attends. Je ne suis pas spécialement pressé, alors, j’attends. J’attends un bon moment. Au bout d’environ un quart d’heure, la brave Dame revient et achève sa saisie comme si rien ne s’était passé et me donne mon pull. Je paie et je sors. Je n’avais tout de même pas compris. Plus tard, je me suis renseigné auprès de mon hébergeur. Il a rit et m’a expliqué que c’était l’heure de sa pose. 

Avez-vous besoin de commentaire ?

Dans ces conditions, on comprend aisément que dans l’URSS, on ne pouvait pas espérer de grandes performances ni qualitatives ni quantitatives sur la production quelle qu’elle soit.

Attention, je ne dis pas qu’il n’y avait pas des gens passionnés par leur travail, mais ils étaient une infime minorité et eux même paralysés par les infrastructures administratives dont ils dépendaient. On cite des chercheurs ou  des géologues qui dans le grand nord avaient perdu l’habitude de demander un soutien logistique à Moscou et se débrouillaient par eux même en vivant en quasi autarcie.

Pas très efficace, tout ça, quand même !

Nous avons donc vu deux causes de l’implosion finale de l’URSS, la décomposition interne du système hiérarchique et administratif et la démotivation des individus.

Reste l’analyse matérialiste et dialectique de la chose.

Bah oui, quand même ! Il me semble qu’une étude un peu sérieuse de la situation aurait pu se faire. Surtout que les signes avant coureurs se sont manifestés dès les années trente.

Alors, réfléchissons une minute. Réfléchissons en brillants marxistes que nous sommes. Vous encore bien plus que moi, bien sûr !

D’abord sur le plan dialectique. Il était de bon ton de clamer de toutes ses forces que les difficultés de l’URSS étaient dues au fait que toutes les nations capitalistes du monde se liguaient contre elle. On ajoutait à cela le poids de la seconde guerre mondiale et le niveau de marasme où l’URSS avait pris la Russie en 1917. Ce sont des choses vraies ! Mais ce n’est pas la cause réelle. Il est à noter que le Japon, par exemple, présentait les deux dernières situations et cela ne l’a pas empêché de voir son économie devenir florissante (avec toutes les réserves que l’on peut y adjoindre).

On sait, et c’est, justement, l’exemple toujours donné, que la pomme ne tombe pas parce qu’il y a du vent. Elle tombe parce que sa condition de pomme fait qu’elle doit tomber. La cause est interne à la pomme. Au même titre, l’URSS s’est effondrée parce que sa condition d’URSS était telle qu’elle devait s’effondrer. Les causes n’étaient pas externes mais internes. Si ses modes de fonctionnement avaient été satisfaisantes, et surtout, comme on le proclamait très satisfaisantes, elle n’en serait pas arrivée là. 

Les vraies causes étaient son incapacité à motiver ses ressortissants et le pourrissement de son système hiérarchique.

La deuxième erreur était d’un autre ordre. Nous savons que le marxisme se caractérise par une volonté de raisonnement matérialiste. Il se trouve que, précisément, le mode de raisonnement était strictement idéaliste. Il était entendu que dans un régime communiste, les gens allaient se mettre à travailler avec enthousiasme et volontarisme. C’est une ânerie ! Les individus humains ont continué d’agir en individus humains. Par manque de motivation, ils ont constaté qu’ils pouvaient vivre en travaillant à minima, ils ne s’en sont pas privés.

Il y avait en conséquence une erreur double. Dialectiquement, c’était l’incapacité de mettre au jour les contradictions internes et de les dépasser et matérialistement,  c’était une vision idéaliste de l’humanité qui, prenant comme postulat que les gens allaient changer, s’est cramponnée, contre tout bon sens, à cette absurdité.

On peut donc noter que l’ex URSS était tout ce qu’on veut sauf un état géré par la philosophie de matérialisme dialectique décrit par Marx. Ce n’était donc pas un état communiste.

Qu’aurait il fallu faire ?

Pourquoi cela n’a pas été envisagé ? 


C’est justement le sujet du prochain et dernier chapitre sur l’URSS.

 

 

  

 

L’URSS

 

(4 et fin)

 

  

Nous achevions le chapitre précédent sur la non viabilité de l’URSS en posant deux questions :

Qu’aurait-il fallu faire ?

Pourquoi cela n’a-t-il pas été envisagé ?

Nous allons y répondre.

Il va de soi que je ne vais pas, ici, vous refaire tout un projet rendant une hypothétique future URSS bis viable. Ce n’est pas le lieu. J’ai bien quelques idées là dessus, mais ce sera pour une époque ultérieure. Il y a d’autres sujets à traiter avant ça.

Cependant, ce qui me semble qui aurait été un minimum, cela aurait consisté à réaliser une analyse sérieuse de la situation. 

Au lieu de se voiler la face et de nier les difficultés, essayer de modifier la manière d’assumer la dictature du prolétariat, non pas contre les populations, mais pour elles et en fonctions de leurs aspirations et de leurs besoins réels. Au lieu de continuer d’avancer, avec des œillères, dans une direction catastrophique, peut-être eût-il été pertinent de se demander si le principe de l’étatisation totale était, dans le fond, si pertinent que ça, ou, tout au moins sous cette forme. Et bien sûr, il n’aurait pas été inutile de se souvenir des revendications de 1917 : la terre à ceux qui la travaillent, les usines aux ouvriers et tout le pouvoir aux soviets.

Alors, pourquoi cela n’a-t-il pas été imaginé ?

On sait que c’était devenu impossible. Toute forme de critique et même de suggestion étaient strictement interdites et férocement réprimées. La dictature du prolétariat était confondue avec la dictature du comité central du parti communiste de l’Union soviétique et le comité central était à la botte d’un seul homme, somme toute assez médiocre. 

Comme Lénine l’avait présupposé, Staline avait remplacé l’intelligence et la réflexion par la violence aveugle. Les soviets ne représentaient plus rien et n’étaient devenus que des instances où le parti imposait ses directives. Le parti lui même n’était plus un lieu de discussion et de créativité. Le congrès n’était plus jamais réuni et seule, l’instance dirigeante décidait de tout sans s’informer de ce qui se passait au dessous.

Le dogme édictait que la direction du parti ne peut pas se fourvoyer et que tout individu qui émet des opinions divergentes ne peut être qu’un social traître et un saboteur qu’il faut, soit éliminer physiquement, soit rééduquer dans un goulag de Sibérie.

 Au sommet de la pyramide, Staline était assis et, comme il l’avait, paraît-il, une fois déclaré à sa mère, régnait « comme un nouveau Tsar », autocratique et totalitaire. Outre le fait qu’une telle mission ne pouvait pas être réalisée par un homme seul et que seule une collégialité, étayée sur des bases populaires solides, aurait pu faire face, si on se réfère au principe de Peter, on peut constater qu’il était arrivé à son niveau d’incompétence. Comme tout incompétent, il n’avait plus la capacité d’avoir du recul devant son action. Constater une erreur de sa part aurait été avouer son incompétence. En conséquence, si cela ne fonctionnait pas, ce ne pouvait être que de la faute de ses subalternes qui le trahissaient.

Cependant, si Staline était la seule cause de tous maux, on peut se poser la question de savoir pourquoi cela n’a pas changé après sa mort. En effet, Staline mourant en 1953, l’URSS a duré plus longtemps après sa disparition qu’avant.

Oui… Mais non.

D’abord, l’Union soviétique a continué plusieurs années sur sa lancée avant que ne soit entreprise ce qu’elle a appelé elle même la « déstalinisation ». Ensuite, les réformes ont été trop tardives et trop frileuses. De plus, les soviets avaient été stérilisés depuis longtemps. Ceux qui auraient pu dénoncer les anomalies du système étaient les mêmes qui en profitaient et ceux qui avaient eu l’intention de le faire étaient déportés ou morts. 

Peu à peu, une économie parallèle et interdite s’est mise en place et à la fin du régime, les instances officielles fermaient plus ou moins les yeux parce que c’était elle qui faisaient tourner la machine.

L’Union soviétique s’est écroulée dans un fiasco retentissant.

Pour beaucoup, elle avait été un rêve lumineux et une espérance dans des « lendemains qui chantent ».

Est-ce à dire qu’il faudrait ressusciter  une URSS ?

Surtout pas !

Est-ce à dire que les théories philosophiques de Marx sont absurdes ?

Non, bien sûr puisque précisément, l’URSS a échoué faute de les avoir utilisées.

Le communisme n’a jamais été appliqué par aucun état.

Le communisme n’a pas existé.

En revanche, il serait judicieux d’en tirer les conclusions qui s’imposent et ne pas ressasser les même hérésies ni continuer de proclamer des slogans qui déjà en 1935 étaient obsolètes.

 

Il y aurait bien sûr bien des choses à ajouter sur ce que fut l’URSS mais, il y a des ouvrages fort bien faits pour cela. Ne perdons pas de vue que j’ai fait cette digression sur l’Union soviétique afin de faire mieux comprendre ce qu’est aujourd’hui le Parti communiste français.

Donc, dans le prochain chapitre, nous réintégrons l’hexagone.

 



Le parti communiste

 

 

Nous sommes en 1920. L’aile minoritaire la plus conservatrice de la SFIO, La plus éloignée de l’esprit révolutionnaire (attention, je n’ai pas écrit la plus insurrectionnelle ni la plus émeutière) refuse de se plier à la majorité et opère une scission. C’est amusant, ça, je ne sais pas pourquoi, mais au moment où j’écris cela, il me semble que ça me rappelle quelque chose de récent. Je ne vois pas quoi, mais bon, passons. 

Il y a une chose remarquable avant d’aller plus loin, une chose qui va pourrir en permanence toute la vie du parti communiste de France. Ce dilemme existe, en germe, dès le congrès de Tours en décembre 1920. En fait, il ne s’agissait pas de créer un nouveau parti, mais de décider que les divers partis se réclamant du socialisme, déjà adhérents à l’internationale socialiste (d’où, je le rappelle le sigle SFIO section française de l’internationale ouvrière) adhère à une troisième internationale dite communiste. 

Cette nouvelle internationale avait été crée par Lénine l’année précédente. Les Russes ayant un goût particulier et un talent remarquable pour les abréviations sauvages appelaient cette internationale communiste le Komintern. La SFIO devait seulement changer de nom et s’appeler désormais SFIC (section française de l’internationale communiste). Une large majorité, redisons-le y était disposée.

On comprend, bien sûr que les plus réformistes de la SFIO s’y opposaient. Mais en même temps, les plus libertaires avaient aussi des doutes et des réticences. 

En effet, Pour eux, cela voulait dire s’inféoder à une instance supra nationale qui risquait de minimiser les capacités décisionnelles des socialistes français. Il va de soi que quand on appartient volontairement à une organisation, on s’oblige à en suivre les directives. Le siège de cette troisième internationale était installé à Moscou. Cela n’a rien de surprenant ! Les bolcheviks ayant pris le pouvoir, il leur était aisé d’héberger chez eux cette instance mondiale qui ainsi était à l’abri des provocations et des agressions diverses possibles dans tout autre état. 

Tout cela a quand même fait grincer quelques dents, certes, mais bon, ça s’est fait.

Pendant quelques années, en France, il y a un parti qui s’appelle SFIC par opposition à ceux qui, minoritaires n’ont pas voulu y participer et qui continuent de s’appeler SFIO. Il se fixait comme objectif l’émancipation de tous, la maîtrise sociale, la mise en commun et le partage des connaissances, des pouvoirs et des richesses.

Cette internationale, le Komintern, est dominée par le parti communiste de l’Union Soviétique. Là aussi, il n’y a rien de scandaleux au départ. En effet, cette jeune Union Soviétique est vaste, très peuplée et, de plus, elle a réussi ce à quoi les autres aspirent. Il est donc logique que les autres communistes du monde la prennent en exemple. D’autre part, l’URSS va, très vite, « aider » financièrement et matériellement les autres partis adhérents de la troisième internationale. Une relation de petit frère à grand frère va donc s’établir de façon plus ou moins forte entre les partis des pays capitalistes et le PCUS. Il se trouve que la SFIC entrera totalement dans cette relation réciproque.

Lénine avait une admiration particulière pour les révolutionnaires français et particulièrement estimait que les évènements de la « Commune de Paris » en 1871 avaient été une première tentative d’état prolétarien. On dit même que, craignant que la révolution d’Octobre fût un échec, Il surveillait le calendrier. La commune de Paris a duré soixante et onze jours. Le soixante douzième, Lénine dansait comme un petit fou chez lui en chantant : on a fait mieux que la Commune de Paris. Vous voyez que les liens entre les communistes russes et français n’étaient pas anodins. Je le redis, au départ, il n’y a là rien de révoltant.

Où le bat commence à blesser, c’est quand, L’Union Soviétique bascule, comme nous l’avons vu dans un régime totalitaire complètement opposé à ses objectifs de base.

Staline, au même titre qu’il confond les soviets et le parti, le parti et l’état et l’état et sa personne, confond les communistes du monde (le Komintern) et sa personne.

Logiquement, les communistes français auraient du réagir. Cela aurait pu, avec l’appui des autres communistes du monde, en passant par le  Komintern éviter à l’URSS de sombrer dans ce qu’elle allait devenir. 

Ils ne l’ont pas fait.

Pourquoi ? Je vois deux raisons antinomiques mais aussi inquiétantes.

Ils ont fait exprès ou ils n’ont pas fait exprès.

S’ils ont fait exprès, cela veut dire que, suivant Staline, ils on trahi les espérances du peuple de France

S’ils n’ont pas fait exprès, cela veut dire qu’ils ont été incapables d’analyser la situation sainement et à mon avis, c’est encore pire.

Le parti communiste français a traîné avec lui cette tare pendant environ soixante dix ans. Il était de bon ton d’auréoler les résultats et le bonheur de vivre en union soviétique et quiconque émettait des doutes était traité d’anticommuniste viscéral.

Hélas, comme disait Lénine, « Les faits sont têtus ».

Le parti communiste a eu ses heures de gloire. Il ne faut pas le nier. Il a œuvré largement dans le front populaire en 1936. Sa participation à la résistance contre les Nazi a été importante et il en a payé le prix fort. Il a toujours proclamé ses finalité, je les redis : l’émancipation de tous, la maîtrise sociale, la mise en commun et le partage des connaissances, des pouvoirs et des richesses.

Mais allez savoir pourquoi, il a agit avec une régularité touchante comme s’il voulait le contraire.

En fait, le principe de Peter qui avait gangrené l’URSS agissait de même sur le PCF.

Comment cela se passe-t-il ?

Le parti communiste étant très structuré doit former et promouvoir ses responsables. Qui va-ton promouvoir ? Le bon militant. Qu’est-ce que c’est qu’un bon militant ? C’est quelqu’un qui ose aller vendre des journaux à la criée dans la rue. C’est quelqu’un qui ose aller sonner au porte à porte pour vendre et diffuser la presse du parti. Cela peut, bien sûr être un militant convaincu et décidé, mais ce peut, aussi être, simplement, une « grande gueule ».

Pendant longtemps, le parti communiste s’est enorgueilli de compter dans ses rangs ou parmi ses sympathisants de brillants intellectuels (scientifiques, artistes, techniciens, etc.). Mais, cela se passait dans des temps très anciens. Les choses ont bien changées.

Nous trouverons à cela plusieurs raisons.

D’abord, jusqu’en 1882 (année de la décision de l’obligation scolaire) un ouvrier qualifié c’est quelqu’un d’instruit. C’est quelqu’un qui est nettement au dessus de la moyenne. En revanche, il peut y avoir des individus remarquablement intelligents qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, et qui ne savent pas lire. Il est donc normal qu’à cette époque, les ouvriers qualifiés se présentent comme une figure de proue intellectuelle de la classe ouvrière et plus généralement du prolétariat. Il ne faut pas oublier, du reste, que l’école de Jules Ferry se donnait pour mission, entre autre, suite aux besoins nouveaux créés par la révolution industrielle, de former, nombreux, ces ouvriers qualifiés. En 1920, date de la création de la SFIC, tous ceux qui ont moins de quarante quatre ans ont eu la possibilité de bénéficier d’un enseignement élémentaire. Il s’en suit que le nombre d’individus ayant accès au livre et à la culture s’est extraordinairement accru. 

Tout le monde a entendu parler de ces Grand-Mères et de ces Grand-Pères qui, n’ayant que le certificat d’étude avaient lu une somme considérable d’œuvre littéraires ou philosophiques.

Cependant, leurs humanités officielles étaient, le plus souvent limitées à l’obtention du certificat d’études primaire (le certif) puis d’un certificat d’aptitude professionnel (CAP). Rares étaient ceux qui détenaient un Brevet Elémentaire lequel était plutôt visé par la petite bourgeoisie. Il est à noter que pendant cette époque, pour des raisons variées (socio-familiales, intellectuelles ou autres) et ceci jusqu’à la seconde guerre mondiale, tout le monde n’obtient pas ce « certif » et encore moins le CAP. Il s’en suit donc que les détenteurs de ces diplômes restent une élite dans la nation. On a connu, dans le bâtiment et dans la métallurgie des dynasties familiales ouvrières solides. Comme ces gens sont les plus concernés et les plus conscients de la situation d’injustice de classe qu’ils vivent, il reste logique que ce soit chez eux que se recrutent les éléments les plus pugnaces et les plus cohérents dans les revendications prolétariennes. Vue l’aura de qualité qui les entoure, on comprend qu’ils entraînent derrière eux ceux qui, non qualifiés, sont appelés à l’époque les manœuvres. 

Après la seconde guerre mondiale, les choses changent.

Bien sûr, il existait déjà, depuis le dix neuvième siècle, les écoles primaires supérieures et les cours complémentaires. Les écoles primaires supérieures ont été supprimées en 1941 par le régime de Vichy. Seuls les cours complémentaires, visant moins haut et considérés comme peu efficaces ont été maintenus jusqu’en 1959 pour se transformer (en plusieurs étapes) en ce que sont aujourd’hui nos collèges. Ces deux dispositifs étaient cependant, dans l’éducation nationale, le seul moyen de dépasser le niveau de l’enseignement obligatoire. Toutefois, leur nombre était restreint et leur places chèrement acquises. Vers 1900, ces établissements reçoivent en France environ 40 000 garçons et 20 000 filles. 

Cela fait (sans parler de la discrimination) environ 60 000 mille élèves pour la France ce qui en moyenne donne un collège de six cents élèves par département. L’entrée en sixième se faisait sur concours en fonction du nombre de places disponibles. Moi qui suis très âgé, j’ai eu l’honneur de franchir cette barrière. Je sais bien qu’on ne peut pas faire de statistique sur un seul cas, mais comme je pense que ma situation était assez représentative, voici comment cela s’est passé pour moi. Dans ma classe de CM2, nous étions quarante deux. Une dizaine d’élèves a présenté le concours. J’insiste : une dizaine soit un quart seulement de la classe. Nous avons été quatre reçus soit un dixième de la population. Du coup, il restait à l’école primaire des élèves de qualité qui n’avaient pas été pris soit par manque de place soit, tout simplement, parce que leurs parents n’avaient pas jugé utile de les présenter. En effet, dans de nombreuses familles, surtout si l’élève était plutôt brillant, on ne voyait pas l’intérêt de diverger vers un enseignement secondaire et l’image de l’ouvrier qualifié restait mythique. 

Après la seconde guerre mondiale, les choses changent. On construit des cours complémentaires. Il y a donc plus de places et en 1955, le concours est supprimé et remplacé par une admission sur dossiers. Le nombre d’admis est multiplié par plus de trois.

En 1959, la loi Berthoin refonde le cours complémentaire qui devient collège d’enseignement général et porte la scolarité obligatoire à seize ans. Le nombre de collégiens s’accroît encore. Cependant, il reste un nombre considérables d’élèves qui, pour des raisons diverses (le plus souvent par trop petites capacités scolaires) ne vont pas au collège. 

En 1967, tout le monde va au collège. Il est amusant de signaler que la décision s’est prise très vite et l’information devait se faire à la hâte. Il était entendu que les dossiers d’inscriptions, signés des parents devaient être rendu pour une date impérative dans les quinze jours. Et, oh ! Chose curieuse, la date butoir tombait juste le samedi avant une élection à portée nationale. Bah oui ! Quand on peut faire un peu de démagogie au passage, pourquoi s’en priver ? N’importe comment, cela devait se faire. N’en portons pas ombrage au Général de Gaulle qui à utilisé ce subterfuge. Il n’a devancé le résultat que de quelques mois, une ou deux années au plus.

Maintenant, tout le monde va au collège. Au collège, le but n’est plus de devenir ouvrier qualifié. Il est de recevoir un enseignement secondaire. En revanche, après une période d’observation on orientera les élèves en difficultés scolaire vers des formations courtes et des activités professionnelles manuelles.

Et voilà. E finita la comedia.

Ceux qui étaient ouvriers qualifiés sont maintenant techniciens et ceux qui n’en sont pas capables les ont remplacés. La société a besoin, suite à la généralisation de l’automatisation, de beaucoup moins d’ouvriers qualifiés et de beaucoup plus de techniciens.

Entendons nous bien, je ne rêve pas d’un retour à l’école de la troisième République. Alors, me direz-vous, Qu’est-ce que ça change ? Bah, justement, ça change tout.

Mais ça, je vous l’expliquerai la prochaine fois.

 

  

 

 

Le parti communiste

 

En terminant le chapitre précédent, Je faisais cette constatation forte  du fait que, suite à la démocratisation de l’éducation nationale, cela changeait tout pour l’image du Parti Communiste français.

Bien sûr, vous n’étiez que très modérément convaincus. Je vais donc vous expliquer pourquoi.

Nous nous trouvons avec deux situations qui ne peuvent pas cohabiter.

D’une part, souvenons-nous de l’image chère aux communistes. Le prolétaire, le travailleur en bleu de travail, celui qui met les mains dans le cambouis ou dans le mortier, celui qui gagne son pain à la sueur de son front est le seul porteur de la révolution. « Travailleurs, libérons-nous nous même ! ». Effectivement, l’école obligatoire n’existant pas et l’enseignement secondaire réservé exclusivement à des nantis, des individus très brillants étaient confinés dans des travaux d’exécution. 

Cela ne les empêchait pas d’acquérir, par ailleurs une culture politique. Se retrouvant alors l’élite intellectuelle de la classe laborieuse et du prolétariat, ils avaient la capacité de servir de phares et de modèles à leur frères de misère et de lutte.

D’autre part, l’enseignement, en un peu plus d’un demi-siècle s’ouvre à tous. 

Il s’en suit que les élèves les plus capables ne vont plus se cantonner au certificat d’étude et aux professions manuelles. Cela sera considéré comme une extraordinaire promotion sociale. On pourra enfin échapper à la condition ouvrière. Les familles en seront même très fières. On pourra devenir postier ou chef de gare. Finis les bleus sales, vivent les blouses blanches !

L’admiration gagnera l’entourage. On dira : « Vous vous rendez compte ? Son père était charpentier couvreur et lui, il est instituteur ! »

Les classes laborieuses se trouvent, du coup, écrêtées de tous leurs éléments les plus brillants.

En même temps, ceux qui ont pu échapper à la condition ouvrière peuvent avoir l’impression de ne plus faire partie des exploités. Ce n’est pas toujours le cas. Certains gardent en souvenir les conditions de vie de leurs parents mais là, le parti communiste se trompe. 

Il les considère comme des nantis, des bourgeois et des traîtres. Bien que dans le discours il ait continué pendant un temps relativement long d’évoquer « l’alliance objective des couches moyennes et de la classe ouvrière », dans les faits, il tient à garder l’image de l’ouvrier du dix neuvième siècle, moteur et esprit de la révolution. Plus l’école se démocratise et plus la situation se confirme.

Le parti communiste aurait du se réjouir de l’accession des masses laborieuses à la culture et au savoir. D’ailleurs, n’était-ce pas son credo que je vous remémore ? « L’émancipation de tous, la maîtrise sociale, la mise en commun et le partage des connaissances, des pouvoirs et des richesses ». 

Mais non. Il faut absolument promouvoir des cadres ouvriers et l’ouvriérisme véhément conduit à l’autodestruction.

Si nous refaisons un dernier petit détour par le principe de Peter, nous savons que le responsable incompétent n’a pas intérêt à promouvoir des subalternes compétents puisque ceux-ci seront en position de faire constater l’incapacité de leurs chefs. D’autre part, l’incompétent suit rigoureusement le règlement et fuit, comme la peste, toute idée de modification et de novation qu’il serait parfaitement incapable d’assumer. Or, par essence, un marxiste est un individu qui pense que les choses qui l’entourent sont dialectiquement le résultat de contradictions internes qui évoluent en permanence et dont on doit, non moins en permanence, tenir compte. On se méfie des intellectuels ; on en a peur ; on évite de les promouvoir. 

Avant de désigner un nouveau responsable, on se glisse à l’oreille « Oui, mais lui, il faut faire attention, c’est un intello » et, on en arrive à cet adage puissant qui dit que : « Les intello, ils nous emmerdent ! » On en revient donc à ce résultat que si Marx avait vécu vers 1980 et membre du parti communiste français, étant un intellectuel et pas un ouvrier d’usine, il en aurait été évincé.

Le parti communiste a confondu prolétaire et prolo.

Aujourd’hui, le parti communiste agonise dans une médiocrité sans nom. Il glisse dans le sillage de la sociale démocratie satellite du Parti socialiste. Il est parcouru par des zizanies de personnes formant des petits groupes antagonistes dont les meilleurs réclament le retour à ce qu’ils appellent à une vraie position révolutionnaire mais qui n’est en fait qu’un souvenir des positions des années soixante dix. Quant aux autres, ils se contentent de se laisser glisser vers une position même plus réformiste.

Le parti communiste a abandonné la notion de lutte de classe. Ah bon ? Les injustices sociales seraient-elles résolues ? Il a abandonné aussi la notion de dictature du prolétariat. Ah bon ? Serait-il devenu adepte de la dictature de la bourgeoisie ?

En fait, héritier du stalinisme et d’un post stalinisme mal digéré, plutôt que de constater les hérésies du passé et d’y remédier, incapable de gérer ce qu’il y avait dans les cartons, il a préféré supprimer les étiquettes.

L’actuel parti communiste français, oui, bof… La dialectique matérialiste, je ne pense pas qu’elle conduise à ça.

L’analyse matérialiste et dialectique du monde qui nous entoure a toujours et plus que jamais sa raison d’être mais le parti communiste français meurt doucereusement de son incompétence et ne promet plus depuis longtemps un avenir radieux et des lendemains qui chantent.

  

 

LUTTE OUVRIERE

 

 

 

 

Lutte Ouvrière est un parti d’extrême gauche, petit par le nombre de ses adhérents et par ses résultats électoraux mais il n’en a pas moins une importance réelle dans la vie politique de la France. C’est un parti paradoxal à bien des points de vue.

Mais, voyons rapidement son historique.

La première ambiguïté est le nom du parti. En effet, « Lutte Ouvrière », à l’origine est le nom d’un journal. Par confusion, on appellera le parti comme le journal qu’il diffuse.

Lutte ouvrière apparaît vers 1936. Pendant plusieurs décennies, il ne comptera que quelques dizaines de militants. 

C’étaient, au départ des trotskistes exclus de la SFIO. Ils se réclamaient, étant trotskiste du marxisme. Pendant la seconde guerre mondiale, leur activité pour aider l’union soviétique est patente. En 1947, une grève dans les entreprises Renault leur permet d’apparaître en plein jour. Mais, seconde ambiguïté, ces militants révolutionnaires manifestent l’incapacité chronique de s’entendre. On ne compte plus le nombre de scissions dont Lutte Ouvrière à été le théâtre et, chose dont nous reparlerons pour le nouveau parti (NPA) ex LCR, Lutte Ouvrière ne s’est jamais regroupée avec celui-ci qui, curieusement, se revendique également trotskiste. 

En 1956, est créé le journal (une feuille double) « La Voix Ouvrière ». Ce journal, essentiellement bulletin interne aux usines Renault est interdit en 1968 et immédiatement recréé sons l’appellation définitive de « Lutte Ouvrière ». A partir de là, d’autres bulletins d’entreprises fleuriront sous la même appellation. 

En 1968, lors des journées de Mai et Juin, Lutte Ouvrière sera en première ligne des événements et on voit sortir du lot une femme qui dès lors sera le porte étendard du parti : Madame Arlette Laguiller. Il faut bien reconnaître que dans ce parti, à part elle, on ne connaît pas grand monde. Elle sera même la première femme candidate à la présidence de la république en 1974. Elle sera six fois candidate de son parti et dépassera à deux reprises la barre des cinq pour cent. 

De cet historique, rapide et elliptique, découle une autre ambiguïté de Lutte ouvrière.

Ce parti se veut marxiste et successeur de Trotski mais, dans la pratique, découlant de mouvements syndicaux, il est plus caractérisé par une forme anarcho-syndicaliste.

Il faut donc que je vous donne quelques explications sur ce qui se cache sous le terme « anarchiste ». 

Nous en avons déjà vaguement parlé à propos des socialismes en évoquant Proudhon (Pierre-Joseph, 1809 1865), Bakounine (Mikhaïl Aleksandrovitch, 1814 1876) et Michel (Louise, 1830 1905). 

Les anarchistes considèrent que la lutte politique est une hérésie et que seule la lutte syndicale a un sens. Les anarchistes envisagent purement et simplement la disparition voire la suppression des appareils d’état.

L'anarchisme est un courant de philosophie politique développé depuis le XIXe siècle sur un ensemble de théories et pratiques anti-autoritaires. Fondé sur la négation du principe d'autorité dans l'organisation sociale et le refus de toutes contraintes découlant des institutions basées sur ce principe, l'anarchisme a pour but de développer une société sans domination, où les individus coopèrent librement dans une dynamique d'autogestion.

Le terme anarchie est un dérivé du grec « ναρχία » (« anarkhia  »). Composé du préfixe a- privatif an- (en grec αν, « sans », « privé de ») et du mot arkhê, (en grec αρχn, « origine », « principe », « pouvoir » ou « commandement »).

 

L'étymologie du terme désigne donc, d'une manière générale, ce qui est dénué de principe directeur et d'origine. Cela se traduit par « absence de principe », « absence de règle », « absence de chef », «absence d'autorité » ou « absence de gouvernement ».

Dans un sens négatif, l'anarchie évoque le chaos et le désordre, l'anomie. Et dans un sens positif, un système où les individus sont dégagés de toute autorité. Ce dernier sens apparaît donc en 1840 sous la plume  Proudhon. Dans « Qu'est-ce que la propriété ? », l'auteur se déclare anarchiste et précise ce qu'il entend par anarchie : « une forme de gouvernement sans maître ni souverain ». À la source de toute philosophie anarchiste, on retrouve une volonté d'émancipation individuelle et collective. 

L'amour de la liberté, profondément ancré chez les anarchistes, les conduit à lutter pour l'avènement d'une société plus juste, dans laquelle les libertés individuelles pourraient se développer harmonieusement et formeraient la base de l'organisation sociale et des relations économiques et politiques.

          L'anarchisme est opposé à l'idée que le pouvoir coercitif et la domination soient nécessaires à la société et se bat pour une forme d'organisation sociale et économique libertaire, c'est-à-dire fondée sur la collaboration ou la coopération plutôt que la coercition.

L'ennemi commun de tous les anarchistes est l'autorité sous quelque forme qu'elle soit. L'État est le principal ennemi des anarchistes : l'institution qui s'attribue le monopole de la violence légale (guerres, violences policières), le droit de voler (impôt) et de s'approprier l'individu (conscription, service militaire). Les visions qu'ont les différentes tendances anarchistes de ce que serait ou devrait être une société sans État sont en revanche d'une grande diversité. Opposé à tout credo, l'anarchiste prône l'autonomie de la conscience morale par-delà le bien et le mal défini par une orthodoxie majoritaire, un pouvoir à la pensée dominante. L'anarchiste se veut libre de penser par lui-même et d'exprimer librement sa pensée.

Certains Anarchistes pensent qu'une fois la société libérée des entraves artificielles que lui imposait l'État, l'ordre naturel précédemment contrarié se rétablirait spontanément ; (« L'anarchie, c'est l'ordre sans le pouvoir », Proudhon). Ceux-là se situent, conformément à l'héritage de Proudhon, dans une éthique du droit naturel (elle-même héritée de Rousseau). D'autres pensent que le concept d'ordre n'est pas moins « artificiel » que celui d'État. Ces derniers pensent que la seule manière de se passer des pouvoirs hiérarchiques est de ne pas laisser d'ordre coercitif s'installer. À ces fins, ils préconisent l'auto-organisation des individus par fédéralisme comme moyen permettant la remise en cause permanente des fonctionnements sociaux autoritaires et de leurs justifications médiatiques.

En outre, ces derniers ne reconnaissent que les mandats impératifs (votés en assemblée générale), révocables (donc contrôlés) et limités à un mandat précis et circonscrit dans le temps. Enfin, ils pensent que le mandatement ne doit intervenir qu'en cas d'absolue nécessité. De la dérive la fameuse expression : « élection : piège à cons ».

Le rejet du centralisme, pour le fédéralisme, aboutit donc à un projet d'organisation sociale fondée sur la gestion directe de sa propre vie et la décentralisation, où chacun est en mesure de participer à la vie commune, tout en conservant son autonomie individuelle.


Toutefois, et selon les courants de pensée, les anarchistes sont capables d’avoir, sur ces questions des avis diagonalement opposés. Et il va de soi qu’au nom de cette liberté individuelle totale, chère aux anarchistes, on ne peut pas imaginer de tendre vers une position commune.

On entend parfois prononcer l’expression « Anarchiste de droite ». 

A priori, cela peut sembler paradoxal. Il n’en est rien ! L’anarchisme se réclamant d’une liberté de penser totale, pourquoi voudriez vous que certains, au nom de cette indépendance d’esprit ne se réclament pas de valeurs conservatrices (honneur, famille, patrie, etc.). Il est à noter, du reste, que les individus en question (généralement faisant parti du monde artistique) ne se qualifient pas eux même ainsi.  C’est le plus souvent une description donnée par d’autres qui leurs sont extérieurs.

Cependant, cette particularité que personnellement j’aurais plutôt tendance à considérer comme un aspect négativiste, nihiliste et asocial, détermine précisément une limite de l’anarchisme. En effet, la sauvegarde de notions conservatrices (famille, patrie) n’est-elle pas, en germe, une réintroduction d’une hiérarchie coercitive ?

Disparition de l’appareil d’état. Quel rêve merveilleux ! Mais justement, pour ma part, j’ai du mal à y adhérer. Pour moi, cela tient effectivement du merveilleux et du rêve. J’ai du mal à imaginer que dans une société totalement libertaire où tous les organes de protections on été effacés, des individus ne profitent pas de la situation pour reconstituer leur domination par la force. 

Il est curieux de constater que Marx en arrive aussi à cette conclusion que dans une société ou l’exploitation de l’homme par l’homme a disparu, où le prolétariat a imposé sa suprématie l’état n’ayant plus de raison d’être doit progressivement perdre sa nécessité et du coup, progressivement disparaître. Je veux bien, mais je ne suis pas convaincu. J’ai du mal à admettre que traversant un ravin sur un pont de lianes, c’est mieux quand il n’y a pas de garde-fous sur les côtés. Je dois être un sale réactionnaire.

Et notre parti de « Lutte ouvrière », dans tout ça, qu’est-ce qu’il devient ? 

On constate après ce rappel de ce que sont les anarchistes que Lutte ouvrière est, bien que se proclamant marxiste, largement influencé par les positions anarchistes. Lutte ouvrière, dans ses campagnes, présente bien plus un cahier revendicatif (fort pertinent) pour les salariés que la description d’une société nouvelle. S’il ne fallait qu’un exemple pour corroborer mes dires, on se souviendra de l’apostrophe systématique de Madame Laguiller. Le Général de Gaulle commençait toujours ses discours par « Françaises, Français ». Pour répondre à cela, Madame Laguiller aurait pu dire : Citoyennes Citoyens, ou bien encore plus génériquement Femmes, Hommes, Non ! Elle disait Travailleuses, Travailleurs. 

, vous voyez, quand je vous assure que Lutte Ouvrière à gardé son côté syndicaliste de l’époque de chez Renault.

Madame Laguiller a décidé depuis peu de se mettre légèrement en retrait de la vie politique. On peut, bien sûr, pensant à elle, avoir un sourire amusé. Toutefois, il faut garder à l’esprit que pour elle, la vie politique n’a jamais été un moyen de promotion sociale. Sa vie de lutte n’avait pas pour but de l’enrichir.

 

Elle a agit uniquement de façon passionnelle. On peut remettre en cause de nombreuses choses dans son engagement, mais pas sa sincérité ni son espérance dans une société meilleure. Je me suis souvent demandé si elle aurait été capable, accédant au pouvoir, de mettre en place ses projets, si elle aurait su faire face à la situation, si elle aurait été capable, philosophiquement de générer de véritables changements et je n’en suis pas très sûr.

 

Pour en finir avec Lutte Ouvrière, il est à craindre que Madame Arlette Laguiller a été un tel chantre de son parti qu’on peu se demander s’il survivra à son effacement.




 

 

Le nouveau parti anticapitaliste

C’est un parti d’extrême gauche qui hérite de l’ex LCR (ligue communiste révolutionnaire). Il est même tellement nouveau qu’il n’a pas encore de véritable nom.

Il a longtemps été taxé de nébuleuse de groupuscules gauchistes. Il est vrai que pour lui non plus, les dissensions, les scissions et les regroupements ne se comptent plus.

Le nouveau parti anticapitaliste se réclame du marxisme.

Ah bon ? Lui aussi ?

Alors, nous avons trois partis marxistes qui au nom de l’internationalisme  et de l’union des prolétaires son incapables de s’unir ?

Pas bien, ça !

Il faut reconnaître que ce parti a eu, de temps à autre, des ententes avec lutte ouvrière lequel, tout en se réclamant du marxisme est plus proche, comme nous l’avons, vu de l’anarchisme.

Alors, pourquoi cette opposition farouche avec le parti communiste ?

La chose est un peu paradoxale et a évolué au cours des décennies. 

Tout vient de ce qui a causé la naissance de ce parti aux environs de l’année 1930.

Le nouveau parti anticapitalisme (NPA) se revendique du Trotskisme. A cette époque, le parti communiste est Stalinien. Bon ! On comprend l’antinomie.

Oui ! Bah non, ce serait trop simple.

La question est de se demander qui, à l’origine compose le parti trotskiste (la LCR). Il va de soi que dès le début, il y a des gens qui se sentent proches des écrits de Trotski. Dès que celui-ci s’oppose à Staline, le divorce est consommé. 

Du coup, entre les deux factions, chacun se supposant plus révolutionnaire que l’autre et seul vrai porteur des lendemains qui chantent, les anathèmes réciproques fusent. Pour les communistes, les Trotskistes sont des réactionnaires petits bourgeois traîtres de la classe ouvrière et nul ne peut être plus révolutionnaire que le PCF puisqu’il est le seul marxiste officiel adhérent du Komintern. Le reste ne peut être que révisionnisme. Réciproquement, pour la LCR, les communistes étant des staliniens, il va de soi qu’ils ne sont que des renégats de la révolution zélateurs d’un dictateur sanguinaire.

Le plus drôle, c’est que les deux ont à la fois raison et tort. Par un système d’opposition de clans, chacun des deux partis refuse de voire que l’autre, foncièrement est aussi révolutionnaire que lui.

Nous disions donc qu’à l’origine, la LCR est composée essentiellement de trotskistes qui s’opposent aux communistes qui sont staliniens. Mais, ce n’est pas tout.

On se souvient de l’image que se faisaient les communistes du mythique ouvrier d’usine naturellement révolutionnaire et de sa méfiance vis à vis des couches moyennes, des employés de bureau, des cadres, des fonctionnaires et autres travailleurs indépendants. Parmi cette population, il y a aussi, nécessairement des révolutionnaires. Ceux-ci se sentant mal acceptés par les communistes vont naturellement se tourner vers la LCR. On peut dire que par son sectarisme, la parti communiste a jeté ces couches de la population dans les bras de la LCR en les accusant, secondairement, de trahison. Il en résulte deux choses. Premièrement, comme nous l’avons déjà dit, les communistes vont y perdre la frange la plus instruite du prolétariat et, deuxièmement, la LCR récupérant ces personnes se verra coupée de la base ouvrière. 

Il y a ensuite une troisième catégorie d’adhérents ou sympathisants de la LCR. Ce sont ceux qui, nostalgiques de l’acte individuel romantique du dix neuvième siècle refusent toute organisation sans pour autant avoir une véritable réflexion anarchiste. Ces derniers, ne sont pas trotskistes parce que antistaliniens donc anticommunistes. Ils sont trotskistes parce que anticommunistes et donc accessoirement antistaliniens. Les communistes ne s’y tromperont du reste pas en parlant d’anticommunisme viscéral. La seule erreur, c’est de confondre ces derniers avec les précédents.

Nous avons donc trois origines : Les trotskistes, les antistaliniens et les anticommunistes.

Aujourd’hui, tout cela s’est bien effacé et s’est fondu dans un ensemble presque homogène.

Il n’en reste pas moins que la LCR présente toujours un manque chronique de base ouvrière.

En 1968, la LCR recrutait surtout dans les universités.

Depuis, le parti communiste sombrant de plus en plus dans ses contradictions, la LCR s’est vue gagner une importance nouvelle.

Ceci est d’autant plus vrai que depuis déjà quelques années, elle s’est trouvé un représentant d’un remarquable charisme. Il s’agit de Monsieur Olivier Besancenot. Celui-ci, dans son discours, non seulement sait trouver des exemples dans le monde du travail et de la réalité quotidienne, mais, en permanence, sait faire référence à la méthode de réflexion marxiste sans en abandonner les principes de base. 

Il est toutefois à craindre que ce soit plus son image personnelle et son aura propre que les positions de son parti qui lui apporte des suffrages dans les consultations de valeur nationale. A craindre, oui, bien sûr parce que sans mettre en doute la valeur de Monsieur Besancenot, il faut se souvenir de la chanson qui dit « Il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, Ni Tribun ».

Et nous en arrivons naturellement à ce fameux NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste).

Nous avons évoqué, depuis quelques mois, cette incapacité de la gauche française à proposer une solution de rechange. Les uns parce qu’ils ne le veulent pas, les autres parce qu’ils n’en ont pas la capacité intellectuelle et les derniers parce qu’ils n’en ont ni l’appui de la masse populaire, ni la capacité pratique ou organisationnelle.

Lors du referendum sur la ratification d’une « constitution » européenne, le « Non », qui, je le rappelle, l’a emporté, a traversé les partis de gauche, parfois en les déchirant. Sans négliger l’importance des « Non » de droite nationaliste, on peut en conclure qu’une section importante de la nation s’est reconnue dans une position antilibérale (sur le plan économique). 

L’idée de regrouper ces citoyens dans un grand parti d’opposition était donc pertinente.

Cela n’a pas pu se faire.

Pour une seule raison.

Les socialistes ne voulaient s’allier avec l’extrême gauche, de peur d’en être contaminés, qu’à condition d’assurer la direction du nouveau parti. Les communistes, qui n’ont toujours pas compris qu’ils sont désormais moins de deux pour cent de la population, se croient toujours le  moteur de la gauche révolutionnaire. Ils veulent bien un nouveau parti regroupant toute la gauche anticapitaliste à condition que les autres s’alignent sur eux. Qu’ils soient les chefs, quoi ! Une possibilité aurait pu exister entre Lutte ouvrière et la LCR, mais cela perdait un peu son sens et ils sont allés chacun de leur côté aux élections suivantes pour compter leurs voix. 

Faire une alliance large… Tout seul, je ne suis pas très sûr que cela ait un sens.

C’est suite à cette situation que la LCR, pour montrer son intention de participer à un rassemblement des forces de gauche antilibérales (sur le plan économique) et anticapitaliste a décidé de se saborder et d’entrer dans un parti qui se voudrait œcuménique des forces socialistes (au sens premier du terme). Ce faisant, elle espère que, d’une part, d’autres suivront son exemple et ce faisant entreront dans ce nouveau parti comme composante égale sans intention de prééminence et, d’autre part, que des personnes individuelles adhéreront à ce nouveau parti quelle que soit leur origine. 

L’intention est louable. Si d’autres parti ou morceaux de partis ne pratiquent pas aussi cette auto-dissolution, je ne suis pas sûr que les gens ne voient pas en cela une continuation de la LCR pure et simple.

On notera l’effort important du NPA pour se donner des bases populaires. Les résultats encourageants de Monsieur Besancenot aux dernières élections présidentielles vont dans le sens d’un renforcement de son parti. Les gens sont volontiers attirés par ceux qui progressent et pour les vainqueurs. 

Il y a cependant une remarque que j’aimerais formuler. Monsieur Besancenot se déclare trotskiste. Soit. Trotski est mort en 1940. Il y a donc déjà bientôt soixante dix ans. Bien que ses écrits soient fort pertinents, on remarquera que depuis, l’histoire du monde à avancé. Sur le plan théorique, on peu supposer que les choses n’ont pas fondamentalement changé. En revanche, dans la pratique, on peut se demander si certaines intentions et disposition entre temps de son pas devenues obsolètes. Monsieur Besancenot, dans son discours parle volontiers de nationalisations de certains secteurs de l’économie. Cela peut sembler pertinent. Mais attention ! Tout transformer en une immense entreprise d’état, c’est précisément cela qui a conduit l’URSS à sa perte.

Il manque à ce parti une déclaration d’intention : un programme clair sur le plan philosophique et récent sur le plan pratique.

Il serait tout de même ahurissant que Monsieur Besancenot, avec quatre vingts ans de retard réactualise les erreurs du passé. Il serait aberrant qu’un trotskiste réitère les bévues staliniennes.

Voilà la situation de ce parti qui n’a même pas encore été porté officiellement sur les fonds baptismaux. Qu’en adviendra-t-il ? Je n’en sais rien. L’avenir nous le dira. L’avenir nous dira surtout si ce parti entend avoir des positions théoriques qui ont la capacité de remplir le peuple d’espérance.

Le NPA doit garder en mémoire que :

 

Dans la lutte idéologique,

C’est forcément celui qui a les meilleurs arguments qui l’emporte.

 

 

Voilà, j’en ai fini avec la façon dont je vois les divers partis politiques en France. La prochaine fois, je n’aurai plus qu’à vous en tirer quelques conclusions. (Si vous êtes sages !)





Conclusions

 

Vous avez vu ? J’ai écrit conclusions au pluriel.

Bah oui, vous ne croyiez tout de même pas que vous alliez échapper à plusieurs conclusions !

 

                       Moi, j’aime pas la politique !

 

Combien de gens nous disent ça ? C’est vrai, à chaque fois que vous ouvrez la bouche pour la moindre remarque, on vous cloue le bec par : Moi, j’aime pas la politique.  

Remarquez, les gens, il faut les comprendre. Comment nous présente-t-on la politique ? Par des péroraisons sans fin sur qui va faire quoi ? Qui va s’allier avec qui ? Qui va prendre la direction de quoi ? Et j’en passe. Remarquez que très souvent, ce sont des spéculations très pertinentes ! Mais franchement, qu’est-ce qu’on s’en fiche ! On tient à nous faire croire que la politique ce n’est que ce marigot fangeux et nauséabond de grenouillages sordides entre individus qui ne voient là dedans qu’un moyen de faire carrière. Dans tous ces maquignonnages, ces margoulinages, où est le sens premier du mot « politique » ?

Je vous le rappelle à toutes fins utiles : politique, cela veut dire qui s’occupe de la cité et du peuple. Or, on nous fait croire qu’il s’agit de luttes intestines entre aventuriers carriéristes de tous poils, au mieux de luttes de clans dont pas plus les uns que les autres n’ont véritablement en tête de songer au bien être des populations. 

Les médias ne sont que le reflet de l’état, et,  l’état, n’est que la main mise d’une faction infime sur l’ensemble de la société. Vous ne croyez tout de même pas qu’une société où les injustices sont criardes et où ce sont précisément ceux qui profitent de ces injustices qui sont aux commandes va s’auto dénoncer !

Le but est de laisser penser que la politique est un égout turbide et nauséabond et ce but est atteint. Si les gens dans une grande clairvoyance savaient décrypter les turpitudes dont on les gave, ils en tireraient les conséquences qui s’imposent. Toute lumière est dangereuse pour un système injuste et spoliateur basé sur l’ignorance. Au contraire, l’obscurité, voire l’obscurantisme sont salvateurs pour ce même pouvoir. Si les gens savaient… Il ne faut pas qu’ils sachent ! Un écran de brume crasseuse fera très bien l’affaire. Il ne faut pas que les citoyens s’intéressent à la politique. Le but est atteint et tout un chacun proclame : « J’aime pas la politique ». Pendant ce temps là, cela laisse les mains libres aux zélateurs d’une organisation de la discrimination sociale.

Si la politique, au lieu d’être le lieu de la réflexion sur les aspirations humaines et des avenirs radieux n’est que ce cloaque infecte, alors, il est normal que les gens disent :

 

Je n’aime pas la politique.

Bah, moi non plus.

 

Reste à se demander une seule chose : Cette vision de la politique, à qui profite-t-elle ? Qui en est bénéficiaire et qui en est victime ?

Une deuxième allégation courante et voisine quoi que différente, c’est :

 

Moi, je fais pas de politique.

 

Ce n’est pas tout à fait la même chose. 

En effet, il y a d’abord une ambiguïté à lever. Pour bien des gens, faire de la politique, c’est être élu ou vouloir l’être. C’est vouloir faire carrière dans une organisation particulière. On fait de la politique comme on fait de l’épicerie. Force est de remarquer que c’est souvent le cas. C’est même particulièrement contre cela que les anarchistes s’élèvent avec leur opposition à la politique représentative. Pour d’autres, c’est être adhérent et militant d’un parti quelconque. C’est aller dans la rue distribuer des tracts ou vendre des journaux à la criée. Souvent, l’action politique est réduite à cela.

En même temps, si « faire de la politique » était tout simplement (comme le nom l’indique) suivre avec attention les conditions de vie de son quartier, de son hameau, de sa commune, de son département, de sa région, de sa nation et de l’humanité entière, ce ne serait tout de même pas plus mal.

Fréquemment, cette déclaration sous entend une déclaration d’impuissance. On n’y changera rien ! Ils sont plus forts que nous ! Ce sera toujours la même chose ! Oui, et alors ? Entendre ce qui se dit et savoir comment les gens vivent, y penser et tenter d’imaginer des solutions, cela me semble bien naturel. Pourquoi vouloir garder la tête sous l’oreiller ? A quoi conduit la politique de l’autruche ? 

Si sur un terrain de sport, un arbitre avantage systématiquement une équipe et lèse non moins systématiquement l’autre, il 

n’est peut être pas inutile de le dénoncer et de faire en telle sorte que cet arbitre soit démis de ses fonctions.

Maintenant, réfléchissons un peu. Peut-on vraiment être neutre ? Notre arbitre partial, si nous le dénonçons, cela veut dire que nous n’approuvons pas ses procédés. En revanche, si nous nous taisons, cela implique que nous voulons qu’il continue sans rien changer. Cela implique que nous avalisons son comportement. Cela veut dire que nous sommes de son côté et que nous cautionnons ses exactions.

Si on vous donne de la soupe et que vous la trouvez fade vous pouvez vous taire ou réclamer du sel. Si vous réclamez, peut-être que… Mais si vous ne réclamez pas, il est certain que vous n’aurez rien. 

Au même titre, devant l’organisation sociale, si nous trouvons que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles, il est bien de laisser les choses se perpétuer. En revanche, si l’on se sent lésé par des injustices de classes, ne rien dire consiste à laisser les mains libres à ceux que l’on ressent comme des exploiteurs. Se taire, c’est accepter, c’est avaliser, c’est apporter son soutien et son renfort. Ne pas dénoncer un voleur, c’est s’en rendre complice.

Combien de fois ai-je entendu des gens dire : Je ne m’occupe pas de la politique, moi, je m’occupe du sport (ou de la peinture ou d’autre chose). Oui, et alors ? En quoi cela est-il contradictoire ? Je pense que le sport ou la peinture ou tout ce que vous voulez sont magnifiés dans un environnement que l’on perçoit comme favorable à l’être humain. C’est dans une société juste, noble et généreuse que toutes les activités humaines peuvent s’épanouir de façon radieuse. Pas autrement. En quoi cela serait-il antinomique de s’intéresser en même temps au contenu et au contenant ? Les deux domaines d’intérêt ne s’excluent pas l’un l’autre. Je ne vois pas en quoi le fait de manger des nouilles interdirait, simultanément, de porter des chaussettes.

Une nouvelle fois, je repose la question : cette disposition d’esprit, qui est-ce que cela arrange ? Retrancher les gens vers une irréalisable neutralité qui se traduit par une passivité acceptatrice et collaboratrice, qui en tire les fruits ? Ne rien faire, ce n’est pas ne rien faire. C’est laisser faire. C’est œuvrer dans le sens de la conservation de la situation.

On peut agir pour soutenir un gouvernement en place ; on peut agir pour lutter contre lui ; on ne peut pas ne pas faire de politique. Ne rien faire, c’est, comme la soupe de tout à l’heure,  accepter, voire cautionner le système en place. La neutralité politique n’existe pas. Ne rien faire, c’est accepter ou vouloir conserver les institutions existantes (ce qui est parfaitement admissible). Du coup, il devient illogique de, simultanément, se plaindre et ne rien faire. C’est aussi absurde que de maugréer contre une carie en refusant d’aller chez le dentiste. Ne rien faire, c’est, par définition, souhaiter conserver l’existant, c’est être conservateur.

Pour ma part, « faire de la politique », c’est réfléchir. C’est se demander si l’organisation de la société des hommes est parfaite. C’est chercher des solutions aux difficultés existantes et si on pense en avoir trouvé, de ces solutions, c’est le dire, le dire haut et fort. C’est trouver les moyens pour que sa parole porte loin et clairement. C’est apporter sa pierre personnelle à l’érection d’une humanité plus belle.

Eh, entre nous, pourquoi pensez-vous que, depuis des mois, je m’épuise à rédiger tout cela ?

Alors, pourquoi ces refus face à la politique sont-ils tellement répandus ?

Je vous redirai une phrase que je vous ai déjà assénée plusieurs fois :

Les idées dominantes sont toujours celles de la classe dominante.

Cela dit, revenons à la description de nos partis politiques tels que je les vois. Je vous les ai présentés un par un. Il y en a des réactionnaires, des conservateurs et d’autres qui se disent progressistes. Pour les deux premières catégories, n’y revenons pas. Ils ont le droit d’être tels qu’ils sont. Pour les autres, qu’en penser ?

Il y a ceux qui se disent progressistes mais qui n’en ont pas la volonté. A mon avis, ils utilisent surtout cette façade pour attirer vers eux des électeurs mal informés et peut conscients de la situation. Oui, je sais, ce sont des hypocrites, mais que voulez-vous, je n’y peux rien, c’est comme ça. Et puis il y a ceux qui ont, je pense, réellement un désir de progrès social mais pour ceux-ci, il y a ceux qui n’en ont pas la capacité intellectuelle et ceux qui n’en ont pas la capacité pratique ou organisationnelle.

Voilà.

J’aimerais qu’il y ait un parti qui soit réellement porteur de l’avenir du genre humain. Oh oui ! Qu’est-ce que j’aimerais ça ! Mais s’il y en avait un, un seul, depuis le temps, ça se saurait !

Je sais, disant cela, ayant au fil des mois tiré à boulets rouges à peu près sur tout ce qui bouge, je ne me suis pas fait que des amis, chacun se sentant à son tour personnellement visé.

Mais, que voulez-vous, j’ai l’habitude. Ne pleurez pas sur mon sort et ma désillusion. En rédigeant tout ceci, j’ai l’orgueilleuse certitude d’avoir œuvré dans le sens où j’aimerais voir l’humanité avancer. Donc, je ne suis pas à plaindre. Je dirais même que je suis assez fier de moi. Si, si ! Eh, ce n’est pas tout le monde qui a mené cette tâche à bien. Enfin, à bien, disons, à son terme.

De plus, rendu à ce point de ma réflexion, Je me rends compte que je n’ai fait qu’une partie du travail. En effet, vous connaissez l’expression : « La critique est facile mais l’art est difficile ». J’ai donc dénigré tout le monde sans rien apporté d’autre. Je sais. Dénoncer ce qui ne va pas sans avoir de solution de remplacement, c’est stérile. 

C’est ce que Marx dénonçait en parlant de philosophes critico-utopistes. Alors, si vous êtes sages, pas tout de suite, mais plus tard, je vous raconterai comment je vois les choses. Parce que, croyez-moi, j’y ai réfléchi ! Vous vous rendez compte ? Et si j’apportais la bonne parole ? Même, sans aller si loin dans la mégalomania, si ce que je dis pouvait être entendu et éventuellement repris par d’autres plus jeunes et plus malins que moi… Hein ! C’est ça qui serait bien.

Cela dit, je ris en pensant à la personne (je ne sais plus qui) qui au mois de Mai m’avait demandé ce que je pensais des divers partis politiques en France. Il pensait que j’allais lui exposer ça en trois lignes spartiates et lapidaires. Je lui ai dit que j’allais le faire mais que ça allait prendre du temps et de la place. Je ne m’étais pas trompé. 

En revanche, je suis persuadé que, depuis le temps, il s’est parfaitement désintéressé de ma réponse. Je ne lui en veux pas. Je ne suis pas très sûr que mes élucubrations mentales correspondent à la réponse qu’il attendait. A l’opposé, je le remercie de m’avoir, par sa question, poussé à rédiger cet ensemble de textes. J’y pensais en effet depuis longtemps, mais je n’avais, étant d’un naturel très paresseux, jamais eu le courage de m’y mettre.

 

Voilà braves gens !

A partir de la prochaine fois, nous parlerons d’autres choses. 

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