ELECTIONS REGIONALES

2010

Nous venons de vivre une élection pour les Conseils régionaux. Les médias divers nous en ont abreuvés pendant plusieurs jours. Pourtant, j’ai l’impression que les choses importantes n’ont pas été dites. C’est pourquoi, je vais vous faire part de mes sentiments sur la chose.

Si, si ! J’en ai plusieurs.

Essentiellement, je vois deux grandes catégories de remarques. 

Premièrement, l’analyse pure et simple, voire simpliste des résultats et, deuxièmement les causes (selon moi)  de ces résultats. Cette deuxième partie se décompose elle-même en deux. D’abord la nature du scrutin et deuxièmement la nature des protagonistes en présence.

Les résultats.

Le Parti socialiste sort vainqueur et chante de façon émue son succès pathétique. Inversement, l’UMP ne conserve, en France métropolitaine qu’une seule région et noblement constate sa défaite ce qui ne l’empêche pas d’avoir en son sein des convulsions gastriques douloureuses. En même temps, le Front national réaffirme son existence de façon non négligeable.

Bon, ça, c’est la partie visible de l’iceberg. On ne parle que de ça. On ne parle même tellement que de ça que le reste, qui à mon sens est le plus important, en est totalement occulté.

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il y a aussi un certain nombre d’abstentions. Si, si ! Il y a eu des abstentions. On peut même dire qu’il y en a eu plutôt beaucoup. Alors, les états major des différents partis de s’écrier que les Français manquent de sens civique. Ce qui est très vrai.

Nous nous occuperons de savoir pourquoi il y a eu des abstentions. Pour le moment, contentons nous de savoir en quoi je trouve qu’elles ont de l’importance. Pour simplifier, je ne vais vous parler que du deuxième tour en sachant que mon raisonnement est encore plus vrai pour le premier.

Au second tour, l’abstention n’a été que de 48,79%. Vous avez noté, je présume le doux euphémisme « que de ». 

En fait, Cette constatation tient du mensonge par omission. On oublie simplement d’y adjoindre les « blancs et nuls » qui eux s’élèvent à 2,32%. Parce que les blancs et nuls, c’est assez voisin des abstentions, non ? Les deux réunis, si je sais compter, cela conduit à 51,11%. Du coup, les exprimés sont 48,89%. Bon, je vous fais grâce des non inscrits.

Il s’en suit que le parti qui en France obtient la majorité absolue c’et l’abstention. Si on ajoute la remarque que ce parti qui obtient la majorité absolue (assez largement, du reste, puisque n’importe quel candidat aux présidentielles qui obtiendrait ce résultat s’en contenterait largement et crierait au raz de marée) ne se voit attribuer aucun représentant, On peut se poser la question de la pertinence démocratique de ce scrutin.

Quoi qu’il en soit. Le PS qui pleure de jubilation et se dilue en auto magnification sur sa représentativité gagne les élections avec 46,40% des exprimés. Certes, oui, mais ces 46,4%, ce n’est en réalité que 46,4% de 48,89% des inscrits ce qui donne : 22,68%. Moins de un français sur quatre. En gros, deux sur neuf. Si vous prenez au hasard neuf Français dans la rue, statistiquement, deux soutiennent les conseils régionaux élus et sept autres sont dans l’opposition. Je vous rappelle que je ne tiens pas compte des non inscrits ce qui aggraverait encore la situation. Je ne voudrais pas être bégueule, mais j’ai l’impression qu’être soutenu par moins de deux Français sur neuf, cela ne confère pas une représentativité confortable. Je me demande même si ce n’est pas un peu voisin de ce qu’on appelle une victoire à la Pyrrhus et si cela permet de chanter dans les états major et de pavoiser si ostensiblement. 

Bon, pour le principe, je vous donne le résultat des deux autres protagonistes principaux. L’UMP obtient 17,29%. Pour le FN qui obtient 4,48%, il serait injuste de compter sur le deuxième tour puisque dans un certain nombre de régions, il ne se présentait plus. Il s’en suit qu’un certain nombre d’électeurs qui auraient voté pour ce parti n’ont pas pu le faire ce qui biaise la statistique. Avec le même calcul, Le FN obtient au premier tour 5,29%. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec vous, il n’y a pas de quoi se relever la nuit.

Première conclusion, Le premier parti de France, celui qui détient la majorité absolue n’est pas représenté. Ou, dans l’autre sens, la faction qui détient le pouvoir n’est qu’un groupuscule qui tiendrait de la pantalonnade grotesque si la chose n’était pas aussi tragique.

La question va être maintenant de savoir pourquoi, ou comment on peut en arriver là.

La cause des résultats

Il est bien entendu que si les gens ne vont pas voter, c’est strictement une affaire morale. Les gens ont perdu le sens de leur responsabilité et se désintéressent de leur devoir devant la nation. Les gens ont perdu leur devoir de civisme. Je le redis, c’est une affaire de morale. Les gens sont du côté des irresponsables méchants. C’est pas bien… C’est pas bien du tout… Hou ! Les vilains ! Quand on fait partie des gens biens, on va voter. Na !

Il y a une chose étonnante, c’est que selon les élections les gens vont ou ne vont pas voter. Ha bon ? Alors, les gens, selon les élections auraient ou n’auraient pas un sens civique ? Curieux, ça.

Les états major des partis ont voulu que les électeurs se déterminent et les électeurs ne se sont pas déplacés. Alors, les états major ont fait les gros yeux, ils ont menacé du doigt et ils ont grondé les vilains désobéissants. Tenez, cela me rappelle cette remarque de Berthold Brecht (1898 1956) : Lorsqu’il y a un désaccord entre le gouvernement et le peuple, il faut changer de peuple. Dans le fond, on pourrait penser que les électeurs ne se sont pas déplacés parce qu’ils n’ont pas trouvé que la question présentait un intérêt quelconque. Bah oui, si on vous demande de vous déplacer un Dimanche matin où il pleut pour aller décider de quelle couleur devront être les sous vêtements des gardiens de square, vous risquez fort de vous en remettre à la majorité consensuelle.

Nous en arrivons donc à une nouvelle situation. Les gens, ne sont pas allés exprimer leurs désirs, non pas par méchanceté, immoralisme et incivisme mais, parce que la question posée était, à leurs yeux, stérile. De plus, redisons-le sans crainte d’être redondant, le parti qui a gagné les élections, et très largement, c’est celui qui trouvait la question inintéressante.

Le problème devient donc : en quoi la question était-elle inintéressante ?

Je pense qu’on peut voir la chose sous deux aspects.

-        Le but du scrutin.

-        Les forces en présence.

Le but du scrutin :

 Il s’agissait d’élire une assemblée régionale. Cette assemblée ne possède aucun pouvoir législatif. Le seul pouvoir réel dont dispose ce Conseil régional (vous noterez que cela s’appelle un « conseil » donc, une institution qui ne donne que des conseils que l’on n’est pas obligé de suivre et qui ne décide rien) est de fixer le montant des impôts régionaux. Ces impôts sont des impôts indirects sous forme de taxe, donc, parfaitement injustes. Je vous rappelle que le parti de la majorité présidentielle a passé son temps lors de la campagne à accuser les autres de ne savoir pas faire autre chose que d’augmenter les impôts locaux.

Il faudrait 100 euros, nous n’en avons que trente, alors la question est de quoi allons nous nous passer ? Ajoutez à cela tous les grenouillages du genre : Comment m’y prendre pour que mes copains puissent bénéficier de subventions au détriment de mes adversaires politiques. Je sais, il y a une dotation d’état, mais celle-ci est tellement dérisoire par rapport aux besoins que cela relève presque de la plaisanterie.

Je vous reparlerai, dans une prochaine suite d’articles, des impôts. Vous, verrez, c’est savoureux.

Dans certains pays, les régions disposent d’un pouvoir réel (Les régions italiennes, les bundesländer allemands, les cantons suisses, les états des Etats Unis). En France, non. En France, les régions ont pour seule mission de laisser les mains libres au gouvernement central. Si les routes, les lycées, les hôpitaux et autres services territoriaux sont en difficulté, c’est la faute de la région. Les impôts sur le revenu, c’est pour l’état. La région n’est donc qu’un écran de fumée qui masque les responsabilités gouvernementales. A part ça, ce Conseil régional n’a pour mission que de gérer la pénurie.

Comme les citoyens ne sont pas complètement crétins, ils se rendent bien compte que cette institution ne peut en rien résoudre leurs problèmes (Chômage, retraite, pauvreté, santé, enseignement, services publiques, etc.) et, du coup, ils s’en désintéressent jovialement.

Si vous voulez, et dans le cas où vous n’auriez pas compris, Celui à qui vous payez vos impôts, celui qui prend les décisions directrices, c’est Jojo. Celui pour qui on vous demande de voter, c’est Mimile.

Voila pour ce qui est du sens du scrutin. 

Voyons maintenant ce qu’il en est des forces en présences.

Je passe sur ce qui constitue un nuage de partis minuscules dont les programmes sont peu enthousiasmants.

Il reste, en gros trois partis agrémentés plus ou moins d’alliés de fait.

D’abord, le parti qui représente la majorité gouvernementale (l’UMP). C’est le parti au pouvoir. C’est un parti conservateur au sens premier du terme c'est-à-dire qui n’envisage pas de changer structurellement le fonctionnement de la société. C’est un parti qui souhaite conserver la situation existante. Vu le désarroi existentiel du Français moyen, on comprend que ce parti n’emporte pas follement l’adhésion des citoyens.

Nous avons ensuite le parti qui se présente comme l’opposition (le PS). Ce parti, comme le précédent est un zélateur du libéralisme économique de type capitaliste. C’est en fait un parti conservateur honteux. 

Il n’envisage pas plus de modifications sociales que le précédent, mais le cache sous une phraséologie hypocrite. Si ce parti avait des projets clairs sur les améliorations à apporter à la vie des habitants de la France, ça se saurait. Non, ses dirigeants se contentent de répéter qu’ils sont très gentils et que les autres sont tous des vilains. Cela me semble un peu insuffisant. C’est amusant, la façon dont se présentent les gens du PS et leurs alliés, cela me rappelle le sketch bien connu des « bons chasseurs ». Pour ceux qui l’auraient oublié je vous le résume brièvement.

Voila : Le mauvais chasseur, lorsque quelque chose à bougé dans un fourré, il ne sait pas ce que c’est, il ne réfléchit pas, il tire. Tandis que le bon chasseur, si quelque chose à bougé dans un fourré, il ne réfléchit pas et il tire aussi, mais, c’est un bon chasseur.  En paraphrasant cela on peut dire : Le mauvais politique, il sait qu’il y a du chômage, de l’insécurité, de la misère et il ne fait rien tandis que le bon politique, il sait qu’il y a du chômage, de l’insécurité et de la misère. Alors, il ne fait rien non plus, mais c’est un bon politique.

Nous avons enfin le Front national qui est un parti populiste ne fonctionnant que dans la démagogie, l’exclusion et un chauvinisme qui déjà il y a un bon demi siècle était dépassé. Cependant, ce parti étant le seul à chercher à donner des illusions de solutions aux problèmes actuels, on comprend qu’il réussisse à influencer une quantité notoire de l’électorat.

Si nous résumons, nous avons une élection sans grande utilité dans laquelle s’affrontent des partis sans vrais programmes satisfaisants. Etonnez-vous, après cela que cela n’entraîne pas la participation enfiévrée de la masse électorale. Ce qui me surprendrait, moi, ce serait le contraire. Ce serait que le citoyen moyen se rue aux urnes pour affirmer sa volonté d’expression dans le dialogue politique. Le citoyen, on lui donne le choix entre rien ou rien pour une assemblée qui n’a pas un vrai rôle dans la vie de la nation.

Je constate que le citoyen moyen n’est pas si bête que ça. Il a compris qu’on cherchait à le tromper. Il ne s’est pas laissé abuser.

Cependant, j’ai un regret.

Sans tenir compte, encore une fois, des non inscrits, J’ai envie de revenir aux abstentionnistes, et aux votes blancs ou nuls.

Un vote nul, qu’est-ce que c’est ?

 Par essence un scrutin doit être secret. Il y a des cas où ce n’est pas vrai. Mais, pour le suffrage universel, c’est une garantie de liberté d’expression. Un employé peut ainsi se permettre sans craindre de représailles de ne pas voter pour son patron ou pour un quelconque maffieux. Il s’en suit que toute marque distinctive sur un bulletin de vote, pouvant désigner son auteur, rend ce scrutin nul. Je me souviens d’un homme qui systématiquement, à toutes les élections, pour marquer à quel point il était révulsé par le sens de ces consultations, plaçait soigneusement une feuille, bien propre et soigneusement pliée, dans l’enveloppe, de papier hygiénique. C’était nul. En effet, il suffisait qu’il ait dit à un ami sa façon d’opérer pour que l’autre, lors du dépouillement reconnaisse de qui émanait cette enveloppe. Oh, bien sûr ça pouvait faire rigoler dans les bistros (Il l’a fait ! il l’a fait ce…). Mais c’était nul. Pourtant, il avait bien exprimé son sentiment devant ce qu’on attendait de lui. Mais, c’était nul. Toute marque distinctive, c’est nul.

Le vote blanc, c’est autre chose.

Un citoyen a le droit de ne pas se sentir capable de se déterminer pour une option plus que pour une autre. Il a pour cela plusieurs solutions. Il peut insérer dans l’enveloppe plusieurs bulletins différents voire la totalité des bulletins à la condition qu’il n’y en ait pas plus de un de chaque. Il marque ainsi sa non décision, son non choix. Plus simplement, il peut glisser dans l’urne une enveloppe vide. Il a accompli son devoir électoral et a affirmé son incapacité à se déterminer. Il peut aussi insérer dans l’enveloppe une feuille de papier blanc. Dans ce cas, il n’a voté pour personne. Il y a aussi le cas très particulier des élections municipales dans les petites communes où le panachage est autorisé. Je ne vous explique pas toute la législation, mais sachez que dans cette situation seulement, on peut rédiger son bulletin de vote à la main sur papier libre.

Et puis, il y a l’abstention. On se contente de ne pas y aller.

C’est là que ça me blesse. Oh, je comprends parfaitement la motivation des électeurs abstentionnistes. Mais je pense que c’est une mauvaise manœuvre. En effet, cela permet aux hommes politiques de stigmatiser l’incivisme des citoyens. Du coup, ce ne sont plus les hommes politiques qui sont mauvais, mais les citoyens. « C’est pas nous, M’sieur ! C’est eux ! ». Alors, il ne faut pas leur donner cette jubilation.

Bien sûr, si lors d’une élection ou d’un vote quelconque vous voulez prendre parti pour un choix qui vous est donné, allez-y ! Allez-y avec certitude et opiniâtreté ! Allez-y et soyez fiers d’y aller ! Allez-y ostensiblement ! Nos ancêtres s’étant battus, parfois de façon sanglante, pour acquérir le droit de vote, ne dilapidons pas ce droit et cette liberté si chèrement conquise.

 

C’est pourquoi je pense que si l’on veut s’abstenir, il serait plus pertinent d’y aller et de voter blanc. Vu la législation française qui donne des résultats sans tenir compte ni des abstentions, ni des blancs, ni des nuls, cela ne changerait rien. En revanche, ces chers hommes politiques ne pourraient plus dire que les électeurs se désintéressent de la chose publique. En effet, les électeurs s’étant déplacés, ayant fait l’effort d’aller exprimer leur désaccord, leur désintérêt et leur réprobation, il deviendrait plus difficile de nier l’existence du désaveu public.

Vous vous rendez compte, vous de la puissance du coup de tonnerre si dans une grande consultation nationale plus de la moitié (51,11%) des enveloppes étaient vides ? Plusieurs dizaines de millions d’enveloppes vides… Je ne sais pas, mais pour ma part, je pense que cela retirerait un peu de la morgue et de la hauteur aux gens qui envisagent de nous gouverner malgré nous.

 

Je sais, je suis un grand rêveur !

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