L’Europe

Premières considérations.

 

Hé oui, l’Europe.  S’il y a une notion que l’on évoque souvent, c’est bien celle-ci. Et l’Europe par-ci et l’Europe par-là et c’est la faute de l’Europe et c’est dans le cadre de l’Europe. 

On dit tout et le contraire de tout à propos de l’Europe.

Il faut bien reconnaître, pour commencer que ce n’est pas clair du tout cette histoire d’Europe. D’abord, qu’est-ce que c’est que l’Europe ?

Rien que le nom est on ne peut plus vague. Dans le fond, ce que nous appelons Europe n’est qu’un morceau du continent Afro-asiatique. Et si nous excluons l’Afrique, ce n’est que la partie occidentale de l’Eurasie. Alors, pourquoi cette dénomination ? Et qu’est-ce que cela recouvre ?

          Si l’on en croit la légende mythologique grecque, Zeus qui était un coureur de jupons impénitent, un jour, pour séduire une princesse qui jouait sur la plage se métamorphosa en taureau blanc. La belle, subjuguée, grimpa sur son dos et, Zeus l’enleva et la conduisit en Crète. La demoiselle s’appelait Europe. Le sujet de l’enlèvement d’Europe par Zeus transformé en taureau à inspiré nombre de peintres de Carrache à Titien, de Boucher à Rubens en passant par Coypel et quelques autres. 

C’est beau tout ça. L’ennui, c’est que la beauté qui plut à Zeus était princesse en  Cilicie (actuelle côte sud de la Turquie). Celui-ci la porta, certes, en Crète ; mais à l’époque, la Crète était considérée comme un prolongement de la Cyrénaïque (actuelle Lybie) donc, africaine et Europe vint terminer ses jours en Lycie (actuelle côte sud ouest de la Turquie).

Il est quand même inquiétant et regrettable que la donzelle qui aurait laissé son nom à l’Europe n’y ait jamais posé le pied. En cherchant bien, on en trouve d’autres des Dames antiques appelées Europe. Elles ont toutes un point commun ; elles n’ont jamais traîné leurs savates en Europe. Adieu ! L’image romantique d’une belle Europe séduite et enlevée par Zeus donnant son nom à une partie du monde. Il faut trouver autre chose.  

 Je vous livre une autre interprétation. Il existe des tablettes assyriennes sur lesquelles les deux rives de la mer Egée sont différenciées selon deux appellations qui correspondent en gros à la notion de levant et de couchant. Le côté oriental, donc le levant, se nomme « assou » et le côté occidental, donc le couchant, est appelé « ereb ». On peut en toute logique supposer que c’est de là que dérivent les appellations de « Asie » et « Europe ». Il est à noter que cela ne concerne que les deux rives de la mer Egée. 

Il y a une chose qui m’amuse, au passage. J’aime à accepter un rapprochement sauvage, dont j’ai les plus grands doutes sur la justification. L’Erèbe, pour les anciens (gréco-latins puis chrétiens), c’est la partie la plus obscure des enfers. Ce qui reviendrait à comprendre que l’Europe, c’est l’enfer. Bon, je n’ai rien dit, hein !

Toujours est-il que nous avons une Europe et une Asie. En fait, cette différenciation serait due à Hérodote que l’on considère comme le père de la géographie  (ainsi que de l’histoire et de l’exploration mais là n’est pas le sujet). 

Hérodote (vers 484 av JC vers 420 av JC), pour se simplifier la tâche,  divise le monde connu, à son époque, en trois. De l’Hellespont  (les Dardanelles) au Nil, c’est l’Asie. Du Nil aux colonnes d’Hercule (Gibraltar) : L’Afrique et des Colonnes d’Hercule à l’Hellespont : L’Europe. Il faut, cependant, se souvenir qu’Hérodote, même s’il meurt en Italie a surtout voyagé en Perse et en Egypte. Cette tripartition est de toute façon peu importante aux yeux des anciens.

La tripartition d’Hérodote, pendant l’antiquité est très peu utilisée. 

Il faut même, à ce sujet, remarquer que sous l’empire romain, il existe une province d’Asie mais ce n’est qu’une province bien circonscrite correspondant à la partie littorale ouest de l’actuelle Turquie. Au même titre, on note une province d’Afrique, mais cela correspond en gros à la Cyrénaïque, c'est-à-dire à la partie est de l’actuelle Lybie. Quant à l’Europe, on n’en parle pratiquement pas. Ce ne sont que les érudits du seizième siècle qui ont donné de l’importance à cette division arbitraire en croyant qu’elle avait été la clef de la vision antique du monde. Ce partage est strictement artificiel et conçu pour satisfaire les esprits intellectuels. En revanche, cela ne correspond pas à grand-chose. Même où cela semble le plus évident, Gibraltar, il ne faut pas oublier qu’il existe un petit morceau d’Espagne sur le continent africain. Les Dardanelles n’ont jamais correspondu à une limite d’état et je ne vous parle pas de l’Egypte qui se verrait coupée en deux avec une partie africaine et une partie asiatique.

Il est donc entendu que ces « parties du monde » ont des limites entre elles assez floues et parfaitement arbitraires. Qu’en est-il des limites lointaines ? Le monde antique est éminemment asiatique. En Europe et en Afrique, les terres connues ne sont, en fait, qu’une fine bande littorale ponctuée, de façon discontinue, de colonies grecques ou phéniciennes. En revanche, l’Asie comporte tout le proche et le moyen orient. L’immense empire de Perse, à son apogée va des rives de la mer Egée à l’Iran. Une de ses capitales est Persépolis. Hérodote voulant explorer le monde va surtout explorer la Perse. 

Un siècle et demi plus tard, Alexandre qui rêve d’unifier la totalité du monde sous un même souverain va surtout guerroyer en Perse. Il la dépassera même et atteindra l’actuel Pakistan.

 Les choses vont légèrement se modifier au cours de l’expansion romaine. Simultanément, la relation avec la Perse va s’atténuer et, Rome étant située plus à l’ouest, la partie européenne va s’agrandir. S’agrandir, certes, mais pas démesurément. Vers le nord, l’empire ne dépassera jamais vraiment le Danube. Les territoires de la rive droite du Rhin seront peu importants et souvent instables. 

La Gaule et l’Espagne sont certes conquises mais le Portugal ne sera latinisé qu’indirectement. Les légions atteindront l’Angleterre mais jamais l’Ecosse. En fait, on peut considérer que l’Europe ne sera jamais que le tiers sud Ouest de l’actuelle Europe. Les grandes migrations du cinquième siècle apporteront de nouvelles populations dans la partie romanisée, mais ne permettront pas vraiment d’établir de vraies relations avec leurs régions d’origine. Le monde antique et jusqu’au début du moyen âge est vraiment centré sur la méditerranée et l’importance asiatique reste importante. Les grandes religions monothéistes sont originaires du proche orient et, je ne voudrais faire de la peine à personne, mais le Christ est quand même un asiatique.

Géographiquement, l’Europe n’est qu’une toute petite partie de l’ancien continent. C’est une presqu’île (Entre la mer noire et la Baltique, il n’y a guère plus de mille deux cents kilomètres) constituée d’une invraisemblable collection de presqu’îles parcourues par des chaînes de montagnes importantes, constituant autant de barrières et de divisions. C’est aussi une extrémité où les influences et les migrations n’arrivent que difficilement et tardivement mais viennent buter et mourir contre l’océan.

L’Europe n’est que partiellement un fragment du monde antique et méditerranéen auquel elle est profondément liée. L’Europe n’étant qu’une création intellectuelle et abstraite ne peut être qu’une entité complexe et contradictoire. Cependant, comme bon gré mal gré, nous ne pouvons que constater que cette Europe existe, nous allons donc devoir, maintenant, analyser ce qui l’unit ou la désunit.

 

 

L’Europe

Unité et disparité.

 

 

          Nous avons supposé qu’à travers l’Europe, on trouvait des facteurs d’unité et de diversité. 

Remarquez, disant ceci, je ne fais rien d’autre que d’enfoncer une porte ouverte. En effet, si on choisit n’importe quelle région sur la planète, on trouvera nécessairement des éléments de concordance et de disparité. Quoi qu’il en soit, il est intéressant d’énoncer ces éléments concernant l’Europe.

Je rappelle que la notion d’Europe n’est rien de plus qu’une vue de l’esprit des intellectuels de la Renaissance qui croyaient ressusciter une vision antique du partage du monde. Au fur et à mesure des découvertes du monde par les civilisations méditerranéennes, les trois régions se sont, chacune dans leur direction, agrandies. L’Asie qui était déjà la partie la plus vaste s’est vue prolongée jusqu’au Japon et au Kamchatka. Du coup, les esprits forts ont ressenti la nécessité de parler d’un proche Orient, d’un moyen Orient et d’un extrême Orient, sans parler d’une Asie Centrale. Pendant qu’ils y étaient, ils ont imaginé une Afrique du Nord et une Afrique subsaharienne. Manque de chance, l’Europe, même si on l’a élargie jusqu’au cap nord et à l’Oural n’avait pas de place pour s’étaler. A l’Ouest, c’est l’océan. Du même coup, l’Europe étant, et de très loin la plus petite des divisions du monde, on n’a pas éprouvé le besoin d’y imaginer des subdivisions drastiques. Il s’en suit que, à cause de sa petite taille, l’Europe présente une certaine unité. 

Il y a une autre unité qui peut sembler paradoxale. Depuis plusieurs millénaires, l’Europe a été le lieu où sont venues échouer des migrations successives. Les premiers habitants de l’Europe sont arrivés de l’Est africain en passant par le proche orient. Les grandes vagues migratoires du cinquième siècle provenant plus ou moins d’Asie sont venues mourir en Europe. La raison est toujours la même. Lorsqu’on arrive en Europe, on ne peut pas aller plus loin. Après, il y a l’océan. L’Europe est une fin du Monde. La grande diaspora juive est certes allée vers l’Afrique du nord, mais aussi et largement vers l’Europe. Les Roms, venus du nord de l’Inde ont parcouru le même chemin. Je ne veux pas ici expliquer ni justifier ces migrations, mais, force est de constater leur existence. L’Europe est un lieu où des migrations diverses se stabilisent. La grande poussée turque, même si elle a reflué a été une grande par de la vie européenne pendant trois quart d’un millénaire. Je le redis, je ne veux ni l’expliquer ni le justifier, mais nous constatons que sous des formes diverses ces migrations continuent. Nous n’y pouvons rien. Les vagues de l’océan viennent déferler contre le mur du continent Européen et les vagues humaines viennent mourir contre le buttoir de l’océan. Cela fait partie de l’histoire de l’Europe. Il est à noter que du dix septième au dix neuvième siècle, cette formidable barrière d’eau salée a été transgressée et que la fuite vers l’ouest a enjambé l’Atlantique et à très largement envahi les Amériques. Alors, si cette constance à devoir toujours recevoir les flux migratoires et tenter de les endiguer n’est pas un facteur de ressemblance, je vous demande ce que c’est. 

Nous avons un troisième aspect de convergences en Europe. Si nous excluons une très petite partie du nord, c'est-à-dire partiellement la Laponie et une très fine frange de la Russie arctique, l’Europe a été entièrement submergée par le monothéisme. Oui, je sais, sous des formes variées et nous en reparlerons. Il n’en reste pas moins que cela entraîne un mode commun d’appréhender le monde qui nous régit.

Et puis, il y a eu la révolution industrielle. Là, on peut avoir des réticences. Cela n’est pas arrivé partout en même temps. Certes. Rien qu’en France, jusque dans les années 1950, certains hameaux tenaient encore de l’âge du fer. 

Ce qui a été déterminant, c’est la généralisation de l’électrification. De nos jours, certains villages du Portugal ou des Carpates, même s’ils ont accès à l’internet, sont encore très archaïques. Cependant, cette révolution industrielle n’a, en fait qu’à peine cent cinquante ans et on peut se dire qu’au fond, elle n’a pas encore atteint son complet aboutissement. Quoi qu’il en soit, ces villages perdus de l’Europe sont sans comparaison avec des villages similaires de la Cordillère des Andes, du Népal ou de la Namibie. 

Même si ceux-ci ont, aussi, plus ou moins accès à l’internet. Il est enfin à noter que cette révolution industrielle n’est pas l’apanage que de l’Europe. La Turquie a, à peu près suivi le mouvement ce qui a entraîné la rénovation de la Turquie au temps de Moustapha Kemal (Ata Turque). L’Amérique du Nord ainsi que l’Australie et la Nouvelle Zélande ont aussi vécu cette modification de la vie ainsi qu’un peu plus tard le Japon. Plus récemment, cette révolution industrielle est en train de se généraliser au niveau planétaire. Nous en reparlerons dans le prochain chapitre.

Voyons maintenant les disparités.

  J’ai déjà signalé que l’Europe est une invraisemblable collection de presqu’îles séparées par des bras de mer. 

Ajoutons qu’elle est parcourue par des chaînes de montagnes importantes, au moins dans sa moitié sud mais même la Scandinavie avec son vieux massif hercynien est aussi dans la même situation. L’Europe du sud est un puzzle de plateaux, de vallées, de recoins inaccessibles et de territoires séparés par des barrières naturelles difficilement franchissables. Il est à noter que les grandes invasions du cinquième siècle sont toujours passées par le nord plus plat. Chaque portion de pays cloisonnée dans ses limites naturelle a toujours tendance à se refermer et à résister aux influences extérieures.

Sur le plan linguistique, la mosaïque est aussi inextricable. On  distingue, certes de grands groupes linguistiques, mais dans le détail, chaque vallée, chaque bassin a évolué indépendamment et rien que pour les langues latines, on en distingue un nombre impressionnant.

 Bon, je vais quand même vous dire quelques mots du climat. Il n’échappe à personne que vues les conditions météorologiques, on ne vit pas de la même façon à Oslo et à Athènes. 

Si les grandes plaines du nord présentent presque une uniformité climatologique (froid et humide) le sud manifeste des différences sur de petites distances. Certaines régions de la Meseta Castillane sont quasi désertiques alors qu’à quelques centaines de kilomètres, la Galice est verdoyante et la basse vallée du Guadalquivir regorge de richesses agricoles. En France, si vous allez en voiture de la Catalogne au Pays basque, vous avez l’impression d’avoir changé de planète. En Grèce, il neige sur les montagnes du nord et le Péloponnèse est, sauf au fond de quelques vallées, un amas de cailloux brulés par le soleil. L’Europe présente, malgré ses petites dimensions un échantillonnage de climats allant du subtropical méditerranéen aux régions polaires arctiques. Le Spitzberg, ce n’est pas la Crète.

Nous avons dit que globalement, l’Europe est monothéiste. Certes. Mais elle n’est vraiment christianisée que vers le dixième siècle et, dès 1054, le schisme d’orient consacre la division religieuse. En même temps, la péninsule ibérique chrétienne est islamisée à partir de 722 et à l’autre bout de l’Europe, les vagues seldjoukides puis ottomanes occupent la majeure partie des Balkans et viennent sous les murs de Vienne et de Prague et même jusque vers Otrante. Pour redevenir entièrement chrétienne, l’Espagne mettra plus de sept cents ans et le reflux des Turcs au dix neuvième siècle laissera derrière lui des îlots musulmans. Pour couronner le tout, au seizième siècle, l’église catholique et romaine se déchire à nouveau et laisse la place à une constellation d’églises réformées et protestantes aussi nombreuses que variées. Curieusement et contrairement à ce qu’on croit généralement, les cohabitations entre chrétiens et musulmans ne se sont pas toujours mal passées. En Espagne, les rois des différentes taïfas s’ils se chamaillaient entre eux et avec leurs voisins chrétiens n’en étaient pas moins capable de passer des alliances et de contracter des mariages politiques en passant outre les différences religieuses. 

En Albanie, Scanderbeg s’il s’est appuyé sur la papauté et les rois chrétiens a néanmoins été général de l’armée turque pendant longtemps. Ses diverses conversions n’étaient que des moyens politiques pour tenter de rendre une indépendance de fait à l’Albanie. Il est entendu que je ne nie pas l’importance des conflits interreligieux entre la chrétienté et l’islam mais en même temps, je dis qu’ils n’ont pas été plus sanguinaires que les guerres interchrétiennes. 

Pendant que j’y pense, je vous invite à vous informer sur un certain Vlad Tepes (ou Vlad III l’Empaleur). Il n’est pas mal celui là, non plus. Il a été selon les moments romain, orthodoxe ou musulman. En fait, son souhait est de sauvegarder une indépendance Valaque. Selon les moments, il se dresse contre le Sultan ou contre les teutoniques ou contre les orthodoxes. Il s’allie tantôt avec les uns ou les autres. Si, si, vous le connaissez, c’est le fils de Vlad II le dragon (Dracula)…. Le vrai, hein !

Au treizième siècle, les chevaliers teutoniques envisagent de convertir les orthodoxes à l’église latine et après avoir commis un nombre de massacres respectable ne sont arrêtés que par Alexandre Nevski lors de la bataille sur les bords du lac Peïpous en avril 1242 (évènement dont Sergueï Eisenstein à su tirer une production qui de film de propagande soviétique est devenu un chef d’œuvre). Alexandre Nevski, chrétien orthodoxe, avait su, à ce moment négocier une trêve avec les turco-mongols pour se retourner contre les chrétiens romains. En Europe, les guerres entre chrétiens, catholiques et protestants, ont duré deux bons siècles avec tout le cortège d’horreurs et de dévastations qu’on leur connaît. Les deux sacs du Palatinat par les troupes de Turenne puis de Louvois s’inscrivent plus ou moins aussi dans ces guerres de religions.

Bien sûr, à toutes ces disparités humaines sont venues se surajouter les apports ethniques de toutes les migrations précédemment décrites. L’Europe, de par sa compartimentation n’est qu’une mosaïque de micros sociétés plus ou moins regroupées artificiellement par des souverains conquérants. Même les états centralisés de longue date (France, Espagne, Grande Bretagne, Pologne) ne l’ont été qu’à l’issue d’âpres luttes et, au même titre que les unifications récentes (Allemagne et Italie), il en reste des divisions profondes que la volonté opiniâtre des états gouvernants n’a jamais réussi à combler sérieusement. Contre vents et marées, le Breton reste breton, le Bavarois bavarois, et le Gallois gallois.

Pour en finir avec cette notion d’unité et de disparité, je voudrais en revenir à une notion qui paradoxalement est, en définitive unificatrice.

Toutes ces guerres qu’elles soient religieuses ou de conquêtes territoriales ont, qu’on le veuille ou non, une nouvelle fois brassée la population Européenne. Parfois sur de grandes distances. Les Vikings sont allés jusqu’en Sicile. Les Suédois ont guerroyé en Alsace et même jusqu’en Ukraine. Les Français sont considérés à travers l’Europe comme d’éternels « va t’en guerre ». A juste titre, du reste puisque avec une régularité touchante ils ont débordé de leurs frontières naturelles vers la Hollande, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Pour les Autrichiens, que les Français aient coupé la tête de Marie Antoinette, ce n’est qu’un épiphénomène de l’histoire. En revanche, que Napoléon ait établi ses quartiers à Schönbrunn, ça, c’est inadmissible. Ces mêmes armées napoléoniennes sont allées jusqu’à Moscou et l’année suivante, les Russes campaient à Paris. Napoléon III est allé traîner en Crimée. Lors de la première guerre mondiale, les franco Anglais ont combattu à Salonique et sur l’ensemble des Dardanelles. Les Allemands lors de la seconde guerre mondiale ont envahi la quasi-totalité de l’Europe. Cela fonctionne aussi dans l’autre sens. Qui dit conflits dit alliances. Pour des raisons politiques et stratégiques, les Français ont été alliés des Russes ou des Polonais et des Serbes. A ce titre, lors de la guerre en Bosnie, les serbes n’ont pas compris pourquoi les Français qu’ils croyaient leurs alliés indéfectibles sont venus se joindre à la coalition. François Ier et Louis XIV ont conclu des pactes avec le Sultan. Si l’on ajoute à cela les troupes de mercenaires de toutes nationalités de l’ancien régime, il est difficile de penser que ces Européens n’aient jamais eu l’occasion de se rencontrer, de se croiser, de se connaître et en définitive de fraterniser. 

Ces tentatives de fraternisation sont, hélas, tristement célèbres lors de la première guerre mondiale et je ne vous parle pas des troupes mercenaires qui, sous l’ancien régime, n’hésitaient pas à changer de camp en pleine bataille selon les rémunérations qui leur étaient proposées.

Dans le fond, l’Europe, dans une succession ininterrompue d’étripements et de paix éternelles, ressemble à une bande indisciplinée de cousins proches ou éloignés qui depuis toujours ont eu l’habitude de se chamailler et de se réconcilier. 


C’est pour cela qu’elle forme une grande famille.

 

L’Europe

Europe et occident

 

 

Il y a une confusion touchante à laquelle les gens se laissent aller avec une constance surprenante. C’est entre les notions d’Europe et d’Occident.   Ce n’est pourtant pas la même chose ! C’est même fondamentalement différent.

Pour comprendre cette histoire d’occident, il faut revenir encore une fois à notre empire romain circum méditerranéen. Gérer un si vaste territoire de façon uniforme devient de plus en plus difficile. En même temps, il faut bien le reconnaître, le pouvoir central, au troisième siècle n’est plus ce qu’il était. 

Dans un premier temps, il n’est pas envisagé de le couper en deux, mais de répartir la tâche entre deux coempereurs. Cela fonctionnera à peu près durant la vie de celui qui l’a imaginé en 286 (Dioclétien). Ce système de répartition des tâches ira avec des hauts et des bas et l’Empire sera reconstitué par Constantin vers 320. A plusieurs reprises, des réunifications sont tentées sous un Empereur unique et pour la seule durée de son règne, entrecoupées de séparations diverses. Théodose,  gouverna l'Orient et l'Occident pendant deux ans, jusqu'à sa mort (395). C'était la dernière fois qu'un empereur unique gouvernait la totalité de l'Empire.

A partir de ce moment, les deux empires vont avoir des destinées bien différentes. Si l’Empire d’Orient traversera bien des vicissitudes, il n’en continuera pas moins de fonctionner encore pendant plus de mille ans jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs en 1453.

En revanche, l’Empire d’Occident va s’écrouler très vite. L'Empire romain d'Occident disparut officiellement au moment de l'abdication de Romulus Augustule, le 4 septembre 476, déposé par Odoacre. L'Empire d'Occident ne se releva jamais, en dépit d'une brève reconquête partielle par son alter ego, l'Empire romain d'Orient. Sa chute marqua le début d'une nouvelle ère de l'histoire européenne : le Moyen Âge.

          Il est à noter que le souvenir nostalgique de cet empire d’occident hantera encore les esprits longtemps, mais dans la pratique, cela ne conduira à rien. Charlemagne recevra effectivement la couronne impériale en 800 mais ses héritiers se partageront son empire dont la partie allemande affectera bien de s’appeler « Saint Empire Romain Germanique » ; mais cela ne concernera que l’Allemagne. 

Dans l’Empire romain, il y avait deux titres impériaux ; souvent portés par un individu unique, mais pas obligatoirement. L’Empereur était Auguste et César. César correspondait au commandement supérieur des armées. C’est pour cette raison que les empereurs d’Allemagne ont gardé le titre de Kaiser jusqu’en 1918. Il est amusant de constater que, pour la même raison, les empereurs de Russie portaient le titre de Tsar (ou Czar). Tenez, pendant que j’y suis, il y a une anecdote qui me fait sourire. 

Au moment de l’accession de Charlemagne à la couronne impériale, à l’autre bout de l’Europe, l’impératrice d’Orient du moment, Irène, voyait d’un très mauvais œil le fait de devoir partager le grade avec un occidental. Elle a donc lutté de toutes ses forces pour que cela ne se fasse pas. Bon, elle n’a pas réussi. Qu’à cela ne tienne, devant le constat de son échec, elle entreprit de marier son fils avec la fille de Charlemagne. Cela na pas fonctionné non plus. Il y en a qui n’ont vraiment pas de chance dans leurs entreprises.

Est-ce à dire qu’il n’y a plus d’Occident ?

Si, si ! Rassurez-vous ! Ce qui est mort, ce n’est pas l’Occident ; c’est l’empire romain. L’Occident, lui, il est toujours là. J’ai même l’impression que c’est, précisément parce qu’il n’est plus Empire Romain qu’il est de plus en plus Occident.

La différence avec l’Orient va même s’aggraver en 1054 lors du grand schisme d’Orient (qui, je vous le signale, vu de l’orient s’appelle grand schisme latin). L’empire d’orient va être confronté bien sûr aux princes musulmans, bien sûr aux Turcs, mais aussi aux Serbes latins et aux Bulgares. De plus maintenant, il ne verra plus l’occident comme un allié potentiel, mais comme un adversaire résolu. Le sommet de cela sera la prise de Constantinople (et sa mise à sac) par les croisés (occidentaux) en 1204.

 Dans le même temps, l’Occident suit une toute autre voix. L’Occident n’est l’héritage de l’Empire d’Occident que par le fait qu’il reste Chrétien romain. A part cela, il est surtout la descendance de l’Empire de Charlemagne. Je ne vais pas vous détailler les divers épisodes du partage de cet empire mais en gros, cinquante ans après la mort de Charlemagne, la partie centrale qui allait de l’Italie à la Hollande est partagée entre les deux survivants Louis le germanique récupèrera ce qui deviendra l’Allemagne et le titre d’Empereur (le Kaiser) et Charles le chauve gardera la future France appelée à l’époque la Francie occidentale.

Si on considère qu’à la même époque, la Grande Bretagne, peu et mal romanisée est le théâtre de luttes confuses entre populations diverses venues du nord de l’Europe ou indigènes, si on constate que la Pologne n’existe pas vraiment avant le dixième siècle et enfin qu’à cette époque l’Espagne est très largement islamisée et territoire mauresque,

vous ne le voyez pas se dessiner, vous ce futur Occident européen ? Lorsque la volonté de créer une union européenne naîtra au vingtième siècle, elle s’appuiera comme à l’origine sur un occident carolingien reconstitué à savoir : l’Allemagne, la France et l’Italie. Nous en reparlerons en temps utile. Si l’Orient a été en permanence en butte à des tracasseries venues de l’Est (Arabes, Turcs, Turco-mongols et autres), l’occident dans le même temps a été relativement tranquille. 

La poussée mauresque venue du sud s’est arrêtée en 732 à Poitiers et le soucis des rois catholiques n’est plus de résister aux harcèlements mais de, eux même, œuvrer pour la « reconquista ». Celle-ci serra complète et définitive ne 1492 avec la prise de Grenade. Je vous rappelle pour le plaisir ce que l’on rapporte sur Boabdil le dernier roi de Grenade. Cela n’apporte rien à l’exposé, mais j’aime le romantisme de l’anecdote. La légende dit que sur le chemin de l’exil, au lieu-dit « le dernier soupir du maure », Boabdil se retourna vers la capitale de son royaume perdu et pleura. 

Sa mère Aixa Fatima lui lança : « pleure comme une femme ce que tu n’as pas su défendre comme un homme ! ». Quoi qu’il en soit, les Rois catholiques n’ayant plus d’ennemis sur leur sol vont entrer de plein pied dans l’occident et se lancer dans la découverte du monde. Je rappelle, au passage, que Isabelle la catholique avait promis, si elle prenait Grenade, de fournir des bateaux à Christophe Colomb. Le siècle qui suit sera le siècle d’or pour l’Espagne « el siglo de oro ».

Il y a eu aussi les vagues Viking. Cependant, ce n’étaient pas des invasions. Certes, ces pillages à répétition n’étaient pas sans conséquence mais en aucun cas cela ne remettait en cause l’organisation socio politique du moment. On remarquera que c’est lorsque ces Vikings on obtenu la concession de la Normandie qu’ils se sont retournés vers l’Angleterre (avec Guillaume le Bâtard) et du coup l’on fait entrer dans le monde occidental.

Les incursions sarrasines en méditerranée sont encore plus anecdotiques.

  A la fin du quinzième siècle, l’Empire d’Orient a disparu (prise de Constantinople par les Turcs le 29 Mai 1453). Les états centraux ne formeront jamais une union cohérente. Pendant ce temps, l’occident émerge. Trois grands états sont à peu près constitués (Espagne, France, Angleterre). Inversement, les notions d’Allemagne et d’Italie, si elles existent fortement ne sont en fait que des constellations de petits états.

Deux évènements potentiellement possible ne se sont pas produits. Suite à la coutume franque, l’Empire de Charlemagne a été démantelé et un grand état comprenant l’Italie, la France et l’Allemagne ne s’est pas constitué. D’autre part, malgré la conquête de l’Angleterre par un vassal du roi de France, les deux nations n’ont pas pu se réunir. La chose s’est du reste produite une deuxième fois lorsque les descendants d’Aliénor d’Aquitaine devenus rois d’Angleterre n’ont pas réussi (suite à la guerre de cent ans) à unir les deux pays.

Du seizième au dix huitième siècle, les guerres de religions, si elles ont dévasté l’occident n’ont pas changé grand-chose dans son organisation  politique. 

Au dix neuvième siècle, l’Occident se singularise fortement par rapport au reste du monde. Deux phénomènes qui, à l’origine, sont indépendants l’un de l’autre vont se mêler de façon indissociable. Il s’agit de la révolution industrielle d’une part et des grandes lutes sociales d’autre part. Cela est sensible surtout en Angleterre, en Allemagne, en France, en Italie et même en Suède. 

L’Espagne prend un peu de retard. Ce retard s’aggravera au vingtième siècle avec la dictature franquiste. A la mort de ce dernier, (le 20 novembre 1975) l’Espagne se sera quasi tiers-mondisée.

Il s’en suit une curieuse extension de la notion d’occident. Certains territoires coloniaux que les émigrants occidentaux sont allés peuplés depuis le dix-huitième siècle sont entrés, suite aux deux mêmes phénomènes (révolution industrielle et luttes sociales), directement dans cette notion d’occident. Il s’agit d’abord des Etats Unis d’Amérique et du Canada et, secondairement, de l’Australie et de la nouvelle Zélande.

La seconde guerre mondiale, va encore renforcer cette situation. 

Le 8 Mai 1945, suite aux accords de Yalta, l’Europe est coupée en deux. Il y a une Europe de l’Est sous la coupe de l’URSS et une Europe de l’Ouest où l’incidence des Etats Unis n’est pas négligeable. Il est amusant de constater que cette Europe de l’Ouest recouvre à peu près notre ancien Occident. Les successives déchirures ont du mal à se cicatriser.

Nous pouvons donc conclure que l’Europe, ce n’est pas l’occident. Ce n’est pas non plus l’Empire Romain méditerranéen, qu’il soit d’Orient ou d’Occident ni même l’Empire romain d’avant la partition.

En fait, une petite partie de l’Europe est un morceau de l’ancien Empire romain. Une partie de l’Europe est constituée de l’occident tel que précédemment décrit et une partie de l’Europe contient des régions qui n’ont jamais été ni romaines ni occidentales (la Finlande, les pays baltes, la Pologne, la Bulgarie etc.).

Il faut noter qu’à l’heure actuelle, les grandes vagues d’immigration sont attirées par l’Occident (France, Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne) et pas par l’Europe dans son ensemble.  On peut même dire que l’attirance va vers l’occident dans son sens large. Les Etats Unis et le Canada sont aussi concernés.

Maintenant que nous avons bien différencié l’Occident de l’Europe, nous allons pouvoir parler de la communauté européenne.

Mais ça, ce sera pour le prochain chapitre… 

Si vous êtes sages.



 

 

 

L’Europe

 

L’union européenne

Printemps quarante cinq. La guerre est terminée. Mussolini et Hitler sont morts. Le Japon a été atomisé. Tout est magnifique et l’on va pouvoir de nouveau respirer le parfum des fleurs.

Erreur ! Si cela avait été aussi simple que ça, cela se saurait.

Je vais tenter de vous expliquer des choses assez confuses, inattendues et parfois paradoxales.

Très rapidement, on est entré dans la « guerre froide ». L’allié soviétique de la veille est devenu l’ennemi avec le couteau entre les dents.

L’OTAN (organisation du traité de l’Atlantique nord) a vu le jour le 4 avril 1949, suite à des négociations des cinq pays européens signataires du traité de Bruxelles (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni) avec les États-Unis, le Canada et cinq autres pays d’Europe occidentale invités à participer (Danemark, Italie, Islande, Norvège et Portugal). L'Alliance avait pour vocation initiale d'assurer la sécurité de l'Occident au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en prévenant d'éventuels soubresauts d'impérialisme allemand et en luttant contre les ambitions de conquête de l'Union Soviétique appuyée par ses satellites (militairement organisé dans le cadre du Pacte de Varsovie). 

Du moins, c’est ce qu’on disait. Personnellement, j’ai des doutes et je suis surpris. En effet, les éventuels soubresauts de l’impérialisme allemand, je suis suspicieux. L’Allemagne était exsangue. Les bombardements de terreur l’avaient écrasée. De plus elle était partagée entre quatre puissances d’occupation et désarmée. En revanche, les ambitions de conquête de l’URSS pouvaient sembler plus crédibles ; à ce détail près que l’URSS aussi avait payé le prix fort dans la deuxième guerre mondiale. Le plus surprenant, c’est que parler de l’agressivité du pacte de Varsovie en 1949, c’est une absurdité. Ce pacte ne sera en effet signé que cinq ans plus tard en 1954. Si on ajoute qu’il était entendu que le commandement militaire de l’OTAN était strictement dévolu aux Américains, on peut se demander de qui la volonté impérialiste d’expansionnisme était la plus forte.

Quoi qu’il en soit, L’OTAN a été une première tentative d’union, non pas européenne mais, occidentale. L’argument qui dit que des états regroupés dans une seule alliance militaro politique ont moins de chance de se battre que des nations séparées et concurrentes reste persuasif. 

Deux ans plus tard, la volonté réelle de lutter contre l’URSS s’est encore plus dévoilée. Les forces occidentales ont imaginé une autre coalition anti soviétique. La communauté européenne de défense (la CED). Cette fois-ci, on ne s’embarrasse même plus de figures de style pour évoquer le fantasme d’un quelconque revanchardisme allemand. Au contraire, Les Américains envisagent purement et simplement une remilitarisation de l’Allemagne qui serait partie prenante de la coalition. 

Cette manœuvre permettrait aux Etats Unis d’avoir les mains libres en Europe pour se préoccuper plus facilement de la guerre en Corée.

Cela n’a pas abouti. Et cela n’a pas abouti pour deux raisons. La première, c’est qu’on avait tellement agité le spectre de l’Allemagne belliqueuse et revancharde que pour les gens, voir cette Allemagne remilitarisée a provoqué un véritable mouvement de panique et d’horreur. La deuxième, c’est que, nombre de Français, avaient suivi avec passion l’avancée des Soviétiques. Beaucoup de gens, absolument pas communistes, ont longtemps pensé que les russes les délivreraient des nazis. En 1943, après le bataille de Koursk, il devenait évident que ces Soviétiques partis des rives de la Volga ne s’arrêteraient plus et iraient comme ça jusqu’à Brest et Perpignan, voire jusqu’à Gibraltar. 

En revanche, nombre de personnes avaient les plus grands doutes quant à l’ouverture d’un deuxième front par les Américains. Quand ces derniers débarquent en juin quarante quatre, les Russes sont déjà à Varsovie.

A propos  des doutes que nombre de français nourrissaient au sujet des Américains, je vais vous raconter une anecdote familiale qui n’apporte pas grand-chose à l’exposé mais que je trouve plutôt symptomatique et qui m’amuse. J’avais une Grand’mère, absolument pas communiste et pas davantage prosoviétique. 

          C’était une femme « forte en gueule ». Elle s’appelait Yvonne. Il n’y a pas spécifiquement de Sainte Yvonne. De nos jours, on honore les Yvonne le 18 Mai mais dans ce temps là, c’était le 6 Juin. Ma Grand’mère, donc, pour bien marquer la confiance qu’elle accordait aux Américains et à leur hypothétique débarquement, avait coutume de dire : Les Américains, ils vont débarquer… Ouais, tu parles… Le jour de la saint trou du cul ! Le six Juin 44, mon Grand-père ayant appris les évènements de Normandie, dans l’après midi, téléphone à sa Femme et lui dit : Dis, Yvonne, tu sais quel jour on est aujourd’hui ?

Elle, toute rosissante d’émotion à l’idée que son mari y ait pensé lui répond : Oui, c’est ma fête. Alors, le Grand-père, péremptoire lui lance : Non ! Aujourd’hui, c’est la saint trou du cul. Et il raccroche. Tout les ans, jusqu’à la mort de ma Grand’mère en 1960, nous avons fêté avec solennité la saint trou du cul.

Bref, tout cela pour vous dire que la CED ne s’est pas faite.

Dans les mêmes moments on imagina la CECA.

La Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) était une organisation internationale composée de six nations unifiant l'Europe de l'Ouest durant la Guerre froide et créant les bases d'une démocratie européenne et le développement de l’actuelle Union européenne. La CECA était la première organisation basée sur des principes supranationaux.

La proposition de sa création, annoncée par Robert Schuman (lors de son discours du 9 mai 1950, devenu journée de l'Europe), alors ministre des affaires étrangères français, était un moyen d'empêcher une nouvelle guerre entre la France et l'Allemagne. 

Il déclara que son but était de rendre la guerre "non seulement impensable mais aussi matériellement impossible". Pour cela, la première communauté supranationale d'Europe a vu le jour par la signature du Traité de Paris (1951) par la France, la RFA, l'Italie et les pays du Benelux (la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas). La CECA créerait un marché unique du charbon et de l'acier entre ces États.

Les bases d’une démocratie européenne… Tu parles ! Cela avait surtout pour mission de permettre aux magnats du charbon et de l’acier de ne plus payer de taxes de douane et ainsi d’échapper aux règlementations dans les divers pays concernés. Les capitaux et les produits de l’industrie lourde pouvaient circuler librement, oui, mais pas les citoyens. Il est à considérer que les partis les plus nationalistes du moment (gaullistes et communistes) s’y opposèrent farouchement. Mais la chose a été faite quand même.

Par la suite, il y a eu le traité de Rome (1957). Il s’est d’abord appelé « traité instituant la communauté économique européenne ». C’est assez révélateur. Même si on proclamait une union plus étroite entre les peuples, il s’agissait bien, surtout, d’un traité facilitant les activités économiques (industrielles et bancaires). Il a d’abord institué le marché commun. J’ai un peu l’impression que cela rendait plus service aux grandes entreprises à visée internationale qu’au petit patron du coin. Quoi qu’il en soit, c’était mieux que rien. 

Je voudrais à ce moment vous signaler deux ou trois choses qui peuvent sembler paradoxales.

Le Général De Gaulle, qui avait lutté contre l’OTAN, dès son retour au pouvoir en 1957, contrairement à sa vision très nationale a très fortement œuvré avec son homologue allemand Konrad Adenauer pour mettre en place ce marché commun. 

En fait, son désir était surtout d’échapper à l’impérialisme économique américain. Se rendant compte que la France seule en était strictement incapable, il a accepté de s’unir avec d’autres puissances européennes, l’Allemagne, l’Italie et les pays du Benelux. De Gaulle n’a pas agit par un européanisme convaincu, mais pour contrecarrer la main mise américaine sur la France en se disant qu’une fois cette union établie, il serait plus facile à l’économie française de tirer son épingle du jeu.

 Une autre chose est étonnante. Les communistes qui depuis un siècle criaient « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » ont été violemment opposés à cette union européenne. Ils voyaient dans cette organisation la création d’un bloc occidental anti soviétique, anticommuniste et anti Europe orientale. Ils n’avaient pas complètement tord. Mais justement,  le moment aurait été bien choisi pour imaginer un vaste front européen pour lutter de façon concertée contre leur ennemi capitaliste. Le grand cri du moment était : Il ne faut pas faire l’Europe des capitaux mais celle des peuples. Donc, c’était le moment de dire : Vous la voulez l’Europe unie, et bien nous aussi et vous allez voir qui y arrivera le plus facilement. 

Mais non. En croyant lutter contre le capitalisme, ils ont lutté contre le rapprochement des peuples. Si on ajoute que les deux plus grands partis communistes de l’Europe occidentale du moment (français et italien) n’étaient même pas d’accord entre eux quand à l’allégeance envers l’URSS, on comprendra qu’une union de ce type était difficile. En définitive, les partis communistes occidentaux ont mis en œuvre une position individualiste, frileuse et conservatrice.

Une situation analogue était remarquable pour les grandes centrales syndicales. Pourtant, à patronat européen unis, il eût été pertinent d’opposer des syndicats européens unis ! Bah non. Il faut reconnaître qu’à l’intérieur de chaque pays, on constatait des désunions entre centrales syndicales souvent opposées et parfois vindicatives. Alors, vous pensez ! Si en plus il avait fallu coopérer avec les voisins… Il est à constater que sur le plan syndical, la situation reste la même plus de cinquante ans après.

Un petit mot sur les partis socialistes occidentaux. Il est remarquable qu’ils se sont tous engouffrés dans l’union européenne avec une jubilation non dissimulée. Ah bah voila des partis de gauche qui ont compris où était l’intérêt des peuples ! Tu parles ! Comme à leur accoutumé, les socialistes se sont appliqué à bien géré le bon fonctionnement des grandes banques et des sociétés multinationales en tentant d’unifier les avantages sociaux en les alignant sur les plus bas. Si les partis socialistes étaient socialistes, on l’aurait remarqué.

En France, le parti qui sous diverses appellations se veut centriste, après avoir été passionnément pro américain s’est converti à un pro européanisme non moins passionné. Il me semble que pour ce parti, dont le porte étendard était Monsieur Giscard d’Estaing, le but était de créer une Europe technocratique dans laquelle les revendications populaires pourraient être noyées dans un ensemble plus vaste, plus flou, plus éloigné des peuples et sans vrai contrôle démocratique. Nous voudrions bien vous donner satisfaction, mais ce n’est pas nous… C’est l’Europe. Les consignes européennes… Les décisions de Bruxelles… Nous en reparlerons dans le prochain chapitre à propos d’une tentative de constitution.

L’Europe de cette façon, bloc occidental s’opposant au bloc oriental (on se croirait au moyen âge), inféodé aux états unis, non démocratique et complètement extérieur aux populations, a ainsi clopiné jusqu’à l’écroulement du monde oriental avec la date mythique du 9 novembre 1989, date de la chute du mur de Berlin.

A partir de cette date, le sens de l’union européenne va complètement changer. C’est ce que nous verrons dans le prochain chapitre.

 

 

 

 

 

 

L’Europe


L’union européenne

 

 

 

Au point où nous en sommes et, avant d’aller plus loin, il serait temps de remettre de l’ordre dans ce que nous avons dit. 

Il y a eu d’abord, en 1951, la CECA (communauté européenne du charbon et de l’acier). Bon, c’est clair, cela consistait à permettre aux propriétaires de l’industrie lourde occidentale d’augmenter leurs bénéfices, éventuellement en aggravant la pression sur leurs salariés respectifs. Elle était crée pour une durée de cinquante ans. En conséquence, elle n’existe plus depuis le 22 juillet 2002.

Comme cela fonctionnait bien, on a étendu le principe à l’ensemble des grosses entreprises occidentales. En 1957, on invente la CEE (communauté économique européenne). Votre pertinence a bien remarqué que dans l’appellation, il n’est question ni d’humain, ni de social, ni de culturel. Il n’est question que de gros sous.

En 1960, le Royaume unis, le Danemark, la Norvège et l’Irlande font acte de candidature pour entrer dans la communauté. Mais, le Général de Gaulle oppose son droit de veto. Il y a à cela deux raisons. D’abord, il voit l’entrée de la Grande Bretagne comme un cheval de Troie de l’impérialisme américain. Il n’a peut-être pas complètement tord. Comme on sait que, précédemment, il s’était déjà opposé à l’OTAN pour échapper à la suprématie américaine, on comprend qu’il réitère. 

Personnellement, je pense qu’il devait garder aussi un souvenir aigre de la façon un peu hautaine avec laquelle il avait été considéré lors de son séjour forcé à Londres entre 1940 et 1944. Du coup, il ne devait pas lui déplaire de rendre un peu la monnaie de leur pièce aux Britanniques en leur renvoyant un peu leur mépris. Une petite vengeance, quoi. Du coup, les quatre états ne furent pas admis. Ils présentèrent une nouvelle demande dix ans plus tard (sauf la Norvège). Les Norvégiens ayant, entre temps décidé par référendum de ne pas adhérer ne se présentèrent plus. Il est à noter que la Norvège ne fait toujours pas partie de l’union européenne. Cette fois, Georges Pompidou ayant remplacé le Général de Gaulle, le veto fut levé et de cinq on passa à huit.

Je vous passe les détails sur le temps de négociation, toujours est-il que la Grèce entre dans l’union en 1981 et l’Espagne et le Portugal en 1986. L’année suivante, en 1987 la Turquie présente sa demande d’adhésion. Curieusement, vingt quatre ans plus tard, ce n’est toujours pas acquis. On en reparlera.

  Avant d’arriver à la démolition du mur de Berlin, il faut encore que je vous donne quelques informations sur le fonctionnement de La CEE.

La CEE est dirigée par un conseil de l’Europe que l’on appelle parfois le conseil des ministres. En fait, ce sont les ministres des états membres qui sont ipso facto ministres européens. Pour un problème financier, on réunit (théoriquement) les divers ministres des finances. Il se trouve que dans les divers états membres, on peut être ministre sans être élu (En France Georges Pompidou ou Monsieur Dominique de Villepin ont été ministres sans être élus). On les appelle les conseillers. Nous avons, d’autre part un parlement. En 1957, le traité de Rome statuait que le parlement devait être élu au suffrage direct des citoyens. Il était demandé aux conseillers de régler les modalités de ce scrutin. En attendant, les députés furent nommés par les divers gouvernements. Soixante dix huit au total. Il va de soi que les gouvernements de l’époque étant tous, malgré une opposition parfois conséquente, conservateurs ne nommèrent que des députés conservateurs. Et hop ! Plus d’opposition progressiste ! 

Il était, comme nous le disions, demandé aux conseillers de régler les modalités de ce scrutin. Hélas ! Allez savoir pourquoi, le conseil de l’Europe, alléguant qu’il n’avait pas le temps de s’en occuper, reporta à plus tard ce point de détail. Oh, juste un peu plus tard… Oui. Un peu plus tard. Vingt deux ans. On ne vota pour le parlement européen pour la première fois qu’en 1979. Alors, vous vous dites : Bon ça y est. L’affaire est résolue ; n’en parlons plus. Grands naïfs que vous êtes. Le parlement européen n’a pratiquement aucun pouvoir. Il ne peut pas élaborer de proposition de loi. Seul le conseil est habilité à émettre des projets de loi. Dans de très nombreux cas, le parlement n’a qu’un rôle consultatif et sur le plan financier n’a pas de pouvoir décisionnel quand à l’utilisation des fonds qui reste l’apanage du conseil. Le parlement ne peut qu’en organiser la collecte mais ne peut pas les utiliser. En résumer, les parlementaires européen sont là pour ramasser des sous, mais pas pour décider comment on va les utiliser. Impressionnant de démocratie, tout ça, hein !

Nous sommes le 9 novembre 1989. Le mur tombe. Boum !

Si, boum ! Parce que ça fait du bruit et ça  change tout.

Jusque là, L’Europe, c'est-à-dire l’Occident avait deux missions. Premièrement, celle qui était officielle qui consistait à organiser un système économique capitaliste et libéral sans entraves ne tenant que le moins possible compte des acquis sociaux des différents états. D’anciens pays de l’Est entrant dans la communauté avec des niveaux de vie plus bas, cela va être un plaisir de peser plus lourdement sur les acquis sociaux de l’ex Occident. Deuxièmement, celle plus masquée d’être un rempart face à une Europe orientale belliqueuse. Et voila qu’il n’y a plus d’Europe orientale. Bah zut alors ! Qu’est-ce qu’on va devenir ?

Cela implique que le rôle militaire va rudement changer de sens. Cela implique que s’il n’y a plus d’Europe orientale, il ne peut plus y avoir, non plus, d’Europe occidentale. Cela implique que l’Europe occidentale risque de devenir une véritable Europe. Mais cela implique aussi que l’Europe a une partie occidentale qui fait partie d’un Occident toujours existant. Du coup, certains pays feront des efforts désespérés pour tenter d’entrer dans cet Occident (la Pologne, par exemple).

Avec tout cela, on s’achemine gentiment vers le traité de Maastricht entré en vigueur le 1er Novembre 1993. Oh, lui, il a fait couler beaucoup d’encre et de salive. C’est curieux, du reste et, d’un côté, il est parfaitement logique, dans la suite des choses et parfaitement justifiable et de l’autre, parfaitement exécrable. Je m’explique. 

Premièrement, il est dans la parfaite logique des choses. En effet, on ne peut pas à la fois augmenter la cohérence d’un groupe et maintenir ses divergences et ses singularités autonomes. Il faut choisir. Avec l’intention de resserrer les liens de la communauté, le traité de Maastricht organise le transfert de certaines compétences individuelles des états nationaux vers la communauté. Ceci, en soit, est parfaitement intelligent et je dirais même louable. Plus de cohésion, cela veut, nécessairement, dire plus de décisions prises au niveau central. C’est en cela que je prétends que c’est parfaitement justifiable.

Mais, deuxièmement, dans le même temps, c’est parfaitement exécrable parce que cette décision est prise par le Conseil de l’Europe sans prendre l’avis du parlement européen pourtant démocratiquement élu en 1979. Une nouvelle fois, c’est la partie la plus arbitraire et disons-le la plus totalitaire qui décide en passant joyeusement par-dessus la tête des instances élues. Les technocrates du Conseil européen se fichent éperdument des volontés populaires.

Le traité de Maastricht ratifie aussi un changement d’appellation. La communauté économique européenne (CEE) s’appellera désormais  communauté européenne (CE).

  De nouveaux états entrent dans la communauté en 1995 : l’Autriche, la Finlande et la Suède.

Nous arrivons à 2004 : Nouveau traité de Rome.

Ce traité est plus connu sous son résultat de tentative de constitution européenne avortée.

Vous pensez bien que je ne vais pas vous parler de l’Europe pendant quelques dizaines de pages sans vous parler de cette histoire de constitution. En effet, depuis le temps qu’elle existe cette Europe, il serait pertinent de lui donner une constitution… Une Vraie !  C’était donc une bonne idée.   

Une constitution, comment est-ce que cela se fabrique ? On élit, démocratiquement, une assemblée constituante. Celle-ci débat en tenant compte des aspirations des électeurs et, quand c’est préparé, on soumet le résultat à la population. Oui, hein, bien sûr ! Bah non. Pas pour l’Europe. Pour l’Europe, il y a un Monsieur, tout seul dans son coin, qui s’appelle Monsieur Valéry Giscard d’Estaing. Il a décidé depuis longtemps qu’à lui tout seul, il n’a pas besoin de démocratie. Pour vous situer la personne, il se fait appeler Monsieur Giscard d’Estaing. Mais en réalité, il ne s’appelle que Monsieur Giscard. Sa famille issue de bonne grosse bourgeoisie court, depuis plusieurs générations, après un titre nobiliaire. Pour ce faire, à plusieurs reprises, ils ont acheté des châteaux espérant en récupérer la particule. Ils ont aussi tenté d’utiliser des homonymies parfaitement abusives. En fait, ils ne sont que des Monsieur Jourdain de Molière (Le bourgeois gentilhomme) à ce détail près qu’eux, ne sont pas drôles. 

Monsieur Valéry Giscard d’Estaing, en bon descendant de sa famille, joue à se faire croire (faute de le faire croire aux autres) qu’il est un hobereau médiéval tellement au dessus de la populace qu’il peut se permettre de se montrer sous un jour protecteur en accordant de menues friandises au petit peuple de ses serfs. Il affecte de s’habiller de façon populaire en portant des cols roulés ; Il s’invite, pour bien montrer qu’il n’est pas prétentieux, à manger chez des « pauvres » et se fait filmer lorsqu’il va jusqu’à s’encanailler en prenant le métro. Il voudrait être aristocrate pour pouvoir montrer à quel point il saurait être paternaliste.

Monsieur Giscard d’Estaing, qui a réussi la performance, après un seul mandat de président de la république, à tellement excéder les électeurs, qu’il se fera remercier comme un indésirable, présente donc toutes les qualités nécessaires pour concocter une constitution européenne démocratique, progressiste, populaire et sociale. Pour ce faire, il constitue un groupe d’amis qu’il présente comme des techniciens de la chose et se fait désigner par le conseil de l’Europe (pas le parlement, hein, des élus ! Ah, fi ! Des représentants du peuple, quelle horreur !) comme commission réfléchissant à des dispositions constitutionnelles. Vous pensez bien que dans ces conditions, il ne va pas choisir comme partenaires des gens qui sont opposées à sa vision du monde. 

Il ne faut pas confondre constitution et règlement intérieur d’entreprise. Un règlement intérieur, c’est un système de fonctionnement édicté par le patron. Il est le propriétaire et il décide seul de la façon dont il souhaite que soit organisée son entreprise afin qu’elle ait le meilleur rendement possible. A l’opposé, une constitution est une organisation collectivement élaborée pour que les citoyens profitent au mieux dans une société juste et apte à répartir les richesses produites entre tous les individus concernés.

Monsieur Valéry Giscard (dit d’Estaing) en technocrate convaincu, considérant que le petit peuple n’est qu’un amas de petits frères débiles et incompétents qu’il faut tenir par la main comme des êtres inférieurs que le seigneur féodal considère comme des serfs n’a pas élaboré une constitution mais un règlement interne d’entreprise. Les aspirations populaires et les espérances des hommes, cela n’a pas à être pris en compte.

Un petit détail symptomatique : Dans une première mouture, il était stipulé que l’Europe était chrétienne. Et allez donc ! Ceux qui n’étaient pas chrétiens n’auraient été que des Européens de second ordre. On n’est pas allé jusqu’à proposer de ré allumer les bûchers de la sainte inquisition, mais pas loin. Chose amusante, Monsieur Chirac, alors président en France a été de ceux qui se sont opposés vigoureusement à cette affirmation. Cela n’a pas été retenu.

Je me suis amusé à lire ce projet de constitution. Enfin, amusé, c’est beaucoup dire. C’était très technocratique et remarquablement ennuyeux. Et puis, comme c’était remarquablement trop long, je me suis arrêté à quatre-vingt pages de la fin. C’était désolant. Je pense que vous avez compris que j’ai voté « non ».

D’autres que moi ont aussi voté « non » ; oui, je sais, pour des raisons diverses souvent contradictoires et souvent souverainistes. Toujours est-il que ce projet à été rejeté dans plusieurs pays membres de la Communauté.

Ce qui m’aurait semblé bien, et progressiste et social, et constructif et conquérant, cela aurait été que les partis qui se disent, se croient et se présentent comme de grands partis populaires relèvent le flambeau et proposent une autre constitution : Une vraie, une généreuse, une humaniste. Bah non. On en est resté là.

De plus, le conseil de l’Europe, pour bien montrer son sens du respect des décisions des citoyens européens a décidé (lors du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009) de passer outre et, en gros, d’appliquer (partiellement) les dispositions de cette fausse constitution rejetée par les peuples.

A partir du traité de Lisbonne, la communauté s’appellera désormais union européenne.

De nouveaux états entrent dans l’union.

En 2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Slovénie.

En 2007 : Bulgarie et Roumanie.

L’élargissement de l’Europe, malgré ses vicissitudes, continue. D’autres états, dont encore la Turquie, sont toujours candidats. Personnellement, je vois avec un grand plaisir des peuples chercher à s’unir dans une grande confraternité.

Mais, quand se décidera-t-on à bâtir



L’Europe des peuples


Et non des capitaux ?



 

 

L’Europe

 

Espoir d’avenir

 

 

Nous avons tenté de parcourir l’évolution et l’expansion de l’Europe à travers son histoire. Pour ma part, voir que des états qui, à travers le temps, avaient la sale manie de se battre on envie de s’unir, me remplit de jubilation. J’aimerais même que cette fraternité humaine se poursuive. Certains états ne sont toujours pas membres de l’union. C’est regrettable. Oh, je ne veux pas les contraindre. Si la Suisse et la Norvège préfèrent rester administrativement extérieurs, ce n’est pas grave. De toutes façons, humainement et économiquement, cela ne change pas grand-chose. 

En revanche, certains autres états on fait acte de candidature et n’ont pas encore été acceptés. Je trouve cela plus inquiétant. Pour les repousser, on allègue la présence de pouvoirs non démocratique. C’est possible. Je ne suis pas certain que ce soit la seule vraie raison.

 J’ai une impression. Ce n’est qu’une impression, hein, mais c’est quand même une impression. Il y a, à l’heure actuelle sept pays qui ont entamé un processus d’adhésion à L’UE. Pour deux d’entre eux, on imagine une date d’entrée possible. Ce sont la Croatie et l’Islande. Bon. Tant mieux pour eux. Mais il y en a cinq autres pour lesquels l’UE n’envisage pas de date d’entrée. Curieux ! Ça. Ce sont : l’Albanie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Turquie. Et pour ce qui est de la Turquie, il y a rudement longtemps. Alors, je me suis posé la question suivante : Y aurait-il un point commun à ces états ? J’ai constaté une chose étonnante. Bon, je vous la livre comme ça. Vous en faites ce que vous voulez. 

Ces pays on une plus ou moins large partie de leur population musulmane. Bien sûr, vous vous récriez : Des musulmans, il y en a dans toute l’Europe ! Oui, bien sûr, mais non. Dans toute l’Europe, de nombreux musulmans sont des immigrants de plus ou moins fraiche date. Dans ces pays, c’est différents. Nous constatons une existence musulmane ancienne. Ce sont des pays dans lesquels la tradition religieuse est musulmane depuis le moyen âge. Ce sont des pays musulmans dans lesquels il peut y avoir un certains nombre de chrétiens. Vous ne me croyez pas ? Alors, je vous donne un peu de détail. En Albanie : Malgré la tentative de rechristianisassions de Scanderbeg au milieu du moyen âge, il n’y a pas de majorité religieuse mais l’Islam représente la plus forte minorité (38%) devant les catholiques et les orthodoxes. En Macédoine, l’argument officiel est le veto absolu des Grecs qui refusent la Macédoine parce qu’elle porte le même nom qu’une province grecque. C’est absurde. C’est comme si la France refusait la présence de la Grande Bretagne parce qu’en France il y a une province qui s’appelle la Bretagne. En revanche, en Macédoine, les musulmans sont nombreux et il y a, de plus, une forte minorité albanaise musulmane. Au Monténégro : Nous avons aussi de fortes minorités musulmanes albanaises et bosniaques (les Bosniaques, je vous en reparlerai après). En Serbie il y a relativement peu de musulmans si ce n’est une minorité bosniaque non négligeable. En revanche, la Serbie est orthodoxe. Oui, bien sûr ! Mais la Bulgarie et la Roumanie aussi sont orthodoxes et cela n’a rien empêché ! Euh, dire que cela n’a rien empêché, c’est un peu abusif. Il a fallu du temps. Mais bon, ça s’est fait. Alors pourquoi pas la Serbie ? La Serbie est orthodoxe, certes, mais largement imprégnée de bogomilisme. 

Allons bon ! Qu’est-ce que c’est encore que ça ? Le bogomilisme, c’est une déviance de l’orthodoxie (du nom du prêtre bulgare Bogomile) très imprégnée de manichéisme persan. Pendant deux à trois siècles, au moyen âge, l’église romaine a soutenu une répression féroce contre le bogomilisme. Pour Rome, le bogomilisme est une hérésie. On assimile souvent l’hérésie cathare du sud de la France au bogomilisme. De plus, pour la Serbie, il y a le problème du Kossovo. Je vous expliquerai à propos du Kossovo. 

Il est amusant de constater que la Slovénie catholique n’a pas eu trop de mal à intégrer l’Europe et que la Croatie non moins catholique voit sa candidature  examinée avec un œil favorable alors que les autres états des Balkans sont repoussés comme des suppôts de l’antéchrist.

Votre perspicacité n’a pas été sans remarquer que je ne vous avais pas parlé de la Bosnie et du Kossovo.

Attendez ! On y arrive !

Pour ceux-ci, il n’est même pas prévu de date pour un dépôt de candidature.

La Bosnie est constituée de trois ethnies principales : Des Serbes orthodoxes, des Croates catholiques et puis les autres (majoritaires) que l’on appelle les Musulmans (Avec une majuscule comme si c’était une nationalité). Ces derniers se nomment, eux même, les Bosniaques. Du coup, le mot bosniaque devient ambigu. Il peut désigner, selon les cas, soit les habitants de la Bosnie ou les seuls musulmans. On a vaguement tenté, à une époque, d’introduire le nom de Bosnien pour parler de l’ensemble des habitants de la Bosnie mais cela n’a pas eu de suite. 

Il s’en suit que la Bosnie est peuplée de Bosniaques musulmans (ou de Musulmans bosniaques) et de deux autres minorité chrétiennes différentes. Si l’on veut faire référence aux attaches religieuses, la Bosnie serait donc, majoritairement, musulmane.

Pour ce qui est du Kossovo, c’est encore plus drôle. Les Kosovars sont quasi unanimement musulmans. Il y a chez eux deux minorités : Des Albanais musulmans et une petite frange au nord de Serbes Orthodoxes. Le Kossovo est donc musulman à environ 90%. Il s’en suit trois conséquences. Premièrement, on ne peut pas envisager l’intégration d’un tel état dans l’union européenne.  Deuxièmement, pour l’ONU, il est difficile d’admettre l’existence d’un état musulman au cœur de l’Europe. Le Kossovo n’a pas pu réunir une majorité d’inscrits à l’ONU pour y entrer. Il faut reconnaître que certains états sont réticents à avaliser une sécession du Kossovo par rapport à la Serbie ce qui créerait un précédent les conduisant à accepter chez eux la même manipulation. Si l’Espagne admettait la sécession du Kossovo, il lui deviendrait difficile de refuser la même chose pour le Pays Basque et la Catalogne. Si de nombreux états ont reconnu la souveraineté du Kossovo, il n’en reste pas moins officiellement une province de la Serbie. Et c’est là que, troisième conséquence, La Serbie, augmentée du Kossovo voit sa population musulmane augmentée de façon très significative. Alors, vous pensez, déjà qu’elle est marquée du sceau de l’infamie hérétique avec son passé bogomiliste. On ne veut pas d’elle.

Bon, Pour la Turquie, je ne vous fait pas un dessin. Elle est candidate à l’entrée dans l’Union européenne depuis quarante huit ans. On veut bien de ses troupes dans l’OTAN  mais de là à la laisser entrer dans l’Europe, il ne faut pas exagérer. Que l’histoire de la Turquie soit mêlée à celle de l’Europe depuis presque un millénaire, que François Ier et Louis XIV aient étés alliés du Sultan, c’est une chose ; mais, de là, pour certains membres du conseil de l’Europe qui, dans un premier temps, lors de cette tentative échouée de constitution, imaginaient d’y affirmer une tradition chrétienne, voir entrer un état de près de quatre vingt millions de musulmans, ce serait proprement blasphématoire ! Si encore ils acceptaient de se convertir à la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine. Mais c’est qu’ils refusent, ces malappris.

C’est drôle, hein. Niaisement, je croyais que nous étions entrés dans une période où la sainte inquisition n’était plus qu’un mauvais et lointain souvenir. J’avais imaginé qu’aujourd’hui on voyait s’épanouir et triompher la tolérance. Je suis déçu.

Repousser des gens qui souhaitent être nos amis, n’est-ce pas le plus sûr moyen de s’en faire des adversaires ?

 En 2000, les grands chantres de l’Europe on inventé une nouveauté que je trouve intelligente. 

L’euro. Si, si ! L’euro. Tous les membres de la communauté ne sont pas dans la zone euro mais c’est déjà ça. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais chaque fois que des humains trouvent un moyen d’entente ou de rapprochement, cela me remplit d’aise. Rassurez-vous, hein, je ne me laisse pas abuser. Il est entendu que l’Euro sert davantage aux grandes entreprises multinationales qu’aux plombiers de la creuse ou qu’aux éleveurs de rennes finlandais. Cela a permis en outre une hausse des prix fracassante ; mais c’est fait. Au lieu de compter ses billes chacun dans un coin et des billes différentes en plus. Nous parlons (ceux de la zone euro) de la même chose. Comme tout le monde, j’ai eu un petit pincement au cœur quand le franc, après neuf cents ans de bons et loyaux services, a été mis au rancard. Mais, nous sommes grands ; nous sommes capables de dépasser les petites mesquineries particularistes. Nous sommes européens, alors, vive l’Euro. Oui, vive l’euro en espérant un jour voir disparaitre l’euro au profit du « mondio ».

Pendant que nous parlons de l’élargissement de cette possibilité de confraternité humaine supra nationale, je voudrais vous parler d’une petite chose que je trouve très intéressante. M Sarkozy, que les uns et les autres gratifieront des qualités et des défauts qu’ils lui prêtent, nous suggère de façon récurrente un espace économique méditerranéen. Vous avez remarqué, hein ! Il ne parle pas d’espace populaire. Mais quand même la CEE a commencé aussi comme ça. Moi, je suis pour. Du reste, son intervention en Lybie… S’il n’y avait pas de pétrole, on peut se demander si… Quoi qu’il en soit, s’apercevoir que de l’autre côté de la méditerranée il y a aussi des gens avec lesquels nous avons des relations plusieurs fois millénaires, ce n’est pas mal non plus.

Où c’est un peu paradoxal, c’est que cela voudrait dire que le monde méditerranéen n’intéresserait qu’une partie de l’Union européenne. Bah oui ! Les rives méditerranéennes de la Pologne ne sont pas très conséquentes. En fait, je serais partisan d’élargir la notion de communauté à l’Afrique du Nord et au proche orient. Du coup, il faudrait lui trouver un autre nom. Cela reviendrait à ressusciter le vieux monde romain agrandi de l’Europe du Nord. J’aime assez cette vision. Elle permettrait, entre autres, de gommer les antinomies religieuses et, en conséquence, il ne serait pas illogique d’imaginer la chose allant jusqu’ aux confins de l’ancien empire d’Alexandre qui correspond, du reste, à la plus grande expansion historique de la Turquie. Dans l’aventure, la Russie n’étant plus un monstre de population et de surface par rapport au reste du l’Union pourrait opérer un rapprochement. L’union n’aurait, dans un premier temps plus d’autres limites que les régions peu peuplées formant des barrières naturelles (le Sahara, l’Himalaya, les steppes de l’Asie centrale). 

          Alors là, vous vous dites : Ça y est, il est devenu fou. Non, même pas. Pour moi, le but ultime est une réunion confraternelle de tous les peuples de la terre. Je sais bien que pour les possesseurs de trusts internationaux qui nous gouvernent, le but est de former un bloc économique suffisamment puissant pour pouvoir rivaliser avec d’autres groupes économiques, les dépasser, les ruiner, les agenouiller et les racheter à vil prix afin d’arriver, à terme à une situation de monopole. Lors de la création de la CEE ; pour le Général de Gaulle, le but était de faire face à l’industrie américaine. De nos jours, c’est toujours vrai, mais il y a, de plus, la Chine et l’Inde. Ceci est le fonctionnement économique capitaliste. Moi, je ne cherche pas à lutter contre d’autres hommes, mais à coopérer avec eux.

On nous agite souvent l’épouvantail de la mondialisation et, des gens, avec des intentions pures, sortent dans la rue en criant : Non à la mondialisation ! C’est absurde. La mondialisation des capitaux et des puissances industrielles, elle est déjà faite. Tout le monde sait qu’aujourd’hui, des entreprises chinoises ou japonaises possèdent des usines en France et que dans le même temps, des entreprises françaises et européennes ont fait bâtir des installations en Chine et au Japon. S’élever contre la mondialisation est, au sens propre du terme (vouloir revenir à une situation passée et révolue), une position réactionnaire. Vers 1960, nous avons crié « non à l’Europe des capitaux » et nous n’avons rien fait. Résultat : Nous avons eu l’Europe des capitaux et pas celle des peuples. Ne nous laissons pas gruger une deuxième fois. Je ne dis pas que la chose est facile mais, forts de notre expérience, sachons expliquer à nos amis chinois, ou autres, ce qui nous attend, eux et nous.

   Ceci est d’autant plus important que la mondialisation ne peut être qu’une étape ultime. 

Je vous explique. Deux cas de figures. Pour contrecarrer les mouvements de revendication sociale, les entreprises ont intérêt à disperser leurs lieux de fabrication. Ainsi, une grève dans une usine deviendra négligeable dans l’ensemble des usines. Si les salariés sont capables de se concerter, il faut disperser de plus en plus loin, dans des lieux de plus en plus différents. Quand la dispersion est mondiale, on ne peut plus aller plus loin. Deuxième situation : Pour échapper à des législations sociales trop favorables aux salariés, on délocalise. Quand la mondialisation est réalisée, si les salariés ont su, eux aussi se mondialiser, où voulez-vous que l’on délocalise ? Sur la lune ?

La mondialisation est donc bien, comme je le disais, une situation ultime et définitive.

L’Europe n’a pas fait l’Europe des peuples. C’est vrai. 

L’Europe supranationale a été bâtie pour les entreprises multinationales par les dirigeants de ces mêmes entreprises. Il ne faut pas attendre d’elles qu’elles inventent l’union des populations à laquelle, elles ont, précisément l’intention d’échapper. Pourquoi voulez vous attendre des loups qu’ils organisent le système de protection des brebis ?

Alors, je dis : Vive l’Europe des peuples conscients. Vive la mondialisation fraternelle de tous les humains et, reprenant une idée de Marx et Engels en 1848 en en modifiant très peu la verbalisation, je suis fier de m’écrier :

 

 

Travailleurs de tous les pays,


Unissons-nous !



Commentaires: 1
  • #1

    COIFFET (mardi, 06 février 2024 09:22)

    L'internationale des Peuples est peut-être enfin en route à voir et à transmettre
    https://www.internationaledespeuples.eu
    ON LÂCHE RIEN
    Jacky

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