LES IMPÔTS


I Prémices

Immédiatement, vous avez remarqué, une nouvelle fois, le talent particulier que j’ai pour aborder des sujets plaisants, festifs et jubilatoires. Oh ! Ne vous en cachez pas ! Je sais bien que dès que vous avez découvert le titre, vous avez impulsivement battu des mains en murmurant entre vos dents : « Chouette ! On va encore bien rigoler ! ». Et vous avez eu raison. Vous allez voir comme cette investigation intellectuelle est réjouissante et ouvre des horizons lumineux et révélateurs.

Dans un premier temps, voyons un peu l’origine de ce que nous appelons l’impôt.

Il va de soi que tant que l’individu humain n’a pas la possibilité technique de produire plus que ce qu’il consomme pour sa survie, tant qu’il est en situation de disette permanente (ou presque), il est évident qu’il ne peut pas reverser une part de sa production à une entité quelconque et, de ce fait, ne peut même pas en concevoir l’idée.

En revanche, dès qu’il passe à une économie de surproduction, dès qu’il sait thésauriser des richesses, dès qu’il entre dans le néolithique, la situation est complètement bouleversée. La capacité de surproduction, combinée à une répartition des tâches accrue qui en découle, entraîne la possibilité pour certains individus de devenir strictement non productif. Quand je dis non productif, il s’agit, évidemment, de productions vivrières. Les hommes se mettent à concevoir la possibilité d’entretenir des personnages qui ont une activité autre. La situation du moment entraîne l’idée d’avoir des personnages dont la fonction est un investissement de sécurité. Il faut se prémunir contre les pillards ou les agresseurs de tous types. Il faut des guerriers. Un guerrier, ça se nourrit, ça s’habille, ça se loge, ça s’arme en revanche ça ne cultive pas les champs.

Il faut aussi se protéger contre les calamités climatiques, contre les maladies ou les mauvais esprits. Il devient donc nécessaire d’entretenir des sorciers, chamans et autres prêtres. Si on ajoute à cela les aspects matériels que cela implique (construction de murailles, de casernes et de temples) on se rend compte que tout cela coûte cher.

Cela coûte cher, bien sûr, mais c’est un investissement. Chacun apporte sa part à la protection commune afin d’y espérer son bien être individuel et la sécurité de sa famille. 

On peut considérer que pendant un temps relativement long, cette contribution à la vie commune est parfaitement volontaire sous forme de dons ou d’offrandes et, de plus, ces donations  affirment la puissance du donateur lui permettant d’asseoir ses prétentions dans la hiérarchie sociale.

Cependant, au fil du temps, hé, cela s’étale quand même sur plusieurs millénaires ! Les choses vont se modifier.

Il va de soi que les chefs de guerre ne vont pas se contenter de ce que la communauté leur octroie. Ils possèdent la force et, par la force vont exiger davantage. Ils vont imposer une participation plus systématique et plus lourde de la part des citoyens qui vont, du coup, leur être assujettis.

Dans le même temps, les prêtres, qui possèdent la domination spirituelle, vont exiger, par la peur, une dotation accrue.

Au fil des siècles et même des millénaires, on constatera une lutte permanente entre les chefs militaires et les chefs religieux pour accaparer à leur fin propre le pouvoir central, c'est-à-dire disposer prioritairement du fruit de l’impôt. A titre d’exemple, je vous rappelle les démêlés dans l’Egypte de la XVIIIème dynastie avec son clergé. Déjà au temps d’Amenhotep III, d’une façon un peu imprécise, l’idée avait été de créer une nouvelle religion de façon à diminuer le pouvoir des prêtres d’Amon Rê. 

La chose a pris toute sa vigueur sous le règne de son fils Amenhotep IV aussi appelé Aménophis IV ou encore Akhenaton.  Si, si ! Vous le connaissez, c’est le mari de la reine Néfertiti. Pendant son règne, il a réussi à minimiser la puissance des prêtres d’Amon en inventant un autre Dieu dont il était la représentation unique et symbolique. Les prêtres d’Amon ne se sont pas laissé faire. A la mort d’Akhenaton, profitant de la faiblesse momentanée du pouvoir séculier, ils ont réussi à précipiter la chute de cette XVIII dynastie et à revenir à la situation antérieure.

Toujours à titre d’exemple, je vous rappelle les conflits pendant presque tout le moyen âge entre les Papes et les Empereurs du saint Empire romain germanique.

Cela dit, lorsque le pouvoir spirituel n’est pas en conflit avec le pouvoir temporel, les deux s’appuient l’un sur l’autre. Les rois soutiennent le clergé et le clergé sacre les rois. Bon, la collusion du sabre et du goupillon, ce n’est pas une nouveauté. 

Pour revenir à nos impôts, il est à noter que sous l’ancien régime, outre les impôts seigneuriaux, il y avait des impôts royaux et des impôts ecclésiastiques (la dime était versée à l’église et représentait un dixième des revenus des contribuables).

Au fil des siècles et des millénaires, les tenants du pouvoir ont complètement perdu de vue que ces sommes en argent ou en nature étaient une participation des citoyens à la vie de la société ou de la nation.

Les princes régnants étant devenus une représentation symbolique d’essence divine de la nation (Dieu et mon droit, Dieu sauve le roi, roi par la grâce de Dieu etc.) en sont venu à confondre leur gloire personnelle, leur puissance propre, leurs richesses familiales, avec la satisfaction de la population. Lorsque Louis XIV fait construire Versailles et mène des guerres ruineuses, il s’occupe de sa réussite personnelle et n’a aucune notion de la façon dont on vit au fond du Rouergue ou de la Lorraine. 

Les habitant, le plus souvent, réduits en servage et  dont l’existence, est parfaitement méprisable, et sans la moindre valeur, ne sont là que pour assumer le triomphe du monarque. Il est à noter que toute tentative de rébellion populaire est écrasée dans le sang. Les populations n’ont pour mission que de produire des richesses dont le souverain usera à sa guise pour son rayonnement et sa puissance propres. Il s’en suit que la façon de prélever l’impôt vise à récolter les valeurs les plus fortes possibles en ne laissant aux individus que ce dont ils ont besoin pour survivre, se reproduire et produire de nouvelles richesses. 

Produire de nouvelles richesses, cela implique une hiérarchie dans l’exploitation des individus. Alors qu’un simple manœuvrier n’a besoin que de ses bras et ne doit que reconstituer sa force physique de travail, un riche armateur ou manufacturier ou banquier a besoin de pouvoir réinvestir dans son entreprise pour produire des richesses nouvelles et accrues que l’on imposera en conséquence.

Dans le même temps, il existe une caste aristocratique et militaire sur laquelle le pouvoir royal s’appuie pour pressurer les autres. Cette caste est donc non soumise à l’impôt. Même, elle en est dans une large part bénéficiaire. 

Au même titre, une autre caste, ecclésiastique celle là, permet au souverain de régner par l’emprise obscurantiste qu’elle inculque aux populations. Elle aussi, non seulement est exonérée, mais perçoit ses propres impôts.

Vous pensez bien qu’il arrive nécessairement un moment ou la haute bourgeoisie, remarquant que c’est elle qui est le moteur de l’économie, va vouloir obtenir les mêmes avantages que les classes privilégiées. Pendant longtemps, elle va tenter d’entrer subrepticement dans la noblesse. Souvenez-vous, Molière et le bourgeois gentilhomme. Cependant, comme cette manœuvre n’est pas satisfaisante, on en arrivera, en France à la révolution de 1789.


II Quand la démocratie triomphe.

 

Avec l’abolition des privilèges et la déclaration des droits de l’homme, tout va changer.

1789 : La haute bourgeoisie manufacturière et financière s’empare du pouvoir. Comme elle n’en avait pas les moyens, toute seule, pour des raisons tactiques, elle a été obligée de s’appuyer sur la population. Ce ne sont pas des banquiers qui sont montés à l’assaut de la bastille. De plus, cette révolution a été nourrie du siècle des lumières. Voltaire et encore plus Rousseau sont passés par là.

Emportés par leur immense élan de générosité libertaire et humaniste, les hommes de la constituante (et ensuite de la législative) ont réformé radicalement le système fiscal.

Rendez-vous compte ! Il existait des impôts qui étaient ce qu’on appelait des taxes. Cela consistait en des sommes forfaitaires à payer lors de circonstances variées. Le plus impopulaire était la gabelle. C’était un impôt sur le sel. Quiconque achetait du sel devait payer une taxe. Que tu soies riche ou pauvre, tu payais la même taxe. Or, un homme cent fois plus riche qu’un autre ne mange pas cent fois plus de sel. Pour le riche, c’était négligeable, mais pour le pauvre, c’était très lourd. Il y avait aussi des droits de péage. Si tu passais sur un pont, tu devais payer. Si tu empruntais telle ou telle route, tu devais payer. Une fois encore, celui qui était cent fois plus riche que l’autre ne passait pas cent fois plus sur le pont. Il y avait de ces taxes sur une multiplicité de chose. 

En fait, le jeu consistait à obtenir de l’argent en pressurant la vie quotidienne et non pas en fonction des richesses individuelles. Petite somme après petite somme, la population, par son nombre, enrichissait le monarque d’une façon masquée mais lucrative et ceci de façon parfaitement non équitable. Imagine ! C’est un peu comme si on t’infligeait des taxes sur les boites de sardines ou le rouleau de papier hygiénique. Tu le vois ? Toi, le riche qui consomme cent fois plus de papier hygiénique que le pauvre ? Les gens de la grande Révolution on abrogé tout ça. Ils avaient bien compris, eux, que le seul impôt juste, c’est l’impôt sur les gains.

Tu t’enrichis : tu fais participer l’état à ton enrichissement. Tu ne t’enrichis pas, tu n’as aucune raison d’enrichir l’état. Pour que ce soit encore plus clair, on a appelé ça l’impôt sur le revenu.

Donc, répétons-le, les gens de la grande révolution, au nom de la justice, au nom de la morale, au nom de l’humanisme ont aboli toutes formes d’impôt indirect (ou presque). Désormais, chaque citoyen, libre et égal en droit participe selon ses moyens aux besoins collectifs de la nation. 

Bah ouais !

Amusant ? Non ?

Nous allons maintenant faire un petit détour vers l’usage qui est fait de la masse financière collectée par l’impôt.

Il va de soi que dans un système monarchique absolu ou dans un système totalitaire, le chef de l’état étant une émanation symbolique de la population, la gloire du souverain est assimilée à la gloire de chaque sujet. Quand Louis XIV fait construire Versailles, chaque sujet, au fin fond de la Saintonge, peut s’enorgueillir du rayonnement du souverain. Comme disait l’autre : Ça va leur faire plaisir aux pauvres de savoir qu’ils habitent un pays riche.

A l’opposé, dans un état démocratique, les citoyens, par leur représentation législative vont se concerter sur les besoins les plus urgents de la population et utiliser les fonds collectés pour y subvenir. On bâtira des hôpitaux, des écoles ou des universités, on tracera des routes ou des voies de chemin de fer, on financera la recherche fondamentale, on subventionnera les activités artistiques, etc.. Si la nation estime qu’il est nécessaire de construire un terrain de football à Trifouillis les Oies, et qu’elle en a les moyens, elle y pourvoira.

Mais, voila ! Et c’est là que l’esprit de la richesse de la nation est dévoyée, on applique un précepte juste d’une façon inconséquente.

Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825) est un économiste et un philosophe dont les idées ont eu une postérité et une influence sur la plupart des philosophes du XIXe siècle. Il reçoit, par son éducation d'un précepteur, les enseignements de d'Alembert et de Rousseau. Adepte des idées nouvelles, le jeune aristocrate, pendant la Révolution française, abandonne sa particule. Saint-Simon s'enrichit par la vente des biens de l'Église. Pragmatique, il prône un mode de gouvernement dominé par l'économie qu'il convient de planifier pour créer des richesses et faire progresser le niveau de vie. Il appartient aux capitalistes d'œuvrer à l'élévation matérielle et morale du prolétariat. Saint Simon est souvent classé parmi les penseurs socialistes du début du XIXème siècle et fait partie de ceux que Marx qualifiera, plus tard, d’utopistes. En fait, il est le penseur de la jeune société industrielle française qui est en train de remplacer l’ancien régime.

Quand Saint Simon dit qu’il faut un gouvernement basé sur une économie saine et conquérante, c’est une évidence. On ne peut pas concevoir un état où les citoyens vivraient dans l’opulence avec une industrie calamiteuse. En revanche, ce n’est pas parce que l’industrie est d’une richesse luxuriante que les citoyens en profitent nécessairement. C’est même ce qui caractérise les systèmes monarchiques. 

Le fait que les rois de Babylone vivent dans une magnificence éhontée ne les empêchait pas d’asseoir cette richesse sur des foules réduites en esclavage.

En résumé, puisque l’on constate qu’il ne peut pas y avoir de vie confortable des individus sans une économie florissante, l’aphorisme Saint Simonien s’exprime par : Pour que les humains vivent dans un confort satisfaisant, il faut que l’économie soit prospère. Ce qui est, au premier degré, une douce évidence. En revanche, où le bât blesse, c’est que quand on dit il faut, on a tendance à penser qu’il suffit. Et c’est là que cela devient inepte.

Revoyons cette notion de « il faut et il suffit ». C’est ce que les scientifiques et les logiciens appellent une condition nécessaire et suffisante. Prenons un exemple. Pour avoir des cerises, il faut et il suffit d’avoir des cerisiers. En effet, sans cerisiers, pas de cerises. La condition absolument inévitable pour manger des cerises, c’est d’avoir des cerisiers. De plus, si on a des cerisiers, on aura forcément des cerises. Je ne dis pas que ces cerises seront nécessairement excellentes et nombreuses, non, mais nous en aurons. Donc, pour avoir des cerises, il faut et il suffit d’avoir des cerisiers. La condition nécessaire et suffisante pour récolter des cerises est de posséder des cerisiers.

Revenons-en à l’idée Saint Simonienne. La condition nécessaire pour que les populations profitent d’une vie confortable est que l’industrie soit prospère. Ceci est une évidence première. C’est quand on en conclut que c’est suffisant (qu’il n’y a besoin de rien d’autre) que ça devient absurde. Il n’est pas utile d’être grand clerc pour constater que dans des pays dont l’industrie est florissante il y a des gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Une industrie, riche, ce n’est pas suffisant.

Pourquoi?

Les richesses, elles sont crées, elles existent, mais elles ne profitent pas à l’ensemble de la population. Ah bon ? Bah alors, qu’est-ce qu’elles deviennent ? Bon, prenons un exemple. Nous sommes dans une bananeraie très productive. Cette bananeraie génère une richesse conséquente. Pourtant les hommes et les femmes qui y travaillent sont très pauvres. Chose curieuse, le propriétaire de la bananeraie est très riche. Ne serions-nous pas devant une forme de confiscation des richesses générées par l’ensemble par un seul ? Et quand je parle d’une bananeraie, il va de soi que c’est vrai aussi pour les fabricants d’ordinateurs.

Ce n’est pas juste, ça !

Pourtant, « il appartient aux capitalistes d'œuvrer à l'élévation matérielle et morale du prolétariat ». Hé, ce n’est pas moi qui le dis, ça, c’est Saint Simon. Voyez-vous ça ? Ils devraient le faire, mais ils ne le font pas. Hou ! Qu’ils sont vilains ces capitalistes !

En fait, ce n’est pas comme ça que le problème se pose. Contrairement à ce que croit Saint Simon, les entreprises industrielles et commerciales ne sont pas des organismes philanthropiques. La mission unique d’une entreprise est de servir des dividendes les plus juteux possibles à leurs actionnaires. Pour distribuer des dividendes, il faut faire du bénéfice. Même sans être un brillant comptable, on sait que le bénéfice, c’est ce qui reste quand on soustrait le prix de revient du prix de vente. Pour avoir un grand bénéfice, il faut avoir un prix de vente le plus élevé possible (le maximum de ce que l’acheteur est capable d’accepter de payer pour acquérir le produit) et, diminuer au plus bas le prix de revient. Le prix de revient, c’est la somme des prix d’achats et des frais. On va donc chercher à négocier les prix d’achat au minimum et minimiser au mieux les frais. Or, dans les frais, il y a la rémunération des salariés. La manœuvre va donc consister à, pour minimiser les frais, maintenir la valeur des salaires au point le plus bas possible que les salariés seront capables d’accepter sans se révolter.

Si ! Si ! La révolte, ça fait peur, quand même.

Quand Saint Simon dit que : Il appartient aux capitalistes d'œuvrer à l'élévation matérielle et morale du prolétariat, il attache à cette notion une valeur morale. Il souhaite, sur un mode idéaliste, que les capitalistes fassent de bonnes actions et pratiquent la charité chrétienne. Or, les capitalistes ne sont pas méchants ou immoraux. Simplement, ils ne sont pas là pour réaliser des valeurs morales, mais pour appliquer des mécanismes économiques.

Comme quoi, même Saint Simon et encore plus ses successeurs peuvent dire des âneries.





III L’impôt saint Simonien.

 

 

(La Nation)

 

 

D’abord, je voudrais vous dire quelques mots sur l’idée de « nation ».

Qu’est-ce que c’est qu’une nation ?

Dans le fond, c’est un terme assez vague, utilisé, selon les cas, avec des sens différents, selon que cela arrange, ou non, celui qui l’utilise.

Une nation, c’est un groupe d’humains ressentant profondément une unité ethnique. Une nation, c’est un groupe humain qui possède des choses communes. Cependant, comme nous allons le voir, aucune des choses communes ne peut être un critère suffisant en soi.

D’abord, nous avons l’unité territoriale. Dans une île de taille modeste, les habitants peuvent avoir une sensation d’unité ethnique. A l’opposé, dans un territoire morcelé, cette sensation peut être plus difficile. Pour étayer cette idée, souvenons-nous du Pakistan qui à l’origine était composé de deux territoires distants de plus de deux mille kilomètres. La partition ne pouvait pas ne pas se faire. Ainsi est né le Bengladesh. Au même titre, des régions séparées par une chaine de montagne peuvent se sentir différentes. Curieusement, à l’opposé, des régions très distantes peuvent concevoir une unité nationale. Un habitant de Vladivostok  se sent aussi russe qu’un habitant de Smolensk. Il est difficile d’être plus loin l’un de l’autre. Au même titre, un habitant de New York est autant américain qu’un habitant de Los Angeles. Dans ces cas, l’unité nationale est donc liée à un autre phénomène que la proximité. 

Dans un second temps, on invoque une langue commune. C’est vrai et on sait les démêlés qui déchirent la Belgique. Mais ce n’est pas toujours vrai. La confédération helvétique, si on ne tient pas compte du dialecte des Grisons pratique, selon les cantons, des langues aussi différentes que l’allemand, le français et l’italien. En même temps, les gouvernements centraux ont toujours tenté d’éradiquer les langues minoritaires. En France, lors de l’installation de l’école laïque, il y était interdit de parler les patois et les langues régionales sous peine de punition sévères. L’ex URSS, si elle imposait comme langue commune le russe, avait veillé à garder l’enseignement des langues locales. Cela n’a pas empêché l’explosion de cette ex URSS. Même la Biélorussie, de langue russe s’est détachée de la Russie. Donc, la langue, même si elle est importante, n’est pas un critère suffisant.

On a aussi très longtemps parlé de l’unité religieuse. Je pense que c’est un faux sujet. Cette notion est en fait, à mon avis instillée par les hautes hiérarchies religieuses elles même. Rien qu’en France, cette idée tombait en ruine au temps de l’édit de Nantes en 1598. On connait des républiques islamistes, mais ce sont les ayatollah qui en décident. Pas le peuple. La Pologne se dit catholique… Oui, la hiérarchie catholique polonaise aimerait à le faire croire. Même si la religion catholique est répandue en Pologne, on peut supposer qu’il y a aussi des gens d’autres religions et des agnostiques et des athées qui sont tout autant polonais. En Allemagne, les guerres de religions on ravagé le pays pendant deux bons siècles. Cela n’empêche pas les allemands de diverses confessions ou absence de confession d’être autant allemands les uns que les autres.

A ce sujet, il y a une situation qui m’amuse.

Au Etats Unis d’Amérique, la haute hiérarchie religieuse a obtenu que l’on jure sur la bible. Si, moi, je trouve cela très drôle. Aux Etats Unis, il y a certes un nombre important de chrétiens de tous poils. Mais il y a les autres et particulièrement un nombre important d’athées. Je pense que demander à quelqu’un de jurer sur un texte auquel il ne croit pas, cela confine à inciter au parjure. Imaginer pour jurer de prendre à témoin un objet reconnu par tous, pourquoi pas. Un livre ? Oui, aussi. Toutefois je pense qu’il serait pertinent d’en choisir un dont personne ne remet la bonne foi, l’intégrité, l’objectivité et l’indépendance politique en doute. Un ouvrage auquel tout le monde reconnait une équité totale… Je ne sais pas, moi, l’annuaire du téléphone, par exemple.

L’unité religieuse, je ne suis pas persuadé qu’elle ait eu un jour un sens si ce n’est pour lancer des anathèmes et des discriminations.

On parle souvent aussi d’unité culturelle. Je trouve cela parfaitement absurde. J’ai même l’impression que c’est le contraire. Une nation qui se recroquevillerait sur sa culture intrinsèque, ne pourrait être qu’une nation moribonde, figée sur un passé idéalisé et réactionnaire. Au contraire, une nation s’épanouissant sur sa diversité ne peut être que conquérante. 

Autrefois, les rois ont imposé des efforts désespérés pour nier les cultures différentes. Une des grandes œuvres de la Révolution a consisté à éveiller l’esprit national. Le sommet de tout a été le 14 Juillet 1790 dans la fête de la Fédération. Bretons, Auvergnats, Flamands, Provençaux se sont sentis frères dans leur diversité. Chacun devenait français parce que différent. Chacun apportait sa richesse propre et sa particularité. Pendant longtemps, par la suite, la conscription s’est attachée à appeler les jeunes recrues dans une région autre que la leur. Chacun découvrait l’immensité du pays mais aussi ses différences. Un Béarnais partait pour Metz et un Lorrain se retrouvait à Pau.

Bismarck a voulu la guerre de 1870 pour sceller dans le sang la fraternité de combats allemande.

Je pense que ce qui fait une nation, c’est surtout une histoire commune. Avoir vécu des choses ensemble… Des choses bonnes ou mauvaises, du reste, mais avoir vécu ensemble, ça laisse forcément des traces. A Stalingrad, lorsque les Russes en difficulté, ont vu arriver en renfort les régiments sibériens, croyez moi, ils ont du ressentir un sérieux sentiment de fraternité.

Avoir eu un passé commun.

Alors, me direz-vous… Parce que vous êtes très pertinents, cela impliquerait que les immigrés de fraiche date, n’ayant pas de passé commun ne peuvent pas faire partie de la nation. Quand je dis un passé, bien sûr, ce peut être un passé très long, mais ce n’est pas obligatoire. Un passé d’une quinzaine de jours peut suffire (pour commencer). Un Malien qui a vécu avec ses camarades une grève pour obtenir quelque chose dans son entreprise a vécu quelque chose. Et ses camarades aussi avec lui, du reste. On peut même se demander si l’intégration, ce n’est pas pour une large part cela. Donc, entasser des immigrants dans des quartiers ghettos est la première erreur à ne pas commettre. Comment voulez vous qu’ils vivent des choses avec ceux qui sont arrivés longtemps avant eux s’ils ne les rencontrent pas.

Et je le redis encore une fois, au risque d’être redondant, cela fonctionne dans les deux sens. Comment voulez-vous que ceux qui sont là depuis longtemps découvrent les nouveaux arrivants s’ils n’ont aucune relation avec eux. Je me souviens d’un jeune garçon qui vivait à Vaulx-en-Velin et, précisément, dans la cité qui s’était signalée par sa flambée de violence. Pour lui, le « Mas du Taureau », c’était son village, il en parlait avec émotion. C’était là qu’il avait ses copains. C’était là qu’il voulait retourner.

Une nation, c’est une chose un peu floue qui se forme au hasard des évènements. La formation d’une nation est souvent assez chaotique et même parfois, c’est un échec. En France, les rois n’ont jamais réussi réellement à unifier leurs territoires. On se sentait plus Berrichon que Français. Quand on disait les français, le plus souvent, il fallait comprendre les Franciliens. C’est la révolution qui a franchi le pas de fonder une nation.

Les rois d’Espagne ont fondé leurs territoires sur la reconquête. Mais aujourd’hui, les Catalans, les Basques et même les Galiciens ou les Andalous ne se sentent pas très espagnols. Les empereurs d’Autriche n’ont jamais réussi à créer une nation. En grande Bretagne, les Gallois, les Ecossais et encore plus les Irlandais du nord ne sont Britanniques que du bout des dents et en tous cas, surtout pas Anglais. On sait les tiraillements qui existent entre l’Italie du nord et celle du sud. Même en France, on sait que dans certaines régions, des personnes revendiquent une indépendance. Pour finir, rappelons l’ex Tchécoslovaquie qui a divorcé à l’amiable. Oui, le terme est bien choisi. Quand on s’aime bien, on se marie et quand on ne s’aime plus, on divorce. Quand divorce-t-on ? Quand l’un ou l’autre ou chacun des deux conjoints à l’impression, justifiée ou injustifiée d’être spolié par l’autre ou par la situation. En fait, quand ça va bien et que la prospérité embellit tout, on se fédère. Quand ça ne va plus et que la misère guette, on se sépare. On se marie ou on divorce que les raisons soient justifiées ou non. Ce qui compte, ce n’est pas l’objectivité de la chose, mais la façon dont on le ressent.

Certains états très centralisés se sont prémunis contre toute tentative d’indépendantisme. La république française est dite : « une et indivisible ». Aux états unis, le refus de la sécession des états du sud pour une raison constitutionnelle a conduit à la guerre ravageuse que l’on connait.

Une nation, c’est donc un sentiment de groupe communautaire ayant en son sein des différences, mais un vécu commun fort et fraternisant. C’est une entité fragile mais forte dans ses implications.

Pour finir, je pense que l’Europe élargie au proche orient et à l’Afrique du nord pourrait former une nation. La diversité, nous pouvons dire sans rire que  l’avons. Quant au passé commun, depuis deux mille ans, en chamailleries et en embrassades, nous ne pouvons pas nous passer les uns des autres.





Si ! Si ! Vous allez voir ! Toute cette digression était utile pour la suite.

 

 

 

 

  

IV L’impôt saint Simonien

 

(La Nation et l’impôt)

 

 

J’ai éprouvé le besoin de définir ce que j’entends par « nation » pour expliquer la suite parce que je trouve que le mot « nation » est un peu différent de « population ». Je trouve que ce mot implique plus de cohésion. Par population, on entend une simple juxtaposition d’individus alors que par nation, on entend davantage un groupe cohérent et organisé.



Il est entendu qu’une famille qui vivrait seule sur une île n’a, a priori, pas besoin d’installations collectives. Je dis a priori parce qu’au vingt et unième siècle ce n’est même plus vrai. Il faut un téléphone et des moyens de communication. Mais, dès que des gens vivent en clan, en tribu, et, a fortiori, en nation, un besoin d’organisation collective se fait sentir. Chaque individu ne va pas construire son petit bout de route. Chaque famille ne va pas construire un petit morceau d’école. Il y a nécessairement des besoins collectifs.

S’il y a des besoins collectifs, il est normal que les individus participent collectivement à la satisfaction de ces besoins.

Chacun, contribue, selon ses moyens à la réalisation des besoins communs. A une époque encore récente, pour bien marquer cet aspect citoyen de la participation, cela s’appelait les contributions. Sur la feuille que l’on devait remplir pour déclarer ses revenus, il y avait écrit : « contribution directe ». Mais, allez savoir pourquoi, on en est revenu à la notion totalitaire et royale d’impôt. Hé ! Ce n’est quand même pas la même chose. Moi, quand on m’impose une chose, comme j’ai un sale caractère, j’ai un peu tendance à être récalcitrant ; alors que si on me demande de contribuer au bien être collectif, mon civisme naturel me pousse à participer avec un certain entrain. Je ne sais pas si vous saisissez bien la nuance.

La nation, dans sa cohésion éprouve le besoin de se doter d’installations, de services et d’organisations divers. Cette nation va donc s’organiser pour offrir à ses composants les moyens de bien être matériels dont ils ont besoin. Bien sûr, on ne pourra pas tout faire à la fois.

Selon les moyens du moment, on va pouvoir s’offrir plutôt des écoles ou plutôt des routes ou plutôt des installations sportives ou culturelles. On va se payer des hôpitaux ou des dispositifs de loisir. Cela en fonction des moyens financiers dont on dispose. La nation va décider de la façon dont elle va disposer de ses richesses.

C’est simple, non ?

Surtout, ça serait beau si ça se passait comme ça. 

Avec une nation de quelques centaines d’individus, on collecte l’argent, on met tout dans une grande boite, on compte combien on a récolté, on se réunit sur la place du village et collectivement on décide de ce qu’on va en faire. C’est ce que les anarchistes appellent la démocratie directe. Hélas, pour une nation de plusieurs dizaines de millions de citoyens, on ne peut plus se réunir sur la place du village. Il faut donc imaginer un système de délégation de pouvoir, une représentation. Un seul individu, désigné par les autres, va décider au nom d’un groupe assez conséquent. Ce sont les députés. C’est ce que les anarchistes dénoncent en l’appelant démocratie représentative.

Je ne vais pas ici vous faire un exposé sur la façon dont je comprends le système électoral parce que c’est trop long et trop complexe, mais il est entendu que le menu frottin est écarté des décisions. Je le ferai sans doute un jour dans une autre approche de ce qui nous entoure. Quoi qu’il en soit, les décisions se font tellement loin du citoyen moyen et celui-ci est tellement peu informé des décisions qu’il en perd même jusqu’à la notion de l’existence.

Franchement, qui d’entre nous, a déjà mis son nez dans les projets de budget national ? La loi de finance… Ça s’appelle. Moi, j’ai essayé. Croyez-moi, pour quelqu’un qui voudrait s’y confronter, tout est fait pour que ce ne soit pas directement compréhensible. Les députés eux-mêmes, alors qu’ils sont élus pour cela, ne l’ont pas tous lu. En fait, dans chaque parti politique, quelques députés on étudié le projet et les autres se sont contentés de faire confiance à leurs collègues et camarades de parti.

De plus, d’une année sur l’autre, dans les grandes lignes, on se contente de changer une virgule par-ci par là. On rogne un peu sur ceci, on majore un peu cela, on tente d’infléchir un peu dans un sens ou dans un autre, mais, la chose étant tellement complexe, on se garde bien de repartir d’une feuille blanche.

En même temps que l’on nous rebat les oreilles sur les chamailleries entre hommes politiques, sur les grenouillages sordides des uns et des autres pour s’accaparer le pouvoir, on ne nous fait jamais d’exposé (même sommaire) sur l’organisation du budget de l’état. Je sais que j’ai l’esprit tordu, mais, personnellement, il me semble que, chaque année ce devrait être le sommet des discutions politiques de l’ensemble de la nation. Non ! On nous assomme avec les indices popularité de Pierre, Paul ou Jacques, mais, de « que fait on de nos sous », jamais.

Je ne sais pas, moi, mais il me semble que quand on cache quelque chose, c’est, peut-être parce qu’on n’a pas la conscience très irréprochable.

C’est là que le saint simonisme intervient.

Je vous en rappelle le dogme : pour qu’un pays soit prospère, il faut que son économie soit prospère. Ce qui est évident ; mais je vous rappelle en outre qu’on sous entend que c’est suffisant. Et là, c’est faux.

En conséquence, quel va être le souci permanent de l’état ? Soutenir l’économie.

L’état : Petit rappel d’instruction civique. Il ne faut pas confondre l’état avec le gouvernement. L’état, c’est l’ensemble du Président de la République, du gouvernement (les ministres), des députés, des sénateurs et du Conseil constitutionnel. Souvent on y adjoint l’administration. Cependant un fonctionnaire ne peut agir que dans le cadre strict de la loi. C’est un exécutant. Les lois sont votées par l’ensemble des députés et des sénateurs. Mais, les suggestions de lois peuvent être faites par le gouvernement. Si le gouvernement propose une loi, ça s’appelle un projet de loi. Si c’est un parlementaire, cela s’appelle une proposition de loi. En France, 90% des lois émanent de projets de loi. Mais, quoi qu’il en soit, une loi ne peut être promulguée que si elle a été votée par les parlementaires, c'est-à-dire le pouvoir législatif. Dans des cas très exceptionnels, le Président de la République peut, en situation de gravité ou d’urgence, gouverner par décret présidentiel, c'est-à-dire en passant outre l’avis du parlement, en s’appuyant sur l’article 49.3 de la constitution qui l’y autorise. Il est à noter que le budget annuel de l’état s’appelle la « loi de finance ». Le budget est un projet de loi gouvernemental. Il est voté par les parlementaires. Vous savez, ceux que l’on a élus pour nous représenter.

L’état, avec l’aval de nos représentants concocte un budget strictement saint simonien. Comment s’y prend-il ?

Dans un premier temps, il se débarrasse de la charge d’un nombre important de missions. Il rejette sur les régions, les départements et les communes une quantité notoire de ses obligations. Les routes, les ponts, les établissements scolaires ou universitaires, les hôpitaux, les bâtiments inhérents à la police ou à la justice ne sont pas de son ressort.

N’avez-vous jamais vu sur le bord d’une route un magnifique panneau sur lequel est écrit : Ici, création d’un ensemble sportif. Participation de la commune 40% participation du département 40% participation de la région 20% participation de l’état zéro.

Curieux, ça, non ?

Cela veut dire que l’état qui récolte l’immense majeure partie de nos impôts ne participe pas à la création des infrastructures dont la nation a besoin.

L’état fait des économies. L’état garde son argent pour autre chose. Bien sûr, on peut arguer que les collectivités territoriales sont plus aptes à juger des besoins locaux. Ce serait vrai si les collectivités territoriales recevaient une part conséquente du fruit de l’impôt. Mais ce n’est pas le cas. Les collectivités territoriales ne vivent que des impôts locaux (taxe d’habitation, taxes foncières et autres). Vos impôts sur le revenu et vos TVA, c’est pour l’état. Je vous accorde que l’état verse des dotations aux régions et aux départements selon certains critères momentanés. Hélas, ces dotations n’ont rien de systématique. En fait, de temps à autre l’état fait l’aumône aux régions ou aux départements et de façon rarissime aux communes. 

On entend souvent l’état répéter qu’il faut faire des économies. On nous dit que la fonction publique coute trop cher. La fonction publique, ce sont des individus qui sont au service de la nation. La nation a estimé qu’il lui fallait un certain nombre de fonctionnaires pour assumer son bien être.

Il faut faire des économies. On supprime des gendarmes, des juges d’instruction, des enseignants, des services hospitaliers publics. 

N’avez-vous jamais entendu dire que l’état est endetté ? Que les caisses sont vides ? Qu’il faut dépenser moins ? Hé, parce que ces dépenses, c’est vous qui les faites ! A-t-on idée aussi de vouloir envoyer ses enfants à l’école ?

En revanche, avez-vous déjà entendu dire qu’on allait rogner sur les dépenses faites pour subventionner les grandes entreprises de niveau international ? Vous savez, celle à qui on accorde des aides et qui, ensuite, alors qu’elles sont bénéficiaires décident d’aller s’installer dans un pays où la main d’œuvre coute moins cher.

On impose des restrictions budgétaires à la recherche fondamentale. Mais la recherche appliquée, elle, est toujours maintenue. Je vous explique. La recherche appliquée, c’est celle qui utilisant les résultats de la recherche fondamentale s’applique à trouver des applications industrielles directement lucratives que l’on offre gratuitement aux grandes industries. Du coup, ces grandes industries peuvent économiser, à leur usage propre, des équipes d’ingénieurs. 

On dispense ainsi les grandes industries de dépenses qui, du coup, vont leur permettre d’accroître leurs bénéfices et donc de majorer les dividendes accordés à leurs actionnaires. En clair, l’impôt des petites gens permet d’enrichir les actionnaires de la grande industrie.

Maintenant, imaginez une situation complètement fantasmagorique ou de grands établissements bancaires, pour enrichir de façon démentielle leurs actionnaires se lanceraient dans une spirale folle de spéculations incontrôlables. Cela les conduirait à une situation proche de l’implosion économique. Si à ce moment là, au lieu de leur dire : Reprenez ce que vous avez distribué en trop, on leur accordait, pour qu’elles puissent continuer leurs malversations,  une par de la richesse, propriété de la nation, en exigeant de celle-ci qu’elle accepte de nouveaux sacrifices, ce serait d’une immoralité crasse ! Non, cela n’est pas imaginable ! Vous vous rendez compte ? Ce serait détourner cette somme de ce dont les citoyens sont en droit d’exiger la jouissance ; et ceci afin que quelques mois après, les susdites banques puissent, comme si rien ne s’était passé, dégager les mêmes dividendes que précédemment et continuer sans arrière pensée leurs malversations. Non, ce n’est pas possible, ça. Mon esprit retord et maladif extravague dans une trop inimaginable folie de la persécution. Non ! Ce n’est pas possible !

 

Ce serait trop saint simonien !

 

 

 

V L’impôt saint Simonien

 

(La Nation et l’impôt, le budget)



En ce joyeux printemps de l’an de Grâce deux mille dix, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on nous parle, avec insistance, d’une crise économique, financière et autres calembredaines banquières. En première ligne des vilains fauteurs de trouble, on cite les vilains Grecs, mais aussi les vilains  Espagnols et les vilains Portugais. Hou ! Qu’ils sont vilains ! Ces états se sont endettés de façon inconsidérée. Ils se sont laissés aller à dépenser plus qu’ils n’auraient du. Heu… Ils se sont endettés, oui ! Pas pour construire des hôpitaux, des routes, des universités ou des centres sportifs, Hein ! Si ces pays croulaient sous les installations sociales, on le remarquerait ! J’aurais même tendance à penser que dans la communauté européenne, ils font un peu partie des moins bien nantis dans ce domaine. C’est curieux, ça ! Voici des états qui dépensent follement leur argent, de façon abusive et inconsidérée et la nation n’en récolte pas visiblement un confort de vie manifeste ? Alors, cet argent, qu’est-ce qu’il est devenu ?

Heureusement, incités par les grands frères de la communauté européenne, ces états vont appliquer une politique d’austérité. Ils vont dépenser moins. Ils vont arrêter leurs dépenses somptuaires et revenir à une gestion plus mesurée. Ils vont faire des économies. Alors, niaisement, comme moi, vous avez cru qu’ils allaient rogner sur les aides pharaoniques accordées aux grandes entreprises de portée internationale ? Que nenni ! Grands benêts que nous sommes ! On va économiser sur les dépenses publiques. On va ratiociner sur le coût des fonctionnaires. Tout le monde sait qu’un fonctionnaire espagnol, c’est un favorisé qui se vautre dans le luxe et l’opulence. Ces gens sont trop payés. On va donc diminuer leur traitement ! Non mais ! Vous vous rendez compte de l’injustice ? Ces épouvantables profiteurs qui grèvent le budget de la nation ! En France, à titre préventif, on va en diminuer le nombre. Si, si ! Une politique d’austérité, cela consiste à prendre plus dans la poche de Jojo qui est très pauvre pour verser davantage dans celle de Bébert qui est très riche. Hé, on est saint simonien, ou on ne l’est pas.

Bah oui ! Les sommes d’argent possédées par un pays n’étant pas extensibles, si on veut financer plus les grandes entreprises industrielles et bancaires, il faut bien prendre l’argent quelque part et donc faire vivre la nation dans une plus grande austérité. C’est même pour ça qu’on appelle ça une politique d’austérité.

Il y a quelques jours, pour mieux comprendre, je me suis amusé (amusé est peut-être un terme abusif. Disons que j’ai eu la curiosité) à consulter le budget du gouvernement de la France. Vous m’accorderez que pour savoir ce que deviennent nos sous, le mieux, c’est de regarder comment ils sont utilisés.

Oh ! L’ineffable surprise !

Cela n’explique rien.

Dans ma candeur naïve, j’avais imaginé trouver comment était réparti l’argent de la nation, ministère par ministère. Puis, ensuite dans chaque ministère quels étaient les principaux chapitres. Bah non. Ça ne se présente pas du tout comme ça.

Comme ce doit être voté par le parlement, cela s’appelle une loi. C’est la loi de finance. Pour ceux qui ne me croiraient pas, je vous donne le lien sur internet :

 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=E3974E870FB5F9787A707F61D0BDD7F0.tpdjo16v_2?cidTexte=JORFTEXT000021557902&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id

C’est le budget de 2010. 

Pour commencer, vous avez cent quatre vingt cinq pages de textes constitués en cent quarante quatre articles dont le deuxième à lui seul représente quarante et une pages. Ce sont des textes d’aspect strictement administratif avec le verbiage y affairant.

Afin que vous en goutiez mieux le sel, je vous en extrais un assez court.

Article 21 En savoir plus sur cet article...


I. - L'article L. 98 A du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et du revenu minimum d'insertion » sont remplacés par les mots : « , du revenu minimum d'insertion et du revenu de solidarité active » ;
2° Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° La liste des personnes auxquelles le revenu de solidarité active a été versé en 2010 et en 2011. »
II. - Le I s'applique à compter du 1er janvier 2010.

Voila. Cent quatre vingt cinq pages comme ça. Si vous cherchez dans « en savoir plus sur cet article », c’est encore pire.

C’est un texte strictement technocratique incompréhensible par le citoyen moyen. Evidemment, comme j’ai un très mauvais esprit, j’ai tendance à considérer que ce n’est pas complètement innocent. Il faut se le dire : Le budget, ce n’est pas fait pour être compris par le petit peuple. Autre façon de dire la même chose : Le petit peuple étant une collection de crétins que l’on gruge, il n’est pas pertinent de rédiger un budget dans lequel le citoyen moyen (le susdit crétin grugé) peut comprendre ce qu’on fait des ses sous.

Mais bon ! Admettons que ce soit une nécessité absolue ; pour échapper à toute caducité législative, de publier ce texte. Passons à l’article cent quarante six.

Ha ! Enfin des colonnes de nombres : Budget général. Etat A : On commence par les recettes. Les recettes de l’état. Ce que nous payons, donc. Nous y reviendrons plus tard. Passons aux dépenses.  Etat B

Les dépenses, cela s’appelle des missions. Moi, je veux bien. Ça peut se comprendre. Telle somme a pour mission de…

Alors, puisque missions il y a, voyons ces missions. Il y en a (si j’ai bien compté ce dont je ne suis pas sûr, mais je n’ai pas envie de recommencer) deux cent vingt huit. En fait, cela fait moins du fait que certaines de ces missions se partagent en deux parce que la ligne suivante s’appelle dont titre 2. Donc cela fait parti de ce qui précède. De ces « dont titre 2 », il y en a tout de même 61. D’autre part, ces missions (qui sont des lignes budgétaires) portent le plus souvent des appellations sibyllines. Je vous en livre deux ou trois pour mémoire : « conduite et pilotage des politiques de l’intérieur  593 854 711€», « Majoration de rentes 204 337 636€ », « Gestion des finances publiques et des ressources humaines 11 564 292 731€ », cette gestion dont on ne sait pas ce qu’elle recouvre exactement coûte quand même la bagatelle de onze milliards et demie d’euros, « remboursements et dégrèvements 94 207 850 000€ » ; voila des remboursements qui coûtent cher ! Vous voyez, c’est limpide, tout ça !

Quels sont les fonds alloués à tel ou tel ministère ? Vous n’en savez rien. Dans le même temps, il y a des choses qui semblent revenir de loin en loin. Des aides économiques pas très spécifiées.

On nous a parlé en cette année 2010 d’aides spéciales importantes (plusieurs dizaines de milliard d’euros) pour la relance économique suite à la crise que nous vivons ; et bien, cela n’apparait nulle part. Cela laisse à penser que les retraits ont été saupoudrés dans plusieurs missions sans qu’on sache réellement lesquelles. Par exemple, il n’y a aucun chapitre ou aucune série de « missions » indiquant les sommes manipulées par le ministère de l’économie et du commerce. En revanche, des lignes parlant de recherche, il y en a un nombre important. On peut même se demander quelles sont toutes ces choses que l’on recherche. Ne rechercherait-on pas surtout à nous faire prendre des vessies pour des lanternes ?

Je ne dis pas que les lignes indiquant des missions sont fausses, mais je me demande ce qu’il y a réellement dedans.

En fait, on peut avoir l’impression que tout est fait pour masquer des dispositions. Et si on veut masquer des choses, on peut en conclure que dans le fond, ce n’est pas très avouable. Le tout pour un total de 379 420 937 490€

Suivent des états C et D qui sont beaucoup plus courts mais du même acabit et jouent encore sur plus de 70 milliards d’Euros.

Donc, que deviennent les picaillons que nous avons transpirés ? Dans le fond, c’est extrêmement flou et nous n’en savons pas grand-chose.

Je le répète, je ne dis pas que ce texte est mensonger ! Je dis qu’il est parfaitement obscur. Chaque individu constituant la nation n’a pas de vrai contrôle sur ce que devient sa contribution à la création du mieux être collectif.

Ajoutez à cela que des mots reviennent de façon récurrente. On voit à plusieurs reprises « quelque chose et l’emploi » ou bien « quelque chose et le développement durable » ou bien encore « quelque chose et le respect de l’environnement ». C’est même tellement fréquent que cela ressemble fort à un slogan électoraliste ou à un prosélytisme sectaire.

En résumé, c’est confus et peu apte à être explicatif.

Quand on s’exprime en paroles vagues, confuses et dissimulatrices, je ne pense pas que ce soit parce qu’on veut rendre compte clairement et honnêtement.

La même chose dite dans l’autre sens : Si on pratique une gestion limpide et généreuse, on est heureux et fier de l’exposer avec clarté.

 

Maintenant, nous allons pouvoir revenir un peu en arrière et parler des recettes, c'est-à-dire de nos impôts.

 

 

 

 

 

 

VI L’impôt saint Simonien

  

(L’impôt)



Nous avons vu que la vie organisée en société impliquait une participation de chacun, selon ses moyens, à la création de biens collectifs. Cette participation peut être physique. On se réunit tous pour réparer le pont. Dans ce cas, il va de soi que les plus chétifs, les plus malingres, tout en participant ne pourront pas être aussi productifs que les grands costauds. 

La participation peut aussi être financière. On ramasse de l’argent et avec ce pécule, on emploie des professionnels. Au même titre que précédemment, on comprendra que les plus pauvres, tout en apportant leur obole ne verseront pas autant que les plus riches. D’une façon démocratique, c’est la contribution. C’est aussi ce que les états plus ou moins totalitaires appellent l’impôt. Je le redis, dans ce cas, ce n’est plus une contribution, mais une chose imposée.

Bref, quelle que soit l’appellation retenue, tous les citoyens, selon leurs moyens paient des impôts. Il va de soit que pour une question de rationalité, et pour éviter que certains individus pas très scrupuleux, tentent de ne pas participer à l’effort collectif tout en jouissant, très égoïstement, du mieux être que cela procure, la nation se dote d’un service impartial veillant au recouvrement des sommes attendues de chacun.

l’administration fiscale. Elle veille à ce que personne ne spolie la nation mais aussi à ce que personne ne soit floué.

On conçoit aisément que la participation de chacun doit être en fonction de sa richesse. On peut même aller plus loin. Si les redevances étaient strictement proportionnelles, cela serait encore très injuste. En effet, prenons des nombres faciles à calculer mentalement. Si on décide que tout un chacun versera un dixième de ses revenus, celui qui gagne mille euros versera cent euros et il lui restera, pour vivre, neuf cents euros. Dans le même temps, celui qui gagne dix mille euros versera mille euros et il lui restera neuf mille euros. Celui-ci restera beaucoup plus riche que l’autre. Ce dernier, si au lieu de lui demander un dixième, si on lui demande un cinquième, il versera alors deux mille euros et il lui restera huit mille euros. Bien qu’il ait payé le double de l’autre, il restera encore largement bénéficiaire. 

C’est la raison pour laquelle, en fonction de chacun, le taux de prélèvement peut être largement progressif. Ce qui compte, c’est que, après versement de l’impôt, celui qui a de meilleurs revenus continue de profiter avantageusement du fruit de ses revenus. Il serait absurde et dévastateur qu’après paiement de l’impôt les revenus soient ramenés à un niveau égalitaire. Si c’était le cas, plus personne ne voudrait accéder à une fonction plus rémunératrice. Plus de médecins, plus d’avocats, plus d’universitaire, mais aussi plus d’entrepreneurs ; tout le monde voudrait se contenter d’être un salarié de base. A quoi bon investir dans des études ou dans une prise de risque commercial ou industriel si en fin de compte, après tous ces efforts on n’est pas mieux loti que les autres.

Si on en restait là, il n’y aurait rien de spécial à commenter et cette réflexion n’aurait pas lieu d’être.

Mais voila !

L’état a besoin d’argent. Disons même que l’état saint simonien a besoin de beaucoup d’argent. Avec le temps, les pouvoirs d’état ont perdu de vue que la richesse que la nation extraite de son propre sein a pour mission première d’augmenter le bien être collectif de cette même nation. Au contraire, de façon saint simonienne, les états on pris l’habitude de considérer que la masse financière de l’impôt a pour mission, pour soutenir l’économie, de favoriser les grandes entreprises industrielles et financières.

Il faut trouver de l’argent.

Tout élu à un poste de responsabilité constate que pour satisfaire les besoins dont il a la charge il lui faudrait plus d’argent. Alors, Il faut augmenter les impôts.

Je me souviens d’un Maire (membre du parti socialiste) dont l’obsession permanente était de trouver une ruse pour contourner la loi et augmenter les impôts locaux plus vite que ne le lui aurait permis la législation.

Au niveau étatique, on sait qu’on ne peut pas augmenter drastiquement les impôts sur le revenu. Si un état décidait de multiplier les impôts par trois ou quatre. Dans l’heure qui suit, les gens dresseraient des barricades dans les rues jusque dans le plus petit village. Il faut donc augmenter les impôts de façon sourde, insensible, masquée et cependant fructueuse. Alors, faisant fi des grandes valeurs humanistes de 1789, l’état saint simonien, démocratiquement élu, en revient aux injustices des pouvoirs monarchiques et réinvente le système des taxes.

La question est : Pourquoi inventer des taxes plutôt que d’augmenter les impôts sur le revenu ?

J’y vois deux raisons à peu près aussi malhonnêtes l’une que l’autre.

La première, la plus simple et la plus visible est que des taxes, cela passe plus facilement inaperçu. En effet, lorsque nous payons nos impôts sur le revenu, nous constatons que nous versons à l’état une somme importante du fruit de notre travail. Nous nous amputons, en une seule fois, d’une part importante de notre pouvoir d’achat. A l’opposé, sous forme de taxe, d’abord, même si le prix hors taxe et le prix toutes taxes comprises est indiqué, nous n’y prêtons pas une grande attention et ensuite, cela peut sembler assez dérisoire. Dérisoire ? bien sûr parce que cela joue sur de petites sommes. Si vous achetez une paire de chaussettes à environ trois euros, cela représente environ soixante centimes. Bah oui ! Soixante centimes, c’est assez dérisoire. Seulement voila, vous n’achetez pas qu’une paire de chaussettes chaque mois. Vous achetez aussi d’autres choses et à chaque fois, vous payez des sommes qui, prises individuellement, semblent dérisoires ; mais qui cumulées finissent par former un pécule considérable.

L’astuce consiste à faire payer aux gens de toutes petites sommes (comparativement au produit acquis) mais de façon extrêmement répétitive. Au lieu de nous faire payer une fois deux cents euros, ce qui nous déplairait fortement, on nous fait payer quatre cents fois cinquante centimes, ce à quoi nous sommes largement moins sensibles mais qui revient strictement au même. En fait, on utilise un moyen psychologique pour nous masquer que nous payons des impôts extrêmement lourds. 

La taxe la plus connue est la TVA (taxe à la valeur ajoutée). Si on excepte un nombre assez restreint de produits alimentaires, cette TVA s’élève à dix neuf pour cent. C'est-à-dire, environ un cinquième.

Tous les individus, depuis les plus pauvres jusqu’au sommet des couches moyennes dépensent globalement la totalité de leurs revenus. Ce qui veut dire que tous ces mêmes individus paient, globalement, un cinquième de leur richesse chaque mois ou chaque année. Ils vont le payer d’une façon insensible, indolore et peu visible ; et avec l’habitude, presque à leur insu. Je ne sais pas, mais il me semble qu’extorquer de l’argent aux gens sans qu’ils ne s’en rendent vraiment compte, j’ai l’impression que sur le plan juridique, ce ne doit pas être très éloigné de ce qu’on appelle une escroquerie.

Ce n’est pas tout ! La seconde malhonnêteté est encore plus grave et plus flagrante d’injustice sociale.

Nous avons vu précédemment que, concernant l’impôt sur le revenu, on considère que la fiscalité peut être plus exigeante pour les personnes les plus riches. Si après paiement de l’impôt, une personne est encore beaucoup plus riche qu’une autre, il n’est pas tragique pour elle d’avoir été astreinte à un taux plus élevé. A ce titre, certaines personnes très pauvres se voient totalement exonérées.

Or, avec le système des taxes, que tu soies riche ou pauvre, tu paie la même chose. Un RMIste ne paie pas d’impôt sur le revenu… Il est trop pauvre ! Oui, mais il paie quand même ses dix neuf pour cent de TVA.

Comme précédemment quand on préférait, au lieu d’exiger une grosse somme en une seule fois, prélever de petites sommes de très nombreuses fois, au lieu de percevoir une grosse somme sur une personne très riche, on va préférer percevoir de très nombreuses petites sommes sur de très nombreuses personnes très pauvres. Je ne sais pas comment cela se passe dans d’autres pays, mais en France, les Smicards sont beaucoup plus nombreux que les milliardaires.

Il s’en suit qu’on peut imaginer un diagramme représentant la comparaison entre le fait de payer des impôts sur le revenu et le fait de payer une TVA.  Je me suis amusé à réaliser ce diagramme. J’ai pris comme exemple une personne seule née en 1942. On a d’une part un impôt fixe qui correspond à une ligne parallèle à l’axe des « x ». C’est la TVA. D’autre part une courbe croissante, c’est l’impôt sur le revenu. Si on considère que la TVA est de dix neuf pour cent, toute personne gagnant moins de cinq mille euros par mois paie plus de TVA que d’impôt sur le revenu. Inversement, toute personne gagnant plus de cinq mille euros par mois paie plus d’impôt sur le revenu que de TVA. Quels sont les gens qui ont intérêt à voire diminuer la TVA ? Quels sont ceux qui préféreraient voire diminuer l’impôt sur le revenu ? 

Parmi vos parents, vos amis, vos voisins, vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui gagnent plus de cinq mille euros par mois ? S’il s’agit d’un couple, c’est la moyenne des revenus qui compte. S’il y a des enfants ou des personnes à charge, cela décale la courbe vers la droite ce qui augmente le nombre de personne en deçà de ces dix neuf pour cent fatidiques. Je remarque une chose étonnante, aussi. Il est à noter que Monsieur Chirac, dans un élan de générosité sociale s’était engagé à diminuer les impôts et il a tenu parole. 

Euh… Les impôts sur le revenu, hein ! Ne nous abusons pas ! Par la suite, Monsieur Sarkozy a pris le même engagement. Si je ne me trompe pas, ces dispositions ont eu surtout pour résultat de favoriser ceux qui gagnent plus de cinq mille euros par mois au détriment des autres.

Il y a encore une chose remarquable. A moins de mille trois cents euros par mois, les personnes sont non imposables. Je rappelle que non imposable, cela veut dire dix neuf pour cent. Quand on diminue les impôts (sur le revenu), cela veut dire qu’on diminue les impôts de ceux qui touchent plus de mille trois cents euros par mois. Pour ceux qui perçoivent moins, cela ne change rien. Ça reste à dix neuf pour cent.

Vous voyez, quand je vous disais que le système de la TVA est parfaitement pernicieux !

Hé oui ! C’est ça la justice sociale saint simonienne !

Dans le prochain chapitre, nous allons remettre le nez dans la loi de finance de  deux mille dix.

 

 

  

 

 

VII L’impôt saint Simonien

 

(Retour dans la loi de finance de 2010)

 

Nous avions dans un chapitre précédent évoqué la loi de finance pour l’année 2010 et nous avions, pour étudier plus précisément les dépenses, sauté volontairement les tableaux des recettes. Nous allons maintenant nous y concentrer.

Il est à noter, d’emblée, que ces tableaux donnent très largement moins (tout au moins en apparence… à moins que ce ne soit moi qui m’y habitue) dans le flou artistique.

Nous avons un premier tableau général suivi d’un récapitulatif simplifié puis de trois annexes. Je ne vous fais pas de description détaillée, mais cela me semble assez cohérent.

Pour raisonner, je vais surtout m’appuyer sur le récapitulatif ; cependant, je vais quand même vous infliger quelques remarques sur les autres tableaux.

Nous avons deux sortes de recettes : Les recettes fiscales et les recettes non fiscales. Je m’explique. Il est entendu que l’état jouit de recettes non fiscales. Il est détenteur de parts dans des entreprises. Certains domaines de l’état sont bénéficiaires (je dis cela au hasard mais je pense aux forêts domaniales par exemple). Dans ces différents cas, l’état profite de recettes non liées à l’impôt qui entrent dans le budget général de l’état.

Bon, il faut que je vous présente des excuses. J’ai encore dit des choses en me laissant aller à une confusion lamentable. Quand je dis « l’état », c’est un raccourci. En fait, je devrais dire la Nation. Ce n’est pas l’état qui est actionnaire dans certaines entreprises, c’est la nation. L’état n’étant que l’administrateur de la nation, désigné par elle de façon démocratique. L’état est le fondé de pouvoir de la nation. J’y reviendrai dans une autre réflexion, mais déjà je peux dire que si l’état se comporte d’une façon que la nation réprouve, c’est que la nation à mal choisi son état. Je vous rappelle cette constatation forte soutenue, sous diverses formes par nombres d’hommes du passé (Platon, Spinoza, Rousseau et quelques autres) « les peuples ont toujours les gouvernements qu’ils méritent ». Il s’en suit que lorsque nous parcourons la loi de finance de 2010, cette loi a été promulguée par l’état, c'est-à-dire, par procuration,  par la nation.

L’état (la nation) dispose donc de recettes non fiscales. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais, à moi, cela me fait très plaisir. Si ! Je suis très heureux de savoir que la nation dispose de richesses propres et collectives lui permettant d’améliorer ses conditions de vie. Je me dis même que s’il y en avait davantage, ce serait encore mieux. Cela permettrait d’améliorer plus les conditions de vie ou de diminuer les impôts. Je n’irais pas jusqu’à envisager de couvrir tous les besoins avec des richesses nationales. D’abord parce que je craindrais de voire s’installer des systèmes monopolistes gangrenés par le syndrome de Peter et puis, surtout, parce que je pense qu’il reste pertinent que chacun, de façon citoyenne, continue de participer à l’épanouissement de la nation.

Revenons-en aux recettes fiscales. En parcourant le tableau A de la loi de finance de 2010. Je note des choses qui m’amusent. Je cite : Prélèvement sur les bénéfices tirés de la construction immobilière : Zéro.
Précompte dû par les sociétés au titre de certains bénéfices distribués : zéro. Contribution des institutions financières : zéro. Taxes sur les véhicules de société : zéro. Et il y en a comme cela un certain nombre. Outre que je ne vois pas très bien l’intérêt de stipuler des domaines dans lesquels on a décidé qu’on ne touchera rien, je trouve un peu indécent de déclarer qu’à certains, on fera des cadeaux. Si ! Vous avez bien vu ! Les institutions financières ne contribueront pas. Du moins, c’est ce que cela semble vouloir dire.

Nous avons deux sortes d’impôts. Les impôts directs et les impôts indirects. Nous en revenons au chapitre précédent. Dans les impôts directs, il y a deux grandes catégories l’impôt sur le revenu (environ 54 milliards d’euros) et l’impôt sur les sociétés (environ 50 milliards d’euros). La plus forte recette de l’état, impôt indirect, est constituée par la TVA (environ 171 milliards d’euros). Il existe aussi un nombre non négligeable d’autres taxes dont je vous épargne la liste.

Nous avons donc bien la confirmation que l’impôt le plus lourd sur nos épaules, c’est la TVA. Laquelle TVA, comme nous l’avons montré précédemment est l’impôt le plus injuste.

Nous avons dit que dans cet état « A », le flou artistique était largement moins cultivé que dans l’état « B ». Oui, mais non ! Un peu quand même. Dans l’état « A », celui des recettes, nous retrouvons des dépenses qui auraient du être dans l’état « B », celui des missions. 

Je veux bien admettre que certaines sommes ne sont dans le budget de l’état qu’à titre provisoire et seulement en transfert. Particulièrement, les sommes qui seront ensuite reversées au titre de la dotation des collectivités territoriales. Nous en reparlerons plus loin. En revanche, il y a ce que l’on appelle les prélèvements sur les recettes de l’état. Ah bon ? Parce que les prélèvements, ce ne sont pas des dépenses ?

Je sais que je suis d’un naturel retors, mais il me semble que si le boucher du bout de la rue, dans sa comptabilité, mélangeait les recettes avec les dépenses, il aurait des difficultés diplomatiques avec, précisément, le fisc.

En définitive, le budget de la nation pour 2010, si l’on additionne les impôts directs, les taxes et les revenus propres, est assez voisin de trois cent soixante dix milliards d’euros. Ce nombre officiel est évidemment faux puisque dans les recettes, on défalque déjà un nombre respectable de dépenses.

L’état, assis sur la doctrine de Saint Simon, et je ne remets pas sa bonne foi en doute, est persuadé qu’il doit soutenir l’économie et pour se faire puiser à larges poignées dans la richesse que produit la nation. Cependant, ce soutien est un gouffre sans fond. 

On pourrait toujours imaginer de subventionner plus cette économie. Du coup, l’état se trouve dans un manque chronique de fonds. Le souci majeur de tout ministre des finances est de trouver toujours plus d’argent. Quand on est un grand ministre de l’économie, on invente une nouvelle taxe. Monsieur Fabius, ministre socialiste a inventé la CSG. Le plus souvent, lors de l’institution d’une nouvelle taxe, on cherche à la parer d’une mission noble et généreuse. La CSG était créée pour boucher le trou de la sécurité sociale. Ah bon ? Il n’y a plus de trou à la Sécurité sociale ? En fait, une nouvelle taxe, très rapidement permet d’augmenter la masse budgétaire de l’état qui en profite pour rerépartir l’ensemble sans vraiment affecter les sommes perçues spécifiquement aux missions moralisante qui avaient permis de les imaginer.

Il faut plus d’argent !

Il faut plus d’argent !

Tenez, un exemple. Les contraventions inhérentes à la circulation routière. Il est entendu qu’il ne faut pas laisser faire n’importe quoi sur les routes, mais, croyez vous que les gendarmes ont pour mission d’avoir un comportement sécuritaire, préventif et pédagogique ? Non. Ils ont pour mission de se substituer à l’administration fiscale. Ils doivent ramasser de l’argent. Dans le budget de 2010, on attend six cent quatre vingt cinq millions d’euros de cette source. Si l’on remplaçait l’amende par une peine de travaux collectifs dans un service d’urgence, par exemple, ce serait plus éducatif ! Mais non ! L’état y perdrait les six cent quatre vint cinq millions d’euros en question. 

La création des régions est de date relativement récente. Malgré les efforts des gouvernements successifs, la population n’a pas vraiment intégré le rôle de ces régions. Il faut dire que c’est un peu de la poudre aux yeux. Lors de leur création, on a tenté de faire croire aux gens qu’elles auraient pour but d’autonomiser les régions afin qu’elles puissent échapper au pouvoir étatique et de ce fait manifester plus largement et plus facilement leur dynamisme propre. Il n’en est rien. Pour ma part, je ressens plutôt les régions comme un nouveau bouclier protégeant le pouvoir central contre les populations locales, d’une part, et, d’autre part, une astuce pour éloigner un peu plus de la base de la population le lieu où des décisions seront prises les concernant. La création des régions a eu, en effet, surtout,  pour résultat de diminuer les pouvoirs des départements en les diluant dans une entité plus large, moins caractérisée et plus éloignée de la population. 

Il est à rappeler que les régions n’ont que très peu de pouvoir réel et en tout cas pas législatif. Les conseils régionaux ne sont que des exécutifs et les conseillers régionaux (qui ne sont que des conseillers) n’ont comme pouvoir que de répartir les sommes dont ils disposent. Ce ne sont que des répartiteurs de la misère.

Au nom de la régionalisation et de la décentralisation, l’état s’est déchargé d’un nombre important de charges. Il faut savoir que la quasi-totalité des équipements de la nation incombent aux collectivités territoriales. Les routes, les ponts, les établissements scolaires, les hôpitaux civils, les bâtiments utilisés par la police, la justice, les installations sportives sont assumés tant pour leur création que pour leur entretien par les collectivités locales. 

Cela se comprend et est parfaitement justifié ! En effet, quand il faut regoudronner la route qui joint un chef lieu de commune à ses deux ou trois hameau, il serait absurde que cela soit à la charge de l’état. S’il faut réparer le toit du garage municipal, cela ne concerne que la commune et s’il en allait autrement, il serait à craindre que l’état ne mesure pas pleinement la situation d’urgence du toit du garage municipale de saint Tamouillard la Garenne. Ajoutez à cela que nombre de fonctionnaires sont payés par les collectivités territoriales. Bien sûr, les personnels des susdites collectivités. Mais aussi, par exemple pour ce qui est de l’éducation nationale, les personnels d’entretien et de cantine. Les femmes de ménage, dans les écoles primaires sont personnel communal. Il s’en suit que les collectivités territoriales assumant une très large part de biens matériels et partiellement des personnels de ce qu’attend la nation, ces collectivités territoriales (régions, départements et communes) pour fonctionner ont besoin d’argent.

Elles ont besoin de beaucoup d’argent. 

Et bien oui, mais si nous payons des impôts, c’est précisément pour créer et entretenir ces structures ! La nation, collectivement, paie des impôts pour, collectivement, pouvoir s’offrir les installations et les services dont elle a besoin et envie.

Bien sûr !

Bien sûr que non !

Les impôts (tous ceux dont nous avons parlé jusque là, impôts sur le revenu, TVA, et tous les autres) ne servent pas à ça. Mais combien de fois faudra-t-il vous le répéter ? Les impôts cela sert à soutenir l’économie. Vous avez du mal à comprendre, hein, des fois !

Les collectivités territoriales vont donc lever de nouveaux impôts.

C’est ce que l’on appelle les impôts locaux. Ils sont levés par la commune. Ce que vous payez pour la commune est réparti entre la commune, le département et la région. Quels sont ces impôts locaux ?     

Il y en a plusieurs. 

Nous avons la taxe d’habitation. Elle dépend de la valeur de notre habitat. Je ne sais pas trop comment elle est calculée, mais vu que l’on peut supposer qu’une personne très riche ne vit pas dans un appartement semblable à celui d’une personne très pauvre, cela doit être à peu près juste. Du moins, je l’espère. Encore que je n’en suis pas persuadé. Je ne suis pas certain que la progression soit toujours calquée sur l’impôt sur le revenu. Mais comme je n’en sais rien, je ne vais pas faire de procès d’intention. La valeur de cet impôt est fixée par la municipalité. Du coup, d’une commune à l’autre, la taxe d’habitation est très variable. Cela coûte beaucoup plus cher d’habiter à Nice, à Annecy ou à Paris qu’à Mende ou à Privas. Mais bon ! Les communes étant autonomes, il n’y a rien à redire là-dessus. 

Nous avons aussi les taxes sur le foncier bâti et le foncier non bâti. Ça, c’est facile à comprendre. Le foncier bâti, si vous êtes propriétaire d’un terrain avec une maison dessus, vous payez une taxe. Si vous avez un terrain sans maison… Avec rien que des salades… Voire, avec rien du tout, vous payez une taxe. Là aussi, on peut présumer que si vous avez un château dans un parc, c’est que vous en avez les moyens et il est donc admissible que vous payiez plus que celui qui n’a qu’une maisonnette avec une plate bande devant.

Pour le foncier non bâti, c’est un peu plus sujet à caution.

Je me souviens d’une brave Mémé qui avait une petite maison dans un village. Contigu à sa maison, elle avait un jardinet d’environ soixante dix mètres carrés. Mais… Ce jardinet était inscrit sur le cadastre sous un numéro distinct de ce lui de la maison. C’était donc un terrain non bâti. Elle y faisait pousser quelques salades, poireaux et carottes et elle y faisait sécher son linge. Ce terrain était coincé dans l’angle aigu laissé entre la route départementale et un chemin communal. En toute logique, elle payait un impôt sur ce terrain. 

Oh ! En valeur absolue, ce n’était pas grand-chose. En valeur actuelle, cela devait représenter entre vingt et trente euros annuels. Pas contigu mais de l’autre côté de la départementale, il y avait un parc à vaches des six à sept hectares. Le propriétaire pour ce parc devait payer une centaine d’euros. Cela veut dire que pour un terrain mille fois plus grand, il payait quatre fois plus. Dit autrement, cela voulait dire que le mètre carré de la brave vieille coûtait environ deux cent cinquante fois plus cher que celui de l’agriculteur. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je ne suis pas persuadé que cela représentait une image lumineuse de la justice sociale. Selon tout bon sens, la grand-mère aurait du payer aux environs de dix centimes. 

Si vous possédez un jardin ouvrier délicatement blotti entre l’autoroute et la ligne de chemin de fer, êtes vous certain que votre mètre carré de radis ne vous coute pas beaucoup plus cher que le mètre carré de blé appartenant à l’agrarien qui est de l’autre côté des rails ?

Puisque nous parlons des terrains agricoles, il faut faire une remarque sur une nouvelle incongruité. Taxer un terrain agricole, cela revient à taxer un outil de travail qui peut ne pas avoir de rapport. On ne taxe pas la personne sur ce qu’elle gagne, mais sur ce qu’on présume que cela pourrait, dans de bonnes conditions, rapporter. Cela ressemble fort à ces impôts du moyen âge ou le serf devait à son seigneur un certain nombre de gerbes de blé quelle que soit la récolte. A mon avis, c’est aussi absurde et injuste que si, pour un menuisier, on taxait ses rabots, ses maillets et ses ciseaux.

Pour en finir avec le bâti et le non bâti, nous devrons encore, dans le prochain chapitre, évoquer une dernière incohérence.

 

  

 

 

 

IX Les impôts locaux et les

collectivités territoriales

(deuxième partie)

 

 

 

A la fin du chapitre précédent, nous disions que pour en finir avec le bâti et le non bâti, nous devons aussi évoquer une dernière incohérence. La voici.

Quelques familles vivaient depuis toujours, depuis de nombreuses générations dans des hameaux un peu frustes. C’étaient des endroits assez misérables constitués de landes et de marais, de rocailles et de garigue. Ils y vivaient chichement, mais ils y étaient bien. Ils y étaient heureux. Mais voila ! 

On s’est aperçu que le lieu présentait un attrait touristique majeur (proximité de la mer, d’un domaine skiable ou autre). L’industrie touristique produisant ses ravages coutumiers, la valeur marchande de ce qui était sans intérêt a été monstrueusement accrue. Maintenant, le foncier et le foncier bâti peut rapporter des sommes juteuses. Dans le même temps, les habitants ne se sont pas enrichis. Du coup, étant toujours aussi pauvres qu’avant, ils ne peuvent plus payer les impôts locaux auxquels ils sont assujettis. De plus, ont les soumet désormais à un impôt sur la fortune. Quelle possibilité leur reste-t-il ? Vendre leur patrimoine familial a des moins pauvres qu’eux et aller finir leur vie dans un ghetto où on regroupe les plus démunis. Une nouvelle fois, on n’impose pas les gens sur ce qu’ils gagnent, mais sur une valeur hypothétique et abstraite de ce qu’ils semblent posséder.

Maintenant, puisque j’en suis là, je vais une nouvelle fois faire hurler les gens qui sont en désaccord avec moi. Si un brave type possède un château dans la Dordogne et que ce château ne lui rapporte rien (et que de surcroit, il lui coûte fort cher rien qu’en entretien), je ne vois pas pourquoi on le taxe sur ce château. Bien sûr si de ce bâtiment, il tire des bénéfices, la situation est différente et il paie des impôts sur le revenu, mais sinon… Tenez, c’est un peu comme si on vous taxait sur le fait que vous avez une paire de chaussures. Vous avez payé une première fois sur vos revenus, puis une seconde quand vous avez acheté vos chaussures (TVA) et ensuite, vous devriez payer sur le fait que ces chaussures sont votre propriété et qu’elles sont rangées dans un placard. Disant cela, je ne veux pas prendre la défense des châtelains, je dis simplement que je trouve ce type d’imposition injuste. Quand on veut établir une justice, il faut que cette justice s’applique à tout le monde… Même éventuellement envers les gens qui ne sont pas spécialement pauvres.

Je voudrais, pour en finir avec les impôts locaux, évoquer aussi un impôt local qui, précisément, vient de disparaître. Il s’agit de la taxe professionnelle.

Dans un premier temps, et pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je tiens à affirmer de toutes mes forces que je suis ravi de cette suppression.

Mais, là n’est pas la question.

 D’abord… Je vous explique en quoi consistait la taxe professionnelle. Chaque commune percevait, au nom des collectivités territoriales, une taxe sur toutes les entreprises sises sur son territoire. Cela allait de la mercière de la place de l’église à la multinationale tentaculaire. On comprendra que les collectivités territoriales appréciaient fortement cette manne confortable. Cela représentait même une part importante de leurs financements. Nombre de communes cherchaient à attirer ou à garder ces entreprises locales. Cependant, si la grande firme pouvait marchander sa taxe professionnelle en laissant entendre que si elle trouvait moins cher, elle pouvait s’installer ailleurs, le petit commerçant ou l’artisan du village n’avait pas la possibilité d’exercer le même chantage. De plus, il est évident que les grandes villes bien desservies en axes de communication étaient préférées par les grandes entreprises et les villages du plateau de Millevaches devaient se contenter des coiffeurs et plombiers du coin. En clair, les communes bien équipées pouvaient être attractives envers les grandes entreprises ; donc elles touchaient de fortes taxes professionnelles ; donc elles pouvaient s’équiper davantage et être d’autant plus attractives. Inversement, les communes pauvres n’étant pas attirantes, ne percevaient que très peu de taxe professionnelle et ne pouvant pas s’équiper  devenaient de plus en plus retardataires dans l’évolution de la société. En fait, nous ne sommes pas très éloignés de l’adage qui dit qu’on ne prête qu’aux riches.

En y repensant, je pense que les législateurs avaient oublié de taxer certaines personnes. Bah oui ! Les mères au foyer exerçaient bien leur activité professionnelle dans la commune ! Vous vous rendez compte de la perte budgétaire que cette négligence entraînait ? Il y avait aussi les SDF qui, eux aussi pratiquaient leur mendicité sur le territoire d’une commune ! Et je ne vous parle pas des Dames qui font commerce de leurs charmes !

Comme je présume que vous aviez déjà remarqué que je ne suis pas un farouche zélateur des taxes en tous genre, vous ne serez pas surpris que je soie ravi de suppression de la taxe professionnelle.

Cependant, je trouve, quand même, cette suppression malhonnête.

Et là, vous vous dites : Il ne sait pas ce qu’il veut.

Si, si ! Rassurez-vous ! Je ne suis pas encore gâteux à ce point là.

Je vous explique.

Les impôts locaux sont perçus par les communes pour financer les réalisations (investissement et entretien) des collectivités territoriales (communes, départements et régions). Ces mêmes impôts locaux sont la ressource très largement principale de ces mêmes collectivités territoriales. L’état perçoit ses impôts et les collectivités territoriales perçoivent les leurs. L’état doit assumer ses charges et les collectivités territoriales les leurs. Tout est bien séparé. Si les collectivités locales décidaient de diminuer leurs sources d’impôts, ce serait compréhensible. Mais, la décision de la suppression de la taxe professionnelle à été prise par l’état au grand dam des collectivités territoriales.

C’est là que je ne comprends pas.

C’est un peu comme si, au nom de l’aide à la population, les bouchers décidaient que, dorénavant, il ne sera plus nécessaire de payer dans les boulangeries.

Il s’en suit que par décision de l’état, les collectivités territoriales disposeront de moins de moyens financiers pour assumer leurs missions. Si on rapproche cette remarque du fait que l’immense majorité des infrastructures matérielles et humaines dont la nation souhaite profiter est fournie par les collectivités territoriales, on peut en conclure que l’état considère que ces infrastructures sont excessives. Il faut l’avouer, nous disposons de trop d’établissements scolaires, de trop d’hôpitaux, de trop de route, de ponts, d’établissement sportifs et de maisons de jeunes et tous ces dispositifs sont trop entretenus et trop financés.

Si les collectivités territoriales veulent maintenir le niveau antérieur de satisfaction de la population, comme les grandes multinationales ne débourseront plus rien, il va falloir trouver de l’argent ailleurs et donc, augmenter (entre autre) les taxes d’habitation. Tiens, c’est drôle, ça ! Cela ne consisterait-il pas à augmenter les impôts des pauvres pour diminuer ceux des riches ?

La question se pose, alors, pourquoi l’état a-t-il fait cela.

En effet, puisque ces sommes n’entraient pas dans ses poches, puisque cela ne lui rapportait rien et que la manœuvre ne lui rapportera rien, pourquoi l’état a-t-il pris cette décision ?

J’y vois deux raisons dont la seconde est presque involontaire.

L’état est obnubilé par l’idée (saint simonienne) qu’il faut soutenir l’économie. Soutenir l’économie, cela veut dire l’aider dans sa production de profit ; donc, diminuer ses dépenses. Si on diminue les impôts des entreprises industrielles et bancaires, on augmente leur profit et donc on leur apporte un soutien efficace. Oui, mais si on diminue les impôts, cela veut dire moins d’argent dans les caisses de l’état. Pour diminuer les impôts, sans diminuer les recettes de l’état, on décide de supprimer les taxes professionnelles qui ne reviennent pas à l’état. Nous en sommes revenus à la parabole du boucher qui dit aux gens de ne plus payer à la boulangerie. L’état a rempli sa mission. Il a fait cadeau de sommes follement importantes aux grandes industries et cela ne lui a rien couté.

Il est amusant de constater que de nombreux maires appartenant au parti au pouvoir, n’ayant pas assimilé le but de la manœuvre se sont insurgés contre le tord fait à leur commune. On leur a expliqué et ils ont vite compris.

Par contrecoup, il lui a bien fallu appliquer la même règle aux petites et moyennes entreprises et aux commerçants et artisans. Vous y avez cru, vous à l’extraordinaire générosité de l’état envers le bistro de la place et le garagiste du bord de la nationale ? S’il n’y avait eu que ceux là, rien n’aurait été fait. De ces petites entreprises, l’état se moque éperdument. Mais, comme le manque à gagner n’affectait pas ses poches, pour faire plaisir à ses amis, il n’a pas hésité. 

Ensuite et c’est là le second effet. Les petits entrepreneurs sont extrêmement nombreux en France. Ces gens là, ce sont des électeurs. Les défrayer d’impôts, ce n’est pas pour leur déplaire et le parti au pouvoir va pouvoir, à juste titre, en campagne électorale s’en attribuer la gloire. Cependant, je ne suis pas persuadé que cela soit réellement efficace. En effet, les petits entrepreneurs, artisans et boutiquiers sont déjà fortement acquis à la cause du ou des partis conservateurs. Disons que le parti au pouvoir a, tout au plus, convaincu ceux qui l’étaient déjà.

Je suis parfaitement opposé au système des taxes. Cependant, la façon dont celle-ci a été supprimée par une autorité par laquelle elle n’était pas concernée, avec les effets pervers que cela entraine pour les infrastructures logistiques dont, par une perte financière lourde, les populations risquent d’être victime, l’état montre que les besoins fondamentaux de la nation lui sont parfaitement indifférents.

Pour en finir avec les impôts locaux et les collectivités territoriales, il faut faire une dernière remarque. Il faut reconnaître que l’état finance en partie les dépenses des collectivités territoriales.

Ha ! Bon ! Quand même !

Bien sûr ! Je vous donne les sommes que cela représente.

On pourrait présumer que les sommes d’impôts que nous transpirons sont réparties équitablement entre les quatre grandes divisions administratives : L’état, les régions, les départements et les communes. Elles sont quatre, donc, un quart chacune. 

Grands niais que vous êtes ! Le budget global de l’état est d’environ trois cent soixante dix milliards d’euros. Il verse aux collectivités locales environ quatre vingt cinq milliards. Si, si ! En tout ! Pour les trois autres ! C'est-à-dire environ vingt trois pour cent et il garde pour lui les soixante dix sept autres pour cent ! Et, dans sa générosité folle, pour compenser la perte des taxes professionnelles, il accorde même une rallonge de cent quatre vingt quatre millions d’euros. C'est à dire zéro virgule zéro cinq pour cent de son budget… Oui, vous avez bien lu ! Je n’y croyais pas moi-même et j’ai refait plusieurs fois le calcul. Un deux millième de sa capacité. Pour compenser la perte des taxes professionnelles, les collectivités locales voient leur dotation de l’état majorée de zéro virgule deux pour cent. Cela veut dire que la participation de l’état aux besoins des collectivités territoriales passe de vingt trois pour cent à vingt trois pour cent. C’est beau ! C’est grand, hein ! La générosité de l’état envers la nation !

Bon, entre nous, depuis un bon moment, je vous parle de l’état saint simonien comme d’une entité néfaste dévastatrice et partiale; mais,


cet état saint simonien,

c’est nous qui l’avons élu !

  

 

X Les impôts

Petit résumé




A ce point de notre exposé, il me semble pertinent de donner un petit résumé des pages précédentes. Si, si ! Vous savez, comme dans les livres de géographie d’autrefois ! Il y avait une ou deux pages d’explications et en bas de la dernière colonne de droite un petit résumé regroupant les idées maîtresses à retenir. Bon, je ne vais pas vous demander de l’apprendre par cœur… Encore que…

Dès l’aube de la civilisation (et même peut être déjà un peu avant) les individus regroupés en nations éprouvent des besoins qui ne peuvent assumés que collectivement. Il est donc normal que chacun contribue selon ses moyens à leurs assouvissements.

Cependant, assez rapidement, des individus on détourné cette manne financière à leur profit propre par la peur : Peur de la violence (les guerriers) et peur de l’ignorance (prêtres). Ce qui était volontaire a été imposé et la contribution est devenue impôt.

L’état non démocratique ayant besoin de toujours plus de richesses va inventer des moyens pernicieux, cachés et hypocrites pour percevoir de l’argent. Il invente le système des taxes. Au lieu de percevoir sur les revenus, il perçoit sur les besoins. C’est le système des taxes. Ainsi, un homme qui est pauvre devant utiliser la totalité de ses revenus pour vivre va être taxé sur tout ce Sur tout ce qu’il a dépensé. A l’opposé celui qui est riche n’étant pas obligé de tout dépenser va pouvoir échapper en partie aux taxes. De plus, s’il prête cet argent qui lui reste, il va augmenter sa fortune sous la forme d’intérêts.

Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825) émet l’idée qu’il ne peut pas y avoir de nation riche sans économie prospère. Ceci est très juste mais on oublie que ce n’est pas réciproque. Une économie peut être très prospère sans que les citoyens en profitent si les richesses sont accaparées par des privilégiés. 

Saint Simon prône un mode de gouvernement dominé par l'économie qu'il convient de planifier pour créer des richesses et faire progresser le niveau de vie. Il appartient aux capitalistes d'œuvrer à l'élévation matérielle et morale du prolétariat. Mais, l’économie capitaliste, par essence n’est pas planifiée et les dirigeants capitalistes ne se donnent pas de missions philanthropiques. Ils ont pour seul but d’enrichir leurs actionnaires.

L’idée de nation est une notion à la fois très forte et en même temps très floue. Elle recouvre, en gros, le fait, pour des citoyens, d’avoir un passé commun (même très court) et une volonté de continuer de vivre ensemble.

La nation a des besoins collectifs. Pour cela, elle trouve normal de financer un état, élu par elle, qui devra gérer au mieux les besoins communs.

L’état, persuadé de théories saint simoniennes faussées (l’économie n’est pas planifiée et les capitalistes ne se donnent pas pour mission d’améliorer le niveau culturel et matériel de la nation), essaie par tous les moyens de se débarrasser des attentes de la nation afin de pouvoir apporter un soutien massif à l’économie.

L’état ayant besoin de toujours plus d’argent pour soutenir l’économie n’a pas d’autre choix que de soit, diminuer les avantages que la nation peut espérer, soit augmenter les impôts. En fait, il joue sur les deux tableaux. Il restreint les services (Santé, éducation, justice, vie associative et culturelle ou sportive) et multiplie les taxes.

L’impôt sur le revenu est progressif. Plus tu es riche et plus le taux d’imposition augmente. Les taxes sont fixes. Riche ou pauvre, tu paies autant. Les taxes sont donc plus injustes que l’impôt sur le revenu. La taxe qui est l’impôt le plus important en France est la TVA. Que tu soies misérable ou milliardaire, tu paies dix neuf pour cent (à quelques détails près). 

Les taxes (donc, la TVA) sont des impôts pernicieux, masqués et mesquins. Elles s’insinuent dans votre porte monnaie de façon insidieuse en se cachant de vous pour vous appauvrir sans que vous ne vous en rendiez compte. Je croyais que quand on est honnête, on n’a pas à se cacher. Les gens ayant des revenus jusqu’à presque confortables paient plus d’impôts honteux que d’impôts sur le revenu. L’état, lorsqu’il envisage de diminuer les impôts, diminue toujours l’impôt sur le revenu et non pas les taxes. Cela revient à avantager les plus hauts revenus au détriment des populations les plus pauvres.

La loi de finance (le budget de l’état), en ce qui concerne les dépenses de l’état est un texte amphigourique qui a pour mission de celer au citoyen moyen ce que l’on fait de ses sous. Alors que ce devrait être une des préoccupations majeures de la nation, dans les média  ou dans les campagnes électorales, la gestion financière de l’état n’est jamais abordée.

Les nouvelles taxes sont toujours présentées comme une grande œuvre charitable afin que la nation prise de compassion et de générosité avale la pilule sans trop regimber.

L’état se décharge de sa mission qui est d’assurer le bien être de la nation sur les collectivités territoriales.

Dans le même temps et toujours au nom du soutien à l’économie, il diminue les revenus de ces mêmes collectivités territoriales.

Voila, ce petit résumé est terminé.

Alors, hein, vous n’oubliez pas de réviser de temps en temps !

Maintenant, je voudrais apporter quelques compléments.

 

 

 


 

XI Quelques compléments



Vous ne croyiez tout de même pas que vous alliez vous en tirer comme ça ! Non, non, non ! Ce n’est pas terminé. Il faut que je vous donne encore quelques compléments.

Il y a d’abord deux choses sur lesquelles je suis très mal documenté et je ne vais vous en parler qu’avec les plus extrêmes précautions oratoires. Pour la troisième, je vous laisse la surprise.

En premier, je sais que je vais me faire arracher les yeux par des gens qui, de coutume, ont pour moi des sympathies.

Il existe un impôt sur les sociétés. Dans le budget de 2010, cela représente presqu’autant que l’impôt sur le revenu (environ cinquante milliards d’euros). Il va de soi que les entreprises gagnant de l’argent, il est pertinent de les imposer. Même, les gens pauvres verraient d’un bon œil augmenter ces impôts sur les sociétés. Comme disait un personnage volontairement aux accents prolétariens : « de l’argent ? Il n’y a qu’à n’en prendre dans les poches de ceux là qui z’en ont ! ». Cela me semble un peu simpliste. Pour ma part, considérant que la richesse de l’état est une contribution des individus de la nation, j’ai du mal à concevoir une contribution autre que des personnes physiques. Une entreprise n’étant pas un membre de la nation, je ne vois pas pourquoi on lui demande de participer à la constitution de la richesse de l’état. Là, deux réactions : Les patrons d’entreprise vont m’applaudir des deux mains en s’exclamant : Enfin quelqu’un qui nous comprend ! En même temps, les orateurs plébéiens vont me conspuer en m’accusant d’être un sale réac qui veut faire le jeu du patronat. 

Là n’est pas mon souhait. Réfléchissez une seconde (enfin, plusieurs, quand même). Si une entreprise « X » se voit exonérée de son impôt sur les sociétés, elle va, ayant moins de frais, augmenter ses bénéfices. Si elle augmente ses bénéfices, cet argent en plus, elle ne va pas le mettre dans une petite boite et l’enterrer au fond du jardin ! Elle a trois solutions. La première, la plus improbable, elle augmente les salaires. Les salariés gagnant plus vont payer plus d’impôt sur le revenu et cela reviendra au même. 

Deuxième cas : l’entreprise va servir des dividendes majorés. Les actionnaires devenus plus riches vont payer plus d’impôt sur le revenu et une nouvelle fois, on s’y retrouve. Troisième cas de figure : L’entreprise investit. Et alors ? Cela déplace juste le problème d’un cran. Si l’entreprise investit, elle va utiliser les services d’une autre entreprise qui va voir augmenter son chiffre d’affaire. Du coup, cette deuxième entreprise « Y » va augmenter ses bénéfices et aura le même choix que précédemment. De proche en proche, il y aura bien un moment ou on en arrivera à des gens qui gagnent plus et donc paieront plus d’impôts sur le revenu. Je ferai remarquer que quand une entreprise investit, elle augmente le chiffre d’affaire de la société prestataire d’œuvre ; donc, les bénéfices de celle-ci ; laquelle voit son carnet de commande plus rempli et, donc, peut être conduite à embaucher. 

Je n’ai pas fait de calculs (parce que j’en suis incapable) mais il me semble, comme ça, qu’on devrait pouvoir retomber sur ses pieds. Si ce qu’on n’a pas pris à la case cinq on le récupère à la case huit, je ne vois pas bien la différence. En revanche, sur les plans sociologique et philosophique, je trouverais cela plus satisfaisant. L’état est financé par la contribution de l’ensemble des représentants de la nation.

Il y a un deuxième phénomène étonnant. Il y a des gens qui, sur certains revenus ne paient pas d’impôts. Je veux parler de ce qu’on appelle les prélèvements compensatoires. Je vous accorde que je n’ai pas tout bien compris. Cela concerne certains intérêts et, particulièrement, des dividendes d’actions. En fait, cela s’explique par le fait que l’impôt (si les intéressés ont choisi cette option) est prélevé antérieurement. Donc, ce qu’ils touchent est net d’impôt. Au départ, on pourrait penser que cela revient au même et je vous reparlerai de la notion de retenue à la source un peu plus loin. Mais, déjà, il y a une chose qui me chiffonne. En lisant la description de cette modalité fiscale, on peut lire que les gens ayant peu de revenus de cette nature n’ont pas intérêt à choisir cette option. En fait, en dessous d’un certain seuil, il vaut mieux opter pour l’impôt sur le revenu classique. Donc, si je comprends bien, cela veut dire que les très grands actionnaires, s’ils choisissent cette options vont voire leur imposition diminuer, mais pas les autres. Curieux, ça ! Si vous êtes un grand actionnaire, vos impôts seront diminués, mais pas si vous êtes un petit porteur. Ha bon ? Donc, les « pas riches » paient tous leurs impôts et les « très riches » paient moins ? Je pense que l’état a du se tromper. Normalement, ce devrait être le contraire, non ? Je dois avoir un esprit retord ou ne pas être très malin. Plus clairement, le seuil semble être aux environs de 29%. 29%, cela correspond environ à des revenus de dix mille euros par mois. Donc, si vous avez des revenus d’actions supérieurs à dix mille euros par mois, en choisissant cette option, vous verrez votre impôt sur le revenu diminuer. Si vous avez moins, ce n’est pas la peine, vous ne gagnerez rien, vous risquez même d’y perdre. Ah ! Bon ! On comprend mieux ! Les gens qui ont plus de dix mille euros de revenus d’action par mois sont des misérables et il faut une disposition pour les soutenir et voler à leur secours. Du reste, avec ce système de prélèvement compensatoire, on constate que certaines personnes se voient rembourser un trop perçu. En effet, si le prélèvement à la source est important par rapport à ce qu’ils devraient payer sur l’ensemble de leurs impôts se voient remboursés. De cette façon, certaines personnes, non seulement ne paient rien (puisqu’il y a eu retenue à la base), mais, de plus, touchent de l’argent de l’administration fiscale. Bon. C’est comme ça.

Certaines personnes aimeraient que la totalité de l’impôt soit retenue à la base : C’est à dire que les salaires soient nets d’impôts. 

Je vais encore me faire des ennemis. Je suis violemment opposé à cette disposition. La raison invoquée est que ce serait plus indolore.

Il est entendu que quand sur vos maigres ressources vous devez prélever une somme conséquente pour aller la porter à la perception, cela vous fait mal. Vous mesurez bien le manque que cela représente pour votre économie domestique. Quand vous envoyez votre chèque, virtuellement, vous voyez très bien ce que cela pourrait représenter en chaussures ou en jours de vacances. Si cet argent on vous le retient, vous ne vous en rendez plus compte et vous en souffrez moins. Sur votre feuille de paie, la différence entre le brut et le net serait plus grande, mais, comme vous ne lisez pas, tous les mois, attentivement, votre feuille de paie, vous n’y prêteriez pas attention. Cela veut-il dire que vous gagneriez plus ? Non. Simplement, vous ne vous en rendriez pas compte. Ce système est pratiqué au Canada. Les Canadiens paient des impôts sur le revenu dont les taux de prélèvement (je sais que la sécurité sociale est comprise dedans) atteignent sensiblement le triple des nôtres.

Alors, je voudrais faire deux remarques.

Premièrement, si c’est plus indolore, cela veut dire qu’on pourrait nous prendre n’importe quoi. Chose à laquelle je ne tiens pas. Si j’ai promis à mon voisin qu’il pouvait prendre la moitié de ma récolte de radis, je préfère être présent quand il vient prendre sa part.

Deuxièmement, indolore, indolore ! Ça ne change rien au résultat. Si on doit vous amputer d’une jambe, pour que ce soit plus indolore, on pratique l’opération sous anesthésie. Il n’empêche qu’après l’intervention, vous êtes quand même unijambiste. 

Mieux ! Un type condamné à la peine capitale. Même si, avant le coup de hache, on lui pratiquer une anesthésie générale, après l’exécution, il n’en est pas, pour autant, un peu moins mort. Je veux bien participer à la richesse de la nation, j’aurais même une certaine fierté de le faire, mais je n’ai pas envie qu’on vienne se servir dans mon porte monnaie. Et je n’en ai pas envie, à plus forte raison, qu’on le fasse, pour que ce soit plus indolore, précisément, à un moment pendant lequel je ne regarde pas.

Au début de ce chapitre, je vous ai dit qu’il y avait une troisième remarque dont je vous laissai la surprise.

La surprise, c’est maintenant.

Ho ! Il est content le lecteur ! Il va avoir une surprise.

Depuis presque le début de cette série de réflexions sur les impôts, je vous dis que l’état saint simonien se donne surtout pour mission de soutenir l’économie. Vous n’avez pas bronché. Vraiment, vous n’êtes pas sérieux ! Vous lisez sans esprit critique ! On vous ferait gober n’importe quoi !

L’état soutient l’économie. Oui, bien sûr ! Mais l’économie de qui ? De la nation ? Bah non, justement. L’état soutient l’économie privée. L’état soutient l’économie de grandes entreprises dont la mission n’est pas d’apporter un mieux être à la nation, mais de servir les dividendes les plus conséquents possible à des actionnaires. En raccourci et transitivement, quand l’état soutient de grandes entreprises, il enrichit leurs actionnaires. Oserais-je vous rappeler que c’est au détriment du bien être de la nation ?

Il s’agit bien de soutenir l’économie de très grandes entreprises industrielles et bancaires et exclusivement de ces entreprises là. L’état ne soutient jamais la petite entreprise de mécanique générale du quartier d’à côté qui fonctionne avec douze salariés. Eux, ils se débrouillent. L’économie de cette petite entreprise n’intéresse personne.

Quand faut-il aider une entreprise ? Quand, pour des raisons indépendantes de sa volonté, elle est momentanément en difficulté budgétaire. Dans ce cas, on peut imaginer de lui faire une avance pour lui permettre de franchir un cap difficile. Etant entendu qu’elle devra rembourser ce prêt quand les choses iront mieux et il va de soi que pendant ce temps, l’entreprise ne versera pas de dividendes. Elle remboursera. On ne peut pas réclamer le beurre et l’argent du beurre. On ne peut pas gagner de l’argent quand les affaires sont fructueuses et gagner aussi de l’argent quand les affaires sont insuffisantes.

Il y a deux cas de figure. Ou bien une entreprise est viable et elle n’a pas besoin du secours de la nation, ou bien elle n’est pas viable et la nation n’a aucune raison de la rendre bénéficiaire artificiellement.

Les chefs de grandes entreprises, qui ne sont pas des imbéciles, ont parfaitement compris le parti qu’ils peuvent tirer de cette situation. Ils crient misère et pour obtenir de l’argent pratiquent un chantage au licenciement. Je pense que ces arguments sont infondés. Tenez, pour une fois, je vais faire l’apologie des Etats Unis. Profitez-en parce que ce n’est pas tous les jours. Aux Etats Unis, les entreprises refusent toute participation de l’état dans leurs affaires. Elles considèrent que ce serait une grave ingérence dans leur liberté d’entreprise. En France, et assez largement en Europe, on réussit cette performance de subventionner sans exiger, en contre partie, un droit de regard sur le fonctionnement financier de l’entreprise. Je vous le disais… Le beurre et l’argent du beurre. Si les Américains y arrivent, je ne pense pas que les Européens soient plus bêtes que leurs homologues d’outre Atlantique. Ils ont de mauvaises habitudes, les propriétaires de la haute industrie, chez nous.

Bon, comme je sens bien que je ne vous ai pas complètement convaincus, je vais vous expliquer autrement.

Nous sommes dans un village. Les deux plus grosses entreprises de la commune sont un garagiste qui emploie huit salariés et un charpentier qui en emploie six. Le conseil municipal au nom de l’aide à l’économie, au lieu de s’occuper de la maison de jeunes, des chemins de la commune et des égouts qui ne sont pas en bon état, décide de subventionner uniquement les deux entreprises. Vous ne croyez pas que ça provoquerait des remous dans la bourgade ? C’est cela, aider l’économie privée.

Voila, braves gens. Nous en arrivons à la fin de mes réflexions sur les impôts. Il ne restera plus qu’un chapitre de conclusions dans lequel j’aimerais vous parler des suggestions qui seraient les miennes sur le sujet.

 

 

  

 

XII Conclusions et suggestions

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais je ne suis pas un farouche admirateur du système fiscal qui nous régit. Je sais, j’en ai tracé une critique assez acerbe et j’entends les gens me dire que la critique est facile et que l’art est difficile. On me rétorque aussi que cela a toujours été comme ça et que ce sera toujours comme ça ; que nous n’y pouvons rien. Oui ! Oui ! Je sais ! Je sais toutes ces choses là ! Mais, je ne suis pas d’accord. L’injustice fiscale n’est pas une loi de la nature. Ce n’est pas parce qu’une situation dure depuis longtemps qu’elle est éternelle. Si on avait dit à des Français du dix huitième siècle que la société pouvait être autre que féodale, ils n’y auraient pas cru et devaient, eux aussi, penser que cela ne pouvait pas être autrement. Et pourtant…

Se contenter de faire une description et une critique, je suis bien d’accord que c’est parfaitement stérile. Dire que la soupe n’est pas bonne, ce n’est pas suffisant. Il faut proposer une autre recette. Rien ne dit, du reste, que la nouvelle recette sera meilleure ! Cependant si on n’essaie pas, on ne risque pas de réussir. Je vous rappelle, au passage la phrase de Bismark (Otto Eduard Leopold von Bismarck-Schönhausen, comte de Bismarck, chancelier d’Allemagne, 1815 1898), « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». Il y a aussi l’adage qui dit que « qui ne tente rien n’a rien ». De plus, répéter que la situation ne peut pas être modifiée, je me demande bien qui cela peut arranger. Je ne dis pas que mes suggestions vont immédiatement et définitivement tout arranger, mais il me semble que ce pourrait être un bon point de départ ne serait-ce que pour y réfléchir.

Je vois trois grands axes de modifications.

·       Comment la masse budgétaire est utilisée

·       Comment elle est perçue

·       Comment elle est décrite.

L‘usage de la masse budgétaire.

On entend souvent dire que l’état dépense trop. Certes. Il faut donc faire des économies. Cela ne veut pas dire qu’il faut ratiociner sur les besoins de la nation. Je pense au contraire qu’il serait plus pertinent d’abandonner cette vision faussement saint-simonienne qui consiste à engraisser les grandes entreprises industrielles et bancaires. Cela est possible puisque les Etats Unis d’Amérique, même s’ils ont d’autres travers, ne le font pas et ne s’en portent pas plus mal. Dans le même temps, les technocrates de Bruxelles objurguent véhémentement l’état français contre cette pratique. Il est certes à noter que Bruxelles s’inquiète plus de voir soutenir les petites et moyennes entreprises ainsi que l’agriculture et la pèche que de financer les grandes banques spéculatrices.

D’une façon simple, il me semble que substituer à un financement des grandes entreprises une meilleure prise en compte des besoins de la nation, cela consisterait à décider qu’il est plus important d’aider les pauvres que les riches. Ceci, sur le plan moral et philosophique, ne me semble pas particulièrement répréhensible.

L’état devrait faire des économies. Oui, mais pas sur le dos de la population au bénéfice des grands possédants et des capitalistes avérés. Je rappelle que ces cadeaux se mesurent quand même en dizaines de milliards d’euros (voire plus).

Si une entreprise est viable, il n’y a aucune raison de l’aider et si elle ne l’est pas il n’y a aucune raison de puiser dans les poches des smicards pour qu’elle puisse, artificiellement, distribuer quand même des dividendes.

Une comparaison. Même si le cordonnier du quartier n’a pas assez de clients pour vivre, je ne suis pas persuadé que ce soit une raison suffisante pour justifier que l’on perçoive dans les poches des gens de sa rue de quoi lui offrir une voiture de luxe.

Je vous avais parlé dans deux chapitres du présent exposé des collectivités territoriales. Nous avions vu qu’elles sont alimentées par des taxes locale et très minoritairement par une participation de l’état.

Pour ma part, je verrais une répartition différente.

Nous avons quatre administrations différentes. Si on considère qu’elles sont d’égale importance, il serait pertinent que chacune dispose d’une part égale du gâteau. Dans le cas contraire, il est évident que la notion de décentralisation est une escroquerie. Cependant, Il va, aussi, de soi que les collectivités territoriales ne peuvent pas prétendre aux mêmes sommes budgétaires. Une grande ville a plus de besoins qu’un village.

Je vous donne donc ma suggestion.

y a quatre niveaux de collectivité, il faut un quart à chacun.

De la totalité des impôts perçus dans une commune, la commune en reçoit un quart.

La commune étant dotée, il ne reste que trois types de collectivités. Donc, de ce qui reste, le département reçoit un tiers.

Comme il n’y a plus que deux collectivités, la région garde la moitié et l’état reçoit le reste, soit, le quatrième quart. 

Je sais, c’est sujet à discussion parce qu’ainsi, les régions les plus riches seraient les plus dotées. Il faudrait donc pour compenser cette anomalie établir des coefficients compensateurs ou je ne sais pas très bien quel système de correction. Quoi qu’il en soit, cela me semblerait une bonne base de départ dont un véritable gouvernement effectivement démocratique pourrait s’inspirer.

La méthodologie de la collecte des fonds nécessaires.

Après tout ce que nous avons vu précédemment,  je présume, parce que je sais que vous êtes très pertinents, que vous avez deviné que je ne suis pas favorable au système des taxes. En effet, si j’y étais pour quelque chose, je ferais le nécessaire de façon drastique et pugnace pour que l’état n’ait plus que deux sources de revenu. L’impôt sur le revenu et les ressources propres de la nation. 

Nous avons dit et réitéré que l’impôt sur le revenu est le seul impôt qui tienne compte de la richesse des citoyens. C’est le seul progressif en fonction de la fortune. Donc, je ne garderais que l’impôt sur le revenu. Oui, oui, oui ! Je supprimerais tous les autres, y compris les amendes de justice et contraventions routières. Je supprimerais l’impôt sur les entreprises et tout ce que vous pouvez imaginer. Vous avez également compris quelques paragraphes plus haut que la notion de taxes locales devient obsolète et que celles-ci doivent disparaitre. Du coup, il est entendu qu’il faudrait augmenter cet impôt de façon plus que significative voire assez massive. Il s’en suit qu’il faudrait recalculer totalement la courbe de croissance du taux d’imposition de l’impôt sur le revenu étant entendu que je pense que les taux les plus élevés de fiscalisation ne devraient pas dépasser une valeur que, pour le moment je ne suis pas à même de prévoir et qu’il faudrait établir. Quoi qu’il en soit, cela ne changerait rien puisque d’une façon ou d’une autre, ce que récoltent l’état et les collectivités locales, directement ou indirectement, c’est nous qui le transpirons. La différence, c’est que pour commencer, nous nous rendrions compte de ce que nous versons vraiment et, de plus, cela serait progressif. Une amende de la circulation routière est la même pour un milliardaire et un smicard… A ce détail près que le milliardaire ayant des relations risque de ne pas la payer, même si, pour lui, c’est dérisoire.

On pourrait, bien sûr se dire qu’il serait astucieux de multiplier les richesses de la nation (comme les forêts domaniales ou les entreprises régies par l’état). Je n’en suis pas persuadé. Cela présente aussi d’autres travers que je vous expliquerai dans une autre réflexion mais dont les deux premières qui sautent aux yeux sont, d’abord,  la dérive vers un système stalinien dont on a connu les conséquences et, d’autre part, une généralisation du principe de Peter. En revanche, vendre les entreprises nationales, cela me semble aussi absurde que l’action d’un agriculteur qui, pour s’enrichir, vendrait ses champs et ses machines.

La connaissance de la gestion de l’état.

Il me semble que la chose la plus importante et la première à réaliser serait (le mot est à la mode) la transparence du budget. En effet, le budget devrait être rédigé et présenté d’une façon telle que le citoyen moyen puisse le comprendre. On va me rétorquer que ce n’est pas faisable. Mensonge ! Comme disait Boileau (Boileau-Despréaux Nicolas 1636 1711) « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ». Un chapitre budgétaire par ministère et pour chaque ministère, une liste des attributions des missions. Il s’en suit que le père de famille moyen, par simple règle de trois pourrait savoir combien il verse pour chaque chapitre budgétaire. Il est vrai qu’il pourrait ainsi s’élever contre telle ou telle attribution ou absence ou insuffisance d’attribution. Je dois reconnaître que c’est un peu le but de la manœuvre. Vous vous rendez compte ? Si le susdit père de famille pouvait comparer les milliards octroyé aux grandes entreprises industrielles et bancaires et la misère consentie à la recherche fondamentale médicale, il deviendrait difficile, ensuite d’aller pleurnicher pour quémander sa compassion et sa charité (noble et généreuse, au demeurant) lors de quête publiques.

Enfin, et pour clore cette réflexion sur le système fiscal, J’aimerais que l’on en parle, que tout cela, au lieu d’être caché et honteux, soit étalé sur la place publique. 

Il me semble que la discussion politique devrait avoir comme sujet majeur l’usage fait de la richesse de la nation. L’argent étant le nerf de la guerre, qu’est ce que ce serait bien si nous pouvions savoir ce que l’on fait du nôtre ! Comme ce serait bien si, au lieu de nous bassiner sur les grenouillages électoraux et les compromissions pour le pouvoir auxquelles se livrent des hommes et femmes qui nous dirigent ou voudraient nous diriger, si les médias leur demandaient de façon itérative ce qu’ils font, ou envisagent de faire, de nos sous ? Oui, J’aimerais bien voir un candidat lors de sa campagne électorale nous dire quel type de budget il est prêts à défendre. Il me semble qu’une des préoccupations de la discussion politique du citoyen normal et moyen devrait être de se demander comment on gère la richesse de la nation.

Mais ça, c’est un sujet tabou.

En parler, c’est dire des gros mots.

Un citoyen bien vu, c’est un citoyen qui paie sans chercher à comprendre.

Je refuse d’être un citoyen qui ne cherche pas à comprendre… Même en prenant le risque de ne pas être bien vu.

 

Commentaires: 2
  • #2

    balchamblier@gmail.com (mercredi, 05 décembre 2018 17:48)

    Entièrement d'accord sur les injustices fiscales des taxes par rapport à l'impôt sur le revenu.
    Pour l'impôt sur le revenu, je vous suggère une comparaison : une petite voiture de 50 chevaux va à 100 Km/H. Une grosse voiture de 100 chevaux ne va pas à 200 Km/H, mais à 125 Km/H. Les 25 Km/H gagnés par le plus riche lui permettent de se payer un superflu (griserie de la vitesse), les 100Km/H sont pour le vital (se déplacer) : c'est l'impôt progressif qui permet cela. Les 75 Km/H non utilisés permettraient à l'état de remplir son rôle de justicier social.
    Cependant, l'état, c'est en principe nous tous. Il fait face à la loi de l'offre et de la demande. Il me semble que sa mission serait d'atténuer la rigueur de cette loi pour les consommateurs et les producteurs. S'il se décharge sur les collectivités locales de certains besoins vitaux, vous ne citez pas les missions qu'il devrait se donner assumer pour cette responsabilité d'atténuation des rigueurs de cette loi.



  • #1

    Sierra Mike (lundi, 19 mars 2018 15:57)

    Merci, très intéressant !

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