Belles



            Je suis un homme. Si, si, je vous assure : Je suis un homme.

         Bon, ne vous y trompez pas. Suite à cette à cette affirmation, d’aucuns, d’esprit chagrin, pourraient imaginer que j’en tire un machisme délirant, mais ce n’est pas le cas. C’est une simple constatation biologique. Je suis, parmi les humains, de type mâle ; c’est tout. D’ailleurs, je n’ai même pas fait exprès. A la naissance, il y avait une chance sur deux ; le hasard a fait que je me suis trouvé être, dans l’espèce humaine, un individu mâle. Je n’en tire d’ailleurs aucune gloire ni aucun regret. C’est une évidence zoologique et puis c’est tout. Pas de rancœur et pas de survalorisation. De ce fait, étant dans mon espèce un individu mâle, j’ai nécessairement sur les individus femelles de mon espèce un regard de mâle.

Tout ce que je vais dire maintenant est lié à cette constatation. On pourrait, évidemment, inverser la situation ce qui ne changerait, d’ailleurs, pas grand-chose, à mon avis, les femelles ayant, sur les mâles, un regard présentant certaines constante au même titre que les mâles, dans leur regard sur les femelles, ont d’autres constantes. A ce propos, il est à noter que les mâles ont sur les mâles un regard différent de celui des femelles et réciproquement, les femelles ont sur les femelles un regard différent de celui des mâles.

         Nous ne garderons, momentanément, que le cas de figure du regard mâle sur les femelles et ce que cela implique et même surtout sur ce que cela implique.

         Il va de soi que les femelles, sachant que les mâles ont sur elles un regard spécifique, font en sorte que ce regard trouve un certain attrait dans leur existence. Disons autrement que les individus femelles sachant que les individus mâles les regardent font le nécessaire pour que ces individus mâles aient envie de les regarder davantage, et comme on dit dans les petites annonces : « Et plus si affinité ». On peu supposer que les femmes ont, devant le regard des hommes, une présentation extérieure et un comportement propres à susciter l’intérêt des hommes. Par présentation extérieure, j’entends tout ce qui concerne l’habillement, la coiffure et le maquillage et, à propos du comportement, j’entends la façon de se mouvoir, de parler, de s’exprimer ; enfin bref, tout ce qui fait la personnalité d’un individu.

         Avant d’aller plus loin, revoyons quelques notions de base dans le monde vivant et particulièrement dans le monde animal. Il est à constater que pour de très nombreuses espèces (pas forcément la majorité, d’ailleurs, mais très nombreuses quand même) les individus mâles et femelles s’accouplent suite à un consentement mutuel. En effet, les femelles très souvent rejettent, refusent les assauts des mâles qui ne leur conviennent pas. Comme je l’ai dit, juste avant, la totalité du monde animal n’agit pas ainsi. Il faut d’abord éliminer tous les unicellulaires qui n’ont pas de comportement sexué et qui fonctionnent par parthénogenèse ; et, parmi les pluricellulaires, un certain nombre de genres, comme les spongiaires, et un grand nombre d’invertébrés agissent en s’en remettant au hasard en dispersant les semences mâles dans l’eau, les courants faisant le reste. Pour certains insectes, comme les abeilles, la fécondation est unique dans le temps tandis que la femelle est fécondée par un nombre important de mâles lors d’un vol nuptial unique qui assurera la fécondité pour toute la vie de la femelle.

         En revanche, pour la quasi-totalité des vertébrés, il faut qu’il y ait consentement des partenaires. A ce titre, les « danses nuptiales » chez nombre de poissons et d’oiseaux sont bien connues et les manœuvres de séduction telles que la construction de nids, par exemple, le sont également.

         Il ne faut pas perdre de vue que l’espèce humaine fait partie du monde animal et singulièrement des vertébrés même si certains pensent qu’ils en sont l’aboutissement supérieur et accompli.

         On peut donc présumer que même si des tabous, des interdits, des inhibitions viennent tempérer les pulsions primitives, les comportements inter sexe sont sous tendus par des préoccupations de ce type. La question devient qu’est-ce qui attire les mâles chez les femelles ? Qu’est-ce qui attire les femelles chez les mâles ? Dans les deux cas, le souci premier est d’assurer une descendance saine et solide capable d’affronter les aléas et la férocité de la lutte pour la vie. Il s’en suit que les femelles vont préférer des géniteurs vigoureux et en bonne santé (c'est-à-dire grands et costauds) tandis que les mâles vont être attirés par des femelles présentant des caractéristiques morphologiques telles que leur « maternité » sera assumée dans de bonnes conditions.

         S’il n’y avait que cela, ce serait simple. Les matrones choisissent des malabars et les malabars choisissent des matrones. Les autres, les chétifs, les malingres, les mal venus s’accouplent entre eux, ils en refont des pires qui seront éliminés par la sélection naturelle. Hélas, viennent se surajouter d’autres paramètres qui vont infléchir les choses.

         D’abord, chez nombre d’espèce,  la femelle n’est fécondable que de temps à autre alors que les mâles, pour subvenir aux besoins sont toujours disponibles. Il en résulte que les mâles rejetés par les femelles vivent en constante situation de frustration. Ces mâles, pour satisfaire leurs besoins sexuels sont donc prêts à copuler avec toute femelle disponible et de ce fait sont capables d’être beaucoup moins exigeants sur la qualité morphologique des femelles.

         Dans le même temps, pour certaines espèces, le mâle participant à l’élevage des petits, il se constitue des couples stables, dépassant même la durée d’une portée sans que cela s’explique vraiment particulièrement chez certains oiseaux de mer. 

         Egalement, pour d’autres, un mâle peut se constituer, par la force, ce qui est un gage de forte constitution, un harem relativement stable et qui ne se modifiera que par le vieillissement d’un partenaire.

         Enfin, chez les primates, les chaleurs sont suffisamment floues et peu discernables pour que les individus multiplient les tentatives de façon fréquente.

         Ces considérations n’arrangent pas les choses.

         Les humains sont des primates qui vivent apparemment en couple, mais ces couples sont une attitude strictement morale. La polygamie est encore très existante et la polyandrie, quoi que moins fréquente est repérable aussi.

         Alors.

         Alors, les humains mâles cherchent à séduire les humains femelles et réciproquement en quasi permanence.

         J’entends déjà les bons penseurs se récrier.

         Du calme !

         Les humains mâles et femelles ne passent pas leur temps à sauter sur tout ce qui bouge. Bien sûr. Mais ceci n’est qu’un apprentissage lié à des constructions intellectuelles morales. Des tabous sont là pour minimiser les pulsions biologiques. Il est à noter que de temps à autre, ces tabous craquent. Ils ne sont pas une loi naturelle, mais un comportement mental imposé.

         En revanche, les humains ont le besoin, pour se rassurer, de se prouver qu’ils sont capables de trouver des partenaires. Même sans intention de « conclure », et même avec l’intention délibérée de ne pas s’engager, le jeu de la séduction est omniprésent.

         Il faut séduire. Il faut être séduisant ou séduisante.

         Ça veut dire quoi, ça ?

         D’une façon triviale, abrupte et généralisante, sachant que le premier contact avec l’autre est un contact visuel, cela veut dire qu’il faut être beau. Il est à noter au passage que chez  d’autres animaux pour qui l’olfaction l’emporte sur la vue, il faut être odoriférant.

         Je suis un homme. Je vous l’ai déjà dit et j’espère que vous n’avez pas oublié.

         Que je sois beau au regard des femmes, est un problème qui momentanément ne m’agite pas trop. En revanche, ce que j’ai envie d’observer, et l’observation est double, c’est, premièrement, les méthodes, les comportements et les souhaits et intentions que les femmes déploient pour sembler belles à mes yeux d’hommes et aux yeux de tous les hommes en général. Et deuxièmement ce que mes yeux d’homme en pensent.

         Il faut être belle.

         C’est quoi être belle ? Il y a deux aspects.

         Premièrement la morphologie de l’individu, ses proportions particulières, sa taille, sa grosseur, la couleur de sa peau, des ses cheveux, enfin, tout ce qui est strictement anatomique. Ce que Schiller (Johann Christoph Friedrich, 1759-1805) appelle (dans de la Grâce et de la Dignité) la beauté architectonique.

         Deuxièmement, ce que la personne en fait. Et c’est là que Schiller (le même) fait intervenir la grâce.

         Il me semble, peut-être suis-je bête, que tout individu, s’il sait gérer sa construction architectonique, peut avoir accès à la grâce c'est-à-dire à la beauté parfaite. Pour cela, il me semble qu’il suffit de se bien connaître et d’agir en conséquence. Mais, allez savoir pourquoi, peut-être pour pallier une paresse intellectuelle, un modèle unique a été imposé comme si c’était un archétype. Une femme pour être officiellement belle doit mesurer un mètre soixante quinze, peser cinquante deux kilo, avoir des gros seins et pas de fesses. Tout le reste, c’est officiellement très moche.

         C’est absurde.

         Les réserves graisseuses amassées sur les fesses sont là pour assurer les besoins énergétiques des grossesses. Si une femme a des gros seins, il est normal qu’en même temps elle ait des hanches, des fesses et un peu de ventre. Et puis, une grande perche maigrelette et sous alimentée, c’est fragile à divers titres.

         Alors, toutes les femmes qui n’ont pas les caractéristiques ci-dessus décrites se morfondent sur la malédiction dont elles sont atteintes. Elles s’infligent des jeûnes ravageurs qui entraînent la fonte des épaules, des bras, de la poitrine pour biologiquement sauvegarder un peu de réserves sur les hanches, le ventre et les fesses. Nos ancêtres de la fin du paléolithique sont, à ce titre, bien plus pertinents que nous. Quand ils magnifient la beauté féminine, ils représentent de bonnes reproductrices. Voire la Vénus de Lespugue et celle de Willendorf. Ils réalisent un hymne à la féminité dans l’espoir de la maternité. On a souvent parlé aussi des beautés peintes par Rubens (Pierre Paul 1577-1640) mais souvenons nous aussi de Madame de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal marquise de 1626-1696) qui passait pour une des plus belles femmes de la cour de Versailles. Cherchez son portrait, vous serez surpris. On a même dit de sa fille qu’elle était, la, plus belle femme de la cour. Bah c’est pareil. Elle ne faisait pas pitié. En revanche, elles étaient de brillantes femmes de lettres et devaient savoir, je présume mettre en valeur leurs avantages respectifs.

         Au lieu de ça, certaines s’entêtent à porter, au nom de la mode des grandes « maigues » disproportionnées, des vêtements, des coiffures et des maquillages qui ne leur vont pas.

         En définitive, pour moi, et je crois aussi pour les autres hommes, grande, petite, grassouillette, freluquette, c’est sans importance.

         Tiens, pendant que j’y suis, je vais vous faire part d’une variante sémantique utilisée au Cameroun. On ne dit pas d’une femme qu’elle est grosse. Grosse, cela veut dire en situation de grossesse. On dit « grasse ». Philologiquement, c’est plus juste. Mais même au delà de cela, méditez cette distinction. Dans le fond, je trouve que c’est plus aimable. Ça implique une sorte de volupté lascive.

         Pour moi, l’attirance que je ressens pour une femme ne passe pas par ses mensurations ni par les particularités de son visage. C’est plutôt par sa prestance, son esprit, sa pertinence et surtout sa capacité à user des ses caractéristiques propres.

         A l’opposé, je suis toujours au minimum circonspect sur les femmes qui essaient de faire croire, et de se faire croire, qu’elles sont autre chose que ce qu’elles sont. L’entreprise est toujours vouée à l’échec et cela marque de plus une faiblesse mentale par l’incapacité de s’élever au dessus des idées reçues.

         Dans le fond, géantes ou naines, imposantes ou chétives, toutes les femmes peuvent être belles. Si elles ne le sont pas, c’est de leur faute.

         Il y a celle qui ont la grâce par leur discours, par leur présentation, par leur gestuelle donc par leur architectonique et par leur élégance physique et mentale et les autres. Et les autres, continuer à vouloir être ce qu’elles ne sont pas et maugréer sur leur infortune, ça ne les arrange pas. C’est même le contraire de ce qu’il faudrait faire.

         Je vous ai cité le petit fascicule de Schiller « De la grâce et de la dignité ». C’est pas simple. Mais lisez-le quand même. Ça vaut le coup.

 

                   Je pense que le sujet n’est pas épuisé et j’y reviendrai sans doute.

 

                                      Mais en attendant :

 

BELLES !

 

Commentaires: 0
Télécharger
003 BELLES.doc
Document Microsoft Word 263.0 KB