« Ha! Cool ! »

 

 

          N’étant pas anglicisant mais d’un naturel curieux, je me suis demandé ce que ça voulait dire. A priori, avec le rapprochement phonétique, « coule », parce qu’il paraît que ça se prononce comme ça, ça me fait penser à des fuites. Un robinet qui coule. C’est une histoire de liquide de quelque chose de déliquescent : une flaque d’eau, une tache d’huile. Aussi, quand j’avais fait une chose dont j’étais fier et qu’on me disait : Ah ! Cool ! Ça ne me faisait pas tellement plaisir.

          Avec le contexte, j’avais un peu une idée, mais justement, le contexte étant tellement varié, je n’y comprenais plus rien. Alors, après avoir demandé à moi-même, j’ai demandé aux autres. J’ai eu : relax. J’étais content. On m’a dit aussi : tranquille. Alors, j’ai cherché dans un dictionnaire. Là, oh ! Surprise, ça ne veut pas du tout dire ça. Il s’agit de frais, de froid, de quelque chose qui est à moitié refroidie. Donc, si j’ai écrit un joli poème dont ma niaise vanité s’enorgueillit et qu’on me dit « Ah ! Cool ! », Ça veut dire que mon truc est un peu refroidi. Ça ne m’a pas fait plaisir non plus.

          Alors pourquoi les gens disent-ils avec une sorte d’attendrissement mollasson « Ah ! Cool ! ». J’ai mieux cherché et j’ai trouvé froid dans le sens de calme. Un homme froid. Un homme qui ne s’emballe pas. Un homme calme. Garder la tête froide, garder son calme. Donc, calme, mais dans le sens de froid. Presque une vision atomistique de la chose. Les électrons ne sont pas excités et l’objet est froid. Donc, pour mon joli poème, quand on me dit « Ah ! Cool ! » Ça veut dire tu es froid, sans émoi et tu as fait une chose qui montre que tu es sans affects. Ah bon ? C’est curieux, j’avais l’impression du contraire. 

          Quoi qu’il en soit, il faut être « cool ». Je ne sais pas si j’ai tellement envie. D’abord, pour être « cool », il faut le costume qui va avec. Un Jean’s trop grand qui tient par miracle sur les hanches, dont l’entre jambe arrive un peu au dessus des genoux, qui fait des plis d’accordéon sur les pieds et traîne par terre dans la boue, des chaussures de basket pas attachées, un tee shirt de préférence délavé et éventuellement déchiré, une casquette de travers, et un air niaisement avachi, là on est « cool ». Alors que des vêtements bien repassés et un air dynamique avec la parole claire et ajustée, ça c’est pas « cool ». C’est drôle, mais l’aspect extérieur du « cool » me ramène immanquablement à ma vision première d’un fluide qui s’épand sans qu’on puisse l’endiguer. La tache d’huile, quoi. Dans ces conditions, je n’ai pas du tout envie d’être « cool ». Vous vous rendez compte ? Un truc froid qui s’écoule irrépressiblement. Beuh ! Non ! Pas ça. Au sens linguistique du terme, à la rigueur… Etre celui qui, dans une situation de catastrophe, sait garder l’esprit clair, sait garder son sang froid et agir avec les bons gestes au bon moment … Oui, bien sûr ! Mais vautré sur un banc à côté de son pack de bière…

          Tenez, je vais vous raconter deux anecdotes à propos de « cool ».

          J’avais fait l’acquisition d’un logiciel permettant d’écrire de la musique sur l’ordinateur. Comme la musique manuscrite est à peu près illisible, surtout par moi, j’étais très content. C’est un système qui remplace la feuille de papier réglé et le crayon et la gomme par des lignes sur l’écran dans lesquelles on inscrit des notes avec le curseur de la souris. Cela dit, pour écrire la musique, il faut savoir le faire, avoir étudié l’écriture musicale, l’harmonie, le contrepoint, la composition, l’orchestration. Il faut de plus avoir une certaine intuition et une certaine créativité. Je montre ça à une amie qui, au demeurant, est musicienne. « Ah ! Cool ! ». Je n’ai pas compris. Et je dois l’avouer j’ai même été un peu froissé. 

Et puis cet autre, un gars de vingt cinq ans que je connaissais, qui un jour me demande de le prendre dans ma voiture et de le conduire à un hameau à trois kilomètres afin qu’il puisse redescendre avec son skate board. Si c’était sur ma route, pourquoi pas. Mais non, j’allais justement dans l’autre sens. Il aurait voulu que je dépense pour son amusement, à lui, de mon temps, de mon énergie, de l’usure de ma voiture et de mon essence. J’ai essayé de lui expliquer qu’il fallait qu’il fasse autrement. « Ah t’es pas cool ! ». Là, je pense qu’il y a un glissement psychologique. Il me confondait avec sa personne. Il voulait dire « ah ! Je vais pas être cool ». En fait il aurait fallu qu’il dise : « Ah pour que je soie cool, il faudrait que tu sois poire ». Je pense qu’il n’avait pas la capacité mentale de ce raisonnement.

          Et puis, pour finir, je me souviens dans une émission de Télé, il y avait deux personnages récurrents. L’un habillé en hippy sonnait à une porte. L’autre ouvrait. Le premier posait une question comme s’il faisait une enquête et l’autre répondait une ânerie et cela se terminait toujours de la même façon. Le hippy se retournant face à la caméra, faisait un « V » avec ses doigts et avec un air parfaitement crétin et shooté disait « Ah ! Cool, cool ! ». C’était assez souvent drôle.

          Suite à tout ce verbiage, j’aimerais tirer deux constatations.

          D’abord, ma surprise devant le glissement sémantique du mot qui en arrive, quand même, à dire le contraire de son sens d’origine. En effet, entre l’individu froid et calme qui va combattre dans un duel à l’épée en étant aussi glacé et tendu que sa lame et la volonté délibérée d’afficher un aspect et un comportement gélatineux de paresse intellectuelle et physique, il y a une marge.

          Ensuite, j’ai du mal à comprendre pourquoi nombre de mes contemporains ne rêvent que de se dissoudre dans une vie d’attentisme et de non existence. Ce rêve se traduit par un mot : « cool ». C’est un désir délibéré de non combativité, d’abandon, de capitulation. Avec intégrisme, ils veulent l’imposer aux autres et rejettent comme une hérésie qu’il faut éradiquer toute forme de prestance et d’invention.

Tous comptes faits, je crois bien que je ne veux pas être


« COOL ».

 

Commentaires: 1
  • #1

    Bernard Vauquelin (lundi, 29 février 2016 10:15)

    Cool en anglais c'est le contraire de hot. Ces deux mots ont eu un glissement sémantique parallèle quand on les applique à des moments, des événements, des situations.
    En français "chaud" a eu le même glissement sémantique que "hot". Une situation chaude (ou hot) est une situation proche d'une situation critique, intense, dangereuse, ...
    Malheureusement en français le mot "frais" ou "froid" n'a pas évolué concurremment. Et donc on utilise cool.

    Remarque en passant sur le mot concurrement qui en français signifie en parallèle, alors qu'en anglais il a gardé sons sens étymologique de "en conncurrence" très proche de "en opposition" et donc très loin de "en parallèle".

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