LE TELETHON ? UNE IDEE BRILLANTE !

 

 

          Si, si ! Le téléthon, c’est une idée brillante ! Vous ne trouvez pas ?

          Attendez, je vous explique. Vous avez un pays, n’importe lequel, il y a forcément des problèmes de santé. Parmi ceux-ci, des maladies rares, incurables dans les connaissances du moment, donc, des petits enfants malades qui vont mourir prématurément. Si vous avez tout ça (et je ne vois pas comment vous pourriez ne pas l’avoir) vous pouvez faire un téléthon.

          Il faut financer la recherche pour éradiquer ces maladies horribles (mais la notion de maladie, en sois, est déjà très effrayante). Pour un état normalement constitué, la santé de la population, c’est une affaire de charité publique. Bon, bien sûr, vous pouvez envoyer dans les quartiers ou les hameaux des dames patronnesses avec une sébile et un air à la fois triste et théâtralement généreux. Ça ne marche pas très bien. Ça ne marche plus très bien. Les gens ont du mal à continuer d’alimenter la mendicité même si elle est officielle. Alors, il faut un peu de mise en scène. Vous faites un grand festival médiatique pendant un jour et demi, pendant ce temps, devant des caméras de télévision, dans une immense salle remplie de monde, vous montrez, au premier rang,  des petits enfants tristes souffrant dans leurs fauteuils. Ces petits enfants, ils sont malades, certes, mais ils ne sont pas idiots. Ils vont dire des choses gentilles, des choses touchantes, des choses parfois un peu puériles, mais justement, des choses émouvantes. C’est le but de la manœuvre. Il faut émouvoir les populations. 

Il faut que les gens touchent du doigt et de l’œil la détresse physique et morale de ces enfants. Il faut que les gens, découvrant ces situations tragiques, soient émus. On pourra leur expliquer qu’il faut aider ces enfants, qu’on peut faire avancer la recherche, mais que pour cela, il faut des moyens financiers accrus. Monsieur et Madame tout le monde au fond de son cinquième droite ou dans son hameau perdu, dans un élan de générosité admirable va envoyer une participation à la hauteur de ses moyens et des son émotion.

          Au passage, on citera Madame « Chose » de Tremblay les Gonesse qui verse dix euros de manière à bien insister sur le fait que tout le monde peut faire un geste. Il ne faut pas que quelqu’un puisse arguer de sa pauvreté pour ne pas verser. Au passage, on fera applaudir de façon hystérique tel personnage connu qui verse mille euros sans dire que bien que ce soit cent fois plus que Madame « Chose », ses revenus sont largement plus importants que cent fois ceux de Madame « Chose », donc, en occultant que, proportionnellement, Madame « Chose » se sacrifie bien plus que lui.

          Bien sûr, si vous ne faites que ça, les gens iront regarder autre chose à la « télé » que ça. Je ne sais pas, moi, par exemple l’élection de Miss France. Donc, il faut attirer le client. Pour cela, vous utilisez la participation de grandes vedettes du show bis afin de leur permettre de renforcer leur promotion. Bien sûr, cette cérémonie télévisuelle aura un fort indice d’écoute et de ce fait, les publicitaires y trouveront un impact majoré. De temps à autre, l’une ou l’autre des personnalités, dans un grand élan de confraternité humaine, ira embrasser l’un des enfants du premier rang ou lui promettre qu’il lui fera faire une promenade sur son cheval ou dans son bateau. L’enfant émerveillé remerciera chaleureusement et, dans les chaumières, on ira de sa petite larme.  Bien sûr, vous ne les payez pas. Cela leur permettra de montrer leur grande âme et dans les bacs de disques, grâce à leur générosité affichée, ils verront leurs ventes dopées pendant quelque temps. D’autres, un peu en perte de vitesse pourront relancer momentanément leur notoriété.

          C’est magnifique, non ? Du coup, les laboratoires privés de recherche constateront un carnet de commande accru ce qui leur permettra de majorer les dividendes accordés à leurs actionnaires.

          En même temps, tous ces gens qui ont accompli un véritable acte de générosité sentiront leur narcissisme revalorisé. A leurs yeux, ils seront plus nobles et, éventuellement, n’hésiteront pas à montrer du doigt ces égoïstes qui ne participent pas. D’une façon obscure, les réfractaires seront, moralement, condamnés. Pour ne pas être mis au ban de la société, les plus faibles se rallieront  à la majorité consensuelle afin d’éviter d’être l’objet d’une espèce obscure et larvée de chasse aux sorcières.

          Résumons :

          Un téléthon, accessoirement, ça rapporte de l’argent pour la recherche bio médicale. Mais aussi, ça laisse supposer aux petits enfants malades que l’on se préoccupe réellement de leur cas, cela augmente la pression publicitaire de la chaîne, cela majore la célébrité de personnages en manque de promotion, cela conforte les gens dans l’image qu’ils ont d’eux même à propos de leur bonté, leur générosité et leur grandeur d’âme, cela stigmatise les mauvais esprits rangés définitivement dans le camp des méchants, Et cela enrichit des actionnaires. Mais, qu’est-ce que vous voulez de plus ?

          Vous voyez, je vous le dis, cette chose là, le téléthon, celui qui l’a imaginé, c’est un type génial.

          Un type génial, à un point, même que je trouve qu’on n’utilise pas la chose de façon assez systématique.

          Bon, bien sûr, des téléthons, au lieu d’en faire un par an, on pourrait en organiser un par semaine… Non, peut-être pas. Bon, disons un ou deux par mois. Et, pour ne pas lasser, on pourrait changer de sujet. Parce que la santé, c’est important, mais il y a aussi d’autres ministères. Il suffit d’attendrir, d’émouvoir.

          Tenez, l’éducation nationale… Par exemple. Même principe. On assoit au premier rang des enfants de quartiers défavorisés qui ont des collèges vétustes ou insuffisamment entretenus avec un manque d’encadrement et de professeurs criard. De temps en temps, une vedette vient faire la bise, on affirme qu’on prêtera un bus pour qu’une classe puisse aller voir la mer et hop ! On améliore les dividendes dans le bâtiment et les fournitures scolaires. 

Ou bien la justice. Là, on change un peu. Au premier rang, on fait asseoir des magistrats qui expliquent combien il leur est difficile d’instruire sereinement toutes les affaires qui leur sont confiées Et à quel point est hurlant le manque de moyens de rééducation ouvert ou fermé à leur disposition. A ceux là, on peut adjoindre quelques délinquants qui diront leur désarroi à la pensée qu’au lieu de s’amender, ils vont s’aggraver. Les stars iront faire la bise à un détenu ou à un juge d’instruction sans problème ! 

Et puis, la défense nationale. Vous ne vous rendez pas compte, c’est cher un char de combat ou un chasseur bombardier avec armement nucléaire ! Bon, là, je ne vous parle même pas des actionnaires des entreprises de fabrication d’armement. On fera la bise à un sergent chef ou à un vieux légionnaire, voire à un officier supérieur qui recevra cette marque de reconnaissance nationale dans un garde à vous impeccable (augmentant ainsi l’émotion collective).

       

        Bien sûr la police ! Vous les voyez, vous, assis au premier rang les CRS, les fonctionnaires des renseignements généraux qui veulent plus de grenades lacrymogènes ou de matériel d’écoute téléphonique. On fera la bise à un Garde Mobile et le tour sera joué. 

       Et puis, tant qu’on y est, le ministère de l’industrie et du commerce, hein ? Il ne faut pas l’oublier ! Bon, au premier rang, quelques PDG de grandes multinationales ou du CAC 40 qui nous diront combien les subventions qu’ils reçoivent avant de délocaliser sont dérisoires. Là, pour les actionnaires, c’est directement du producteur au consommateur. On fait la bise à un milliardaire et tout le monde est content.

          En y repensant, cela ferait peut-être beaucoup de téléthons. J’aurais bien une idée, mais je ne sais pas si je vous la confie. Elle est sûrement simpliste. Au lieu de tout ça, On demande à chaque citoyen de verser une part proportionnelle de ses revenus à l’état qui redistribue de façon pertinente et équitable. On pourrait nommer cela, par exemple la contribution directe, que pour simplifier, dans le langage populaire on rebaptiserait les impôts.

          Je sais, c’est absurde.

          Dommage, parce qu’avec le temps d’antenne récupéré, à la place, on pourrait nous jouer du Shakespeare.

Commentaires: 3
  • #3

    Pierre Anselme (lundi, 12 mars 2018 12:14)

    Superbe démonstration (jusqu'à l'absurde) de ce que je pense également. Merci de l'avoir expliqué et développé de la sorte ; car là, ça relève du talent littéraire et de l'art pédagogique.

  • #2

    Sierra Mike (dimanche, 10 décembre 2017 18:08)

    :-)

  • #1

    DAGNET Régis (samedi, 09 décembre 2017 12:35)

    Je suis entièrement d'accord avec ce que je viens de lire, je n'ai jamais versé un centime pour la recherche dans quelques domaines que ce soit.
    Mon point de vue est qu'avec la somme astronomique d'impôts qu'on nous vole, l'état devrait ne pas faillir à sa tache et financer toutes les recherches médicales sans exception.

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