AMERE DESILLUSION ! SOYONS REALISTES.

Je suis affreusement malheureux ! Si, si ! Je suis affreusement malheureux. Je suis tordus pas les affres de la déception ! Puisque je vous le dis ! Enfin… Pourquoi mettez-vous toujours ma parole en doute ? Je suis parcouru par d’affreuses convulsions ; je bave ; j’ai les genoux qui tremblent, les yeux qui se révulsent et le caractère qui s’aigrit !

Il y a quelques jours, je papotais avec une amie sur l’intérêt et le désintérêt des « blogs », sur les visites qu’ils reçoivent ou non. Bien sûr, j’y pensais depuis un certain temps mais cette conversation anodine m’a incité à y penser un peu plus sérieusement. 

          Pour ceux qui ne sont pas au courant, le mot blog (que l’on peut aussi écrire « blogue » est un mot valise qui regroupe sauvagement les notions de « log » (noter) et « web ». Un « logbook » est un journal de bord. On en arrive à « weblog » qui en raccourci devient « blog ». Toutefois, comme en français on dit un « blogueur » et « bloguer » il devient licite d’écrire un blogue par francisation du terme.

Bon. A partir de maintenant, j’écrirai un blogue.

J’ai créé ce blogue le dix sept décembre deux mille cinq. Il va de soi que j’étais intimement persuadé que, vue la haute teneur de ce que j’écris, vue la pertinence de mes propos et la perspicacité de mon jugement, dans le mois qui suit (disons deux ou trois), les six milliards et demie d’habitants de la planète, grâce à cette technologie nouvelle  allaient se précipiter, se battre, se déchirer pour avoir accès à mes spéculations intellectuelles. Bah non. C’est pour ça que je suis déçu. Alors, hein, maintenant, vous le comprenez mon titre. Vous ressentez profondément pourquoi je souffre aussi amèrement.

Cependant, en y repensant de façon un peu moins affective, je dois un peu relativiser mes espérances. 

D’abord, sur la planète nombre d’individus n’ont pas accès à « internet ». Ensuite, il faut retirer tous les petits enfants qui ne sont pas encore en âge de savourer le suc ineffable de ma prosodie. De même, il y a aussi tous les non francophones pour qui mes extraordinaires finesses de raisonnement sont inaccessibles. Eh oui, je n’ai pas pu (malgré, comme vous vous en doutez,  des efforts importants de ma part) trouver des interprètes fiables en tamoul, en ouïgour et en serbo-croate. Il va de soi qu’avec cet apport, mon lectorat s’en trouverait largement majoré. Mais bon. Pour le moment, je n’ai pas de solution pour ce grave manque.

Ne sont donc concernés que les adultes possédant un accès à la toile et francophones. Déjà, la population mondiale en ne retenant que ces critères a largement fondu.

Je dois avouer que ce que je raconte est parfois un peu abstrus. La nature est injuste et malgré mes efforts pour être clair et simple, je comprends très facilement que certaines personnes de capacité intellectuelles malingres éprouvent une trop grande difficulté à suivre mon raisonnement.

Dans ceux qui restent, il ne faut pas oublier ceux qui ne veulent pas. Je leur accorde que me lire, vu que c’est long, compact et indigeste, avec une disposition  d’esprit conforme à une psychologie de base qui consiste à chercher le moins d’ennui et d’effort possible, peut être considéré comme un pensum pas absolument obligatoire.

Il faut encore soustraire ceux que cela n’intéresse pas. Je veux dire ceux qui n’ont pas envie.

Je serais, bien sûr incomplet si je ne signalais pas ceux qui s’opposent viscéralement à ce que j’expose. J’évoque ainsi ceux qui dès qu’ils ont lu les quatre premières lignes, voyant ce qui sous tend mon mode de pensée ont été atteints de vomissements spasmodiques durables. Je ne leur en veux pas. Ils ont raison de promouvoir leur santé avant de se laisser contaminer par mes déductions mentales. Si mes approches du monde mettent en péril leur équilibre anatomo-physiologique, c’est moi qui les incite à ne pas persévérer dans une activité que l’on pourrait qualifier de suicidaire.

Eh, je ne veux pas être responsable d’une aggravation de l’équilibre psychosomatique de mes contemporains, moi !

Bon, là, vous voyez, déjà, les potentialités de mon lectorat ordinaire sont passé largement vers une minorité dérisoire.

Et puis, il y a tous ceux qui ne savent pas. Tous ces misérables qui n’ont pas été informés de l’existence de ma sérénissime parole, plaignons-les ! Oui, oh ! Plaignons-les !

Pourtant, je fais ce que je peux. 

Il suffirait que comme une traînée de poudre embrasée la « bonne nouvelle » aille se diffusant… Le bouche à oreille… Le téléphone arabe… Les signaux de fumée… Les tambours de brousse… Il suffirait que… Vous n’êtes pas sérieux, non plus !

Vous voyez, quand je vous dis que je souffre atrocement !

Maintenant, il y a une autre considération qui vient encore aggraver la situation.

Si tout individu ayant accès au NET confectionne un blogue, cela veut dire une quantité astronomique de blogues. Chacun étant dilué dans une telle quantité, comment voulez-vous qu’il soit repéré. Dans un kiosque à journaux, vous avez le choix entre une quinzaine ou une vingtaine de titres. S’il y en avait plusieurs millions, sur quel critères choisiriez vous ceux que vous allez consulter ? 

Il est entendu que l’apparition de la toile est un progrès extraordinaire dans la communication et pour l’expression. Mais en même temps, c’est aussi un étouffement par la multiplication des sources. Ne dit-on pas que trop d’information tue l’information ? Mon blogue n’est ni meilleur ni pire que la quasi totalité des autres. Il est dans le tas, c’est tout.

Une fois de plus, le NET est un reflet de la vie. Avant, j’écrivais des choses sur des petits morceaux de papier que je distribuais à mes « copains ». Maintenant, j’écris des choses sur mon ordinateur et je les signale à mes « copains ». Donc, rien n’est changé. Cependant, comme le nombre de mes « copains » sur le NET est, potentiellement,  plus grand que dans mon hameau, mon ego s’en trouve quand même  ragaillardi.

Dont acte.

Vous aurez encore à me subir pendant un certain temps.

Depuis, j'ai transformé mon blogue en site, mais ça ne change rien au problème.

 

Commentaires: 2
  • #2

    Puits Fabienne (samedi, 24 août 2019 00:45)

    Il semblerait que je digère assez bien votre bouillon, et que j'y prenne même goût !

  • #1

    Sierra Mike (dimanche, 03 décembre 2017 19:24)

    Je suis fan !

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