C’EST LA RENTREE !

 

 

          Ça y est ! C’est la rentrée ! Tout le monde est joyeux ! Les petits enfants reprennent leur joli cartable tout neuf et vont aller à l’école. Les retrouvailles, l’odeur de papeterie, les cris de ces chères têtes blondes dans la cour de récréation, les mamans qui pleurent au portail… Une vraie fête, quoi.

          C’est d’autant plus une vraie fête que maintenant, la pédagogie est moderne.

          Rendez vous compte, les plus jeunes ne peuvent pas savoir. Autrefois, la pédagogie n’était pas moderne. C’est à dire qu’elle était le contraire de moderne. Elle était vieillotte, archaïque, coercitive,  volontariste, drastique. Elle se donnait pour mission d’enseigner aux enfants la lecture, l’écriture et le calcul, tant de choses dépassées. On envisageait de leur inculquer des savoirs, des savoirs faire et des savoirs être. Rendez vous compte ! On exigeait des élèves qu’ils écrivent sans commettre de fautes d’orthographes, avec des accents et des majuscules, on leur imposait d’apprendre des  leçons et même on allait jusqu’à imaginer qu’ils encombrent leur mémoire d’une quinzaine de poésies d’auteurs reconnus. 

     On enseignait l’histoire, la géographie, le système métrique, l’accord du participe passé et comble d’hérésie les tables de multiplications comme si cela présentait un intérêt quelconque. Enfin, la chose la plus horrible, on indiquait à ces misérables marmots une cotation chiffrée de la valeur de leur production sur une échelle graduée de 0 à 10. Les plus jeunes ne peuvent pas concevoir ce que vivaient ces misérables forçats du passé.

          L’Enfer, quoi !

          Heureusement, tout cela a changé.

          Maintenant, c’est libre que l’enfant  effectue des recherches personnelles. C’est dans la joie et l’enthousiasme qu’il rédige des textes libres. L’école est devenue ludique. Aux austères définitions de géométrie, on a substitué des découpages savants (avant, bah, voyons, on ne découpait jamais de cercles ni de carrés pour les coller dans le cahier). Tout est devenu source de jeux et de découverte. Et ce qui n’est pas susceptible d’amusement est soi mis un peu de côté soi franchement banni de l’occupation scolaire. Au bambins ravis, on procure un plan de travail pour la semaine et c’est selon leur inspiration du moment, selon les stimuli propres qui les gouvernent qu’ils vont travailler des notions de grammaire ou de mathématique en choisissant eux même les exercices qu’ils vont réaliser. La liberté de choix et de décision de l’enfant n’est jamais entachée de la moindre pression autoritaire de l’adulte. De cette façon, l’enfant rapide fera tout, celui qui est plus lent en fera la moitié et le paresseux pratiquement rien. Chacun selon ses possibilités, chacun selon son rythme, chacun est libre.

          Prenons deux enfants au hasard : Mimi et Momo. Mimi habite un immeuble de standing, il a sa chambre personnelle. Son Papa est ingénieur et sa Maman clerc de notaire à mi-temps. Le soir, quand il rentre à la maison, sa Maman lui demande comment s’est passée la journée. Elle parle avec lui des choses de la journée. Elle en approfondit les notions, quand elle constate qu’il n’a pas compris quelque chose, elle le lui ré explique et, éventuellement, elle lui demande de réaliser quelques exercices d’application. Si Mimi ne respecte pas bien les accords des adjectifs qualificatifs, elle y remédie le temps nécessaire pour qu’il contrôle bien ce phénomène et que son énergie scolaire ne soit pas dévorée par des contingences techniques secondaires. Il va de soi que si Mimi a des travaux à faire à la maison, sa Maman, ou son Papa, veille à ce que ce soit bien fait. L’été, avec ses parents, Mimi va en Grèce, ou en Italie. Rome et Athènes, il connaît. Il y est allé et on lui a tout raconté.

          Quant à Momo, lui, il habite dans une cité. Il est le troisième d’une fratrie de sept, son Papa travaille sur des chantiers comme terrassier. Pelle, pioche, brouette. Sa Maman, elle est femme au foyer et s’occupe de ses enfants. Elle ne parle pas très bien le Français. Quand Momo rentre à la maison, Il se glisse dans un coin pour se faire oublier et s’il ne fait pas trop vilain, il file en bas retrouver des copains qui jouent sur le parking. La belle promenade, c’est quand on prend le bus pour aller au super marché, et même, de temps à autre, Papa est là et on y va avec la voiture. L’été, une fois, il est allé en Algérie voir sa grand-mère. C’était bien. Sauf que les autres enfants de son âge parlaient une langue qu’il connaît mal. C’était il y a longtemps. Il ne se souvient plus trop. Sinon, il reste à la cité et va jouer autour du bâtiment.

          Il y a quelques mois comme le maître aime bien que les enfants rédigent des textes libres, Mimi avait raconté sa visite dans la cité de Carcassonne et Momo qui veut faire plaisir au maître avait raconté que la veille il avait vu un garçon qui pleurait devant la superette parce qu’il était tombé et qu’il saignait du genou. Comme il y avait deux textes, on a voté pour savoir lequel allait être exploité. La démocratie a choisi celui de Mimi. Le maître a, alors, demandé à Mimi de le recopier sur une grande feuille de couleur. Mimi a apporté des images que son Papa à reproduites pour lui et, même, a fait un exposé. Tous les élèves ont applaudi. Mimi, depuis cette gloire produit beaucoup de textes variés. De ce fait, ses productions progressent. Quant à Momo, il voit bien que ses créations ne passionnent pas les foules. Alors, il n’en imagine plus.

          Mimi prend souvent la parole en classe. Quel que soit le sujet, il a toujours quelque chose à dire. Comme ce qu’il dit est pertinent et qu’il parle avec facilité, on l’écoute avec respect. Momo ne se manifeste jamais. Quand on l’interroge, comme il fait des fautes de syntaxe en parlant, certains « rigolent », et lui, il n’aime pas ça. Souvent, on va au parc ou à la bibliothèque. Mimi connaît le nom de presque tous les arbres. Momo, lui, il regrette de ne pas avoir de ballon. Pourtant, Momo aussi aimerait qu’on voie qu’il sait faire des choses. Alors, il grimpe sur le toboggan et y effectue une danse sauvage. Mais on le gronde parce que ce jeu est réservé aux petits. La bibliothèque, on y va pour choisir des livres. Mimi a choisi un livre contenant de très belles photos des volcans d’Indonésie. Momo aime bien aussi y aller. Comme il ne sait pas quoi choisir mais que le parquet est merveilleusement ciré, il en profite pour faire de grandes glissades. Bien sûr, avant de partir, la dame lui propose un livre sur les papillons. Momo lit mal. La semaine prochaine, il le rendra.

          Mimi, à l’école, s’épanouit. Momo s’ennuie.

         Dans une école où il n’y aurait que des Mimi, c’est magnifique.

          Dans une école où il n’y a que des Momo, c’est tragique.

          Et dans une école où les Mimi et les Momo sont mélangés, tous les Mimi progresseront tandis que Momo stagneront.

          Ce serait bien si, à l’école, on pouvait réduire les disparités socio culturelles, au lieu de les aggraver. On appellerait ça, par exemple, l’égalité des chances.

          On pourrait, par exemple, enseigner les connaissances de base en s’assurant que la classe, dans son ensemble a compris.

          J’ai connu, il y a fort longtemps un Inspecteur départemental de l’Education nationale qui disait que quand 75% des élèves ont réalisé 75% de ce qu’on attendait d’eux, on a déjà bien travaillé. Donc, comme trois quarts de trois quarts, ça fait deux tiers, si l’on veut obtenir « N », Il faut demander les trois demis de « N ». Un autre adage de ce brave homme me plait bien aussi. Il disait qu’on ne peut contrôler que ce qu’on a précédemment enseigné. Sinon, on ne fait, exercice après exercice, que constater que les élèves ne savent pas faire. Ceux qui écrivent bien continuent d’écrire bien, et les autres continuent d’écrire mal.

          Le professeur d’école, pourrait se donner une sommes de savoirs et de savoirs faire qu’il envisage de faire acquérir à ses élèves au court de l’année. Il appellerait ça la répartition annuelle qu’il pourrait découper en répartitions mensuelles de manière à bien contrôler l’avancement de son projet. Il ferait cela dans toutes les disciplines : aussi bien en mathématique qu’en grammaire qu’en géographie et tout le reste. Au fil du temps, il pourrait ainsi vérifier que son projet va aboutir ou non.

          Bien sûr, cela grèverait gravement la liberté de choix des élèves.

          Ce serait vieillot, archaïque, coercitif, volontariste et drastique.

          C’est pour cela qu’il ne faut pas le faire.

 

                              Il va de soi que je n’ai pas tout traité ici. Le sujet est trop vaste.

                              Quoi qu’il en soit, je vais encore me faire des ennemis.

                              Je n’ai quand même pas de chance.

 

          Dans le prochain article, je me demanderai pourquoi on agit ainsi.

                              Juste histoire de me trouver d’autres ennemis.

Commentaires: 0
Télécharger
010 rentrée.doc
Document Microsoft Word 204.5 KB