Et si nous parlions des

problèmes de migration ? I





S’il y a un sujet qui fait couler beaucoup d’encre et beaucoup de salive, c’est bien celui là. L’immigration ! Que n’entend-on pas ? Il y a ceux qui voudraient accueillir tout le monde et il y a ceux qui voudraient voir refouler tout le monde et éventuellement de façon plus que persuasive. Le plus extraordinaire, c’est qu’ils ont raison tous les deux et qu’ils ont tort tous les deux. Essayons de comprendre ce qui conduit aux problèmes de migrations. Faut-il laisser les choses se produire naturellement ? Y aurait-il des solutions ?

Avant toutes choses, il faut bien accepter une constatation. Si depuis leur apparition dans le monde vivant les hommes ne s’étaient jamais déplacés, nous vivrions tous dans l’Est de l’Afrique.

Il est assez amusant de constater aussi que dans le monde vivant, nombre d’espèces se déplacent. Ceci est vrai jusque dans le monde végétal. La menthe repousse toujours vers l’extérieur de la touffe ce qui fait que peu à peu, le centre, épuisé de substances nutritives, est abandonné et en peu d’années, la touffe de menthe s’est divisée et les différentes colonies se sont séparées et, ayant migré chacune dans leur direction, peuvent se retrouver à plusieurs mètres de l’endroit où on les avait, initialement plantées, endroit où, en revanche, il n’y a plus rien. Nous avons une chose assez comparable (avec des déplacements moins rapides) pour les aulnes. Les rejets se font toujours vers l’extérieur et l’intérieur est abandonné. Une vieille touffe se caractérise par un grand cercles (parfois plusieurs mètres) avec, au milieu, une grande surface vide. Dans le monde animal, les déplacements sont plus coutumiers. Cependant, ils ne sont pas systématiques. Il existe, certes, de nombreuses espèces qui vivent toute leur vie là où ils sont nés. Ils en arrivent même à pulluler au point de mettre en danger leur existence même. Qu’on se souvienne des lemmings qui en arrivent, pris de folie, par se lancer dans des suicides collectifs. Parfois, on ne sait pas trop comment, certains semblent savoir réguler leur population. Les corbeaux, que ce soit une année faste ou qu’on tente de les exterminer sont toujours, à peu près, le même nombre. De très nombreuses espèces vivent sur un territoire bien défini qu’elles bornent en y déposant régulièrement des marques odoriférantes d’urine et qu’elles défendent éventuellement contre d’éventuels envahisseurs. Le vieillissement d’un grand mâle dominant conduit, presque inexorablement, en même temps qu’à sa déchéance hiérarchique sur un harem à son éviction de son territoire

En revanche, nombre d’animaux effectuent des migrations. Ces déplacements sont le plus souvent cycliques. On connait des migrations journalières. Dans les océans, les migrations verticales sont connues. Les calmars, par exemple vivent dans la journée à de grandes profondeurs et remontent vers la surface la nuit. Les reptiles qui n’ont pas de thermorégulation suivent les déplacements du soleil. Il est normal de voir la même couleuvre lovée au même endroit chaque jour à la même heure s’il y a la même insolation. En même temps, cette couleuvre qui vit sur un territoire minuscule peut pratiquer une migration annuelle importante. Au moment de son hibernation, elle n’hésitera pas à parcourir plusieurs hectomètres pour aller s’endormir dans un talus bien ensoleillé. Au printemps suivant, elle retrouvera son bord de ruisseau.

Pour ce qui est des grandes migrations annuelles, je n’insisterai pas sur les hirondelles ou les cigognes qui chaque année, après des parcours de plusieurs milliers de kilomètres retrouvent leur nid.

Les baleines mettent bas dans des eaux tropicales mais vont se nourrir dans les régions subpolaires.

Toujours à propos des migrations annuelles, on retrouve des migrations verticales. De nombreux animaux descendent vers les vallées (moins froides) en hiver et remontent vers les cimes en été. Le coucou ou le loup en sont de bons exemples.

Les migrations annuelles sont évidemment liées à des phénomènes climatiques, eux-mêmes cycliques et annuels. Cette banalité est importante.

L’alternance des saisons chaudes ou froides ou des saisons humides ou sèches entraine la migration annuelle des animaux herbivores et par voie de conséquence des prédateurs qui les suivent. Parmi ces prédateurs, les humains ont suivi le mouvement. Pendant tout le paléolithique, c'est-à-dire l’immense majorité de son existence, environ quatre vingt dix neuf pour cent, l’homme a été un nomade suivant, au rythme des saisons, les migrations des troupeaux sauvages. De nos jours, on a tendance à considérer que ce mode de vie est devenu gentiment archaïque et l’on sourit avec tendresse en pensant aux Peuls de l’Adamaoua ou à d’autres habitants du Kénia ou de la Mongolie. Voyez-vous ça ? Venez faire un tour (pendant vos migrations cycliques estivales) dans les alpes du Dauphiné. Vous verrez que la transhumance est parfaitement vivace. Certes, on ne suit plus les troupeaux au hasard de leurs errements et l’on se déplace en camion ; mais, le résultat est le même.

Pour les des hommes, qu’en est-il de ces migrations cycliques ? Ils sont amusants, ces hommes. Sans même s’en rendre compte, ils en sont de remarquables représentants. La migration diurne ? Ce sont les plus extraordinaires pratiquants de la chose. Le matin, ils partent, parfois fort loin de leur gîte ; ils passent un nombre d’heure régulier dans un lieu bien précis et à un moment, tous ensembles, ils regagnent leur tanière. Plus les années passent, plus ils sont capables de parcourir de grandes distances. Pour ce qui est de la migration quotidienne, les hommes et les calmars : même combat !

Et les migrations saisonnières ? C’est encore pire. Ils partent tous le même jour en cohortes brouillonnes dans des conditions de survie parfois douloureuse pour des équipées héroïques. Leurs nombres sont tels que souvent, ils s’engluent dans des conglomérats répugnants et visqueux ou leur nombre est tel qu’ils sont condamnés à un immobilisme forcé.

Il peut leur arriver de changer de migration saisonnière chaque année. Mais nombreux sont ceux qui sempiternellement et avec une constance émouvante reviennent au nid familial en se rendant chez la Mémé dans le Morvan. Advient-il que la Mémé du Morvan vienne à mourir ? Qu’à cela ne tienne ! On continuera de retourner dans sa maison. C’est un pèlerinage, c’est l’appel du berceau familial, c’est l’appel  des entrailles ! C’est une rétro genèse biologique contre laquelle on ne peut pas lutter.

Alors, hein, osez me dire, après cela, que l’individu humain n’est pas foncièrement un animal migratoire !

Jusque là, nous avons tenté de brosser un tableau des migrations cycliques. Si nous avons éprouvé le besoin de stipuler l’existence de la notion de cycles, cela veut dire qu’à contrario, il existe des phénomènes migratoires qui ne présentent pas cette caractéristique.

En effet, nous assistons à des migrations qui ne sont pas cycliques, c'est-à-dire qui ne se reproduisent pas et sont, plus ou moins irréversibles.

Des graines seront emportées par le vent ou par les courants marins, ou par des fleuves ou par des fientes d’animaux et se trouveront transplantées dans des lieux fort éloignés de leur habitat d’origine. Des animaux emportés par des radeaux naturels aborderont dans des contrées nouvelles qu’ils peupleront. Ces évènements peuvent être accidentels mais avoir des conséquences importantes.

Dans le même temps, des situations plus coutumières peuvent se produire. Une population, grâce à de bonnes conditions environnementales, s’accroit. Elle a besoin d’accroître son territoire. Des individus toujours poussés plus loin explorent des territoires périphériques toujours plus excentrés. Il peut même arriver, dans ce cas que pour des raisons variées, la population d’origine disparaisse et l’espèce se trouve dans la même situation que si elle avait globalement déménagé.

Le cas le plus connu de migrations déterminées et biologiquement organisées est représenté par l’essaimage des abeilles ou de certaines espèces de fourmis. Pour les abeilles, la colonie est devenue trop importante. La vieille reine part avec une partie de la colonie et va fonder une autre colonie un peu plus loin. Quand les abeilles essaiment, c’est par une nécessité biologique. Elles n’ont aucune intention de revenir à la colonie souche un peu plus tard. La migration est irréversible.

Nombre d’animaux cantonnés dans des régions bien circonscrites, peu à peu s’en échappent et reconquièrent d’anciennes contrées perdues. Le loup disparu dans de vastes parties de l’Europe peu à peu s’y réimplante. Chacun s’installe en lisière du cousin qui l’a devancé et la planète entière devient la cour de récréation de certaines espèces.

L’homme agit de même. Parfois, c’est contre son gré que les hasards de l’histoire et de la société le déportent. Les Africains, à leur corps défendant ont peuplé de larges parts des Amériques. L’administration française, peu après 1950 a déporté des adolescents réunionnais pour repeupler le département de la Creuse.

Mais aussi, les hommes toujours avides de trouver des pays où la vie sera vivable, dans une quête permanente d’horizons merveilleux, vont devant eux. Prêts à affronter les pires difficultés, emportés par une espérance tragique, ne pouvant résister à la fatalité qui les poursuit, ils s’avancent sans remords vers un inconnu qu’ils croient libérateur. Le temps et l’espace s’ouvrent devant eux comme un gouffre sublime dans lequel ils s’enfoncent passionnément.

Nous devrons, dans une réflexion prochaine, envisager les grandes migrations humaines, individuelles ou par populations entières. Mais avant cela je vous rappelle le début du poème « le lac » de Lamartine (Alphonse de 1790-1869) qui s’il est plus sur une fuite et un parcours du temps n’en est pas moins très voisin.

          Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,

Dans la nuit éternelle, emportés sans retour,

Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges

Jeter l'ancre un seul jour ?




Et si nous parlions des problèmes de migration ? II



Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je vais proférer un certain nombre de lapalissades dans ce chapitre.

La grande question est qu’est-ce qui pousse à migrer ? Pourquoi migre-t-on ? Oui, pourquoi migre-t-on ? Tonton et tontaine, tontaine et tonton.

Pourquoi migre-t-on ? Pour aller ailleurs.

Et pourquoi aller ailleurs ? Ah, oui ! Là est la question. Pourquoi aller ailleurs ? Je ne vois que deux réponses qui sont des vérités premières. Elles semblent redondantes mais sont malgré tout différentes.

Pourquoi aller ailleurs ? Soit parce qu’on n’est pas bien ici, soit parce qu’on sera mieux ailleurs. J’insiste ! Ce n’est pas la même chose. D’un côté, je suis poussé aux fesses et de l’autre je suis tiré par le museau. D’un côté, c’est le bâton et de l’autre, c’est la carotte.

Il y a deux choses contradictoires. D’une part, et nous l’avons déjà dit dans le chapitre précédent, l’humanité, dans l’immense majorité de son histoire, est une espèce migratoire mais, d’autre part, au nom de l’économie de dépense énergétique, c'est-à-dire de la plus saine et de la plus élémentaire paresse, l’individu n’a pas envie de se remuer. En fait, il y a deux forces qui s’opposent. Nous avons d’abord ce que j’appellerais la pesanteur naturelle qui conduit à l’immobilité. C’est ce dont Baudelaire fait l’apologie en considérant que c’est la beauté suprême, totale et définitive. Et puis, il y a les stimuli extérieurs. Les deux sont en conflit permanent dans une confrontation dialectique quantitative fine : j’irais bien voir le jardin, mais je n’ai pas envie de quitter mon fauteuil. Au moment précis où le stimulus « aller voir le jardin » triomphe, la balance bascule de l’autre côté et, instantanément, par une pulsion irraisonnée et irrésistible, on se lève de son fauteuil.

Ceci n’est pas inhérent à l’espèce humaine. Le lion, qui somnole après un repas lourd à digérer, brusquement, le soleil ayant tourné, se lève, s’ébroue et va se recoucher de l’autre côté de l’arbre épineux dont il recherche l’ombre. Peut-être est-ce un souvenir confus de l’époque reptilienne où, n’ayant pas de thermorégulation, c’était une question de survie ou de mort.

Un autre exemple ? Toi, mon lecteur vénéré et choyé: tu entres dans la salle d’attente du dentiste. Elle est vide. Tu choisis soigneusement une place. Pour tromper ton ennui et ton inquiétude, tu as préféré celle-ci parce que tu peux suivre, par la fenêtre le va et vient de la rue. Tu es bien, là, hein ! C’était la meilleure place. Oui, mais voila que le rideau de nuages se déchire et tu as maintenant le soleil qui t’éblouit. Tu change de siège. A ce moment là, une personne fort séduisante et du sexe opposé au tien entre et s’installe contre le même mur que toi. Alors, pour pouvoir mieux la regarder et être vu par elle sans que cela ne soit inconvenant, négligemment, tu te lèves, tu prends une revue de la pile qui traîne en désordre sur la petite table en verre du milieu de la pièce et tu te réinstalles en face de l’autre. Tu voix que tes divers stimuli t’on conduit à manifester un comportement que l’on pourrait, vu de l’extérieur, qualifier comme manifestant une grande instabilité. Tu as migré. Si, si ! Tu as migré. Oh, pas loin, certes, mais tu as migré quand même. Chaque stimulus venant se substituer en le surpassant en importance au précédent, il faut bien avouer que tu as manifesté un esprit remarquablement versatile.

Je réitère. Pourquoi change-t-on de place ? Soit parce que celle où l’on est ne paraît pas bonne, soit parce qu’une autre, à tord ou à raison, semble meilleure.

Lorsque l’on est bien quelque part, et que, simultanément, on n’a pas la certitude que ce serait mieux ailleurs, il n’y a aucune raison de changer.

Je vais, juste histoire de rire un peu, vous asséner une autre banalité. Comment migre-t-on ? On peu migrer seul ou en groupe. J’espère que vous mesurez la profondeur de ma dichotomie ! Mais si ! C’est différent. Un individu seul peut décider de quitter son quartier pour aller vivre dans un autre ou bien, toute une population peut décider de quitter son village pour aller en reconstruire un autre de l’autre côté de la rivière. Ce n’est pas la même chose. C’est simple, non ? Oui, mais c’est faux. Il y a une troisième modalité qui cumule les deux. 

Mimile, pour des raisons qui sont les siennes quitte Glapouilleux pour aller habiter à Cramougnard (le village voisin). Comme il s’y trouve bien, quelques temps après, son cousin Jojo va le rejoindre ; puis Gégé ; puis Nénesse. Au bout de plusieurs années, quand Nanard meurt, Nono se retrouve tout seul et il finit par faire comme tout le monde. Les migrations se sont bien effectuées individuellement, mais au fil des décennies, tout le monde habite à Cramougnard et Glapouilleux s’est retrouvé vide. Les gens ont bien migré individuellement mais le résultat revient quand même à une migration massive et totale.

Nous constatons donc bien trois sortes de migrations : l’individuelle, la collective et l’individuallo-collective.

Commençons par observer ce qui se passe quand c’est une migration massive de tout une population.

Pour comprendre la chose, posons la question dans l’autre sens. Pourquoi ne migre-t-on pas ? On ne migre pas lorsqu’on se trouve bien dans un lieu ou bien lorsqu’on a quelque chose à en attendre. L’apparition de l’agriculture au début du néolithique est la raison majeure de la sédentarisation de l’espèce humaine. Quand on a ensemencé un champ, on n’a aucune raison de s’en aller. Cela me rappelle une scène du film « la Strada » de Fellini. A un moment, Gelsomina (Giulietta Massina) a semé dans une espèce de terrain vague des graines de tomates. Zampano (Anthony Quinn) décide de lever le camp. Gelsomina lui dit : Et mes tomates ! Et l’autre de rétorquer : Tu ne croyais tout de même pas qu’on allait attendre qu’elles poussent !

En même temps, la vie agricole implique plus ou moins une société assez nombreuse pour protéger les champs et les récoltes contre d’éventuels pillards (animaux ou humains). Cependant, quand le clan devient trop grand, il devient difficile de s’organiser sur de trop vastes territoires. On assiste alors au phénomène de l’essaimage. Un groupe se sépare et va s’installer un peu plus loin. Si dans le « un peu plus loin » il y a de la place, cela ne pose pas de problèmes. En revanche, si le « un peu plus loin » est déjà habité et exploité, on en sera réduit à recourir à la force. Il faudra chasser, ou exterminer, ou réduire en esclavage les habitants déjà en place.

Si les habitants endémiques parviennent à refouler, ou à exterminer ou à intégrer les nouveaux arrivants, ou, à l’opposé, si les conquérants parviennent à s’imposer, l’affaire en reste là. C’est lorsque le résultat est trouble que la chose se complique. Si aucun des deux groupes n’a réussi, malgré une victoire militaire évidente, à s’imposer à l’autre, il reste un groupe qui refusera la situation et, n’ayant pas le choix se verra réduit à fuir en quête d’un nouveau territoire.

Il va de soi qu’une population sédentaire et agricole condamnée à fuir perd ses lieux d’exploitation et, au moins momentanément, pour survivre, va devoir en revenir à une économie de prédation. Si le groupe nouvellement formé trouve un territoire vierge, la chose n’ira pas plus loin. Dans le cas contraire, on se retrouvera dans la situation conflictuelle précédente. Ainsi, comme une forêt de dominos qui s’écroule, chacun bousculant son voisin, on pourra voir de multiples populations se déplacer pour fuir des envahisseurs variés. Dans ce contexte trouble, certaines populations converties à une situation de pillage tenteront d’établir des empires disparates grâce auxquelles elles règneront sur des ethnies variées, souvent en contractant des alliances aussi inattendues que paradoxales.

C’est un peu ce qui se passe entre le troisième et le sixième siècle de notre ère depuis l’Est de l’Asie centrale jusqu’en Occident et en Afrique du Nord. On appelle ça en français « les grandes invasions » mais les Allemands, à mon avis plus pertinents dans leur appellation du phénomène disent « Völkerwanderung » (migrations de peuples). 

Je ne vais pas vous décrire tous les évènements de cette époque, d’abord parce que je suis fichtrement incapable, mais aussi parce que cela dépasse largement le but de cette réflexion. Cependant, on y trouve tous les cas de figure imaginables. Il y a ceux qui se fixent en se fondant avec le substratum local comme les Francs dans la Gaule romaine ou les Wisigoths en Espagne. On trouve aussi ceux qui, refusant cette même fusion, finissent par disparaître comme une vague qui vient mourir sur une plage comme les Vandales qui après avoir traversé l’Europe disparaissent après un royaume éphémère  dans l’actuelle Tunisie et Algérie de l’Est. Les Alains venus du Nord de l’Iran, après avoir séjourné un moment dans la région d’Orléans et lutté contre les Huns aux champs catalauniques vont disparaître en Espagne, où ils ont suivi les Vandales, submergés et éliminés par les Wisigoths. D’autres, enfin, s’accrochent becs et ongles à leur territoire comme les Lusitaniens qui sont, en gros, les ancêtres du Portugal.

Vous croyez que c’est la seule fois dans l’histoire qu’une telle marée a englouti des populations existantes ? Alors, vous vous trompez. Parties de Mongolie ou de Mandchourie, d’autres vagues on déferlé vers la Chine et l’Inde. Egalement, on connait moins bien, mais on sait que cela existe, de vaste migrations sont parties du Sud de l’Egypte ou du Nord du Soudan pour aller vers le Cameroun et le Nigéria, traversant ainsi l’Afrique d’Est en Ouest.

Alors, vous pensez que de telles migrations massives de populations entières ne sont qu’un épiphénomène de l’histoire antique tardive ou médiévale commençante. Si vous pensez cela, vous vous trompez. 

Je rappelle que des populations migrent soit pour fuir soit pour aller vers un hypothétique Eldorado. Rien qu’en France et dans une histoire récente, Nous avons vécu deux migrations éperdues de peur et de fuite devant la mort. Mai Juin 1940 dix millions de Belges et de Français se lancent, dans une pagaille indescriptible, vers le Sud Ouest de la France devant l’avance des panzers nazi. Beaucoup, la guerre terminée rentreront chez eux mais beaucoup d’autres n’y retourneront jamais. De juillet à Septembre 1962, huit cent mille pieds noirs d’Algérie débarqueront en métropole. Vous vous rendez compte ? En quatre mois, cela fait une moyenne d’environ sept mille par jour. Si on y ajoute ceux qui sont revenu de Tunisie et du Maroc, on en arrive à près d’un million et demi de personnes qui sont venues échouer à Marseille ou ailleurs, dans un port d’un pays dont ils ne connaissaient pratiquement rien.

Même si nombre d’entre eux espéraient retourner un jour chez eux, très peu sont ceux qui ont pu le réaliser. Et vous dites que cela n’existe plus ? Et je ne vous parle pas des boat peoples du Viet Nam ni des populations déplacées de force par Staline.

Les déplacements massifs de populations entières, cela existe.

Nous devons, maintenant envisager les migrations individuelles et ce que j’ai appelé les migrations individuallo collectives. Mais ceci, ce sera pour le prochain chapitre.

 

Et si nous parlions des problèmes de migration ? III

 

 

Les gens migrent souvent tout seuls. C’est même le plus fréquent. Et je dirais, de plus, que c’est la chose normale. Il est normal que l’individu humain, devenant adulte, quitte le cocon familial. Il peut arriver qu’il se contente de reprendre l’ancienne maison du grand père qui est à l’autre bout du jardin, mais le plus souvent, il va quand même un peu plus loin.

     Les déplacements, outres le fait de l’accession à l’âge adulte et le besoin d’indépendance par rapport aux parents ont deux causes principales. La vie matrimoniale et le travail. Depuis fort longtemps, une fille qui se mariait quittait sa famille et allait vivre dans celle de son mari. Cela pouvait aussi, plus rarement, arriver dans l’autre sens quand la marié était fille unique et qu’elle était la continuatrice d’un petit commerce ou d’un atelier ou d’une exploitation agricole. De nos jours, les deux partent fonder un foyer ailleurs. 

Les moyens de déplacement s’améliorant, il n’est pas rare de voir un garçon de Toulon rencontrer en vacances à Biarritz une fille de Nancy. L’autre aspect est la recherche d’un emploi. Nous avons déjà évoqué les migrations quotidiennes massives. De nos jours, un individu peut très bien imaginer de déménager fort loin pour trouver un emploi. Nos deux petits amoureux de tout à l’heure (l’un de Toulon et l’autre de Nancy et qui se sont connus à Biarritz) peuvent très bien partir s’installer, pour des raisons d’emploi, à Saint Nazaire.

Alors, dites moi, sans rire, et en me regardant bien dans les yeux, que les migrations ne sont pas une chose normale.

          Je l’ai déjà dit et je le réitère, on migre pour fuir ou pour vivre mieux. Du seizième au début du vingtième siècle, des Européens sont partis pour les Amériques. Certains fuyaient des guerres ou des persécutions (le plus souvent religieuses). Certains fuyaient un écrasement par une puissance étrangère. Combien d’Irlandais, à ce titre, sont partis pour les Amériques ? Cependant, ce n’était pas là des migrations collectives. On partait, un individu, voire une famille. On fuyait la répression, certes, mais pas seulement. On fuyait aussi la misère. On fuyait la famine. On fuyait vers des rêves fabuleux de vie confortable et de liberté. Il ne s’agissait pas de populations entières, tout au plus une famille, mais souvent des individus isolés. Je ne vous dis pas que ces individus isolés étaient tous des enfants de cœur et nombre d’entre eux n’étaient que des aventuriers fuyant plus ou moins la justice. 

Ajoutez à cela tous ces états européens qui, pour se débarrasser de personnages indésirables, les déportaient allègrement vers des territoires coloniaux. La Nouvelle Zélande ou la Nouvelle Calédonie, ont, ainsi, été peuplées de condamnés politiques, de voyous et de prostituées. En Russie, les déportations en Sibérie ont été inventées longtemps avant la dictature de Staline.

Ces migrations individuelles restent nombreuses. Le rêve du pays lointain fait toujours fureur. Qui n’a jamais entendu une connaissance évoquer son désir de partir pour l’Australie ? Et parfois, le rêve se réalise.

Il reste, comme je vous l’avais dit, une troisième sorte de type migratoire. C’est, dans le fond, un peu les deux autres sans être ni l’un ni l’autre. Les gens migrent bien individuellement mais le résultat est massif. Il arrive encore que l’on fuie un régime dictatorial ou une répression militaro policière, mais on fuit surtout la misère et la famine. Les gens qui fuient sont toujours devant un risque de mort, un peu, sans doute pour des raisons politiques, mais surtout pour des raisons économiques. Le rêve est le même. Il faut fuir vers un pays où la survie est assurée. Fuir, fuir, fuir.

Dans ce type de migration, on fuit seul mais avec l’arrière pensée « d’aider » ceux qui sont restés au pays. Le but n’est pas de s’installer définitivement, mais de gagner de l’argent pour le reste de la famille. Un Malien, en Europe, sans papiers et donc surexploité, avec ce qu’il envoie chaque mois, peut faire vivre une trentaine de personnes restées au pays. Egalement, au départ, l’idée n’est pas de s’installer dans une nouvelle patrie. Au contraire, l’illusion est de venir, de gagner de l’argent, beaucoup d’argent puis, fortune faite de retourner au pays. Là, d’acheter un magasin ou un restaurant et de continuer de vivre confortablement au paradis retrouvé. Hélas, les choses ne se passent pas comme ça. 

Celui qui part n’est pas dissuadé par sa famille qui lui montrerait la folie de son entreprise. Au contraire, il est soutenu et encouragé. On cotise pour l’aider à payer les passeurs et escrocs de tous poils. Il sait les risques encourus dans le voyage. Il sait que sa vie est en danger. Mais il l’entreprend. S’il est arrêté et refoulé, il recommencera avec une meilleure expérience. S’il meurt, on le pleurera beaucoup en rappelant son courage et son abnégation mais un autre prendra sa place. En revanche, s’il réussit, il devient un héros familial.

Il est maintenant installé depuis plusieurs années. Admettons même qu’il a fini par obtenir un titre de séjour. La fortune ne vient pas. C’est difficile. Il va favoriser la venue d’un frère ou d’un cousin, ou d’un fils pour l’aider. Plus tard, il fera venir sa femme et ses enfants. Peu à peu, en gardant toujours le rêve du retour triomphal au pays, il va s’installer. Si  des enfants naissent dans le nouveau pays, ils iront à l’école. Ils oublieront leur langue d’origine et quand, un beau jour, ils iront passer des vacances dans leur village ancestral, ils y seront réellement des étrangers. A la deuxième génération, le fantasme du retour au pays est oublié. Quand l’immigré va passer des vacances au pays, il doit pouvoir étaler sa réussite sinon, avouer un échec, voire un semi échec, ce serait un déshonneur. On a souvent ri de ces familles marocaines qui partent avec une voiture hors d’âge emplie jusque sur le toit d’objets divers que l’on distribuera au pays. Mais, ils arrivent avec une grosse automobile et des cadeaux affirmant leur réussite sociale… Même si pour cela, ils vivent dans un appartement misérable dans une cité lugubre, ils peuvent, au pays, jouer aux milliardaires américains.

L’image de cet occident où l’on vit dans un pays de cocagne s’amplifie et se renforce et, cela entraîne de nouvelles tentatives.

Ce type de migration est bien individuel, mais touche des masses importantes de population. L’échec ne rebute pas mais la réussite, même mitigée, entraîne d’autres vocations. De plus, je parle de réussite mitigée ; mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Vivre chichement en occident, c’est tellement plus rassurant que le pays avec sa malnutrition et ses enfants atteints de rachitisme, sa quasi absence médicale, son paludisme chronique, sa corruption et sa misère endémique.

Aujourd’hui, pour les pays du tiers monde, l’occident par l’image qu’il donne de lui, par son clinquant, ne peut être qu’un miroir aux alouettes où viennent échouer les rêves les plus merveilleux.

Je rappelle que l’on migre pour être moins mal ou pour être mieux. Etre mieux, cela veut dire avoir une vie plus facile, plus confortable, plus agréable. Comment le tiers monde voit-il l’occident ? Il faut d’abord savoir une chose. Quand l’électricité arrive, la première chose, c’est la lumière et juste après, on fait l’acquisition d’un récepteur de télévision. Si, si ! Avant le réfrigérateur, avant le lave linge, on achète une télévision. Et là, que voit-on ? Ils sont abreuvés par des « soap opera » et des « sitcoms ». Pour ceux qui ne savent pas la différence, les sitcoms, ce sont ces choses qui se veulent drôles et qui sont ponctuées en permanences de rires enregistrés (paquets de rires, en anglais lot of laugh, en abrégé : lol). Pour mieux comprendre, quelques exemples : Friends, Malcolm, Hélène et les garçons, etc. Les soap opera, c’est la même chose, mais sur un sujet qui se veut sérieux et sans les rires. Encore quelques exemples : Santa Barbara, Amour gloire et beauté, Les feus de l’amour et bien sûr l’archétype : Dallas. Qu’y a-t-il de récurrent dans tout cela ? Il s’agit toujours de personnages jeunes, beaux, en bonne santé qui vivent tous dans des appartements luxueux, immenses, bien décorés et toujours neufs. Ces personnages ne travaillent jamais et quand ils travaillent, ils ont toujours des fonctions remarquablement gratifiantes. Les hommes sont dirigeants de société, ou créateurs de publicité ou de mode. Les femmes sont les épouses de ces messieurs ou mannequin, ou stylistes, ou esthéticiennes. Les jeunes étudiants, lycéens, collégiens n’ont jamais ni de cours ni de devoirs. Leur seul souci est l’organisation de la kermesse de l’école ou les fêtes internes dans lesquelles on se pose la grave question de savoir qui sera avec qui. Si toutes les productions audiovisuelles décrivent cette société, c’est que cela correspond effectivement à la façon de vivre dans ces pays là.

Etonnez-vous, après cela que les gens du tiers monde aient une vision faussée de l’occident.

Evidemment, l’immigré qui arrive en occident tombe de haut. Il est rudement déçu. Vous pensez, passer des appartements de Santa Barbara à une chambre de marchand de sommeil, ça fait un choc. Mais il ne peut plus revenir en arrière. Tenez, cela me rappelle une « blague » que j’aime assez.

C’est un brave type qui vient de mourir. Comme toute sa vie il a bien travaillé, il a été un père et un époux modèle et a toujours parfaitement respecté tout ce qu’il faut respecter, il arrive directement au paradis. Là, en le félicitant, on l’installe sur le coin d’un nuage et il se promène parmi les autres bienheureux en écoutant les anges qui jouent de la harpe et de la flûte. Au bout de quelques temps, comme il s’ennuie copieusement, il va voir saint Pierre et lui demande s’il n’y a pas d’activités récréatives. L’autre lui rétorque qu’ayant été un saint homme, il peut maintenant jouir de l’extase et la sérénité dans le repos et la paix de l’âme. Paix de l’âme, paix de l’âme, notre brave homme s’ennuierait à mourir si ce n’était déjà fait. Du temps passe. N’y tenant plus, il retourne voir saint Pierre et lui demande s’il ne pourrait pas aller voir ailleurs pour se rendre compte comment c’est. Saint Pierre lève les bras au ciel, c'est-à-dire autour de lui, et lui dit : mais mon pauvre ami où voulez vous aller ? Le paradis, c’est partout comme ça ! Oui, mais ailleurs ? Comment ça ailleurs ? Où ça ailleurs ? Vous ne comptez tout de même pas aller en enfer ? Bah si, justement, par exemple. Mais enfin, vous êtes un élu ! Les élus ne vont pas en enfer ! Oh si grand saint Pierre ! Oh si ! Rien qu’un peu, rien que pour me rendre compte. Et il empoisonne tellement l’existence du concierge que l’autre finit par lui donner une permission d’une semaine. Rien que huit jours, hein ! Je ne peux pas plus. Déjà, ça, c’est une grave faute à la discipline et n’en parlez à personne. Promis, promis dit le brave homme tout guilleret. Il part pendant que saint Pierre l’exhorte encore : Pas un jour de plus, hein ! Sinon, c’est moi qui vais avoir des ennuis. L’autre arrive en enfer. Et là, c’est la fête. On rit, on chante, on mange des mets succulents arrosés de boissons raffinées. Les boites de nuit succèdent à d’autres lieux de plaisir, des femmes souriantes l’accueillent avec grâce. Le vrai bonheur. Il s’étonne : Ah, ce n’est pas ce qu’on m’avait dit ! Un démon lui explique : bien sûr ! Ce sont des mensonges du grand patron qui ne veut pas que tout le monde vienne ici. Il est jaloux, vous ne pouvez pas savoir. A la fin de la semaine, comme à la fin des vacances, le cœur lourd, il faut bien rentrer à la maison. 

Et le revoilà sur son nuage. De nouveau, il s’ennuie. Alors, il prend une décision. Il retourne voir saint Pierre ; il demande sa mutation. Après bien des atermoiements, l’autre finit par lui signer sa nouvelle affectation définitive. Le revoici en enfer. Mais là, c’est l’enfer, le vrai. Avec les flammes, la fumée, le soufre, les odeurs pestilentielles, les hurlements d’horreur des damnés et le désespoir éternel. Le brave homme se récrie : Hé, hé, hé ! Ce n’était pas comme ça quand je suis venu l’autre fois ! Et le démon de lui répondre : Oui, mais il ne faut pas confondre tourisme et immigration.

Cela dit, nous avons vu que les flux migratoires, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, cela existe. La question devient donc : Quelles en sont les conséquences et comment réagir devant cette réalité ?



Et si nous parlions des problèmes de migration ? IV

 

Nous avons vu précédemment que, qu’on le veuille ou non, les phénomènes migratoires, cela existe. Nous devons maintenant réfléchir sur les conséquences que cela implique. Quand je dis conséquences, cela veut dire conséquences positives et négatives. D’autre part, cela veut dire aussi, quantitativement : échelle de conséquences allant de négligeables à fondamentales.

Commençons par ce qui est positif.

Vous êtes dans un quartier, ou un hameau. Une nouvelle famille vient s’installer. Qu’elle vienne de la commune d’à côté ou de l’autre bout de la terre, ils auront des choses à raconter : Des souvenirs, des habitudes, des idées, des savoir faire, des quantités de notions que vous n’aviez pas. Et plus ils arriveront de loin et plus les nouveautés qu’ils apportent seront nombreuses et variées. Ils apporteront avec eux un sang nouveau et un regard plus vaste sur le monde. Ils éviteront à votre microcosme, replié sur lui-même et ignorant de ce qui existe plus loin que les environs immédiats de son propre nombril, avec une expérience différente de la vie, de se scléroser.

C’est un nouveau souffle, une découverte et un agrandissement de l’univers.

De plus, si votre quartier avait tendance à vieillir et se dépeupler, les nouveaux arrivants vont justifier le maintient de certains services et commerces : Une école, un bureau de poste, une pharmacie, un boulanger et autres diverses utilités. En même temps, cela justifiera aussi, pour les administrations, le maintient de l’entretien des voiries, des adductions d’au, de l’équipement électrique ou du réseau téléphonique.

Vous voyez que ce n’est pas inutile d’avoir de nouveaux habitants.

En revanche, cela présente aussi quelques inconvénients.

Nous avons vu que si une nouvelle famille vient s’installer dans le quartier, c’est plutôt bénéfique. Certes. Oui, mais s’il y en a mille ? Là, ça va poser des problèmes. Des problèmes de logement, des problèmes d’école, des problèmes de santé (on va manquer de personnel, de locaux, de matériel et tout ce qui va avec). On aura des problèmes d’infrastructures : des routes, de l’eau, de l’électricité, des emplois et, tout simplement, de la nourriture. Accueillir les réfugiés, dans un premier temps, la main sur le cœur, cela peut être généreux. Mais, dans un deuxième temps, si le nombre est trop grand, cela peut devenir suicidaire. Cette constatation qui est une simple évidence est, du reste, pain béni pour des partis démagogiques et réactionnaires qui peuvent dire : Si ça va mal chez nous, c’est parce qu’il y a trop d’immigrés. Chassons les immigrés et vous verrez comme tout ira bien. Pour des raisons électoralistes, on accuse la présence d’immigrés pour occulter volontairement tous les autres motifs de dysfonctionnement conduisant à une situation de précarité populaire.

          On en arrive à ce paradoxe que la France qui se veut une terre d’accueil ne peut pas accueillir les gens qui demandent asile. On essaie de pratiquer un distinguo. On dit que l’on accueille les réfugiés politiques. Ceux la, s’ils restent dans leur pays sont en danger de mort. Oui, mais, les gens qui fuient un génocide, sont-ils des réfugiés politiques ? Les kurdes, par exemple, et plus récemment les Libyens ? Vous voyez que, déjà, la notion de réfugiés politiques est ambigüe. Si en plus, on ajoute ceux qui fuient la famine, il est entendu que, même s’ils sont en danger de mort, ce ne sont pas des réfugiés politiques. On parle alors de réfugiés économiques. C’est une expression élégante pour se dire à soi même que de ceux là, on n’en veut pas. Pourtant, ce sont, et de loin, les plus nombreux. Peut-être que c’est justement parce qu’ils sont les plus nombreux que l’on n’en veut pas. La raison pour laquelle ils fuient, cela est bien indifférent. Ce qui compte, c’est le nombre. 

Accueillir de temps à autre un opposant politique d’un pays lointain, cela permet de revaloriser son propre narcissisme en disant à qui veut bien l’entendre: voyez comme nous somme une terre d’asile ! Nous sommes beaux, nobles et généreux. Mais dès lors qu’il s’agit de venir en aide à des populations en détresse, hé ho ! Il ne faut pas exagérer, non plus. Nous voulons bien être généreux, mais pas trop, quand même. Juste quand ça ne nous coute pas grand-chose.

La situation est contradictoire.

Peut-on accueillir tous les déshérités de la planète ? Non, évidemment. Tenez, je vous suggère un petit calcul. L’occident en arrondissant un peu compte un peu plus de cinq cents millions d’habitants. Dans le monde plus d’un milliard et demi d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Ils sont donc environ le triple de la population occidentale. S’ils venaient tous se réfugier en occident, cet occident verrait, en conséquence, sa population multipliée par quatre. Vous l’imaginez, vous, la France avec deux cent quarante millions d’habitants ? Ou les Etats unis d’Amérique avec un milliard deux cents millions ? Ou la Belgique avec quarante cinq millions d'habitants? La chose est effectivement absurde. Les partis d’extrême droite, même s’ils y ajoutent des connotations religieuses et racistes, vu sous cet angle, même s’ils exagèrent très largement la situation, n’ont pas complètement tord. On ne peut pas accueillir tout le monde. Le problème va donc être : si très peu, c’est très positif et que beaucoup c’est insupportable, où est la limite ? Quel est le pourcentage qui va faire que l’on passe du positif au négatif ? Et même cette approche est absurde puisque quand une personne est immigrée et installée, va-t-on la compter comme immigrée ou comme population locale ? Au bout de combien de temps un immigré sera-t-il considéré comme population locale ? 

Faut-il rejeter les Francs de l’autre côté du Rhin et les latins de l’autre côté des Alpes pour se retrouver strictement entre Gaulois ?

Parmi ces inconvénients des problèmes migratoires, il y en a un autre très grave auquel on ne pense pas souvent. Les immigrants posent des problèmes (quand ils sont nombreux) mais les émigrants aussi.

Dans une situation de détresse quelconque, quels sont les premiers à tenter de trouver une solution ? Je suis sûr que vous ne vous étiez jamais posé cette question. Alors, je ne voudrais faire de la peine à personne, mais il me semble bien que ce sont quand même les plus malins, les plus futés, les plus costauds, les plus entreprenants et les plus dynamiques.

Je me souviens d’un vieux Monsieur qui, quand j’étais jeune, tenait ce raisonnement féroce et un peu cruel mais drolatique et pas dénué de fondement sur l’exode rural. Pour retrouver le sel du discours, il faut le lire avec l’accent de l’Aveyron et en roulant les « r » comme si on vidait un panier de pommes de terre dans l’escalier de la cave. Il disait : Vous comprenez, dans les villages comme celui-ci, Les moins demeurés, les moins abrutis, ceux qui ont réussi à apprendre à lire, ils s’en vont. Ils vont n’importe où pour faire n’importe quoi, mais ils ne restent pas. Les garçons vont travailler sur n’importe quel chantier, ils entrent à la poste ou au chemin de fer, ils s’engagent dans la gendarmerie. Les filles se font embaucher comme boniche ou comme employée municipale à la ville mais ils foutent le camp.

 
Ceux qui restent, ce sont les plus tarés, les plus idiots et les plus crétins. Ils se marient entre eux et ils en refont des pires. Je vous accorde que la démonstration, énoncée avec la fougue et la verve inhérente à la faconde méridionale, même si elle ne péchait pas par excès de charité sociologique, ne manquait pas de panache et de persuasion. De plus, il n’était pas rare d’entendre un agriculteur dire : Bébert, lui, il n’aime pas trop l’école. Le soir, quand il rentre, il n’a pas envie de faire ses devoirs. Il préfère aller à l’étable pour voir les vaches. Alors, c’est lui qui reprendra la ferme. Les autres, ils trouveront bien autre chose.

Pour ce qui est des émigrants qui partent au loin pour fuir une misère économique et aussi une misère morale, on se trouve assez, et à une plus grande échelle, dans une situation comparable. Ceux qui partent, ce sont les plus entreprenants, les plus dynamiques, ceux qui rêvent le plus d’une vie meilleure irréalisable chez eux. Combien de jeunes gens, nantis d’un baccalauréat local ou d’un diplôme équivalent arrivent en Occident avec l’espoir fabuleux d’acquérir des connaissances importantes pour en faire profiter les compatriotes qui, finalement, ne repartent jamais parce qu’ils ont compris que les techniques qu’ils ont si chèrement étudiées sont, à cause du manque d’infrastructures et à cause de la corruption, inapplicables chez eux ?

Il s’en suit donc que si les immigrants, par leur nombre, posent des problèmes graves dans le pays où ils arrivent, les émigrants, en posent de non moins sérieux dans le pays d’où ils partent en le vidant de sa sève la plus nourricière et la plus riche. L’émigration massive prive les pays du tiers monde de ses bras les plus vigoureux, de ses intelligences les plus vives et de ses combativités les plus drastiquement volontaristes.

Nous pouvons donc conclure que ce qui est grave, ce ne sont pas les phénomènes d’émigration et d’immigration, mais leur importance, leur volume. Un migrant qui quitte l’Italie pour l’Espagne, c’est négligeable. Nous avons même vu que cela peut être bénéfique. En revanche, un million d’Italiens qui partent pour l’Espagne, c’est une tragédie des deux côtés.

 C’est amusant, cela rejoint une notion caractéristique des religions de l’Inde qui dérivent des Védas. Il y a une notion dans l’indouisme  qui concerne l’équilibre du monde. Cela s’appelle le dharma. Tout bon hindouiste (et pratiquant des différentes religions dérivant de la même origine) a pour soucis permanent de préserver le dharma. D’abonder dans son sens et de le promouvoir. Il faut préserver et renforcer l’équilibre du monde : le dharma.

Or, il se trouve que des migrations massives et unilatérales ont pour résultat de créer un déséquilibre, de rompre le dharma. C’est vrai, ça. En fait, si un million d’Italiens partent s’installer en Espagne mais que dans le même temps, un million d’Espagnols font le voyage inverse et partent pour l’Italie, cela ne devrait pas poser de problème majeur. Je ne dis pas que ce serait simple, mais en tous cas, beaucoup moins compliqué à gérer. Les choses s’équilibrent. Le dharma est respecté.

Avec tout ce que nous avons dit, il va de soi que la question est préoccupante. Nous vivons dans une situation de déséquilibre.

Notre réflexion va donc devoir porter sur les moyens de rétablir l’harmonie du monde.

Vous vous rendez compte ? Rétablir le dharma. Cela justifierait d’échapper à la transmigration de l’âme et de mériter d’entrer dans le Nirvâna de Brahma. Cela vaut le coup d’essayer ! Non ?

 

 

Et si nous parlions des problèmes de migration ? V

 

 

Nous avons dit que les migrations massives et unilatérales entraînaient des complications et des déséquilibres sociologiques graves, tant pour les pays de départ que pour les pays d’arrivée. Il serait donc pertinent de savoir contrôler ces flux. 

Il faut bien, et je le réitère, que les deux caractéristiques soient réunies pour créer des situations de déséquilibre. En effet si une migration est unilatérale mais pas massive, c’est négligeable et si une migration est massive mais bilatérale, l’équilibre est maintenu, même si des problèmes annexes ne sont pas sans importance.

Le premier reflexe consiste à vouloir, dans les lieux d’immigration,  résister et tenter d’interdire la venue de nouvelles personnes. 

C’est une réaction très naturelle et parfaitement généralisée. A titre d’exemple, je vais vous rappeler ce type de comportement que les ruraux connaissent bien. Quelques familles, sans se concerter, on acheté des terrains dans un village, y ont construit une maison et s’y sont installés. Quelques temps après, ils apprennent que d’autres terrains sont classés constructibles. Les voila qui se constituent en association de défense et au nom du respect des milieux ruraux veulent interdire aux autres ce qu’ils ont fait, eux même, cinq ans auparavant. 

Au même titre, les romains qui avaient conquis et colonisé la Gaule ont tenté quelques siècles plus tard de s’opposer à l’arrivée des Francs qui ne faisaient rien d’autre que reproduire ce qu’ils avaient réalisé quelques siècles avant. Parfois, on veut bien que d’autres viennent, mais à la condition qu’ils gardent un statut de sous homme avec des droits inférieurs comme à Athènes avec les métèques qui ne pouvaient jamais devenir citoyens. Cela me rappelle une histoire amusante dans un village où j’ai vécu longtemps autrefois. Un soir, lors d’une réunion du conseil municipal, un conseiller, qui par le passé avait vendu des terrains constructibles pour s’enrichir un peu, a demandé avec le plus grand sérieux au maire ce que l’on pourrait faire pour empêcher les nouveaux habitants  de voter dans la commune. Croyez moi, malgré les mouvements effarés et se voulant discrets du maire (sur la liste de qui il était pourtant élu) pour le faire taire, rien ne parvenaient à lui laisser supposer qu’il était en train de dire une énormité. Au même titre, combien de fois entend-on des gens récriminer sur le fait que les immigrés ont droit à la sécurité sociale ou aux mêmes aides dont jouissent les autres.

L’idée première est de se protéger derrière une muraille. C’est absolument inopérant. Tous les jours des clandestins sont reconduits à la frontière. Tous les jours, d’autres tentent de franchir la palissade. Ils le tentent au péril de leur vie et ils le savent mais ils le tentent quand même. Et, il faut bien avouer que le nombre de ceux qui réussissent à passer est éminemment plus grand que celui de ceux que l’on intercepte.

Au Etats Unis où le problème est multiplié par dix par rapport à ce que l’on connait en Europe, un long grillage avec des miradors boucle la frontière avec le Mexique. Cela n’arrête qu’une petite partie des immigrants clandestins. De plus, ceux qui ont été interceptés une fois recommenceront avec cette fois-ci une expérience accrue et donc une meilleure chance de réussir.

Il y a quelques années, j’avais écrit une petite histoire qui traite du même sujet. Je vous la livre in extenso.

 

HISTOIRE DE SOURIS

14 juillet 2006


        Voila. Ça se passe dans deux villages séparés par une rivière. Dans le premier, il y a plein de blé. Alors, les souris de ce village sont très contentes. Elles sont grasses et bien nourries. Hélas, dans l'autre village, il n'y a que très peu de blé. Les souris du deuxième village sont maigres et très malheureuses.

        Bien sur, les souris du deuxième village aimeraient bien venir dans le premier village mais les souris du premier village ne veulent pas. Elles tiennent à garder leur blé pour elles toutes seules.

        Les souris du deuxième village, la nuit, au risque de se noyer, traversent la rivière. Hé, il faut survivre. Il faut ravitailler les petits et la famille.

      Les souris du premier village, pour protéger leurs richesses, achètent plein de chats et les chats des souris du premier village mangent les souris du deuxième village. Enfin, celles qu'ils réussissent à attraper. Parce que les souris du deuxième village, elles ne sont pas idiotes. Elles ne se laissent pas faire, elles se cachent comme elles peuvent. Elles racontent qu'elles sont du premier village, elles essaient d'obtenir l'autorisation d'habiter dans le premier village et, quand elles n'y arrivent pas, elles se font faire des faux papiers de souris du premier village.

        Dans le premier village, on multiplie les chats et on aiguise les crocs et les griffes des chats. On leur donne des lunettes qui voient la nuit.

        Dans le deuxième village, on admire beaucoup les souris qui ont osé braver la rivière et les chats. Parfois, on apprend qu'une cousine a été dévorée par un chat. On pleure beaucoup mais une autre aura le dévouement et l'héroïsme de la remplacer.

        Dans le deuxième village, on sait que là où il y a du blé, les souris, même en connaissant l'existence de chats n'hésitent pas à risquer leur peau. C'est la loi de la nature de souris.

        Ne pas y aller, c'est avoir la certitude de mourir de faim et de déchéance alors que risquer le coup, c'est admettre l’éventualité de se faire bouffer, mais avec l'espoir de survivre.

        Alors, dans le premier village, on augmente le nombre de chats et dans le deuxième village, on se dit que si dans le premier village on fait un tel élevage de chats, c'est que, vraiment, cela indique qu'il y a beaucoup de blé.

        Plus il y a de blé, plus il y a de chats et plus il y a de chats, plus il y a de souris (du deuxième village).

        C'est drôle, quand on joue au chat et à la souris, au risque de se faire bouffer, personne ne veut être chat et tout le monde fait tout ce qu'il peut pour rester souris (du deuxième village).

        Ceci n'est qu'une histoire de souris. Heureusement, les autres animaux sont moins bêtes et n'en arrivent pas à de telles extrémités.

Vouloir empêcher les arrivants d’arriver, c’est inopérant et donc absurde. Alors que faire ?

Si on ne peut pas enrayer l’immigration, peut-être faudrait-il contrôler l’émigration. Bien sûr ! Mais non. C’est idiot. Et c’est idiot pour deux raisons. D’abord, parce qu’on ne peut pas attacher par la patte chaque citoyen du tiers monde à l’arbre qui pousse devant sa maison. Et deuxièmement parce que les chefs d’états du tiers monde voient d’un œil très favorable, par les envois des émigrés à leur famille, cette entrée substantielle de devises fortes.

Reposons nous la question : Pourquoi les gens veulent-ils aller ailleurs ?

Vu que je l’ai déjà dit plusieurs fois, je vous laisse réfléchir. 

Hé, vous ne croyez tout de même pas que vous n’allez rien faire d’autre que d’ouvrir la bouche paresseusement et que je vais toujours verser dedans la bouillie tiède et écrasée à point ! Soyez un peu actifs dans votre réflexion !

Alors ? Pourquoi les gens veulent-ils aller ailleurs ?

J’attends.

Oui, Mémaine ? Tu dis ? Les gens veulent aller ailleurs parce qu’ils pensent, à tord ou à raison, qu’ils seront mieux ailleurs. Très bien Mémaine. Ça fait plaisir. Il y en a au moins une qui suit. Comme quoi, les élèves studieux et attentifs, cela existe encore.

Cela dit, entendons nous bien. Il faut que la différence soit notoire. On ne va pas abandonner son quartier, ses parents, ses amis, ses voisins, ses habitudes, son climat pour dix centimes de plus de l’heure. Encore faut-il que la différence vaille le déplacement. Et plus c’est loin, plus la différence doit être conséquente.

Comme nous parlons ici de réfugiés économiques, ce qui est recherché, c’est un niveau de vie digne de ce nom.

La conséquence immédiate de ce que nous venons de dire c’est que pour dissuader des gens de partir en quête d’un hypothétique meilleur niveau de vie, il faut, et il suffit d’améliorer leur niveau de vie chez eux.

Des tentatives ont été faites.

Intentions louables !

Mais en dépit du bon sens.

On a quêté dans les rues et les gens, empreint de générosité ont donné. La majeure partie a été détournée par des dirigeants peu scrupuleux d’organisations qui se déclaraient humanitaires. Si par hasard, un peu d’argent arrivait sur place, il était accaparé par des potentats locaux qui s’empressaient de le reverser sur des comptes secrets dans des paradis fiscaux.

On a versé des subventions accordées par des organismes internationaux officiels pour des programmes bien précis. La corruption a été telle que ces projets n’ont jamais abouti. Un ami, ayant habité longtemps au Pérou me racontait la chose suivante. La côte péruvienne est habitée de nombreux marins pécheurs. Ces gens ont peu ou pas de débouchés pour leur travail. Des responsables fort intelligents et généreux du FAO (food and agriculture) (organisme de l’ONU) ont imaginé de subventionner la construction de conserverie de poisson. Hélas, la subvention est débloquée. On commence les travaux, mais, corruption aidant, on n’a pas assez d’argent pour arriver à terme et on ne termine pas. On ne peut pas continuer puisque les fonds ont été intégralement versés et dépensés. Quelques années plus tard, d’autres hauts responsables aussi intelligents et généreux que les précédents  recommencent la même opération un peu plus loin. On ne peut pas reprendre le précédent chantier puisqu’il est officiellement terminé. Résultat : Quelques décennies plus tard, sur la côte péruvienne, on peut voir, tous les cinquante kilomètres, des conserveries de poissons jamais terminées, en ruine, passablement pillées et envahies par la végétation.

Certains états ont souhaité offrir des installations de services divers. A Yaoundé, la Corée du Sud avait offert une maternité moderne clef en main. Elle ne pouvait pas servir. Les Coréens avaient effectivement construit et équipé cette maternité mais, si l’investissement avait été intégralement fourni et la maternité terminée, il n’y avait pas de budget de fonctionnement pour pouvoir l’utiliser.

Des ONG ont imaginé d’envoyer, non plus de l’argent, mais des biens de consommation vêtement, chaussures et surtout nourriture. Des hommes politiques ou de hauts fonctionnaires ont aussitôt imaginé de tirer profit de cette manne providentielle et de la vendre. On a vu ainsi, puisque les populations locales ne pouvaient pas les acheter, des sacs de riz qui auraient du être distribués gratuitement, pourrir sur des tarmacs d’aéroports.

Est-ce à dire qu’améliorer le niveau de vie des populations en détresse est une chose impossible ? Je ne le pense pas.

C’est ce que nous verrons dans le prochain chapitre.

 

 

 

Et si nous parlions des problèmes de migration ? VI

 

Récapitulons.

L’animal humain, qui essentiellement nomadise au gré des possibilités de subsistance, se fixe par moments quand il trouve un lieu où il peut prospérer plus facilement.

Des migrations, même importantes ne sont pas préjudiciables si elles sont équilibrées. En revanche, Des immigrations ou des émigrations massives dans un même lieu, si elles ne sont pas compensées entraînent des déséquilibres qui peuvent être inquiétant. A ce titre, des populations installées peuvent voir d’un mauvais œil des arrivées importantes d’autres humains qu’elles peuvent, à tord ou à raison, considérer comme concurrentielles.

Il est très difficile, matériellement et moralement d’empêcher d’autres individus d’arriver et de s’installer. C’est la même chose qu’un groupe de loups voyant arriver une autre horde s’installer sur ce qu’il considère comme son territoire.

Toutefois, et dans le même temps, si un hameau, un quartier, une région parvenait à s’enfermer efficacement derrière une muraille de protection contre toute immigration, cela entraînerait inévitablement à une situation sclérosante.

Si une région d’immigration massive peut, à la longue, souffrir d’étouffement en ne pouvant plus nourrir ce surcroit de population, ce qui aurait pour résultat de diminuer l’attirance de cette région, et donc de diminuer l’immigration, une autre région d’émigration massive se vide de sa substance humaine et de ce fait peut perdre ses capacités vitales et son dynamisme propre et mourir d’étiolement.

On pourrait imaginer que, à terme,  les régions de forte attirance migratoire, peu à peu, soumises à des situations de surpopulation en perdent leur attrait et de ce fait que l’afflux se régularise de lui-même. Cependant, peut-on penser qu’il faille en arriver là en ne comptant que sur la régulation naturelle sans tenter d’intervenir.

A ce sujet, il y a un autre problème dont je vous parlerai dans un autre essai. C’est celui de la surpopulation mondiale. Il va de soi que si la terre comptait largement moins d’habitants, Il serait plus simple de gérer les surpopulations et les migrations. Nos ancêtre du magdalénien pouvaient migrer sans que cela ne gène personne.

         En revanche, les régions d’émigration, plus elles se vident et plus leur vivacité et donc leur attrait diminue. On peut donc en conclure que plus la fuite est importante et plus elle a tendance à s’accélérer pour en arriver à une extinction complète. 

Qu’on se souvienne, dans certaines régions, des villages morts.

Certaines activités collectives (d’instances internationales ou d’association non gouvernementales) ont un peu influé pour une diminution de l’émigration mais comme le but avéré était autre, cela n’a pas entraîné de conséquences importantes.

Les associations et activités caritatives sont presque sans effet. J’aurais même tendance à penser que leur effet est pernicieux. Si des pays peuvent apporter une manne alimentaire et matérielle conséquente sous forme de dons, cela implique que les pays d’origine de ces dons son suffisamment riches pour concevoir ces cadeaux. Il est donc normal de considérer que c’est là qu’il faut aller vivre. A ce titre, les aides deviennent une affiche publicitaire aggravant l’effet de miroir aux alouettes de l’occident.

Arrivé à ce point de la description des causes de migrations massives, il me faut éclairer un peu un phénomène plutôt paradoxal. Nous avons dit précédemment que ce que les hommes recherchent, c’est un meilleur niveau de vie. En même temps, fournir à des populations des dons et des aides améliorant, en apparence, ce niveau de vie, aggrave le désir d’aller voir ailleurs. Je le redis, cela incite à aller vers la source. Cela pousse à vouloir s’installer dans ces régions suffisamment riches pour pouvoir donner une part de leurs revenus. On pourrait donc en conclure que plus on aide les populations déshéritées et plus on les pousse à fuir leur misère.

Il y a un précepte qui dit si tu veux secourir un homme qui a faim, tu peux, bien sûr, dans l’urgence, lui donner des pommes de terre, mais il est mieux de lui apprendre à les cultiver. C’est très beau, très noble et très généreux. Mais c’est absurde. Cela impliquerait que l’homme en question est suffisamment crétin pour ne pas savoir le faire par lui-même. Je trouve cette vision du monde à la fois très prétentieuse et très méprisante. On fournira des semences, des machines, on forera des puits, on créera une richesse, mais, cette richesse, qui va-t-elle enrichir ? Les nobliaux propriétaires terriens et les fabricants occidentaux de machines agricoles. Les autres, ils n’auront pas de quoi les acheter. Le niveau de vie n’aura pas été modifié.

Dans le fond, cela revient à pratiquer ce que j’ai déjà décrit dans un autre texte : La mendicité.

Bien sûr, cela va flatter le narcissisme des donateurs. Egalement, cela implique que la seule manière de lutter contre la misère est d’accroître les rendements agricoles.

Il est entendu que tout cela n’est pas inutile, mais c’est parfaitement insuffisant.

Ce qu’il faut améliorer, ce n’est pas la quantité de produits de consommation, c’est le niveau de vie.

J’en arrive donc à ma proposition. Ces sommes d’argent considérables mises en œuvre, c’est autrement qu’il faut les utiliser.

Nous avons vu que les corruptions locales dilapident le fruit de la fraternité humaine des gens pauvres des pays riches. Il faut donc court-circuiter cette corruption. Pour cela, on pourrait entreprendre de grands travaux qui en eux même ne seraient pas inutiles (autoroutes, lignes de chemin de fer, centrales électriques, lycées, universités, hôpitaux etc.). Je veux dire par là qu’il faudrait entreprendre des créations demandant une très nombreuse main d’œuvre pas forcément très qualifiée sur un temps relativement long. Il va de soi que la rémunération de cette main d’œuvre serait contrôlée par des organismes internationaux peu contaminés par la corruption. Le but serait de verser des salaires dignes de ce nom pour un travail justifié à des salariés nombreux. Il s’en suivrait que cette masse de population verrait son niveau de vie augmenté. Elle pourrait donc consommer plus largement et du coup, relancer une économie malade. Je ne dis pas qu’à terme, tout cet argent ne finirait pas par arriver dans les coffres des nantis, mais en attendant, il aurait parcouru toute une large frange de la population. Certes, sur les chantiers, on y consommerait beaucoup de bière. Mais aussi, on pourrait acheter des chaussures, des bicyclettes, des vêtements, des réfrigérateurs ou des lave-linge on pourrait améliorer la maison et tout cela permettrait de relancer la machine socio économique. En effet, les marchands de vélos, les couturières, les artisans de tous ordres et à terme les grandes industries vivraient, eux aussi, mieux.

Dans le fond, ces grands chantiers ne seraient pas inutiles en eux même. Il ne faudrait surtout pas que ce soient des travaux inutiles. Mais ce serait, d’abord, la justification d’apporter à la population un niveau de vie plus acceptable, plus gratifiant et plus générateur d’espérance.

Il s’en suit que, les gens vivant mieux, pourquoi voulez vous qu’ils veuillent fuir vers un endroit moins misérable ?

Il y aurait encore des personnes qui préféreraient aller vivre ailleurs. Mais les raisons n’étant plus économiques, on pourrait espérer que les motivations s’équilibrent. Je vous assure : S’il n’y avait pas la misère et la corruption, certains pays du tiers monde seraient de véritables paradis.

Alors, et seulement alors, il deviendrait possible de dire : On vit aussi bien ici qu’ailleurs. Tu es libre. Tu vas où tu veux. 

 

 

Les frontières de la richesse sont abolies.




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    thilloy marcus (lundi, 13 mai 2019 14:29)

    super bien expliqué très pédagogique ,mais les partis politique eux jouent sur les peurs pour attirer des électeurs qui sont entourés par les discours sur les simplismes de la migration donc les peurs puis la haine .Le RN ,le PR et les autres jouent de ces peurs sauf JLM et les insoumis qui prônent la fraternité des peuples et pas les guerres par convoitises de matières stratégiques, mais par le dialogue la diplomatie et des échanges économiques et techniques équilibrés bénéficiant à chacun .

  • #1

    Sierra Mike (mardi, 28 novembre 2017 09:39)

    Je suis tout à fait d'accord avec vous mais j'aimerai faire deux petites remarques :

    "Vous l’imaginez, vous, la France avec deux cent quarante millions d’habitants ?"
    Oui, ça fait beaucoup mais c'est possible, ça fait 356 habitants/Km2 , les Pays-Bas ont actuellement 408 habitants/Km2.

    "Faut-il rejeter les Francs de l’autre côté du Rhin et les latins de l’autre côté des Alpes pour se retrouver strictement entre Gaulois ?"
    Et les Gaulois sont aussi venus d'ailleurs...

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