COMMENT BATIR UN GOUVERNEMENT

(AU SERVICE DE LA POPULATION)

I

 

J'ai un peu envie d'enfoncer quelques portes ouvertes. Si, si! De temps à autre, comme ça, ça me prend. J'en ai envie. Ce doit être mon côté incohérent et futile. Oui, hein, la manière dont on concocte un gouvernement, comme si ça avait de l'importance... Ce qui compte, c'est que chacun fasse bien son travail au service de la population. Le reste, dans le fond, ce n'est qu'une question d'étiquettes. Donc, voici une spéculation purement intellectuelle qui, en définitive, ne sert à rien.

Oui, mais j'ai envie quand même.

Je sais: Je suis têtu voire parfaitement borné.

D'abord, un gouvernement, qu'est-ce que c'est?

          - C'est ce qui gouverne, M'sieur!

          - Qui gouverne quoi?

          - Bah nous, M'sieur!

         - Je n'ai pas demandé qui! J'ai demandé quoi.

          - Le peuple, M'sieur. C'est à dire nous.

- Ah bon? Vous pensez que le rôle d'un gouvernement est de gouverner le peuple?

- Bien sûr, M'sieur! D'ailleurs, qu'est-ce qu'ils font d'autre? Ce sont eux qui décident des choses désagréables et comme c'est eux qui commandent, nous, même si ça ne nous fait pas plaisir, nous n'avons qu'à obéir.

- Ce n'est pas sot ce que vous dites, Premier de la classe. Mais ce que vous décrivez là, ce n'est qu'un cas particulier. Ce le cas d'un gouvernement dictatorial, autocratique, tyrannique.

- Sans doute, M'sieur. Mais vous, vous en connaissez beaucoup, vous, des gouvernements qui n'agissent pas comme ça? Diminuer les prestations sociales, augmenter les impôts et les taxes ou partir en guerre: Ce ne sont jamais les peuples qui en ont envie, mais toujours les gouvernements. Et ce sont eux qui ont gain de cause. Jamais le peuple.

- Je vous ai dit que vous aviez raison. Je vous ai dit que vous aviez raison, mais c'est quand même absurde. La situation que vous exposez est vraie, on la constate tous les jours, mais c'est absurde quand même.

- Je veux bien vous croire, M'sieur. Mais, expliquez-moi. Parce que moi, je ne vois pas ce qu'il y a de faux dans ce que je dis.

- Je ne dis pas faux, je dis absurde.

- Ah bon? Parce qu'il y a une différence?

- Bien sûr! Une situation peut exister, être visible par tous, mais, néanmoins, être absurde.

- Vous pouvez m'éclairer? Je ne vois pas très bien, là. Vous auriez des exemples?

- Bien sûr! Un brave homme essaie de faire démarrer sa voiture il fait tourner avec désespoir son démarreur.  Bientôt, sa batterie sera vide. Il insiste et ça ne fonctionne pas. C'est vrai. Tout le monde est témoin. Il essaie opiniâtrement et il n'y arrive pas. Juste, s'il mettait un peu d'essence dans le réservoir, cela suffirait. Donc il est vrai qu'il essaie, on peut en témoigner, mais c'est absurde.

- Et quel est le rapprochement?

- Vous dites, cher premier de la classe, que les gouvernements gouvernent les populations. C'est très vrai et on peu le constater. Il n'en reste pas moins que c'est absurde. Ce qui serait normal, ce serait le contraire.

- Comment ça le contraire?

- Ce n'est pas au gouvernement de diriger le peuple, mais au peuple de décider de ce que doit faire le gouvernement... C'est même pour ça qu'il y a des élections. Les élections servent à permettre au peuple de décider des orientations que devra prendre le gouvernement.

- Peut être, mais en définitive, c'est quand même le gouvernement qui gouverne le peuple.

- C'est bien ce que je dis et c'est là qu'est l'absurdité. Du reste, ce n'est pas une nouveauté. Déjà, Salluste (86 av JC 35 av JC) citait, dans ses "Histoires" le discours d'un tribun de la plèbe (C Licinius Macer) au peuple qui disait: "Vous, pendant ce temps, vous êtes semblables à un troupeau de montons dont chaque tête est livrée comme un objet dont on use; vous vous laissez ravir tout ce que vous ont légué vos ancêtres, hormis votre droit de vote par lequel vous désigniez jadis vos chefs et aujourd'hui vos maîtres". Par maître, à l'époque, il faut comprendre maitres d'esclaves. Plus tard, au 18ème siècle, Rousseau (Jean-Jacques 1712 1778) écrit le contrat social dans lequel il expose que le peuple et le gouvernement, c'est la même chose. Du reste, dans ce texte, il utilise un mot pour désigner les deux. Il dit le Prince. Pour lui, le prince, c'est le peuple. Ressortissant de la république de Genève, le monarque n'était pas un individu mais l'ensemble des citoyens.

- Oui, M'sieur. Mais ça n'empêche pas que c'est le gouvernement qui gouverne.

- Effectivement, premier de la classe. Mais le gouvernement gouverne sous les directives de la population. Si le gouvernement agit comme il agit, c'est pour une seule raison. C'est parce que le peuple le veut bien. La population étant trop nombreuse pour siéger dans une seule assemblée délègue ses pouvoirs à des représentants qui vont prendre des décisions en ses lieus et places. Si ces représentants trahissent les espérances populaires, c'est à la population d'en tenir compte et d'y remédier en choisissant d'autres représentants et en leur exprimant fermement ce qu'elle attend d'eux.

- Je vous comprends bien, M'sieur. Mais encore faudrait-il que la population sache ce qu'elle veut.

- Evidemment! C'est même pour cela que des oligarques milliardaires privilégiés influent de toutes leur force et de toute la force de leur puissance financière pour empêcher la population de réfléchir et de décider sainement de quel gouvernement elle a besoin.

- Donc, on peut réellement dire que les populations ont toujours les gouvernements qu'elles méritent.

- Voila. vous avez compris. Du reste, Berthold Brecht (1898 1956) disait la même chose avec une boutade: Quand il y a un désaccord entre le peuple et le gouvernement, il faut changer de peuple.

La question qui se pose maintenant, c'est: Comment doit être constitué un gouvernement? 

D'abord, il faut un chef. Bah oui, pour présider les réunions du gouvernement, il faut un président ou un ministre des ministres ou un premier ministre. Appelez-le comme vous voulez. Mais, franchement, entre nous, pourquoi voulez-vous qu'il y en ait deux? Pourquoi pas huit ou vingt trois? Cela n'a pas de sens. bon, que ce chef ait un adjoint pour les jours où il a la grippe, cela ce conçoit. Mais qu'il y ait deux chef... Du reste, nous avons constaté dans l'histoire récente de la France que l'un des deux n'était qu'une ombre falote de l'autre. On peut se demander si ça aussi ce n'est pas une escroquerie. Le deuxième ne serait qu'un fusible qui "saute" quand ça va trop mal ce qui permet au premier de rester en place, sans rien changer, contre l'avis de la population (ce qui n'est, selon tout bon sens, qu'un dénie de démocratie).

          - Un ministre: Qu'est-ce que c'est? M'sieur

          - Question très pertinente, premier de la classe. Alors, petite définition. Ministre: Celui qui est chargé de remplir une fonction, un office, d'exécuter une tâche pour le service de quelqu'un, d'accomplir le dessein d'autrui.

Il est entendu que le chef (du gouvernement) ne peut pas faire tout tout seul. Il s'en suit qu'il désigne des ministres qui vont être à son service. Mais lui, le chef, il est responsable devant qui? C'est à dire qu'il est le ministre de qui? Curieusement, en France, il est le ministre d'un autre qui est au dessus de sa tête et qui lui, n'est pas ministre mais président. Alors, la question se pose: A quel moment, là dedans le peuple est il présent? A quel moment donne-t-il son avis? Cela n'aurait-il pas un petit côté monarchique? Cela ne fleurerait-il pas des relents d'ancien régime? Les rois étaient désignés par Dieu et ils étaient ministres de Dieu. Il y a même eu un Président de la Vème république, en France que l'on plaisantait en suggérant qu'il se prenait lui même pour Dieu. C'est très gentil, tout ça. Mais, ça évacue quand même la responsabilité du gouvernement devant la population. Le gouvernement semble être responsable devant une entité supérieure et abstraite extérieure à la population qui sait mieux qu'elle ce dont elle a besoin et qui est habilitée à prendre des décisions impopulaires. Cependant, il n'en reste pas moins que comme le constatait Rousseau, le fonctionnement de la société est basé sur un contrat. Si ce contrat social est ce qu'il est, c'est que la population le veut bien.

          - Et si la population ne le voulait plus?

          - Oui, hein, vous imaginez, si la population décidait de prendre son sort en main...

Imaginez si la population décidait d'avoir un ministre qui, au lieu de répondre de ses actes devant une espèce de démiurge abstrait et tout puissant était responsable devant elle. Ce ministre, on pourrait l'appeler premier ministre, ou ministre principal ou ministre général, comme vous voulez, mais on pourrait aussi l'appeler ministre de la population. Son chef direct et unique serait la population. Il serait l'émanation pure et simple de la population. Il n'y aurait pas de barrière ni d'obstacle entre lui et les gens qu'il représente. Il serait désigné par la population et, éventuellement démis par elle. Mais non, ça, il ne faut pas le faire. Ce serait trop démocratique.

Nous avons dit qu'il est normal que le ministre de la population répartisse ses tâches et délègue ses pouvoirs à des ministres spécialisés. Souvent, on entend dire qu'il faudrait que les ministres soient eux même des spécialistes, des professionnels de la question. Ce ne serait pas un mal, en soi. Non, mais l'exiger serait juste se tromper de finalité. Un ministre n'a pas pour vocation d'imposer à la population des dispositions favorables à une administration tatillonne et coupée de la réalité mais de protéger cette même population contre des dérives absurdes et technocratiques. Un ministre doit être le garant, devant la nation que son administration est au service de la population et pas le contraire.

          - Ah! c'est beau ce que vous dites, M'sieur mais alors, quels devraient être, selon vous, les différents ministères de la nation?

          - Voila précisément, cher premier de la classe, le vif du sujet. Et c'est de cela que nous parlerons dans la deuxième partie de notre entretien.

  

 

 

 

COMMENT BATIR UN GOUVERNEMENT

(AU SERVICE DE LA POPULATION)

II

 

Une fois de plus, quand on regarde l'existant, on s'aperçoit qu'on nage, pour une large part dans l'absurdité... Et quand je dis l'absurdité, c'est pour ne pas me laisser aller à y voire une volonté délibérée de tromper les gens. Donc, fuyons toute tentation paranoïde et essayons d'y voir clair.

En ce moment (avril 2014) on nous annonce un nouveau gouvernement : un gouvernement resserré, un gouvernement de combat. Ah bon? Parce qu'avant, c'était un gouvernement étalé? Un gouvernement mollasson et flasque? Un gouvernement de capitulation et de laisser aller? Il possède seize ministères (avant, il y en avait plus encore).

Parcourons rapidement la liste de ces ministères en y adjoignant quelques remarques. Je dis bien de ces ministères et non la liste des personnes qui les assume parce que dans le fond, que ce soit Pierre Paul ou Jacques, c'est assez sans importance.

Alors, allons-y joyeusement. Il y en a seize.

Avant d'aller plus loin, rappelons juste une remarque que l'on se plait parfois, en France à répéter. Quand on veut éluder un problème, on crée une commission. (Cette commission siègera pendant des mois, voire des années sans que jamais il n'en sorte rien de définitif). Alors, on peut se demander, parfois, si, un ministère, ce n'est pas une super commission.

1- Ministère des affaires étrangères et du développement international. Les affaires étrangères, on voit très bien ce que c'est. Il s'agit des relations que l'on peut avoir avec les autres états de la planète. En revanche, le développement international, on peut être plus circonspect. Cela masquerait-il la façon dont on envisage de développer une main mise sur le fonctionnement de certains autres états indépendants? Pas beau, ça!

2- Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Oh! Le joli brouet! L'écologie: Il est certain qu'il faille avoir une attitude respectueuse vis à vie de l'écologie. Dans ce cas, une législation spécifique s'impose. Ensuite, nous avons deux cas de figure: Ou bien cette législation est respectée et il n'y a pas besoin d'un ministère pour cela, ou bien cette législation n'est pas respectée et cela ressort de la justice et il n'y a pas besoin, non plus, d'un ministère particulier. Ne pataugerions-nous pas dans la démagogie?

Quand on veut éluder une question, on crée une commission.

Le développement durable... Ô que voila une expression savoureuse! S'il y a un développement durable, cela implique qu'il y a un développement qui ne l'est pas: un développement fugitif, un développement extemporané, un développement fugace, un développement momentané qui, du coup, mériterai aussi son ministère. Il n'y a pas de raison. Sinon, ce serait injuste et irresponsable! En revanche, le développement, oui, mais le développement de quoi? Ça, on ne le dit pas; c'est le développement tout court. Oui, oui, oui! Braves gens, nous sommes pour le développement. Ne serait-ce pas encore un flagrant délit de démagogie?

Ministère de l'énergie.

Ah, ça, c'est plus sérieux. Nous, ressortissants d'une région du monde hautement technologisée, sommes dévoreurs d'énergie; tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. C'est vrai. Cela mérite-t-il un ministère? Sans doute. En revanche, je me demande si cela ne serait pas mieux dans un ministère que j'inventerai plus tard et que, momentanément, j'appellerai ministère de l'équipement.

3- Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche: Sans commentaire

4- Garde des sceaux Ministère de la justice: Sans commentaire.

5- Ministère des finances et des comptes publics: Ne ratiocinons pas, sans commentaire.

6- Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique. Il n'est pas mal, aussi, celui là! Entrons dans le détail.

Ministère de l'économie. Voyez-vous ça? Je croyais que l'économie était libérale. J'aimerais comprendre! Ou bien l'économie est libre et dans ce cas elle n'a pas besoin d'un ministère ou bien elle obéit à un ministère et dans ce cas, au lieu d'être libérale, elle est strictement contrôlée, encadrée et étatisée; ce qui n'est, certes, pas souhaitable. La question qui se pose, c'est: pourquoi un gouvernement qui ne désire pas encadrer l'économie crée-t-il un ministère à cet usage? Je ne voudrais pas faire du mauvais esprit, mais ne serait-ce pas là, justement, un moyen pernicieux qui permet d'accorder aux grandes entreprises des subventions, des aides et des contributions malhonnêtes dont elles n'ont pas besoin?

Du redressement productif. Ah bon? Parce qu'on pourrait supposer un redressement non productif? Voire même contre productif? Hé vous l'imaginez, vous, le ministère du redressement contre productif? Un ministère négatif, quoi! Avec le plus grand sérieux, je me demande de qui on se moque. Et puis, il y a une autre question. Productif, oui, productif. Mais, productif de quoi? De choux? De chaussettes? De petites cuillers? On ne nous le dit pas. Ce doit être une ellipse. Cependant, une ellipse, pour qu'elle prenne toute sa force, c'est mieux quand on comprend à quoi elle fait allusion. Si, si! Je vous assure, c'est mieux quand on sait de quoi ça parle. Bien sûr, comme je suis un esprit retors, je me demande si cela ne voudrait pas dire productif de dividendes. Cela se comprendrait bien, hein! Un redressement qui produirait plus de dividendes. Dans ce cas, on pourrait se demander si, plutôt qu'une ellipse ce ne serait pas un mensonge par omission.  Comme disait l'autre: "ça va leur faire plaisir, aux pauvres, de savoir qu'ils habitent un pays riche.

Et du numérique. Par numérique, je présume qu'il s'agit de l'internet. Je sais bien que je suis un peu d'un esprit primaire, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi il faut un ministère de l'internet. L'internet est ce qu'il est. Qu'il faille légiférer sur son utilisation me semble une douce évidence. S'il y a des contrevenants, cela ressort de la justice et de la police; mais je ne vois pas en quoi cela nécessite un ministère.

En résumé, ce ministère me semble bien fumeux. Ne serait-ce pas un peu de la poudre aux yeux?

7- Ministère des affaires sociales et de la santé. Curieux mélange! La santé: Bon, je sais ce que c'est... Du moins, il me semble que je le sais. Mais les affaires sociales... C'est plus brumeux. En quoi est-ce que ça consiste les affaires sociales? Hein, je vous le demande... Les affaires sociales? Serait-ce l'art de gérer la misère? S'il s'agit d'aider des individus ou des foyers en situation de détresse pour des raisons non médicales, je ne vois pas le rapport avec  la santé. Cela tiendrait plutôt de la justice ou de l'éducation. En revanche, si cette situation de détresse est liée à un problème de santé, cela revient à la santé et pas à autre chose. Je sais bien que je vais encore faire hurler le bourgeois, mais comme ça, intuitivement, ce ministère des affaires sociales, je ne sais pas pourquoi, mais il me fait furieusement penser à un ministères des Dames patronnesses qui tricotent des chaussettes pour les pauvres: un ministère qui donne bonne conscience; un ministère de la charité, quoi. C'est pour cela que j'ai des doutes sur l'honnêteté de la chose. Quoi qu'il en soit, réunir les deux activités (la santé et les "affaires sociales") sous un même ministère, cela ne consiste-t-il pas à avouer que l'on ravale la santé de la population à une forme de charité publique? Surtout si l'on se souvient que dans le même temps, l'entreprise qui peut distribuer, en France la deuxième plus grosse somme à ses actionnaires est une société de produits pharmaceutiques.

Ministère des affaires sociales... Quand on veut éluder une question, on crée une...

8- Ministère du travail, de l'emploi et du dialogue social. Sans exagération immodérée, ne pourrait-on pas appeler ce ministère le ministère de l'échec? Parce que depuis un nombre respectable de décennies, ce ministère (et ceux qui l'on précédé sous d'autres appellations) ne brille pas par le triomphe de son activité! On pourrait même aller jusqu'à considérer, si on se souvient de la courbe du chômage en France, que c'est un ministère qui présente un résultat négatif. On ferme et on délocalise des nombres ahurissants d'entreprises, donc on supprime allègrement des milliers d'emplois, mais le ministère y affairant ne bronche pas. La question se pose: serait-ce par incapacité? Ou par volonté délibérée de laisser faire? Je me demande laquelle des deux possibilité est la plus grave. C'est donc bien un ministère de l'échec. De plus, j'aimerais que quelqu'un de plus intelligent que moi m'explique la différence qu'il y a entre le travail et l'emploi. Ce serait donc aussi un ministère de la redondance.

Quand on veut éluder une question...

Et du dialogue social. Alors là, je tombe à genou et je me prosterne devant la magnificence de l'hypocrisie. Ce bouquet de feu d'artifice est tellement fourni qu'on ne sait part quel bout commencer. Essayons quand même.

Il y a dialogue lorsque deux interlocuteurs échangent entre eux. Dans cette situation, nous ne pouvons avoir que deux cas de figure. Ou bien ils tombent rapidement et totalement en accord et pour cela, je ne vois pas l'utilité d'un ministère. Ou bien ils sont et restent en parfait désaccord. Dans ce cas, il devient nécessaire qu'un troisième personnage, indépendant, intervienne pour leur permettre de transiger. Ce troisième personnage, celui qui juge sainement et indépendamment de la situation, dans le langage commun, cela s'appelle un juge. Dans les cas simples, ce juge peut être un beau frère, un cousin, un voisin ou un simple passant. Si le cas est plus grave, c'est à dire si l'un des deux protagonistes, au moins, récuse la validité du juge, on peut s'adresser à un juge professionnel. Ce juge professionnel appartient à toute une organisation que l'on appelle la justice (elle-même gérée par un ministère). Il est entendu qu'en France, au nom de la séparation des pouvoirs, la justice est indépendante tant du législatif que de l'exécutif. La mission de la justice consiste, entre autre, à démêler les différents entre individus ou groupes d'individus. Bornage de terrain, utilisation de local, engagements divers, paiement de toutes choses, etc., C'est le rôle de la justice. C'est son métier. C'est sa mission. Racine ( Jean, 1639-1699) en a même tiré, en 1668, une comédie burlesque bien connue (Les plaideurs). Comme quoi, les problèmes inhérents à la justice ne sont pas une nouveauté. Ce n'est, même, pas franchement une nouveauté, à tel point, que quelques temps avant, Aristophane (vers 445 av JC- entre 385 et 375 av JC, dans "Les guêpes" (422 av JC) brocarde déjà les pratiques judiciaires. Il y a donc de façon millénaire une institution dont le rôle consiste à rétablir le dialogue là où il a été rompu.

Alors, pourquoi créer un ministère spécial pour le dialogue social?

- Oui, mais il s'agit du dialogue social!

- Très bien, premier de la classe! Mais en quoi ce dialogue dit "social" est-il différent des autres?

- Bah, M'sieur, parce qu'il s'agit du dialogue entre les salariés et leurs employeurs!

- Ah bon. Donc, selon vous, Tous les différents de tous ordres sont dévolus à la justice sauf les différents entre salariés et employeurs.

- Oui, M'sieur. Parce que c'est particulier.

- Ça, pour être particulier, c'est particulier. C'est même tellement particulier qu'il ne faut surtout pas que ce soit géré par une institution indépendante des autres pouvoirs. Il faut absolument que l'exécutif ait la mainmise sur ce genre de situations. Cela sous entend que, puisque ce genre de conflit ne peut pas être traité par la justice, c'est à dire avec justice, il faut rigoureusement exclure de cette situation toute notion de justice, toute notion de justice indépendante.

- Là, M'sieur, vous exagérez un peu.

- J'exagère? Je n'en suis pas persuadé.

- Et pourquoi?

- Pour une raison simple. Prenons un exemple fréquent. Dans une grande entreprise multinationale, il y a un conflit grave. L'employeur veut délocaliser. Comprenez: licencier pour fermer. Les salariés ne veulent pas et on les comprend. On fait appel au ministère du dialogue social. Le ministre en personne se déplace et, face aux salariés, il promet, des trémolo dans la voix et la main sur le cœur qu'il fera le nécessaire.

- C'est quoi le nécessaire, M'sieur?

- Six mois plus tard, l'entreprise est effectivement fermée.

         D'une façon plus générale. S'il y a désaccord dans une entreprise entre entrepreneur et salariés, on pourrait supposer que ce sont tantôt les uns et tantôt les autres qui ont tord. C'est presque vrai dans les toutes petites entreprises. Il est à noter que dans ce cas, il ne s'agit pas du ministère du dialogue social mais des conseils de prud'homme. Dans le fond, ceci est encore voisin de la justice. Mais, au fur et à mesure que l'on s'élève dans la taille des entreprises et plus ce sont systématiquement les employeurs qui obtiennent gain de cause. Le gouvernement n'étant pas au service de la population mais au service du grand capital donne toujours satisfaction à ce dernier. Le gouvernement et son ministère, contrairement 

à la justice ne sont pas indépendants. Il n'y a pas de séparation des pouvoirs. Le ministère du dialogue social est donc, par essence, partial.

Un gouvernement qui refuse que les désaccords sociaux soient traités par la justice crée un ministère du dialogue social. Ce ministère étant partial et à la solde du grand capital devient, puisqu'il est extérieur à la justice, un ministère de l'injustice.

Quand on veut éluder un problème, on crée...

Voila. Nous avons parcouru la moitié des ministères en vigueur. Dans le prochain chapitre, nous parcourrons l'autre moitié. Nous y verrons encore bien des choses surprenantes.

 

 

COMMENT BATIR UN GOUVERNEMENT

(AU SERVICE DE LA POPULATION)

III

 

 

 

Nous avons constaté dans le précédent chapitre que dans un gouvernement tel que nous le connaissons, bien des choses seraient discutables voire répréhensibles. Continuons donc notre petit état des lieux de l'existant.

9- Ministère de la défense: Sans commentaires. Ou plus exactement, ce ministère méritant une réflexion à lui tout seul, nous en reparlerons un autre jour dans une étude spécifique.

10- Ministère de l'intérieur: Même remarque que ci-dessus.

11- Ministère des droits des femme, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Le fourre tout, quoi! Le mariage de la carpe et du lapin. Mais comme ils sont trois, il faudrait en ajouter un troisième. Je ne sais, moi: Le mariage de la carpe, du lapin et du dindon. Cela me fait furieusement penser à la commode de ma chambre. Comme je suis un homme bien rangé et méticuleux, dans le premier tiroir, il y a des sous vêtements; dans le deuxième des chaussettes; mais dans le troisième, c'est le reste. tout ce qui n'est pas classable, le reliquat, le bric à brac. On y trouve, harmonieusement mélangé: des mouchoirs, des écharpes, des gants, des bonnets, des ceintures, des lacets et des choses dont j'ai même oublié l'existence.

Ce ministère, c'est le dernier tiroir de la commode. On pourrait se demander si, par la même occasion, ce ne serait pas aussi la cinquième roue du carrosse.

Voyons un peu le détail.

Ministère des droits de la femme. Je vous explique. Pour tous les individus normaux, il faut une justice. Pour cela, il y a le droit: le droit général applicable à tous. Mais, on comprendra bien que pour des êtres inférieurs et pas complètement humain, ce droit n'a pas raison de s'appliquer. Pourtant, le système social, dans son infinie bonté a tout de même voulu manifester sa largeur de vue en créant une justice inférieure, une sous justice, un succédané de justice et de droit en inventant le ministère des droits de la femme. Oh, rassurez vous! Ce ministère n'a aucun pouvoir. ce n'est qu'une déclaration d'intention. Ce ministère ne possède aucun tribunal ni aucun outil répressif. C'est un ministère d'un droit qui n'a aucun droit. Si une femme se sentant spoliée s'adresse au ministère des droits de la femme, on lui répond qu'il faut qu'elle s'adresse à la justice qui, précisément ne s'occupe pas des droits de la femme. Si un ensemble de femmes se sentant grugées dans leur salaire s'adresse à leur ministère de référence, on les renverra vers le ministère du dialogue social dont nous avons déjà parlé. Cependant, nous serions bien malvenus de prétendre que le souci du droit des femmes n'est pas pris en compte... Il y a même un ministère exprès pour ça.

La simple présence d'un ministère des droits de la femme implique qu'il est officiellement reconnu que les femmes n'ont pas les mêmes droits que les autres. S'il faut un ministère spécial pour traiter du droit des femmes, cela reconnaît et sanctifie la discrimination.

Quand on veut éluder une question, on crée une commission.

Moi, qui ai un sale caractère, il me semble que si j'étais une femme, je revendiquerais, de toutes mes forces, le droit d'avoir le même droit, c'est à dire la même justice que les hommes. Je refuserais avec véhémence d'être officiellement rejetée, par le gouvernement, dans un gynécée infâme et méprisable qui, dans le fond n'est rien de plus qu'un misérable ghetto.

Ministère de la ville.

D'abord, moi qui suis un rural, je me sens affreusement frustré. Il y a un ministère de la ville et pas un de la campagne. C'est injuste, ça! Et puis, une ville, qu'est-ce que c'est qu'une ville?

- C'est une grosse agglomération, M'sieur!

- Très juste, premier de la classe. Mais alors, qu'est-ce que c'est qu'une grosse agglomération? A partir de quelle population une agglomération peut-elle se dire grosse? A partir de quel moment une petite ville devient elle une ville (donc concernée par le ministère de la ville)? Marseille ou Lille: d'accord. Chambéry ou Quimper? Oui, encore. Bon. Et Mende ou Guéret? Là, on ne sait déjà plus trop. Et bien sûr, Loudéac ou Pontcharra sur Bréda, là, on ne sait plus du tout. Ennuyeux, tout ça! En fait, il y a quelques années, nous avons été témoins d'exactions urbaines. Pour bien montrer que l'on s'occupait du cas, on a créé un ministère.

Quand on veut éluder une question, on crée une commission.

Ministère de la jeunesse et des sports. Pour commencer: juste une petite remarque sur l'appellation. "Jeunesse et sport". Que la jeunesse ait envie d'avoir des pratiques sportives, c'est entendu. Mais si la jeunesse voulait avoir des pratiques non sportives, cela, non. Ce n'est pas prévu. En même temps, que des gens plus vraiment concernés par la jeunesse aient envie de s'adonner à des activités sportives, cela non plus ce n'est pas prévu. Mais, laissons de côté cette anomalie sémantique. Cette notion de "jeunesse et sport" (sous diverses appellations) a été inventée pendant l'Etat français lors du gouvernement de Vichy sous la férule du maréchal Pétain. A cette époque, la volonté délibérée consistait à reprendre en main cette jeunesse encore imprégnée par les grandes espérances du front populaire. La jeunesse, il fallait l'encadrer, la canaliser, la contrôler et la conditionner. A l'image du système nazi voisin qui organisait de grandes manifestations de la jeunesse hitlérienne, il fallait apprendre aux jeunes Français à chanter "Maréchal nous voila". Pour vous décrire l'ambiance de l'époque, je vais vous raconter une anecdote que me relatais mon père. En 1940, suite à la défaite, l'armée avait été dissoute. Les soldats furent renvoyés chez eux. Mais les jeunes recrues en âge d'accomplir leur service militaire restèrent et leur contingent transformé en "chantiers de jeunesse". Ils étaient sensé accomplir de grands travaux civiles au service de la nation. Lors de son arrivée dans son chantier de jeunesse, mon père avait le souvenir d'un chef qui après avoir réuni les arrivant devant les baraques de logement leur avait fait une harangue populiste et démagogique qu'il achevait par cette envolée lyrique: "C'est fini la semaine des deux dimanche et, les champions du front populaire sont maintenant en prison!". Je sais. Les chantiers de jeunesse, ce n'était pas jeunesse et sport. D'autre part, depuis le temps, jeunesse et sport à notablement évolué. Pourtant, je ne suis pas persuadé qu'il n'en reste pas, par-ci, par-là quelques séquelles. Par exemple, les professeurs d'éducation physique des collèges et lycée font toujours partie du ministère de jeunesse et Sport et non de l'éducation nationale.

On peut présumer qu'il faudrait revoir sérieusement la copie.

12- Ministère de la décentralisation, de la réforme de l'état et de la fonction publique.

Ne serions-nous pas, avec ce ministère dans une forme de pantalonnade. Rappelons juste qu'une pantalonnade, c'est, à l'origine une pièce qui se veut bouffonne mais qui perd son crédit par excès de volonté burlesque. La pièce, la mise en scène et les acteurs eux mêmes, a force de vouloir trop en faire ne se justifient plus.

On nous dit que les régions vont être regroupées et que les départements vont perdre leur importance au profit de super régions. Ça, c'est ce qu'on appelle la décentralisation.

La réforme de l'état. Ha bon? Il y a une réforme de l'état?

Quand on veut éluder une question, on crée une commission.

Ministère de la fonction publique. Là, ce n'est même plus de la pantalonnade, c'est de la provocation. Par définition, un fonctionnaire dépend de plus ou moins loin d'un ministère. Donc, nous pouvons avoir du mal à comprendre l'utilité d'un ministère qui s'occupe des gens qui dépendent déjà d'un ministère.

Quand on veut éluder une...

13- Ministère de la culture et de la communication.

Le rapprochement des deux choses peut sembler saugrenu, mais en y repensant, oui, pourquoi pas?

14- Ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire, de la forêt, porte parole du gouvernement.

Même remarque que pour le ministère de l'économie. Nous avons deux cas de figure: Ou bien l'agriculture est encadrée voire étatisée (ce qui à mon avis n'est pas souhaitable) et dans ce cas il lui faut un ministère responsable, ou bien elle est libre et indépendante et dans cet autre cas elle n'en a pas besoin. Depuis un siècle, les divers gouvernements se sont acharnés à éliminer les petites entreprises agricoles familiales. Dans le fond, c'est peut-être à ça qu'il sert le ministère de l'agriculture. D'autre part, on y adjoint l'"agro-alimentaire". Là, il s'agit d'immenses entreprises de niveau international qu'il ne faut surtout pas contrarier. Certaines cherchent à conquérir le monopole des semences sur la planète. D'autres cherchent à imposer des plantes transgéniques dont le bien fondé est tout ce qu'on veut sauf avéré. On pourrait imaginer, si l'on était naïf, que ce ministère soit un rempart contre de telles exactions. Mais, oh! Surprise! c'est le contraire qui se produit. Le ministère de l'agriculture et de l'agro-alimentaire n'a pas pour fonction de voler au secours de la petite entreprise familiale mais de lutter, bec et ongle, pour l'enrichissement des grandes multinationales. En définitive, ce n'est pas très surprenant et cela ne fait que corroborer, s'il était nécessaire, que le gouvernement n'est pas au service de la population mais à celui des hautes sphères capitalistes.

De la forêt. Ah, là, ça, c'est positif. Resterait à savoir dans quelles conditions c'est réalisé.

Porte parole du gouvernement. Allons bon. En voila un drôle de ministère! Chez moi, mais nous ne sommes que des ruraux archaïques et désuets, si lors d'une réunion, il y a un brave homme qui prend des notes, qui rédige un compte rendu et qui le distribue à qui veut en prendre connaissance, nous n'appelons pas ça un ministre, mais un secrétaire.

15- Ministère du logement et de l'égalité des territoires.

Ministère du logement. Il en a de la chance, ce ministre la. Il ne doit pas avoir beaucoup de travail. Pour autant que je sache, l'état, en tant que tel n'est propriétaire d'aucun logement. Il est vrai que certains fonctionnaires disposent d'un logement de fonction (la gendarmerie, par exemple et autrefois les instituteurs, mais cela est quasi disparu). Ces logements dépendent déjà d'un ministère ou d'une collectivité territoriale. Donc, je ne vois pas l'intérêt de surajouter un ministère de tutelle.

Quand on veut éluder une question...

Ministère de l'égalité des territoires.

Qu'est-ce que ça veut dire, ça? De quelle égalité veut-on parler? De la surface? Du nombre de la population? De la distance de la capitale? C'est absurde, tout ça! Maintenant, si l'on veut parler de la désertification de certaines régions, c'est une autre affaire. On peut même se demander si le rôle de ce ministère n'est pas, précisément, d'en accélérer le processus: Fermeture d'écoles élémentaires et maternelles, de bureaux de poste, de perceptions, de gendarmeries, de tribunaux d'instance, de cliniques et de maternités de proximité, de lignes de chemin de fer, non entretien de routes nationales ou départementales dites secondaires et je dois en oublier; si c'est ça le résultat du travail du ministère de l'égalité des territoires, il n'a pas du très bien comprendre ce qu'on attend de lui. Il faudrait lui réexpliquer sa mission.

Quand on veut éluder une question, on crée...

16- Ministère des outre-mer.

Celui-ci, a priori, il peut sembler licite. Toutefois, ne serait-ce pas un héritage des vieux réflexes coloniaux? J'ai un peu l'impression que comme pour les droits de la femme, on imagine que pour ce qui concerne les êtres inférieurs que sont les habitants des départements et territoires d'outre mer, il convient d'appliquer une législation et des comportements au rabais qui nécessitent une juridiction subalterne.

Nous apprenions autrefois en instruction civique que "la loi est la même pour tous; soi qu'elle punit soi qu'elle protège etc.". Un habitant de Wallis et Futuna ou de Saint Pierre et Miquelon est autant un citoyen français qu'un ressortissant des Yvelines. Il n'a donc pas besoin d'un ministère spécial.

Quand on veut éluder une question, on crée une commission.

En revanche, s'il constate que ce n'est pas le cas, il est parfaitement habilité, en prenant acte de la situation discriminatoire dont il est la victime à revendiquer son indépendance.

Voila. Nous avons parcouru la description critique de notre gouvernement actuel que l'on nous déclare gouvernement resserré de combat. Je me demande, dans ma candeur naïve qu'est-ce que ce serait s'il n'était pas resserré et de combat? Environ la moitié de ses ministère ne sont en fait que de la poudre aux yeux. Ce gouvernement ne se donne pas pour but de servir la population, mais d'être, de façon plus drastique, au service du grand capital.

C'est pourquoi, à partir du prochain chapitre, je vous ferai une description de ce que je pense qui serait normal pour un gouvernement au service de la population.

Et puis, tenez, pour le plaisir, je vais vous rappeler un texte théoriquement connu mais que l'on a trop souvent tendance à oublier.

Article 35 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 24 juin 1793

       Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

 

 

                                                                       Hé, ce n’est pas moi qui le dis !

 

 

 

 

  

 

 

COMMENT BATIR UN GOUVERNEMENT

(AU SERVICE DE LA POPULATION)

IV

 

 


Je vais vous amuser. Si, si, vous allez voir, vous allez rire. Et bien sûr, 

rire de moi. Vous savez, moi qui suis toujours si sûr de moi, moi qui me drape dans la splendeur de mes certitudes et qui vous assène régulièrement des choses que je vous présente comme des vérités premières indiscutables; et bien moi, ce grand penseur devant l'immensité de l'univers, celui qui vous distille d'ordinaire avec bonté des évidences incontestables, oui, moi, moi l'irréprochable, je suis dans une impasse.

Et je ne plaisante pas. J'allais vous exposer comment on doit concocter un gouvernement au service de la population. J'étais sûr de mon coup. Cela me semblait d'une simplicité enfantine. Et pan! Ça ne marche pas. Heureusement, je m'en suis aperçu à temps! Vous vous rendez compte, si j'avais été inattentif! Vous vous rendez compte dans quelle hérésie je vous aurais fourvoyés? Parce que le gouvernement, lui même, ça, c'est facile et je vais vous l'expliquer. Mais le chef, le chef du gouvernement, parce que ce gouvernement, il faut bien qu'il ait un chef! Et bien lui, je ne sais pas comment on le désigne. C'est bête, hein! Si, si, c'est bête! Je suis bête. Bon, ça, je le savais déjà. Mais à ce point là, non. Pas encore. J'ai retourné dans ma tête toutes sortes de moyen de désigner ce chef, certains qui existent déjà et d'autres que j'ai imaginés et aucune ne m'a satisfait.  Tous ont des avantages et des inconvénients mais tous ont beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.

Bref, je n'ai pas trouvé de solution. Cela m'ennuie très fort.

Je vais donc vous expliquer comment je conçois un gouvernement au service de la population, mais je ne vous dirai pas comment on désigne son chef. Le chef, et les difficultés pour le nommer, nous en reparlerons plus tard. Je vous exposerai de façon détaillée pourquoi on ne peut pas faire n'importe quoi et pourquoi toutes les solutions  apparemment possibles me semblent aussi dangereuses les unes que les autres.

Ajoutez à cela que comme je vous en reparlerai plus tard, cela me laisse du temps pour y réfléchir. Toutefois, pour le moment, je ne vous promets rien.

Vous voyez que vous avez un excellent motif pour ricaner de mes habituelles certitudes.

Donc, nous avons un gouvernement avec un chef virtuel. Je le redis, il y a un chef, mais on ne sait pas d'où il sort. Nous y réfléchirons plus tard.

Un gouvernement, cela veut dire un certain nombre de ministères.

Nous avons constaté dans les chapitres précédents que dans les gouvernements que nous connaissons un nombre important de ministères ou de subdivisions de ministères ne sont que de la poudre aux yeux. Ils sont là pour noyer le poisson. Il ne sont que des "trompe couillons".

Nous allons donc tenter de fabriquer un gouvernement expurgé de toutes ces aberrations; un gouvernement qui ne se donne pas pour mission de tromper la population, mais de la servir.

L'ordre dans lequel je vais énoncer les ministères n'implique pas une hiérarchie à l'exception d'un seul puisqu'il justifie tout le reste. C'est le budget. Pour les autres, je vous les présenterai par ordre alphabétique. Mais, oh! comme c'est amusant, même par ordre alphabétique, le budget est le premier

Le budget:

Il se trouve que j'ai évoqué ce domaine dans deux textes différents: "les impôts" et "le budget". En conséquence, je vous y renvoie sans redévelopper de nouveau le sujet.

La culture:  Il y a une curiosité sur laquelle j'aimerais attirer votre attention. Il y a toujours un ministère de la culture. Ça, pour y être, il y est. On ne peut pas dire que les édiles étatiques n'y ont pas pensé. On ne peut pas dire qu'ils n'ont pas de considération pour la culture. Cependant, ce ministère ressemble fort à quelques petites miettes oubliées au fond d'un tiroir crasseux. Ce ministère est ravalé au niveau d'un phénomène anecdotique qui n'existe que pour le principe et sa dotation budgétaire reste scandaleusement misérable. Toute une propagande insidieuse et sournoise lutte farouchement contre la culture. De façon strictement démagogique, on la dénigre avec véhémence: nous, on est pas des intello, on est des prolo. Comme si c'était contradictoire. Les intello, ils nous emmerdent; voir même: nous, les intello, on les emmerde. Il se trouve que précédemment j'ai rédigé un essai relativement copieux sur la culture. Sans vouloir tout réexpliquer, je vais en rappeler quelques traits importants. Toutes les formes d'obscurantisme sont l'arme la plus efficace pour lutter contre l'épanouissement et la satisfaction des populations. On prête à Hermann Goering (1893-1946), chantre du nazisme, la phrase bien connue suivante: quand j'entends prononcer le mot culture, je sors mon révolver. Quand un régime totalitaire accède au pouvoir, il tient à affirmer son mépris envers les intellectuels et sa volonté délibérée de museler toute forme de contestation humanitaire ou philosophique: Opération condor en Argentine après l'accession au pouvoir de la junte militaire; assassinat de Federico Garcia Lorca par les franquistes etc. On peut en conclure qu'à l'opposé, un gouvernement au service de la population devrait se concevoir comme un vecteur majeur de la culture. Il s'en suit que pour un tel gouvernement, le ministère de la culture ne peut être qu'un ministère majeur, un ministère clef au moins aussi important que les autres.

Quelles sont les attributions de ce ministère?

Elles sont immenses et extrêmement variées.

Il y a le soutien de toutes les formes artistiques ou intellectuelles. Cela va de l'architecture à la philosophie en passant par la danse, la musique, la céramique et tout ce que vous pouvez imaginer.

Bien sûr, de ce ministère dépendent toutes les formes de spectacle et donc les activités des média audio visuels (entre autre la télévision et l'internet).

C'est encore de ce ministère que dépendent les organisations de loisirs et les activités associatives. Et, les activités associatives, cela sous entend, par essence, l'immensité du monde du sport.

De surcroit et pour finir, il va de soi que le ministère de la culture doit aussi gérer et valoriser les trésors nationaux. Chambord, le Louvre ou Versailles appartiennent à la population. Donc, celle-ci doit pouvoir en être fière.

Il va de soi qu'un ministère aussi vaste et tentaculaire ne peut fonctionner qu'avec des subdivisions nombreuses et précises.

L'éducation nationale, la formation professionnelle et la recherche: Nous pouvons présumer que l'existence de ce ministère ne pose de problèmes à personne. Il faudrait juste repenser le fonctionnement et la finalité de la formation professionnelle et de la recherche. Tout compte fait, en y réfléchissant, de l'éducation nationale aussi, il faudrait revoir la mission et le fondement.

L'équipement du territoire et l'énergie les biens propres de la nation Les réseaux de transport les moyens de communication: Toutes ces activités qui sont des infrastructures matérielles doivent être envisagées dans le sens où elles sont un bien être de la population et non au service des grandes puissances commerciales et industrielles. Il faudra que nous réfléchissions un jour sur ce qui doit être national et ce qui peut ou doit ne pas l'être.

La défense: Souvent, on entend des gens, au demeurant fort généreux déclarer qu'une armée, c'est coûteux, inutile et voire même dangereux. Qu'ils aient raison dans un futur lointain où les conflits d'intérêt auront disparu, nous pouvons en être convaincus. Cependant, dans l'immédiat, si un état se donnait un gouvernement au service de la population, il est évident que les autres états capitalistes, avec des alibis parfaitement injustifiés, se jetteraient sur les contrevenants avec la dernière violence. C'est du reste un sujet que j'envisage d'évoquer dans un délai assez bref tant il me semble grave. Quoi qu'il en soit, même si elle est vue avec un œil différent, une politique de défense de la population nous semble indispensable et nécessite un ministère.

L'intérieur: Quand on dit ministère de l'intérieur, c'est un raccourci. Cela veut dire de la sécurité intérieure. C'est à dire de la police. Il est évident que c'est une nécessité absolue. Cependant, il est entendu que cette police, il serait pertinent d'en revoir les fonctionnements et les finalités. Une étude particulière en sera faite ultérieurement.

La justice: Il est clair que pour protéger les citoyens, il faut une justice. Nous avons même constaté dans des parties précédentes de cette étude que nous envisageons d'élargir assez considérablement les domaines d'action de cette justice. Je ne suis pas un légiste; mais, il me semble, néanmoins qu'il serait urgent d'en accroître les moyens, tant sur le plan humain que sur le plan matériel, d'une part et d'en dépoussiérer les reflexes de caste d'autre part. Là aussi, une réflexion spécifique s'impose.

Les relations internationales: Il me semble que l'importance de ce ministère ne présente aucune contestation. Cependant, là aussi, il faudrait repenser l'ensemble en remplaçant les préoccupations commerciales et capitalistes par une plus grande cohésion confraternelle entre les populations.

La santé: Là aussi, que serait un gouvernement au service de la population s'il n'apportait pas tous ses efforts à la santé de cette même population?

Voila. Voila comment il me semble qu'un gouvernement au service de la population et non au service du capital devrait être constitué. Et tout le reste n'est que tromperie.

Il va de soi que des adaptations seraient à envisager au fur et à mesure des évènements mais on peut penser que le nombre de ministères, leur appellation et leur finalité ne devrait pas vraiment changer.

On nous annonçait récemment un gouvernement resserré, un gouvernement de combat. Si le resserrement est signe d'efficacité, il me semble que celui que je propose est plus combatif que celui en vigueur. Hé! neuf ministères au lieu de seize! Si ce n'est pas du resserrement, ça, je me demande ce que c'est. Et puis, surtout, il me semble que ce serait plus économique.

Il reste cette fameuse question de la désignation du chef du gouvernement. Nous l'évoquerons dans le prochain et dernier chapitre. 

 

 

 

 

 

COMMENT BATIR UN GOUVERNEMENT

(AU SERVICE DE LA POPULATION)

V/a (commencement de la fin)

 

Revenons à ce problème de désignation du chef du gouvernement. J'y ai pensé et repensé, la solution, dans la situation actuelle, est impossible. C'est un peu comme si un brave homme avait (allez savoir comment) posé son pied droit sur le lacet de son soulier gauche et son pied gauche sur le lacet de son soulier droit. Il ne peut plus soulever ni un pied ni l'autre. La situation est inextricable. Il faudrait qu'il saute à pieds joints et pendant qu'il est en l'air, qu'il écarte les jambes.

Pour désigner un chef d'état, on ne peut pas sauter en l'air en écartant les jambes. C'est plus compliqué que ça. Nous allons donc devoir nous livrer à un exercice de réflexion théorique. Oh, rassurez-vous; ce n'est pas plus compliqué que de sauter à pieds joints en écartant les jambes. Même si le résultat est différent.

Pour pouvoir diriger facilement son gouvernement, il faut que le chef de l'état dispose d'une large représentativité. Comme vous êtes pertinents et que vous avez l'esprit affuté, vous allez me rétorquer qu'en ce moment, ce n'est précisément pas le cas. On peut penser qu'effectivement, un chef d'état qui recueille dix huit pour cent d'opinions favorables et qui, donc, a contre lui quatre vingt deux pour cent de la population, n'est pas très représentatif. Certes, oui, bien sûr! Mais... Non! Erreur! Ce serait vrai s'il était au service de la population. Mais, précisément, il ne l'est pas. Il est au service du système bancaire industriel et commercial international. Et là, croyez-moi, il a une parfaite assise tant son inféodation est totale. Inversement, un chef de gouvernement au service de la population ne peut pas se dispenser d'une large représentativité.

Et c'est là que le bât blesse. Comment obtenir cette large représentativité?

- Bah, M'sieur, il a été élu. Il avait donc une majorité!

- Une majorité? Tu parles! Il y a des gens qui ne sont même pas inscrits sur les listes électorales. Combien? On ne sait pas au juste. On peut l'estimer environ à trente pour cent. Sur les soixante dix pour cent restant, il y a encore trente pour cent d'abstention. Donc, les votes exprimés sont les soixante dix pour cent de soixante dix pour cent de la population. C'est à dire environ quarante neuf pour cent. Là dessus, il obtient juste un peu plus de cinquante pour cent. Donc, au total, il représente à peu près vingt cinq pour cent de la susdite population et c'est ça que tu appelles une large majorité.

- Oui, M'sieur, mais les abstentionnistes et les non inscrits, si ça ne les intéresse pas, ils n'ont rien à dire.

- Détrompez-vous, cher Premier de la classe. Dans cette situation sur quatre habitants, il y en a un qui est franchement pour le chef de l'état, un autre qui est franchement contre et deux qui, à priori ne sont ni pour ni contre. Mais cela veut dire, s'il ne sont pas contre qu'ils ne sont manifestement pas pour non plus. Le président est donc soutenu par un habitant sur quatre. Pardonnez-moi, cher premier de la classe, mais personnellement, ce n'est pas ça que j'appelle une large représentativité.

- Bah oui, M'sieur, mais qu'est-ce que vous voulez y faire?

- C'est précisément là la question.

Reprenons les choses par le commencement. On considère que dans un état, il y a trois pouvoirs différents et indépendants les uns des autres: le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Même si l'on admet que le judiciaire peut se targuer d'une réelle indépendance vis à vis des deux autres, on peut émettre bien des réserves quand à son indépendance réelle. Nous en reparlerons à propos de la justice. Mais, les deux autres sont intimement liés. L'indépendance même criée haut et fort n'est même pas théorique. Il y a toujours une prééminence de l'un sur l'autre. Il s'en suit que nous avons deux types de fonctionnement possibles. Ou bien c'est le législatif qui tient le haut du pavé, dans ce cas, il désigne et démet l'exécutif. C'est un système parlementaire. C'était le cas, en France lors des troisième et quatrième république. Ou bien c'est l'exécutif qui domine. Dans cet autre cas, il a la capacité de dissoudre l'assemblée. C'est un système présidentiel. Dans les deux situations, il n'y a donc pas d'indépendance réelle. L'un est bien toujours inféodé à l'autre et la séparation des pouvoirs est illusoire. Nous y reviendrons un autre jour.

Dans un système parlementaire, nous avons plusieurs cas de figure. Ou bien l'assemblée représente un parti, ou bien elle en représente deux, ou bien elle en représente davantage.

Si elle en représente un seul, c'est le parti unique. Dans ce cas, le chef de l'état désigné par elle est assis sur une large majorité. Même en tenant compte des abstentions et non inscrits, on peut présumer que le chef de l'état a les mains à peu près libre. Cependant, nous sommes dans la situation du parti unique. On peut donc avoir des doutes sur le fait que personne ne manifeste un désaccord quelconque. On peut se demander si le mode de scrutin n'est pas, au minimum, un peu faussé.

Si l'assemblée présente deux partis, c'est le système du bipartisme remarquable en Grande Bretagne et aux Etats Unis. On peut penser que, puisqu'il n'y a que deux partis, l'un est nécessairement majoritaire. Mais c'est faux. Dans ces pays, tout est fait pour se maintenir arbitrairement dans cette situation de bipartisme. Aux Etats Unis, pays de l'argent roi, Pour pouvoir faire acte de candidature, il faut pouvoir profiter d'une assiette financière telle que des petits partis ne peuvent pas exister. En Grande Bretagne, le découpage électoral est construit de telle façon que des partis autres sont noyés tantôt dans un fief travailliste et tantôt dans un fief conservateur. Pourquoi ces deux états s'arcboutent-t-ils tant pour proroger ce système bipartite? Pour une raison simple. En fait, ce bipartisme n'est qu'une illusion. Il laisse croire qu'il y a effectivement une autre politique possible et que les gens ont le choix. Mais, en réalité, ce ne sont que deux clans qui, dans leurs projets, dans leurs programmes, dans leurs espérances sont très comparables. Ce n'est qu'un moyen de museler toute possibilité de perspectives nouvelles et de véritable opposition. Il est à noter que ce système fonctionne aussi bien pour un gouvernement parlementaire (la Grande Bretagne) que pour un gouvernement présidentiel (les Etats unis). Instaurer une forme de bipartisme en France avait été le rêve de François Mitterrand. Les gens de son parti ont même tellement cru que c'était une chose acquise que quelques années plus tard, quand Monsieur Jospin à reçu la gifle électorale que l'on sait, ils n'ont pas compris. Ils ont crié au scandale. Le peuple s'était trompé. Le peuple n'avait pas enregistré, dans sa cervelle obtuse, que l'opposition officielle de sa gracieuse Majesté, c'était eux et pas quelqu'un d'autre. Le bipartisme ne peut que générer un gouvernement non représentatif ce qui est sans importance puisque le gouvernement n'est pas assis sur la population mais sur les hautes sphères financières qui, elles, sont très satisfaites de la situation.

S'il y a plus de deux partis, quel qu'en soit le nombre, la situation devient différente. Et un résultat comparable s'instaure, que l'on soit en système parlementaire ou présidentiel.

Envisageons d'abord le système parlementaire. Sauf cas particulier sur lequel nous serons conduits, plusieurs fois, à revenir, plus il y a de partis, quelles que soient leurs tailles et plus la représentativité est éparpillée. La désignation du chef de gouvernement ne peut être que le fruit de coalitions éphémères, fluctuantes et instables. Selon les flux et reflux des ententes, on va de crises gouvernementales en crises gouvernementales. C'est, du reste, contre cela que le général de Gaulle s'était élevé en créant la cinquième République. Il a, de plus, remplacé la notion de "question de confiance" (favorable à l'opposition) par la notion de "motion de censure" (favorable à la majorité), renforçant ainsi le caractère présidentiel du système. Quoi qu'il en soit, dans un système parlementaire, l'assise du gouvernement ne peut être fiable que si un parti détient une large majorité dans la population; une majorité capable de compenser l'existence des abstentionnistes et des non inscrits. Il faut reconnaître que l'existence de la chose peut sembler peu probable. A la rigueur, on pourrait imaginer une coalition mais il faudrait que ce soit une coalition préalable aux élections législatives. Ainsi, les électeurs prendraient position par rapport à une entente dument organisée et non un vague conglomérat dans lequel les uns n'auraient que l'impression d'être les forces d'appoint pour le triomphe des autres. Cette seconde situation n'aurait pour effet que de rejeter ceux qui se sentent spoliés, ceux qui ont le sentiment d'avoir été trompés dans le camp de l'opposition. En tout état de cause, on constate que dans un système parlementaire, il est très douteux d'obtenir une vraie majorité stable. Sauf, nous l'avons déjà dit dans le cas, peu probable, où un parti pourrait obtenir, à lui tout seul une assise populaire sans ambigüité.

- Donc, un système parlementaire, ce n'est pas souhaitable. Alors, vaut-il mieux envisager un système présidentiel?

- Attendez, Premier de la classe, ne soyez pas impatient, nous allons y venir.

 

  

 

 

 

COMMENT BATIR UN GOUVERNEMENT

(AU SERVICE DE LA POPULATION)

V/b (suite de la fin)

 

 

Dans la situation de type présidentielle, on peut craindre que ce ne soit encore pire.

La première question, est: Quel est le type de scrutin?

Il y a deux cas de figure: Un tour ou deux tours.

Nous sommes habitués, en France, comme si c'était une évidence première et une loi de la nature, à ce qu'il y ait deux tours. C'est la porte ouverte à tous les maquignonnages, les margoulinages, les grenouillages dans un étang glauque, fétide, turbide et sordide. Le pire ennemi de la veille devient (allez savoir pourquoi) le plus indéfectible des amis. On chante les louanges de celui que l'on a conspué et, on se jette avec frénésie dans les bras de celui qui, la veille encore, était un traître, un vendu et le pire des renégats... d'on ne sait pas trop quoi au juste. En outre ce système de scrutin ouvre la porte à ce qu'on appelle le "vote utile". On ne vote pas pour celui dont on partage à peu près les idées mais pour un autre,  que l'on conspue, parce qu'il a plus de chance d'être élu. Ce n'est plus un scrutin, c'est le tiercé. On ne vote plus pour Bébert, mais contre Mimile. En fait, ce système à deux tours à pour mission de tout ramener à la situation de bipartisme évoqué précédemment. Vous avez le droit de vote, mais, strictement à condition de voter pour deux ou trois candidats pré désignés dont vous ne voulez ni des uns ni des autres. C'est beau la démocratie, quand c'est bien fait!

Quand il n'y a qu'un seul tour, ce n'est pas mieux. Aux Etats Unis, avec un type de scrutin au second degré qui vaut ce qu'il vaut, il n'y a bien qu'un seul tour mais on en arrive quand même à une représentativité qui est égale à moins d'un quart de la population.

Redisons-le. Tant qu'il s'agit de représenter le système en place, celui de la haute finance mondiale, c'est sans gravité. Mais, si le gouvernement changeait de camp, s'il devenait un gouvernement au service de la population, cette même haute finance aurait beau jeu d'instrumentaliser tous les indifférents. De parfaitement indifférents, ils passeraient dans le camp de l'opposition et il deviendrait aisé à cette haute finance de reprendre le pouvoir par la force. L'exemple le plus remarquable est celui du Chili. Salvador Allende est élu très légalement en 1970. Cependant, comme c'est un suffrage à un seul tour, il n'est élu que par une majorité relative et ne représente guère plus d'un tiers des suffrages. Il sera, dès lors, facile aux groupes conservateurs d'organiser des mouvements sociaux conduisant en 1973 à un coup d'état militaire lui même soutenu par les puissances financières mondiales grâce à la CIA des Etats unis. La leçon que l'on peut en tirer est que si un état se donnait un gouvernement au service de la population, les puissances d'argent n'hésiteraient pas à fomenter une contre révolution par le truchement de leur plus gros atout que sont les Etats Unis d'Amérique.

Il importe donc qu'un gouvernement au service de la population soit assis dans cette population sur une très confortable majorité.

En effet, autant il est aisé d'organiser des troubles contre un gouvernement très peu représentatif, autant cela devient largement plus compliqué si ce même gouvernement tire sa légitimité d'une très large frange de la population. Dans ce dernier cas, il devient difficile à des coalitions étrangères de justifier leur intervention au nom d'on ne sait trop quel secours à des populations opprimées.

Nous reparlerons de cette situation en évoquant les notions de contre-révolution et de défense nationale.

- Bah vous voyez, M'sieur. Vous le dites vous même, il n'y a pas de solution. Quel que soit le mode de scrutin utilisé, on n'en arrive qu'à une vague représentation de clan. C'est donc sans issue. Et nous resterons toujours les serfs d'un gouvernement qui nous dirige contre notre gré.

- Oui, on peut dire ça. Mais dans le même temps, ce même gouvernement qui nous dirige contre notre gré ne peut exister que parce que nous le voulons bien. Ceci est donc, quand même, une situation paradoxale.

- Dans un premier temps, pour lutter contre le désintérêt de la population, il faudrait peut-être instaurer l'obligation du vote. Ça se fait dans de nombreux pays.

- Vous avez apparemment raison, Premier de la classe.

- Pourquoi apparemment, M'sieur?

- Parce que si les gens ont l'obligation de voter, cela n'entraîne pas qu'ils ne mettrons pas un bulletin vide dans l'urne. Certes, on augmentera le nombre de votants mais pas forcément le nombre d'exprimés.

- Alors, la situation est inextricable. Ou plutôt, il n'y a même pas de solution.

- Imaginons la chose dans l'autre sens.

- Dans l'autre sens? allons bon! comment ça, dans l'autre sens?

- Imaginons un gouvernement sortant. S'il a terriblement déçu la population, il est peu probable qu'il soit reconduit dans ses fonctions.

- Jusque là, ça va.

- Si au contraire, grâce à ses actions, il a généré un enthousiasme profond dans la population, il est vraisemblable qu'il sera réélu et avec une assise majorée. Les indécis et les peu convaincus de la fois précédente seront tentés de se rallier à cette politique qui leur est tellement favorable. Ils n'auraient aucun désir de revenir à une situation antérieure dont il gardent en souvenir les injustices et les spoliations.

- Ceci semble un peu spécieux, mais je veux bien, pour la réflexion d'école vous suivre sur ce terrain.

- Je sais. L'hypothèse est un peu curieuse.

- C'est le moins que l'on puisse dire, M'sieur. Vous êtes en train de nous expliquer qu'un parti de la population pourrait être élu une deuxième fois mais pas une première. Vous savez à quel point je ne cherche pas à vous mettre en difficulté, mais pour autant que je sache, pour qu'il y ait une deuxième, encore faut-il qu'il y ait eu, préalablement une première. Et disant cela, je ne voudrais pas que vous me taxiez de mauvais esprit.

- Oui, Premier d'la classe. Vous avez parfaitement raison et je me range à votre avis. Cependant, vous m'accordez que, si la population est satisfaite de son gouvernement, elle n'a aucune raison de vouloir en changer.

- Je vous l'accorde.

- Il faudrait donc, et il suffirait, que le parti de la population se mette en situation de deuxième fois lors d'une première fois.

- Je ne suis pas caustique, M'sieur, mais vous avez réellement une brouille profonde avec la mathématique.

- Avec la mathématique, sans doute. Mais avec la société humaine, pas tant que ça.

- Oui, et dans la pratique, vous voyez ça comment, vous?

- Dans la pratique, oui, bien sûr! Comment pouvons-nous voir ça? Reprenons les choses au début.

- Donc à la deuxième fois.

- Non, au début. Le vrai; le commencement.

- Allons bon. La première fois, alors?

- Voila. Donc, vous m'accordez que si une situation engendre une vaste vague d'espérance, de chaleur et d'exaltation pour un parti, celui-ci présente de grandes chances d'être élu avec une large majorité.

- Evidemment! Mais je ne vois pas en quoi ce que vous dites là n'est pas une banalité.

- Alors, il faut, et il suffit qu'un parti au service de la population sache initier cet élan avec une propagande adaptée. Il faut qu'il fasse campagne et qu'il répande ses intentions. Il faut que chacun connaisse les enjeux et sache combien sa décision est importante.

- Bien sûr, M'sieur. Mais sans vouloir vous froisser, c'est déjà ce que font tous les partis dans leur course au pouvoir.

- Effectivement, Premier de la classe. Mais la nuance, c'est qu'un parti au service de la population aurait autre chose à annoncer.

- Et vous y croyez, vous-même, M'sieur, à ce que vous dites?

          - Naturellement. Et c'est même d'une grande évidence. Les partis qui se chamaillent le pouvoir ont en commun le fait qu'ils sont tous des zélateurs et des prosélytes du système économique, sociologique et politique du capitalisme libéral. Il est, pour eux, hors de question d'y apporter la moindre modification de fond. Dans le même temps, ils savent très bien que les populations aspirent à un renouveau, à une mutation qualitative. Ils le savent mais il ne peuvent, et ne veulent pas le faire. Ils sont dans une situation de contradiction interne qui a depuis longtemps atteint une forme paroxystique. Du coup, leur propagande se borne à vilipender leurs adversaires en les traitant tantôt d'escrocs et tantôt d'illuminés ou 

d'incapables. Parfois, la main sur le cœur, ils proclament, inversement, leur qualité et leur grandeur d'âme. Ils vont jusqu'à laisser entendre des choses qu'ils se gardent bien de verbaliser clairement afin de ne pas se voir reprocher ensuite le non respect de leurs promesses. Ils restent dans le flou, le brumeux, le baveux et l'indéterminé pour ne pas avoir à s'engager franchement sur le chemin de réformes qu'ils honnissent.

Inversement, un parti au service de la population pourrait, sans la moindre gène, énoncer dans tous les détails les novations qualitatives qu'il envisage. Il se ferait un devoir et un plaisir d'exposer comment il entend apporter des changements fondamentaux dans la pratique des divers ministère présentés dans un chapitre précédent.

- Oui, M'sieur, et vous diriez quoi sur ces ministères?

- Oh! Ce n'est pas compliqué. Vous allez voir! Nous ne prendrons que quelques exemples.

 

COMMENT BATIR UN GOUVERNEMENT

(AU SERVICE DE LA POPULATION)

V/c (fin de la fin)

 

Vous vouliez des exemples, cher premier de la classe? Et bien, en voici des exemples. On pourrait dire, par exemple: Si vous voulez que le budget de l'état serve à enrichir les plus gros actionnaires des firmes internationales au détriment des petites gens et des couches moyennes pour qui les impôts sont toujours plus lourds et plus nombreux alors que les milliardaires, eux, n'en paient pas, vous pouvez voter pour n'importe quel parti traditionnel. Ils l'ont toujours fait et ils continuerons de le faire. Si au contraire vous souhaitez que votre contribution à la richesse de la nation serve à créer des crèches, des écoles, des hôpitaux, des stades ou toutes sortes de services dont vous avez besoin, alors, votez pour nous. C'est précisément cela que nous avons l'intention de faire.

On pourrait dire aussi: Si vous voulez que vos cotisations de santé servent à enrichir encore et encore de grandes compagnies pharmaceutiques, vous pouvez voter pour n'importe quel parti traditionnel. Ils l'ont toujours fait et ils continuerons de le faire. Si au contraire vous souhaitez que votre contribution serve à améliorer la prise en charge de votre santé, alors, votez pour nous. C'est précisément cela que nous avons l'intention de faire.

Egalement, on pourrait dire: Si vous voulez que l'école continue de se dégrader en formant des citoyens de plus en plus asservis à la finance mondiale en ne devenant que des exécutants sans aucune réflexion face à la puissance écrasante qui les exploite, vous pouvez voter pour n'importe quel parti traditionnel. Ils l'ont toujours fait et ils continuerons de le faire. Si au contraire vous préfèreriez que vos enfants deviennent des individus libres et éveillés jouissant harmonieusement des merveilles de la planète, alors, votez pour nous. C'est précisément cela que nous avons l'intention de faire.

Et puis, tenez, cher premier de la classe, encore un exemple parmi tant d'autres, vous pourriez dire aussi: Si, pour vous, l'équipement du territoire n'a pour mission que de faire cadeau aux entreprises monopolistes d'infrastructures somptueuses leur permettant d'accroître leurs dividendes au mépris de la désertification des régions peu développées si pour vous, la création de chantiers pharaonique décèle pour autre mission d'enrichir des marchand de béton, vous pouvez voter pour n'importe quel parti traditionnel. Ils l'ont toujours fait et ils continuerons de le faire. Si au contraire vous souhaitez que votre contribution serve à améliorer la desserte des villages, des villes moyennes ou des quartiers oubliés et sacrifiés, alors, votez pour nous. C'est précisément cela que nous avons l'intention de faire.

Dans tous les domaines, le même discours pourrait être tenu.

Les partis traditionnels n'ayant rien de nouveau à promettre sous le soleil ne peuvent pas déclarer leurs intentions qui dans le meilleur des cas se bornent à ne rien faire, mais le plus souvent, pour améliorer leurs intentions profondes ne peuvent être que l'aggravation de la situation existante.

En revanche, un parti au service de la population, vu qu'il envisage de tout remettre dans le bon sens, a tout à dire. Dans tous les aspects de la société il doit expliquer pourquoi et comment il escompte rendre à l'organisation humaine sa justice, son intégrité et sa générosité.

Pour les partis traditionnels, moins ils parlent, moins ils risquent d'être accusés de promesses mensongères. Pour un parti au service de la population, plus il donne de détails et plus il devient crédible.

Un parti traditionnel ne peut rien dire. Un parti au service de la population doit tout dire.

- Oui, bien sûr, M'sieur. Mais là, vous vous échauffez et votre enthousiasme passionnel vous entraîne dans des élans lyriques peu compatibles avec la sagesse que vous désirez promouvoir.

- C'est vrai que je m'emporte. Mais, avouez qu'une telle organisation de la société humaine a de quoi réchauffer le cœur! Et puis, je n'ai pas l'impression de déclarer des choses irréalistes ou utopiques. N'est ce pas là qu'une bonne grosse intention du bon sens le plus élémentaire.

- Oui, mais dans tout ça, vous ne nous avez toujours pas dit comment on devrait désigner un chef de gouvernement.

- Très juste, Premier de la classe. J'aime votre capacité à revenir à la question de base, à ne pas vous laisser entraîner dans les méandres de la conversation.

De tout ce que nous avons dit, il me semble que nous devons retenir quelques notions fondamentales.

D'abord, il faut désigner un chef de gouvernement et pas deux. Il n'est que de constater que les Etats Unis d'Amérique n'en ont qu'un et ne se portent pas plus mal.

Ensuite, il est entendu que le chef de gouvernement doit être largement majoritaire dans le pays. Redisons-le: pas seulement vaguement majoritaire parmi les votes exprimés. Non: dans l'ensemble de la population. Un parti au service de la population devrait avoir la sagesse de refuser le pouvoir si ce n'est pas le cas. Un parti au service de la population ne peut diriger un gouvernement que s'il représente réellement la population et non pas une vague partie minoritaire de cette population.

Et surtout, un chef de gouvernement doit avoir, en permanence, présent à l'esprit qu'il n'est pas là pour diriger la population, mais pour diriger les affaires de la nation au nom de la population. Celui qui commande, ce n'est pas le chef du gouvernement, c'est la population. A chaque fois qu'une décision est difficile à prendre, il doit s'en remettre au choix de la population.

C'est de cette façon que l'on pourrait réaliser l'intention qui était exprimée dans la chanson qui disait "Le peuple souverain s'avance".


- Oui, M'sieur, mais vous ne nous avez toujours pas dit comment on le désigne ce grave personnage.

- Comment on le désigne... comment on le désigne...Dans le fond, je n'en sais rien. Ou plus exactement, je pense que cela n'a pas une grande importance. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il suffirait de mettre des noms dans un chapeau et d'en tirer un au hasard, mais presque.

- Là, vous exagérez! vous donnez dans la provocation.

- Un peu, oui, je le reconnais. Mais pas trop. Pour qu'il y ait réellement séparation des pouvoirs, puisqu'il est le représentant de la population, il doit être nommé par elle; mais il doit pouvoir être démis par elle en toutes circonstances et à tout moment. Le chef de l'exécutif ne doit pas être responsable devant le législatif, mais devant la population. Il n'est donc plus question ni de motion de censure ni de question de confiance. Réciproquement, le chef du gouvernement ne doit pas pouvoir s'ingérer dans les décisions du législatif. Il ne peut pas dissoudre l'assemblée des représentants de la population.

- Hou! Là! M'sieur! N'êtes vous pas un peu excessif, là? Un peu extrémiste?

- Un peu? Non. Beaucoup? Oui. Mais pas plus que quand je parle d'un tirage dans un chapeau. Tout élu de la population, depuis le plus petit conseiller municipal jusqu'au chef de l'état, Doit être responsable devant la population. S'il déçoit la population, il doit pouvoir être révoqué par elle immédiatement.

- Ça, c'est une noble intention. Mais je ne vois pas comment, dans la pratique, cela peut être réalisable.

- Si un élu, ou un ministre (nous avons vu souvent des ministres qui n'étaient pas choisi dans le corps des élus) ne reçoit plus l'aval de la population, celle-ci peut lancer une pétition réclamant sa destitution. Lorsqu'un quorum (à définir) est atteint, alors, une élection partielle est lancée. S'il s'agit d'un ministre, un référendum est provoqué.

- Oh! M'sieur! Un démocrate épris de liberté comme vous, vous omettez une petite chose. Un scrutin, par essence doit être secret. Or, dans une pétition, pour que la chose soit crédible et pour éviter les doubles signatures, pour qu'une vérification soit possible, le signataire doit spécifier son nom et son adresse. Le secret du scrutin est donc bafoué.

- Je sais et j'y avais pensé. Jusqu'à un passé récent, vous aviez raison. Mais de nos jours, avec la généralisation de l'internet, je présume qu'avec un simple codage, il devrait être aisé de surpasser ce problème.

- Bon, admettons que ce problème soit résolu. Cela ne dit toujours pas comment on désigne le chef de l'exécutif.

L'exécutif: Ce terme est très juste. C'est un exécutant. Ce n'est pas un succédané de monarque de droit divin, ce n'est pas un guru à qui l'on doit obéir aveuglément, avec une servilité totale, ce n'est pas celui qui donne des ordres à la nation, c'est celui qui les reçoit de la population et les applique au nom de cette même population.

- Il ne va pas nous le dire, hein, comment on le désigne ce brave homme.

- Il est élu par la population lors d'un scrutin à un seul tour. S'il ne représente pas une large majorité dans la population, il doit démissionner séance tenante. Mais s'il est largement représentatif, il peut alors commencer immédiatement son rôle de porte parole de la population.

Et là, des choses, réellement nouvelles, pourraient réellement commencer.

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