LA RICHESSE

 

J'avais d'abord pensé à un autre titre. Je voulais appeler ça "L'argent". Et puis, je me suis dit que c'était une mauvaise idée parce que, oui, bien sûr! L'argent, tout le monde sait ce que c'est. Mais le terme est ambigu. Au départ, l'argent, c'est un élément chimique de la série des métaux de transition. Son numéro atomique est 47, son symbole Ag et sa masse atomique 108. Voila. L'argent, c'est ça.

 

Oh, bien sûr! Il y a des quantités de mots pour désigner cette chose que nous appelons, entre autres, l'argent. Mais justement et c'est là le problème, tous ces mots on une signification trouble et ambigüe parce que précisément, ils ont souvent un sens double. La monnaie: c'est le vrai mot mais quand nous l'utilisons, nous pensons surtout à la petite monnaie, c'est à dire les pièces. Le mot numéraire serait un vrai mot, mais il n'est plus utilisé dans la vie courante. On pourrait dire aussi les espèces. Il est à noter qu'au Cameroun on dit couramment avant de partir faire des achats: attends, il faut que je prenne des espèces. Mais en France, ça ne se dit plus. En revanche, nombre de mots argotiques sont parfaitement clairs et sans ambiguïté. Du fric, ou, du pognon voire de façon métaphorique du blé ou de l'oseille c'est parfaitement clair pour tout le monde.

Il y a un cas très particulièrement remarquable c'est que nous utilisons en permanence le nom d'une monnaie qui a disparu depuis trois quarts de siècle: les sous. "Tu as encore des sous?", "J'ai plus d'sous", etc. J'ai eu une grand mère qui comptait en sous. Elle ne disait jamais une pièce de deux francs, mais une pièce de quarante sous. Et elle gardait précieusement des pièces marquées en sous. C'étaient des pièces trouées (ce qui permettait de les enfiler sur un cordon pour ne pas les perdre). Contre tout bon sens, elle devait espérer que leur cours serait un jour ressuscité. Nous ne disons pas des francs ou des euros, non, nous disons des sous. Le sous étant le vingtième des anciens francs (ceux d'avant 1958).

Et puis, nous disons aussi de l'argent. Pourtant, il y a fort longtemps qu'il n'y a plus de métal argent dans tout ça.

Il y en a eu. Mais il y a longtemps.

L'idée théorique de départ était que les pièces de monnaie devaient contenir, dans l'alliage, le poids de métal précieux correspondant à la valeur nominale de la pièce... Tu parles!

Au moyen âge déjà, les rois trichaient sur la masse de métal précieux dans leurs pièces. On relate l'un d'entre eux et pas des moindres (je crois de mémoire que c'est Philippe IV le Bel) qui, étant dans une situation économique calamiteuse, selon les années faisait frapper des pièces plus ou moins fausses et quand les gens s'en apercevaient et refusaient sa monnaie se dépêchait d'en refaire des vraies, juste pour redonner un peu de confiance et quand celle-ci était rétablie, en profitait pour écouler ses fausses.

Il y a eu, bien sûr, des pièces contenant de l'or.

 

Quand la monnaie papier est apparue, la notion de poids de métal précieux à disparu.

Il y a eu une tentative de réhabilitation avec le franc germinal appelé aussi franc or mais cela a été sans lendemain et nous reparlerons plus loin du franc germinal.

Quoi qu'il en soit, ce que nous avons dans notre poche, c'est de l'argent ou des sous même si cela est représenté par du papier, des chèques ou une carte de crédit.

C'est quand j'en suis arrivé là de ma spéculation intellectuelle que je me suis rendu compte que mon titre était mauvais. En effet, ce n'était pas de cela que je voulais parler mais de la richesse. Par une confusion métonymique, j'avais amalgamé abusivement et maladroitement l'idée de richesse avec sa matérialisation en numéraire.

Nous avons précédemment évoqué le mot d'espèce. On disait autrefois, avant l'usage des billets papier, espèce sonnante et trébuchante. Ayant un bruit de ferraille, quoi.

Dans la suite de cette réflexion, pour parler d'espèce, je dirai souvent de l'argent ou des sous, voire autre chose selon ma fantaisie ou mon inspiration.

Par opposition aux espèces, il y avait la notion de nature. On pouvait payer en espèce ou en nature. Un paysan, pour acheter des chaussures, pouvait, faute de mieux, proposer de fournir des fromages ou du bois de chauffage.

C'est là que le vrai problème intervient.

De quoi la richesse de l'individu est-elle faite?

 

Il n'y a que deux solutions. Un individu ne peut être riche qu'en espèce ou en nature; éventuellement, partiellement un mélange des deux mais contrairement à ce qu'on pourrait imaginer c'est très peu fréquent.

Il y a une chose cocasse, c'est que quand on se demande: qui est riche de quoi? la répartition est à peu près rigoureusement le contraire de ce à quoi on pourrait s'attendre. En effet, nous avons l'image de l'homme richissime qui possède des coffres forts remplis de billets et de pièces. Vous savez, l'oncle Picsou cher à Walt Disney…

La première réaction serait donc de se dire : "Les riches, ils sont plein d'pognon et les pauvres, ils n'ont pas d'sous". Ouais. Sauf que c'est le contraire. Supposons un très grand industriel. Le numéro un mondial de la moutarde par exemple. De quoi est-il riche? De moutarde. Et comment rémunère-t-il ses salariés? Pas avec de la moutarde, non, avec de l'argent. Le premier pour avoir de l'argent doit vendre sa moutarde et les autres pour avoir de la moutarde doivent dépenser leur argent.

Donc, je ne dis pas que des bêtises.

Le premier peut-il modifier le prix de vente de la moutarde? Oui. Et les autres peuvent-ils modifier leur salaire? Non.

Ah! Ce n'est pas juste, ça.

Le fabricant de moutarde, pour arrondir un peu ses fins de mois va imaginer d'augmenter ses tarif (heu, de moutarde, hein, pas de salaire!). De cette façon, avec la même quantité de moutarde, il aura plus d'argent. Il augmente très peu, juste pour que ce soit admissible. Ce qui fait que les acheteurs devront faire un petit effort. Mais, ces acheteurs de moutarde n'ayant pas plus d'argent qu'avant, devront se restreindre sur autre chose : les chaussettes, par exemple. Du coup, les fabricants de chaussette, pour ne pas trop perdre, vont aussi augmenter le prix de leur production. Ils vendront moins de chaussettes, mais plus cher.

 

Les prix augmentent, mais pas les salaires. La valeur des natures augmente, mais pas les salaires en espèce. C'est l'inflation.

Il s'en suit la dialectique suivante : avec la même quantité de nature, on a plus d'espèce mais dans le même temps, avec la même quantité d'espèce, on a moins de nature. Cela veut dire que, puisqu'il faut plus d'argent pour avoir la même quantité de moutarde, la moutarde étant toujours la même moutarde, l'argent a perdu de sa valeur. Il faut plus d'argent pour avoir autant de moutarde. Ou, dit dans l'autre sens, avec autant d'argent, on a moins de moutarde.

Si on rapproche cette constatation de ce que nous remarquions il y a un instant, les possesseurs des grandes firmes internationales qui sont riches en nature s'enrichissent et dans le même temps, les salariés qui sont riches en espèce, s'appauvrissent. On dit la même chose autrement. On dit que le pouvoir d'achat diminue. Celui des pauvres, hein, pas celui des propriétaires des grandes multinationales ! Eux, c'est le contraire. Ils s'enrichissent.

 

Précédemment, nous évoquions le franc germinal. Il est créé en 1803. Il a donc fonctionné à peu près deux siècles. Pour avoir une petite idée de la dévalorisation de l'argent, en tenant compte du passage au nouveau franc puis à l'euro, en combinant la hausse permanente des prix combinée avec les dévaluations officielles, le nombre est tellement ahurissant qu'il est à peine crédible. Le rapport est, grossièrement de un pour deux mille. Revenons à notre moutarde. Avec la somme d'argent qui est nécessaire, aujourd'hui, pour acheter un pot de moutarde, si l'argent avait gardé une valeur constante, en 1803, nous aurions pu en avoir deux mille. Je sais que dans le même temps, les salaires ont aussi évolué mais, bien sûr pas dans le même taux. 

Pour faire plus simple, voici un autre exemple, peut être plus explicite qui s'étale sur un peu moins de quarante ans. Un patron de bistrot m’a raconté qu’en 1978, le SMIC était de 2700 Francs net par mois, et que le demi de bière était à 2,70 Francs. C’est-à-dire qu’avec un SMIC, on pouvait se payer 1000 demis de bière pression. Aujourd’hui (en 2013), le SMIC est environ à 1130 Euros net et le demi de bière pression à 2,50 Euros. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, avec un SMIC, on ne peut plus se payer qu’environ 450 demis !

Pour avoir le même niveau de vie aujourd’hui qu’en 1978, il faudrait un SMIC net mensuel de 2500 Euros.

Vous voyez qu'une nouvelle fois, je ne dis pas que des bêtises.

Donc, résumons quelques points établis.

1- Les riches sont riches en nature et les pauvres en argent.

2- L'inflation est décidée par les riches au détriment des pauvres

3- L'inflation enrichit les riches et appauvrit les pauvres.

Avant d'aller plus loin, il faut évacuer la situation particulière des petits agriculteurs, des artisans, des professions libérales et des petites entreprises. Un agriculteur est riche en pommes de terre, un kinésithérapeute en kinésithérapie et un carreleur en carrelage. Ils vendent leur richesse en nature pour la convertir en argent. Ils sont donc riches en nature. Certes. Oui, mais non. Un agriculteur ne vend que très rarement au consommateur mais à des firmes qui leur imposent des tarifs drastiquement bas. Les producteurs de lait ne peuvent pas décider du prix auquel ils vendront leur lait. Ce prix leur est imposé par de grandes multinationales qui sont en situation de monopole. Cela reviendrait à considérer que les producteurs de lait ne sont pas réellement indépendants, mais ne sont, en fait, que des salariés de ces grandes multinationales. Les artisans et petits entrepreneurs subissent l'inflation dans le prix de leurs fournitures qui est telle qu'ils ne peuvent pas réellement imposer la leur.

La question qui, maintenant se pose, c'est : cette situation est-elle une loi de la nature contre laquelle on ne peut rien ?

 

A priori, nous n'en savons rien... Mais, ayons comme un doute.

D'abord, il faut bien constater qu'à une époque ancienne, les échanges se faisaient surtout en nature (échanges de produit ou de service : tu me donnes de la farine et je coupe ton bois). Dans cette situation, il ne peut pas y avoir d'inflation. Donc, si l'inflation n'a pas toujours existé, cela veut dire qu'elle n'est pas vieille comme le monde. Si à un moment, elle n'existait pas et qu'elle a eu un commencement, cela veut dire qu’elle n’est pas de toute éternité. Donc il n'y a pas de raison pour qu'elle n'ait pas aussi une fin.

Il est de bon ton de dire, de laisser dire et de répéter : "Bah, mon pov' Monsieur c'est comme ça et qu'est-ce que vous vous voulez y faire". Ce à quoi des esprits fort proclament qu'il faudrait supprimer l'argent. Sage proposition ! Mais on peut penser que c'est une erreur. Ce n'est pas l'argent qu'il faut supprimer, c'est l'inflation.

Peut-on supprimer l'inflation ?

Là est la vraie et la seule question.

Avouons-le, nous n'en savons rien.

Cependant, nous avons vu que l'inflation est causée par le fait qu'il y a des individus riches en argent et d'autres riches en nature. Il se trouve que les plus puissants sont ceux qui sont riches en nature. Du coup, ils peuvent imposer aux autres leur système de fonctionnement. L'inflation n'est qu'un enchaînement mécanique de cette situation. Si c'est un enchaînement naturel, nous n'y pouvons rien. Ce serait donc bien une loi de l a nature.

Peut-on interdire l'inflation ? (Tous les tarifs seraient fixés une bonne fois pour toute). Certains ont essayé. Cela s'est très mal passé. En 1793, les "Montagnards" avaient tenté d'instituer un maximum de tous les prix. Mais, comme cela englobait naturellement les salaires, le long du parcours qui conduisait Robespierre et ses amis à la guillotine, certains s'écriaient : "A bas le maximum". Et puis c'est idiot parce que ça ne tiendrait pas compte de l'évolution des choses. De plus, et là, c'est mon avis personnel, cela mutile gravement la notion de liberté individuelle. Un maraicher qui voudrait vendre son kilo de navets mille euros n’aurait, certes pas beaucoup de clients, mais je ne vois vraiment pas pourquoi il n’en aurait pas le droit.

En conséquence, on peut penser que rien ne peut endiguer l'inflation et ce serait bien une loi de la nature.

 

Oui, mais non. Il est entendu que c'est une loi de la nature parce que nous vivons dans un système de stricte capitalisme libéral et que dans ce type de fonctionnement, le but premier étant de dégager des dividendes, il est clair que l'inflation étant une source fondamentale d'enrichissement, il serait, alors, absurde de lutter contre.

Alors, la question se pose : Pourrions imaginer un système autre dans lequel ce ne serait plus une loi de la nature, ou, tout au moins, un système tel qu'une autre loi de la nature viendrait contrebalancer la première ?

Disons-le clairement avant de commencer, nous ne pouvons pas avoir la certitude que notre organisation fonctionne réellement ou bien que les buts ultimes, qu'elle se propose d'obtenir, puissent n'être que très partiels.

Essayons quand même.

Nous n'oublions pas que des tentatives d'entreprises cogérées ou autogérées se sont soldées par des fiasco pitoyables. Ceci est normal.

C'est normal pour deux raisons qui se complètent l'une l'autre.

La première, c'est le fait que les entreprises capitalistes dont la mission est de servir des dividendes à leurs actionnaires voient d'un très mauvais œil des organisations dont la finalité échappe totalement à leur contrôle. Pour elles, il est entendu que c'est un très mauvais exemple puisqu'il tendrait à prouver qu'une entreprise non capitaliste peut fonctionner. Il est donc entendu qu'il faut dresser contre les coopératives tous les obstacles possibles afin de les torpiller. D’autre part, ces entreprises non capitalistes, ne produisant pas de dividendes à des actionnaires, représentent pour ces mêmes actionnaires une perte sèche importante et donc intolérable. L'alibi utilisé est simple. On décrète et on fait le nécessaire pour accréditer l’idée que cette entreprise n'est pas viable et cela entraîne deux conséquences. Premièrement: ils ne pourront pas faire face à leurs factures donc on refuse de leur vendre des fournitures et, deuxièmement, ce produit ne sera pas suivi donc, on refuse d'acheter leurs productions. Dans ces conditions, n'ayant ni fournitures ni débouchés, comment voulez-vous que cela fonctionne.

 

La seconde est un peu un corolaire de la première. Les gouvernements qui sont à la solde des grandes puissances financières et industrielles se gardent bien de secourir les tentatives coopératives et se font même un malin plaisir à les persécuter de toutes sortes de tracasseries administratives et fiscales. 

Lorsqu’on parle de coopératives, il nous vient souvent à l’esprit l’image des coopératives agricoles ou laitières déjà évoquées. C’est un mauvais exemple. L’appellation de coopérative est dans ce cas strictement usurpé. C’est tout ce qu’on veut sauf une coopérative. Leur entreprise ne leur appartient pas. Ce n’est qu’un service extérieur d’une multinationale. Les pseudo-coopérateurs n’ont le choix ni de leurs produits, ni de leurs prix, ni de leurs clients. Ce ne sont qu’une forme de salariés qui travaillent à domicile et à qui incombent tous les frais de l’entretien et du renouvellement du matériel. Ils n’ont qu’un seul client qui est une grande multinationale de l’agro-alimentaire et qui impose sa loi.

Il est clair que, dans ces conditions, une réelle entreprise coopérative isolée est vouée à l'étouffement à court terme. Du coup, cela sert à prouver que ce n'est pas possible et que seul le capitalisme libéral a un sens.

Pourrait-on remédier à cela ?

Oui, bien sûr! Il faudrait, et il suffirait que premièrement ces entreprises coopératives soient suffisamment nombreuses pour ne plus être strictement soumises au dictat des autres et que, deuxièmement, le gouvernement en place, au lieu d'être un outil des systèmes financiers capitalistes, soit au service de la population et qu'au lieu de s'ingénier à couler les coopératives, sans même parler de favoritisme, les soutienne sérieusement en interdisant les discriminations diverses dont elles sont l'objet et, éventuellement, sans fausser artificiellement le jeu de la libre concurrence, leur accorde une certaine préférence. Ceci ne serait, du reste pas absurde puisque les entreprises coopératives n’ayant pas d’actionnaires à engraisser pourraient proposer des prix de vente plus bas.

On pourrait penser que nous nous éloignons du sujet. Il n'en est rien. IL ne s'agit pas d'interdire les entreprises capitalistes mais de leur opposer un autre système de fonctionnement.

 

En admettant que cette situation soit acquise, quelles en seraient les conséquences?

Elles seraient grossièrement au nombre de quatre.

La première est fondamentale puisqu'elle conditionne les trois autres. Souvenons-nous du fonctionnement primordial d'une entreprise capitaliste. Sa destination consiste à servir des dividendes les plus élevés possibles à ses actionnaires. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que les bénéfices sont distribués aux actionnaires au prorata du nombre d'action que chacun détient. Il y a donc une notion de bénéfice. Ah bon? Le bénéfice? Qu'est ce que c'est que ça, le bénéfice? Autrefois, à l'école élémentaire, nous apprenions que le bénéfice, c'est ce qui reste lorsqu'au prix de vente, on soustrait le prix de revient. Il est entendu que le prix de revient, c'est la somme des prix d'achat et des frais. Dans les frais, qu’il faut minorer au mieux, il y a les salaires des employés. Dans une entreprise coopérative, au contraire, il n’y a pas d’actionnaires et les bénéfices sont utilisés autrement. La première idée va consister à augmenter les salaires. Il s’en suit que les salariés, mieux rémunérés vivront plus confortablement et de ce fait auront la possibilité de consommer davantage ce qui aura pour effet de relancer la machine économique.

Dans un deuxième temps, les coopérateurs pourront envisager, pour améliorer leur technicité, d’investir dans l’entreprise. Cela implique qu’à travail égal, ils pourront, dans de meilleures conditions, produire plus et de meilleure qualité. Dans les deux cas, cela entraîne une augmentation du chiffre d’affaire et donc un bénéfice accru. Au passage, le seul fait qu’une entreprise puisse investir dans des modernisations diverses implique qu’elle augmente les carnets de commande de ceux qui fournissent ces améliorations ce qui va vers une croissance économique.

Dans un troisième temps, si leur salaire leur convient, les salariés risquent de préférer travailler moins, d’utiliser leur surcroit de bénéfice pour diminuer leurs horaires et, éventuellement embaucher plus de personnel. Cela aurait pour conséquence directe de diminuer le chômage. Nous pouvons noter, au passage que les employés, au lieu de recevoir un salaire fixe minimal auraient des revenus en fonction des résultats de l’entreprise. Il s’en suivrait que la pugnacité au travail serait améliorée et, ceux qui auraient tendance à se reposer sur leurs collègues seraient vite repérés et rappelés à l’ordre par ces mêmes collègues. La productivité s’en trouverait aussi améliorée.

 

Nous en arrivons à la quatrième conséquence qui est celle que nous espérons. Il est clair que cette conséquence n’est pas du tout certaine et, tout au moins, risque d’être plus longue à se produire. Nous sommes dans la situation suivante : les salaires, les conditions et les durées de travail sont satisfaisants. Pour des raisons de concurrence et afin de mieux remplir leur carnet de commande, les coopérateurs peuvent décider de diminuer leurs tarifs de vente. Si cette disposition se généralise, nous sommes maintenant dans une disposition déflationniste. C’est-à-dire le contraire de l’inflation. C’est précisément ce que nous cherchions.

Les gouvernements à la solde des grandes puissances financières qui nous dirigent brandissent la déflation comme le pire des horreurs qui puisse nous accabler. C’est normal. C’est normal parce que les susdits gouvernements ne sont que des laquais au services des susdites puissances industrielles. Nous avons vu, précédemment que les riches en nature s’enrichissent par l’inflation pendant que les riches en argent s’appauvrissent. Inversement, la déflation appauvrit les riches en nature et enrichit les riches en espèce. Au passage, il est bon de rappeler que les mots inflation et déflation ont un sens qui est le contraire de ce que l’on croit comprendre. L’inflation enfle les prix et diminue la valeur de l’argent tandis que la déflation, à l’opposé, l’augmente. Nous pouvons remarquer au passage que le sens même des mots va à l’encontre de ce que l’on pense. Dans le mot inflation, obscurément, nous avons une notion d’augmentation et dans le mot déflation un sentiment de diminution, de dégradation et d’appauvrissement. Ceci est très vrai pour ceux qui sont riches en nature mais on instille l’idée que c’est vrai aussi pour les autres ce qui est parfaitement mensonger. On cherche à faire croire, et on y parvient, que les riches et les pauvres sont dans le même panier et qu’ils ont les mêmes intérêts. C’est cela qui est mensonger. Les intérêts des uns et des autres sont parfaitement opposés. On donne artificiellement, au mot déflation, un sens péjoratif qui n’a pour mission que d’effrayer les gens. Il est à remarquer que les mots inflation et déflation on des synonymes dont les sens affectifs sont opposés à ceux-ci. L’inflation (impression positive) c’est aussi la dévaluation (impression négative). Mais c’est la même chose. Avec la même quantité d’argent, on peut acheter moins de produits. Inversement, la déflation, c’est aussi la réévaluation. Il va de soi que pour mieux conditionner les gens, on n’utilise jamais ces termes qui devraient être ceux qui dépeignent le mieux la situation des individus qui n’ont pour richesse que leur salaire.

Pour parvenir à leurs fins et soutenir l’inflation, les gouvernements brandissent un autre terme de façon mensongère en laissant entendre que c’est la même chose : la récession. Voyons la définition (du CNTRL) de ce mot. « Ralentissement de l'activité économique d'un pays, caractérisé par une diminution de l'investissement et une augmentation du chômage, mais n'affectant pas nécessairement le mouvement des prix ». Eh ! vous avez vu ? « n’affectant pas nécessairement le mouvement des prix ». Ce n’est pas moi qui le dit. Donc, contrairement à ce que l’on aimerait nous faire croire, la déflation n’est pas la récession.

 

En y repensant, on peut même considérer que la déflation non seulement n’engendre pas la récession mais la combat. Si la récession se caractérise par une diminution de l’investissement, elle est aggravée par la perte de valeur de l’argent. En effet, puisque l’inflation diminue la valeur de l’argent, cela entraîne, les prix augmentant, qu’avec la même somme, on peut moins investir. Réciproquement, en situation déflationniste, on peut espérer une relance de l’investissement.

De ce qui précède, nous pouvons déjà conclure que dans un monde accaparé par quelques poignées de grandes multinationales, l’inflation, enchaînement mécanique du système, est bien une loi de la nature mais une loi de la nature de ce système seulement. En revanche, dans une organisation qui serait au service des hommes et des populations, la nature des choses changeant et même s’inversant, non seulement ce n’est plus une loi de la nature mais on peut même penser que c’est la loi inverse qui deviendrait vraie. Le but n’étant plus d’enrichir encore et encore quelques richissimes actionnaires mais de répartir le fruit de l’activité humaine dans l’ensemble de la population, les enchaînements mécaniques du fonctionnement de la société seraient, nécessairement autres, voire inversés.

La question qui se pose maintenant est : comment parvenir à un tel système de fonctionnement social ? C’est-à-dire comment passer de l’un à l’autre.

Il va de soi que la mutation ne se fera pas instantanément par un simple claquement de doigts. Encore faut-il la vouloir.

La première erreur à ne pas commettre serait de décider de façon étatique que toute entreprise ne peut être que coopérative, de décider que toute entreprise de type capitaliste est rigoureusement interdite par la loi. Ce serait une absurdité et une absurdité qui conduirait nécessairement à une dérive de forme stalinienne avec l’aboutissement que l’on connait. Souvenons-nous, au passage que les organisations kolkhoziennes n’étaient en rien des entreprises indépendantes puisqu’elles devaient assumer des plans quinquennaux aussi irréalistes qu’irréalisables. Le vrai patron du kolkhoz n’était pas l’ensemble des adhérents, mais l’état. Ceci était le résultat de la dérive stalinienne et le mot d’ordre « tous les pouvoirs aux soviets » (assemblée de travailleurs ou d’habitants) étaient oubliés, voire niés depuis longtemps. Dans le fond, les kolkhoz n’étaient pas plus des entreprises coopératives que ne le sont nos pseudo-coopératives laitières.

 

Alors donc, comment s’y prendre ?

Dans un premier temps, force nous est de constater que les entreprises strictement coopératives sont, en France, certes, mais aussi dans le monde un nombre quasi incalculable. En effet, qu’est-ce que c’est qu’un artisan sinon une coopérative à un seul coopérateur ? Ses revenus sont liés directement à son bénéfice. Il n’enrichit aucun actionnaire. De la même façon, il arrive fréquemment que deux ou trois artisans, se déclarant chacun « entreprise à un seul salarié » soient, de fait, associés. C’est souvent le cas, s’agissant de frères ou de gens de la même famille. Ils travaillent ensembles et partagent les gains.

Il peut arriver, à ce moment qu’ils éprouvent le besoin (pour faire face à un carnet de commande chargé) d’augmenter leur effectif. Là, deux situations sont possibles. Ou bien ils embauchent un salarié ou bien ils s’agrandissent d’un coopérateur de plus. Les deux choses sont radicalement différentes. Dans le premier cas, ils redeviennent une entreprise enrichissant des actionnaires. Dans le second, ils restent une coopérative.

Dans une coopérative, il n’y a pas de salaire fixe. Les bons mois, on gagne beaucoup et les mauvais, on gagne moins.

A propos des gains, il y a deux notions qu’il faut éclaircir.

Certains, au nom de l’égalité et de la fraternité verraient bien une rétribution strictement égalitaire. Bien que cela ressorte d’un sentiment apparemment noble et généreux, nous pouvons penser que c’est une absurdité de laquelle il faut se protéger. En effet, si, considérant qu’ils se sont fatigués autant, le balayeur est payé comme l’ingénieur, très rapidement, on risque de ne plus avoir d’ingénieur. La raison en est simple. Elle est même double. Pour accéder à un poste de haute qualification, il faut consentir une formation, un apprentissage, des études longs et difficiles pendant lesquels on ne peut pas entrer dans la vie active, économique et familiale. Alors, si cela ne procure aucun avantage, pourquoi investir dans un tel effort ? Eh ! vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui sont prêts à accepter des efforts démesurés sans aucune contrepartie sous quelque forme que ce soit ? La seconde raison est un peu différente mais revient au même. C’est la notion de responsabilité. Bon, nous sommes sur un chantier. On creuse une tranchée. Quand arrive la fin de la journée de travail, les terrassiers rentrent chez eux ; fatigués physiquement, certes, mais ils ont accompli leur mission. Ils peuvent penser à autre chose et sans remords, s’adonner aux menus plaisirs de la vie. Mais le responsable du chantier, quand il rentre chez lui, mille pensées peuvent continuer de le tracasser. Aujourd’hui, il y a eu des impondérables. On a pris du retard. Il va falloir appliquer d’autres dispositions… Bref, c’est à celui qui conduit la manœuvre qu’incombe la responsabilité de l’avancement du travail et de la sécurité du personnel.

Si le poids qui pèse sur les épaules de certains n’était compensé par rien, on peut se demander si beaucoup accepteraient de l’endosser. Donc, soyons clairs, la hiérarchie des rétributions doit exister. Cette hiérarchie doit, du reste, être un accord entre les coopérateurs. Quelles doivent être les différences hiérarchiques des rémunérations ? c’est une autre affaire. On peut cependant présumer que cela se négocie entre les individus. Dans une situation où le chômage est quasi inexistant, si un coopérateur a l’impression d’être floué, rien ne l’empêche d’utiliser ses compétences ailleurs ; ce n’est plus qu’une question de loi de l’offre et de la demande.

Bien sûr, quand on évoque une idée de chômage inexistant, cela fait rire tout le monde. Mais je ne dis pas ça de façon légère. J’ai déjà évoqué la chose dans deux autres textes sur l’organisation fiscale. L’un s’appelle « les impôts » et l’autre « le budget ». De plus, j’y reviendrai plus loin dans cette même réflexion.

Il y a aussi un adage que certains professaient autrefois ; le voici en brut dans sa formulation élégante et nous en reparlons ensuite. « De chacun selon ses moyens ; à chacun selon ses besoins ». C’est très beau. On imagine une société idéale où chacun recevra de cette société tout ce dont il a besoin et à laquelle, en retour, il offrira tout ce dont il est capable. Oui, c’est très beau. C’est généreux ; c’est humaniste ; et cela semble grand, noble et merveilleux. Mais, oui, merveilleux, c’est bien le mot. Nous sommes dans le merveilleux. Cela ruisselle de beaux sentiments et d’un idéalisme déliquescent. C’est surtout absurde. Ce dont il a besoin… Qui va en juger ? lui ou les autres ? Ce dont il a besoin pour survivre, effectivement, c’est fort peu de choses si l’on considère qu’il ne lui faut que de quoi se loger, se nourrir et se reproduire. Mais entre le besoin et l’envie, il y a une marge et, satisfaire ses envies, n’est-ce pas aussi pourvoir à ses besoins ? Une nourriture « savoureuse », un habitat « confortable », des vêtements « agréables », des loisirs « valorisants » : sont-ce des besoins ou des envies. Ne satisfaire que des besoins anatomo-physiologiques, ne serait-ce pas réaliser cette horreur que l’on voit dans certains films de science-fiction où les individus vivent dans des cellules où tout est systématisé et  où ils sont  complètement déshumanisés. Inversement, si c’est l’individu qui décide de ce dont il a besoin, on peut aussi imaginer toutes les dérives. Hé oui ! Pourquoi ne pas prétendre, avec le plus grand sérieux, que son besoin, en fait de logement, ne peut être qu’un manoir du XVIIème siècle avec le personnel nécessaire à son entretien ? Donc, l’expression : « à chacun selon ses besoins », malgré sa formulation élégante, n’a pas vraiment de sens.

 

Voyons l’autre partie de l’adage : « De chacun selon ses moyens ». Ah ! voilà qui semble plus sérieux. Bah oui, naturellement ! On comprend bien que dans une société très évoluée, tous les individus apportent à l’ensemble de l’humanité ce dont ils sont capables. Ainsi, on attendra moins d’une personne malade, ou handicapée, ou âgée que d’un grand costaud. Oui, mais… Il y a quand même une situation qui peut chagriner. Imaginez ce brave homme qui vous dirait, et on ne pourrait que lui reprocher sa trop grande sincérité : Voilà. J’ai, certes de très grands moyens que je suis prêts à fournir à l’humanité entière mais je suis victime d’une affection maladive dont je ne puis me défaire. Je voudrais bien faire mais je n’y arrive pas. Je remets toujours à plus tard et je procrastine et je procrastine. Je suis atteint d’une paresse pathologique qui me retire tous mes moyens. Alors vous pensez bien que si tous mes moyens (fort nombreux, au demeurant) me sont retirés par cette paresse rédhibitoire, comment voudriez-vous que, je fournisse à la société quoi que ce soit ? 

Si, en plus, comble de malchance, celui qui a besoin d’un manoir du XVIIème siècle et celui qui est paresseux, étaient la même personne, où irait-on ? Mais où irait-on ?

La formule : « de chacun selon ses moyens ; à chacun selon ses besoins », malgré sa fort belle formulation et à cause de son caractère idéaliste patent est une absurdité.

Il doit y avoir une hiérarchie des rémunérations.

 

Comment doit se pratiquer cette hiérarchie ? Ici n’est pas le lieu d’en exposer la modalité de façon définitive. Cependant, on peut présumer qu’il serait alloué à chaque individu de l’entreprise un certain nombre de quantièmes en tenant compte de la qualification, de l’expérience, du temps de travail et de divers autres paramètres à déterminer. Au moment du partage des gains, on additionne la totalité des quantièmes des tous les participants puis, par une simple division, on obtient la valeur du quantième et chacun est rémunéré en fonction de ses propres quantièmes. Il va de soi que la chose demanderait à être approfondie.

Nous avons, précédemment évoqué une situation de plein emploi ou de quasi plein emploi ce qui veut dire une disparition ou une quasi disparition du chômage ce qui, et c’est bien naturel, a permis à mes détracteurs, ou plus simplement à mes lecteurs dubitatifs de rigoler grassement, de hausser les épaules et de s’esclaffer sur l’aspect purement utopique et irréaliste de mon propos ; mais, revenons-y.

Le chômage, qui est-ce que cela arrange ? L’analyse est très simple.

Imaginons une première situation. Pour une proposition d’emploi, il y a douze candidatures. Cela permet à l’employeur de choisir le postulant qui, à compétence égale, présente le moins d’exigences (rémunération, temps de travail, conditions du travail telles que confort, sécurité, hygiène etc.). Par la même occasion, on évitera soigneusement tous ceux qui risquent d’avoir un côté revendicatif trop marqué et pourraient entraîner leurs collègues dans des organisations et des luttes syndicales.

Imaginons maintenant une seconde situation qui est l’image inversée de la première.

Pour douze propositions d’emploi, il n’y a qu’une candidature. C’est maintenant le postulant qui va choisir l’emploi dans lequel il trouvera le plus d’avantages, tant en conditions de travail qu’en rémunération.

Donc, la situation est nette, plus il y a de chômage et plus les entreprises sont avantagées et moins il y a de chômage et plus ce sont les salariés qui sont avantagés. Lors de chaque grande élection nationale, les candidats déclarent tous, la main sur le cœur que leur souci premier sera la lutte contre le chômage. Ce ne sont que de fieffés menteurs. C’est très délibérément qu’ils mentent. Ils mentent parce qu’ils savent que leur mensonge leur rapportera des voix. Mais, étant foncièrement des employés de la haute finance, s’ils luttaient contre le chômage, ils joueraient contre leur camp et leurs maîtres se débarrasseraient d’eux.

Résumons tout ça.

I-               Les grandes puissances financières n’ont pas intérêt à diminuer le taux de chômage.

II-            Les mêmes grandes puissances financières n’ont pas davantage intérêt à voir se développer des entreprises coopératives.

III-         Les gouvernements qui sont à la solde des susdites grandes puissances financières œuvrent dans le sens prescrit par leurs maîtres.

Oui, mais comment ?

Ils imposent aux tentatives coopératives ou aux travailleurs indépendants (et accessoirement aux petites entreprises) des tracasseries administratives et fiscales écrasantes.

Et si nous faisions le contraire ?

 

Le contraire ? Comment ça le contraire ? Le contraire de quoi ?

Sommes-nous bien d’accord que le but est de minimiser le chômage, voire de l’éradiquer ? Alors, si, au lieu de persécuter l’artisanat d’une imposition injuste on appliquait la mutation fiscale décrite par ailleurs, non seulement les artisans et tous les travailleurs indépendants pourraient exister plus facilement, mais, de surcroit, ils verraient leur nombre augmenté de tous les gens qui, pour survivre, se voient réduits à réaliser des « petits boulots » de façon illicite. Eh ! vous ne le voyez pas diminuer de façon brutale, vous le nombre de chômeurs si tous ceux qui « travaillent au noir » devenaient, très officiellement, des artisans ou des commerçants ?

D’autre part, si au lieu de rejeter les entreprises coopératives, les pouvoirs publics leur donnaient une préférence. Il ne s’agit pas d’être injuste. Non ! Mais à rapport qualité/prix égal, pour une simple raison morale qui consiste à considérer que l’on préfère enrichir des travailleurs que des actionnaires, le choix devrait être aisé.

Et bien sûr, nous n’oublions pas ce que nous avons vu précédemment qu’une entreprise coopérative peut être plus facilement attirée par une augmentation du personnel qu’une entreprise capitaliste.

Tout cela réuni, ne pensez-vous pas que cela devrait conduire à une diminution sérieuse du chômage ?

 

Cela dit, il est entendu que si un individu décide de créer une entreprise dont il est le propriétaire exclusif, il en a parfaitement le droit. Si plusieurs individus décident de s’associer pour fonder une entreprise dont ils sont les actionnaires, ils en ont également le droit. D’autre part, si des travailleurs, plutôt que de chercher une indépendance et devoir prendre des responsabilités soi individuelles soi collectivement préfèrent être salariés, accomplir leurs heures de travail et rentrer chez eux, ils y sont, de même parfaitement autorisés. Le but n’est pas d’interdire l’entreprise capitaliste mais de la contrebalancer par autre chose afin de lui retirer sa situation de monopole.

C’est très gentil, tout ça et un tantinet infantile dans son idéalisme doucereux parce que, avant que les aimables petites coopératives en arrivent à concurrencer les grands consortiums de la sidérurgie, de l’industrie automobile ou de la pétrochimie, il risque de se passer un certain temps… Oh oui ! plus que plusieurs semaines !

Certes.

Mais c’est là, aussi, que les décisions gouvernementales peuvent intervenir de façon drastique. Cependant, avant d’aborder ce sujet, il importe de pratiquer une digression qui permettra de mieux comprendre la suite de l’exposé.

Dans le fond, la richesse, qu’est-ce que c’est ? Quelle en est la cause et l’origine ? D’où vient la richesse ? parce que c’est bien beau de vouloir la mieux répartir. Encore faudrait-il savoir ce que c’est.

La première idée qui vient à l’esprit, lorsqu’on pense à la richesse, c’est la notion de richesse naturelle : les grandes forêts, les grandes plaines à blé, les gisement minéraux ou énergétiques et même les bancs de poissons. Plus tardivement, on y a ajouté les grands fleuves et les chutes d’eau. Ceci est une erreur ; oui ! une erreur métonymique. On confond l’objet et son utilisation. Que ce soit naturel, c’est entendu ; mais, en soi, ce n’est pas une richesse. Les hommes, par leur industrie, disons leur intelligence et leur travail sont capables d’en tirer une richesse mais ce ne sont pas des richesses en soi.

Pour expliquer la chose, nous allons commencer par constater que nombre d’animaux sont concernés par cette notion de richesse.

Des brindilles, des fétus de paille, des lichens, de la mousse voire des déchets de toisons animales accrochées sur des buissons épineux, ce ne sont pas des richesses ; tout au plus, des éléments physiques disséminés ici ou là et strictement sans intérêt. 

Cependant quand le petit oiseau récupère toutes ces choses et qu’il les transporte en un lieu précis pour se construire un nid, cela devient une richesse. La richesse de l’oiseau, c’est son nid. C’est même tellement sa richesse que si un concurrent veut l’en déloger, il défendra sa propriété bec et ongles. Et, si le concurrent parvient à ses fins, il aura accaparé la richesse du premier par la force, par le vol. On ne vole pas une chose sans valeur. Pour qu’il y ait vol, il faut qu’il y ait richesse. En l’occurrence, ce qui crée la richesse, ce ne sont pas les éléments constitutifs du nid, c’est le travail de l’oiseau. C’est même le travail au sens physique du terme. Pour les physiciens, il y a travail lorsqu’ une force déplace son point d’application. Et là, vous en conviendrez, le zoziau a bien utilisé la force de ses p’tits muscles pour déplacer les brindilles et autres matériaux.

Inversement, à l’époque à laquelle vivaient nos ancêtres du paléolithique, il y avait déjà des gisements de métaux, de houille ou de pétrole ainsi que de grandes plaines arables. Il y en avait même plus que de nos jours, vu qu’ils n’avaient pas encore été pillés et dévastés par les humains. Pour nos papy du moustérien, c’était sans intérêt et ne constituait donc pas une richesse. De nos jours, certains gisements de houille (au Groenland ou au Svalbard) bien que de bonne qualité et à très faible profondeur n’étant pas exploités ne sont pas une richesse.

La richesse n’est que le fruit du travail des êtres vivants et singulièrement des hommes. Chaque activité successive sur un même objet accroît la valeur, donc la richesse de ce même objet. Quand on passe progressivement d’un minerai informe à un carburateur de voiture, toutes les manœuvres ont accru progressivement la richesse crée. Il y a une plaisanterie que l’on aime à répéter dans les régions rurales. On se chauffe au bois. On dit que le bois est un procédé de chauffage très intéressant parce qu’il réchauffe plusieurs fois. Une première fois quand on l’abat ; puis, quand on l’ébranche ; puis, quand on le débarde ; puis quand on le tronçonne, également quand on le fend et bien sûr quand on l’empile contre le mur de la maison. Accessoirement, il réchauffe aussi quand on le brûle dans le poêle.

 

Attention ! Tout travail ne produit pas nécessairement une richesse. Si le lundi vous avez déplacé un tas de gravier d’un point « A » à un point « B » et que le mardi vous le reportez du point « B » au point « A », Vous n’avez rien amélioré. On peut, du reste, considérer que le second jour, vous avez consenti un travail négatif qui a eu pour résultat de ramener à la situation antérieure et à détruire le travail de la veille.

Au même titre, certaines activités n’ajoutent aucune richesse. C’est le cas particulièrement de la publicité. Lorsqu’un fabricant de boites de sardines utilise de la publicité, il n’a pas augmenté la valeur de ses produits. La boite de sardines reste la même boite de sardines. Dans ce cas, nous sommes seulement dans la situation de l’oiseau qui voulait accaparer par la force le travail de son congénère qui avait bâti un nid. Ici, le but est de déposséder l’autre fabricant de ses clients. C’est donc aussi un vol.

Dans les richesses que les hommes sont capables de créer et dont ils éprouvent le besoin, on peut considérer qu’il y a plusieurs catégories. Il y a d’abord celle qui sont strictement vitales et puis, il y a toutes les autres.

Activité strictement vitale, il n’y en a qu’une : pourvoir à son besoin alimentaire. Cependant, il y en a deux autres qui sont très voisines surtout dans de nombreuses régions de la planète. En effet, se vêtir et se loger peuvent aussi être des nécessités primordiales. Tout le reste peut être considéré comme superflu. Si on suspendait la fabrication de lunettes de soleil ou d’enregistrement de musique, on devrait pouvoir survivre. Or, voyez comme nous sommes facétieux, nous dépensons beaucoup d’énergie pour ces productions. Il est à noter que ces produits sont aussi des richesses. Comment en sommes-nous arrivés là ?

On peut présumer, sans prendre de trop grands risques, que les humains, à l’aube de leur existence, comme la plupart des animaux, utilisaient leur temps à chercher de la nourriture, se nourrir, digérer et se reposer. Quand la quête était fructueuse, le temps de collecte était bref et le repos fréquent, mais en cas de manque, la journée pouvait ne pas suffire pour atteindre la satiété et c’était la disette. 

Comme d’autres animaux, ils ont utilisé des objets trouvés fortuitement in situ mais, sans doute très progressivement, au lieu de les jeter après usage, ils ont pris l’habitude de les transporter avec eux. Arrivés à ce point, il y a une petite dialectique de laquelle je vous laisse le choix. Les gardant, il eût été absurde de ne pas les améliorer et, les ayant améliorés, il eût été absurde de ne pas les garder. Ces objets hétéroclites ramassés au hasard deviennent ainsi des outils (ou des armes). Il s’en suit que, grâce à ce progrès technologique, la quête de nourriture s’en trouve facilitée. Grâce à l’outil, la collecte alimentaire demande moins de temps, moins d’effort et devient plus facile. Sachant qu’à cette époque on ne peut pas conserver les aliments et qu’il est inutile d’en recueillir plus que de nécessaire, on passera moins de temps pour assumer les activités vitales et on en arrive à cette situation fantasmagorique que pour récolter la même chose on pourra se fatiguer moins. En d’autres termes, nos ancêtres du paléolithique peuvent appliquer cette formulation surprenante de : Travailler moins pour gagner autant.

C’est après que ça s’est gâté.

Nous sommes maintenant au néolithique. On sait produire plus que nécessaire et on sait également constituer des réserves. La participation de chacun à la collecte vivrière est diminuée. Cela peut donc générer une spécialisation ce qui implique des échanges. Celui qui fabrique des chaussures n’est plus obligé de cultiver aussi les haricots. C’est là que l’on prend le mauvais virage. Certains, grands costauds ou grands menteurs vont imposer, par la force ou par la ruse, aux autres de travailler pour eux et de leur remettre le fruit de leur labeur. On en revient une fois de plus à la situation de l’oiseau qui vole le nid de l’autre.

La belle situation de « travailler moins pour gagner autant » a disparu. Maintenant, on travaille toujours au maximum de ce qui est possible, on ne gagne pas plus que ce qui est nécessaire à la stricte survie et le reste sert à enrichir les maîtres qui eux, sont de plus en plus riches.

 

Revenons à ce que nous disions précédemment, ce qui crée la richesse c’est le travail humain. Cependant, il existe des activités humaines, fort salutaires, qui ne créent pas de richesse. Formulons la chose autrement. Il y a création de richesse lorsque l’activité humaine augmente la valeur d’une chose. En passant progressivement d’un arbre dans la forêt à une armoire, cela a nécessité une multiplicité d’actions successives qui chacune ont accru la valeur du composant de départ. Tout le monde connaît le mot de satisfaction de celui qui ayant repeint le portail de sa maison déclare : Ah ! bah, comme ça, il vaut « quat’ sous d’ plus ».

Certaines activités, au demeurant fort nobles et absolument nécessaires ne créent aucune richesse. Il n’a pas été ajouté une valeur quelconque à quoi que ce soit. Lorsqu’un fonctionnaire classe des dossiers, il ne crée rien de plus. Lorsqu’un enseignant inculque le théorème de Pythagore, il n’augmente pas la valeur d’un objet. Lorsqu’un médecin soigne son patient, il n’a pas l’intention de le revendre plus cher qu’il ne l’avait acheté.

Pourquoi s’adonne-t-on à ces activité non génératrices de richesse ?

Il est bien connu que, chez nombre d’oiseaux, les deux membres du couple se relaient dans la quête de nourriture pendant que l’autres reste pour surveiller et protéger le nid. Chez les mammifères, on trouve des préoccupations comparables et certains vont même jusqu’à organiser de véritables nurseries. Chez les premiers humains, il devait y avoir des comportements comparables. Pendant que le clan courait dans la savane, quelques individus (peut-être plus âgés) restaient au camp de base avec les enfants. Ils ne produisaient pas de richesse mais ils permettaient aux autres de l’accomplir avec plus de disponibilité. Ce sont des activités qui ne sont pas vivrières mais que l’on pourrait appeler de service.

Il va de soi que plus la technicité dans la collecte de nourriture s’accroît et plus le nombre d’individus requis pour l’alimentation diminue et, du coup plus le nombre d’individus disponibles pour les services augmente. Il se trouve que les besoins en services ne sont pas extensibles. Il va donc y avoir des membres du groupe qui risquent d’être désœuvrés. Alors, apparait une nouvelle catégorie d’activité. Ce n’est pas une fonction vivrière et ce n’est pas un service puisque cela crée une richesse. On fabrique des outils ou des armes. On confectionne des vêtements ou des chaussures. On collationne du bois pour faire du feu. On améliore le campement pour se mieux protéger du soleil ou des intempéries, ou des animaux indésirables. La préoccupation n’est plus la stricte nourriture mais ce n’est pas un service puisqu’il y a génération de richesse. C’est ce que nous pourrions appeler une activité secondaire ou de transformation ou de valorisation.

 

Lorsque apparaît le néolithique, avec le développement de l’agriculture et de l’élevage, ces activités secondaires vont se multiplier. Les artisanats variés et nombreux entraînent une spécialisation de plus en plus grande et, plus tard, la maîtrise de la métallurgie ne fera qu’accroître cette diversification.

Il est à noter que, de nos jours, dans les pays très développés technologiquement, le nombre de personnes occupées à la production strictement vivrière est devenue quasi dérisoire. Les activités de valorisation sont devenues largement majoritaires. Dans le même temps, la population, possédant assez de richesses pour se le permettre peut s’accorder un plus grand nombre de services. Si, sur la place du village on entretient un joli ensemble floral, c’est parce qu’on en a les moyens. Si un quartier décide de se doter une équipe de football, c’est un cadeau qu’il se fait à lui-même. La technicité progressant, la production de toute richesse s’accroît et permet le développement de plus de services et de services de plus en plus couteux. C’est parce que la technologie est de plus en plus efficace qu’une nation peut se pourvoir de services de santé, d’enseignement, de justice, de moyens de communications et autres. A contrario, on remarquera que les pays dits « sous-développés » sur le plan technique montrent un même retard dans ces activités de services. Dans les pays du tiers monde, la population en est souvent encore à se contenter de survivre en tentant seulement de se nourrir.

Donc, c’est très bien. On assure une plus grande technicité et hop ! toute la misère du monde est résolue.

C’est drôle, hein ; mais force nous est de constater que ce n’est pas le cas et que ça ne fonctionne pas si bien que ça. Allons bon ! y aurait-il un grain de sable qui grippe la machine ? un élément perturbateur qui enraie le bon déroulement des choses ?

Ce grain de sable, cette anomalie va venir du fait que certains individus vont s’arroger, par la force ou par la ruse, une mission qu’ils vont considérer et faire considérer par les autres comme un service primordial et obligatoire ; c’est celui de dirigeant, de gouverneur ou de dominateur. Ils y parviennent en utilisant la force, c’est-à-dire les armes ou par la ruse en utilisant les croyances. Dès lors, ce service étant, et de très loin, le plus important, il devient normal que toutes les richesses produites soient offertes à ces maîtres qui condescendent à accorder de quoi survivre aux autres. Cela dure, avec des formes variées, depuis huit à dix millénaires. Au fil du temps, les populations ont arraché, avec des formes de luttes diverses mais toujours aussi opiniâtres quelques miettes mais jamais la finalité de l’utilisation des richesses n’a été remise en cause. Il est à noter que quand des gouvernements envisagent de faire des économies, c’est toujours sur les services que l’on envisage de ratiociner, jamais sur l’accaparation des richesses par les grands possédants. On ferme des écoles, des cliniques, des services de justice ou de gendarmerie et pas des banques.

Nous pouvons formuler la même chose de façon plus explicite et plus lapidaire. Dans l’évolution politico-économique de la société, il y a deux solutions. Dans un premier cas, les progrès technologiques diminuent la durée et la pénibilité du travail nécessaire. Il s’en suit que les humains, pour produire autant, se fatigant moins et moins longtemps, garderont du temps et de l’énergie pour des activités familiales ou de loisir ou culturelles et qu’ainsi, ils s’épanouiront davantage. Dans l’autre cas, les progrès technologiques diminuent le nombre de personnel pour réaliser le même produit. Avec un effectif moindre que l’on ne rémunère pas davantage, on fabrique autant. Cependant, comme l’effectif est moindre, cela diminue les frais de salaires et accroit donc le volume des dividendes que l’on peut accorder aux actionnaires. Eh ! vous en connaissez beaucoup, vous des entreprises où l’on dit : grâce à la nouvelle machine que nous venons d’acquérir, nous allons produire plus et donc augmenter les salaires ! Dans le même temps, puisque le progrès technique permet de diminuer la main d’œuvre, cela implique que cela augmente inexorablement le nombre des chômeurs.

Il y a eu une époque où, confusément, les ouvriers constatant que l’accroissement du chômage était lié à la mécanisation, lors de mouvements d’émeutes brisaient les machines. C’était une erreur. Ce n’était pas les machines qu’il fallait détruire mais l’accaparement du fruit du travail par des actionnaires. Ça y est ? Vous avez compris la différence entre les deux systèmes ? Dans une situation, la mécanisation est avilissante et, de façon inéluctable, génératrice de misère et dans l’autre, la même mécanisation apporte une plénitude accrue aux humains. Vous m’accorderez que les deux méthodes sont difficilement conciliables. Mais, je ne veux pas vous influencer sournoisement. Votre liberté individuelle est totale. Vous avez le choix.

Nous pouvons donc, maintenant, fermer cette longue digression pour reprendre le fil de nos préoccupations.

 

Nous en étions restés à cette remarque qu’avant que des entreprises coopératives en arrivent à concurrencer de puissants consortiums internationaux, il pouvait se passer un certain temps et qu’il fallait mettre en œuvre des moyens un peu drastiques pour y remédier. On remarquera, au passage que ces grandes puissances financières ne se sont pas non plus constitués en un jour. Certaines ont vu leur croissance s’étaler sur plusieurs siècles.

Etablissons une petite comparaison. Vous avez dans votre placard de cuisine une vieille passoire que vous n’utilisez plus depuis longtemps. L’émail est par-ci par-là écaillé et le métal s’oxyde mais, vous ne la jetez pas. Elle est à vous. Et même si quelqu’un venait vous la dérober, vous pourriez arguer, à juste titre que c’est un vol. Pourtant, si un jour, fatigué de la voir prendre une place inutile vous décidez de la mettre aux déchets, quiconque, passant dans la rue devant votre boite à ordures décidait de la récupérer, il n’y aurait plus de délit. Vous l’avez jetée, elle n’est donc plus à vous. Et si nous appliquions le même raisonnement pour certaines grandes entreprises laissées à l’abandon ? Il est vrai que le geste de mettre aux déchets n’a pas été accompli ; mais quand on voit des entreprises qui furent colossales tomber peu à peu en ruine, on peut se poser des questions.

Lorsqu’ un immense consortium délocalise une production, ce qu’il délocalise, c’est son capital, pas les murs. Dans certains cas, c’est même l’outil de fabrication qui reste à se dégrader. Une aciérie, un complexe chimique, on ne le démonte pas pour le transporter ailleurs. Et ça reste là à pourrir, à polluer et à devenir un lieu dangereux. Il faut reconnaître que l’on annonce souvent que l’on va chercher un repreneur. Parfois, même, on en trouve. Mais lorsqu’on n’en trouve pas, un gouvernement au service de la population devrait dire : Et bien, nous, gouvernement représentant de la population, nous reprenons. Oui, nous reprenons pour un euro symbolique et vous n’avez pas le choix. Si vous tentez de vous opposer, nous vous condamnons à rendre ce terrain vierge et débarrassé de tous vos déchets. Vous laissez un terrain sur lequel on pourrait faire pousser des pommes de terre. Bien sûr, pour cela, il ne faut pas un gouvernement qui est au service du susdit consortium. Serait-il possible de se permettre cela ? Il y a des cas forts nombreux où l’on n’a pas tant d’incertitudes philosophiques. Lorsque, pour élargir une route ou une voie quelconque,  une maison encombre, on ne se préoccupe pas de considérer que la propriétaire est une petite grand-mère qui y est née ainsi que ses enfants. Non. On exproprie et on rase. Alors, vous pensez que si, en plus, l’entreprise qui délocalise est, incidemment, celle pour qui, quelques années avant, on a dépossédé la petite grand-mère… Pourquoi manifester des états d’âme ?

Là où la chose est plus délicate sur le plan moral et juridique, c’est en ce qui concerne les machines et l’outillage. Il est entendu que ce matériel est la propriété du consortium. C’est vrai. Cependant, cette entreprise qui doit fermer ses portes, depuis un nombre respectable d’années, elle a bénéficié de toutes sortes de soutiens. Des soutiens ? Comment ça des soutiens ? Oui, des soutiens sous forme d’aides, de dégrèvement, de défiscalisation, d’amélioration de voirie, de participation, ou d’exonérations diverses. Et pourquoi ces soutiens ? Précisément pour lui permettre de continuer son activité. Seulement voila. Le contrat n’a pas été respecté. Il était entendu que : nous vous accordions des subsides et vous assuriez la bonne marche de l’entreprise. Nous avons respecté notre parole et honoré notre part de l’accord. Mais vous, vous faites fi de votre part du contrat. Donc, vous rendez les sous. 

Naturellement, ils vont refuser de payer et prétendre qu’ils n’en n’ont pas les moyens. Qu’à cela ne tienne ! Lorsque de petites gens se sont surendettés et ne peuvent pas assumer leurs remboursements, on n’hésite pas à envoyer un huissier et quelques solides gaillards qui vont saisir le mobilier, l’électro-ménager et l’audio-visuel afin, en toute justice, de dédommager les créanciers. Alors, avec la même probité, on confisquera le matériel et l’outillage. Eh ! La justice n’est-elle pas la même pour tous ?

Lorsqu’une compagnie veut délocaliser une entreprise, On peut donc l’y encourager. Vous voulez partir ? Mais faites donc ! Vous êtes libres. Vos capitaux, bien sûr qu’ils sont à vous. Mais les murs, les outils et les employés restent ici. Ce qui crée la richesse, ce n’est pas le capital, c’est le travail.

Vous voyez que la création d’entreprises coopératives d’une assez grande ampleur peut être relativement rapide.

Ensuite, que l’entreprise fonctionne ou pas, c’est une autre affaire. Si les nouveaux coopérateurs ne se laissent pas aller à une désinvolture, une négligence, un relâchement suicidaire, il n’y a pas de raison pour que ça ne fonctionne pas. Et ceci est d’autant plus vrai que désormais, ils n’ont plus d’actionnaires à enrichir.

Le plus grand soutien qu’un gouvernement au service de la population peut, et doit apporter à des entreprises collectives est d’interdire de façon sévère toute forme de discrimination à leur endroit.

Réitérons encore. Il est hors de question, au nom de la liberté d’entreprise, d’interdire les entreprises capitalistes. En revanche, il faut leur retirer leur situation de monopole et les contrebalancer par des entreprises coopératives. Si les entreprises coopératives jouent le jeu de la déflation, les autres n’auront pas le choix et, sous peine de perdre leur clientèle, devront les suivre.

Voila, grossièrement, ce que je voulais dire sur la richesse. Et quand je dis la richesse, je veux dire sa répartition.  Au niveau planétaire, on crée des quantités de richesse fabuleuses et l’immense majorité vit dans le dénuement. Ne serait-il pas temps de penser à y remédier ? Nous remarquerons, au passage, que les hommes politiques, qui nous régissent, nous parlent d’un tas de choses mais se gardent bien d’aborder ce sujet ce qui prouve bien, si c’était toutefois nécessaire, qu’ils sont au service de cet état de fait. Tous, autant qu’ils sont, n’ont qu’un but. Ils gèrent le capitalisme au lieu de gérer la société humaine.

 

Tant que les hommes ne prendront pas en main leur destin en imposant leurs choix, il n’y aura aucune raison pour que cela change.

13 01 17

Commentaires: 5
  • #5

    THILLOY (mercredi, 12 juillet 2023 23:29)

    ce texte pertinent très complet sur l'histoire et l'évolution de l'argent de la monnaie et l'histoire évolutive du vocabulaire sur l'argent ou les richesses , des mécanismes capitalistes qui monopolisent toute l'économie à sa solde avec l'aide des rouages des pouvoirs locaux et nationaux et le bridage de l'enseignement qui n'explique pas les systèmes des plus values la seule approche dans l'enseignement s'arrête qu'au prix de vente ,prix de revient ,prix d'achat mais les vraies plus values on en parle pas , on ne l'explique pas alors comme toujours votre texte d'une grande analyse très pédagogique et d'actualité toujours aujourd'hui bravo !

  • #4

    Bal (mardi, 22 janvier 2019 12:05)

    La nature et les espèces. Karl Marx disait : les riches possèdent les moyens de production, les pauvres n'ont que leur force de travail. Comme Marx a perdu, "malheur aux vaincus". Les pauvres continuent à ne posséder rien que leurs bras ou leurs cerveau, les riches le moteur de la vie économique.

  • #3

    Andrée Landreau (mardi, 22 janvier 2019 10:55)

    Merci Jean. Je partage entièrement votre façon de voir les choses à travers votre article. J'espère qu'un jour, l'humanité atteindra ce niveau de conscience afin que chacun puisse avoir un minimum de bonheur ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Encore beaucoup de montagnes à escalader. Merci beaucoup;

  • #2

    Sierra Mike (lundi, 12 février 2018 14:36)

    Merci, je suis d'accord et j'espère qu'un jour notre civilisation peut fonctionner sans argent.

  • #1

    Yann Eshwan (samedi, 25 février 2017 16:45)

    Merci Jean. J'aime beaucoup cet article. Votre façon, que je qualifie de bienveillante modestie m'est vraiment bien agréable à lire.

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