Tout en haut de la citadelle,
Assise devant son miroir,
La prisonnière, la rebelle
Goûte le prix du désespoir.
Elle a commis, faute cruelle,
Un lourd dégât sans le savoir;
Et son attente était réelle;
Elle croyait sortir du noir.
Hier encore, à perdre haleine,
Dans le galop de son cheval,
Elle emplissait de chant les plaines
Et l’horizon dans son aval.
Hâte des cris en joie sereine,
Un étendard pour tout fanal,
Elle arrachait des cœurs la haine
Et distribuait l’espoir banal.
Plus de terreur, plus de misère,
Plus de regret, plus de dépit,
Chacun pouvait, fleur singulière,
Moudre le grain de ses épis.
Qui voulait rire à sa manière
Le pouvait faire sans répits;
Les interdits étaient à terre
Avec les armes, les képis.
Les oppresseurs, les chiens de garde
Vaincus, arrêtés tour à tour
Avaient rendu frusques et hardes;
Il faisait beau aux alentours.
Plus de mensonge que l’on farde,
De spoliation ni de détours
Et l’on voyait ce qu’on regarde;
La paix avait pris ses atours.
Alors, de clocher en village,
De marais en cime enneigée
Grondait l’ardeur de vie sauvage:
La liberté s’est dégagée.
Elle volait, dans ses ouvrages,
Pour les détresses submergées;
Et son fanion rendait courage
En délivrance partagée.
Mais, tandis que les somptueux
Avenirs sans taille ni nombre
Annonçaient des plaisirs voluptueux
Sans limite qui les encombre,
Les ex-nantis, les fastueux,
Glissant sournoisement dans l’ombre,
Tissèrent leurs projets monstrueux,
Rires glacés de désirs sombres.
Bien insinués par leur bagout
Ils lancent des propos perfides
Qui dévoieront, des gens, le goût.
Leur lâcheté nuit aux candides
Hissant, dans l’amour, le dégoût,
Ils lancent leur langue bifide,
Rampent dans l’horreur des égouts,
Et bavent d’une ardeur sordide.
Alors, se relevant soudain,
Reçus aux places qui honorent,
Sous un pseudo discours badin,
Ils rappellent ce qu’on déplore
En se donnant pour baladins.
Ce qu’on créait, ils le déflorent,
Comblés de crier leur dédain
Puisqu’au sommet, ils sont encore.
Surprise par ce contre temps,
La multitude perd la tête.
Elle ne sait plus ce qu’elle entend
Et pleure sa froide défaite.
« Où es-tu donc? Puisqu’on t’attend;
Liberté, âme de nos fêtes,
Ne vois tu pas? L’ombre s’étend;
Il n’y a rien, non, qui l’arrête! »
Alors, la dame interpellée,
Enfourcha son coursier sanglant.
Engagée dans la plaine gelée,
Elle a recherché son allant.
Là, retenue et flagellée,
Par des tourbières l’avalant,
Dans des clôtures barbelées,
Elle a perdu son fier élan.
Jetée au sol sans rien pouvoir,
Fut ligotée la tourterelle.
Les miradors sur le terroir
Ont repoussé sur les tourelles.
Assise devant son miroir
La prisonnière, la rebelle
Goûte le prix du désespoir
Tout en haut de la citadelle.
26/11/97
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...
Marie-Claude (samedi, 12 mars 2016 17:46)
si actuel !