La plaie est ouverte.

Elle saigne.

Pas vite.

Enfin, ça dépend des moments.

Par moment, c'est plus.

Et par moment, c'est moins.

Cela dépend de ce qui influe

En plus ou en moins

Sur le saignement.

Mais quoi qu'il en soit,

C'est toujours.

Et le sang coule:

Vert des larmes sur un masque

De tragédie grecque;

Ou comme sur les joues d'un visage

Hurlant un rire mal denté

Et douloureux.

Et le sang coule.

Inexorablement.

Rien ne l'arrête;

Rien ne le retient;

Rien ne l'étanche;

Rien ne le tarit.

Il coule sans raison

Et personne n'y prend garde.

Personne ne s'en inquiète.

Tout le monde le sait.

Mais c'est ainsi.

Cela fait partie de l'ordinaire;

De l'ordinaire oublié,

De l'ordinaire dédaigné,

De l'ordinaire méprisé,

De l'ordinaire dévastateur

Et ignoré;

Sans ignorance.

Ignoré sciemment;

Pour que l'ignorance elle même

Soit ignorée.

Et toujours le sang coule.

On n'y peut rien.

Un jour, il n'y en aura plus.

Et c'est justement

Lorsque il n'y en aura plus

Que tout cela sera fini.

Dans le fond, tant qu'il coule,

Cela prouve que ça va;

Que ça va encore.

Comme il y en a de moins en moins,

Cela va de moins en moins.

Mais, on se le cache.

On fait semblant.

On fait semblant de ne pas voir

Que le sang coule;

Qu'il va couler de moins en moins;

De moins en moins fort;

De moins en moins longtemps.

On se fait croire que c'est sans importance,

Et puis non.

On fait semblant de ne pas s'apercevoir

Qu'il coule.

On fait semblant de croire

Qu'il fait semblant

On fait semblant qu'il ne coule pas.

On fait semblant de ne pas penser

Que quand il ne coulera plus,

On ne pourra même plus faire semblant

Et en attendant,

Pendant qu'on fait semblant,

En attendant,

On attend.

On n'essaie pas de profiter

Qu'il coule encore;

De profiter qu'il est encore temps,

De profiter que pour l'instant,

Devant l'hémorragie qui s'étend,

On devrait chercher;

On devrait chercher comment

Il est possible de retenir

Au moins un peu de sang.

Puisqu'on a remarqué que cela

Coule plus ou moins

Selon les moments:

Il faudrait multiplier les heures

Où le sang s'épanche moins largement.

Et chasser les autres:

Celles où c'est plus alarmant.

Et puis on pourrait essayer

D'en fabriquer d'autre,

Pour compenser.

Parce que depuis le temps,

Il ne devrait plus rien rester...

Donc,

Il semblerait qu'on en produit un peu,

Dans les moments favorables.

Même si à la fin

Le vide arrivera forcément,

On pourrait tenter quelque chose,

Pour gagner du temps.

Et le sang coule,

Et le sang coule,

Et les plaies s'élargissent,

Et s'approfondissent,

Et se multiplient.

Et si pour retenir,

Ou pour reconstituer,

Et si on faisait maintenant

Tout ce qu'on a négligé avant.

Même si c'est plus dur,

Parce qu'il n'y a déjà

Plus beaucoup de sang

Dedans.

Tout le sang vert

Qui coule des plaies,

Et des yeux,

Des yeux pleurant,

Vertes et sanglantes,

Des larmes pleurées

Par les plaies allant s'élargissant

De regret,

De regret de larmes,

De larmes et de sang.

Hein? Je vous le demande.

Et si?

                                                                 08/07/97

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