Au  début,

Rien.

Au début, c’est normal que

Rien.

Mais, juste après,

Toujours rien.

Et même pendant un bon moment.

Rien.

Rien.

Rien.

Alors, je me contentais de « rien ».

Attention!

Je ne dis pas:

Je ne me contentais de rien;

Non.

La négation,

C’est à dire l’absence de négation

Est d’importance.

Réitérons:

Je me contentais de rien.

Même si, par goût,

Ou par tendance personnelle,

J’aurais préféré l’autre solution.

Mais, je n’avais pas le choix.

Je faisais avec rien.

Je faisais sur rien.

Et pour un rien,

Je faisais pour rien.

C’était pas grand chose.

Mais, j’avais pris l’habitude,

Et cela ne me faisait presque plus rien.

                       

                        * *

Et puis voila que,

Sans  crier gare,

L’informateur est passé.

Je dis l’informateur

Parce que je ne sais pas comment l’appeler.

L’informateur ne m’a pas dit grand chose.

En fait presque rien.

Mais, presque rien,

Donné par l’informateur,

Ce n’est pas rien.

C’est même infiniment

Plus que rien.

En fait, l’informateur

Ne disait pas grand-chose.

Il se contentait d’exister;

Et, éventuellement,

De rester dans un coin.

Mais qu’il se taise ou non,

Dans un coin ou pas dans un coin,

Il y avait alors le coin de l’informateur.

Ce n’était pas le coin de la pièce,

Non,

C’était un coin de moi

Où il s’était installé.

Coin présent,

Coin envahissant,

Coin submergeant,

Coin débordant

De présence.

Coin multiple.

Coin emplissant le milieu

Entre les coins.

De telle sorte

Que dans mon coin,

J’embrassais la totalité de l’univers,

Et tout allait bien.

                        * *

Qui était-ce, au juste,

Que c’est informateur?

Etait-il extérieur à moi?

Ou faisait-il partie de ma personne?

Etait-ce une projection de moi?

Ou bien,

Etais-je une projection,

Une excroissance de sa présence,

De son infinie existence?

Je me le demande.

                        * *

Toujours est-il que,

Encore embourbé

Dans les souvenirs du passé,

Je n’osais pas trop lui parler;

Pas trop lui demander la vérité;

Pas trop insister sur sa nature

Et sur sa proximité.

Alors, pour ne pas l’effaroucher,

J’essayais de ne pas trop m’agiter,

Comme un épouvantail voulant garder

L’oiseau qui sur lui s’est posé.

                        * *

Pourtant, je savais,

Obscurément,

Que malgré tout,

Malgré moi,

Un jour ou l’autre,

L’oiseau allait s’envoler.

Alors, je fermais les yeux.

Je chassais de ma tête empaillée,

Hors de mes hardes ces pensées.

Je retenais mon souffle,

Et pour meubler le silence,

Je disais n’importe quoi;

Et n’importe quoi plutôt en cadence

Pour que l’oiseau en soit bercé.

                       

                        * *

Et puis une bourrasque d’été est passée.

Une bouffée d’air chaud

A balayé la poussière ensoleillée.

J’ai ouvert les yeux.

Plus d’oiseau.

Avais-je rêvé?

M’étais-je moi-même illusionné?

Non.

Quelques plumes de couleurs

Sur mon épaule étaient restées,

Et je ne pouvais pas douter.

Alors, je me suis inquiété.

Allais-je revenir au passé?

La parenthèse était-elle bien fermée?

Non.

Dans le fond du ciel,

Le pépiement, encore, m’est parvenu:

Affaibli,

Diminué,

Presque ensommeillé,

Presque, par lui-même, oublié.

Et le silence s’est réinstallé.

                        * *

J’ai douté.

                        * *

Et puis, le temps a passé.

Et puis, je me suis réveillé,

Et je me suis dit:

Voila.

Maintenant, tu sais.

Tu sais parce que

Tu as été informé.

L’information ne dure pas toujours,

Mais l’information est définitive;

Eternelle.

Plus rien ne pourra faire

Que tu as été éveillé.

Ce qui a été

A été.

Et maintenant, tu sais

Où tu dois aller;

Tu sais ce que tu dois dire,

Ce que tu dois continuer,

Ce que tu dois entendre,

Ce que tu dois transmettre,

Ce que tu dois partager.

Tu sais que tu ne dois rien,

Mais que tu ne saurais y échapper.

Tu sais que tu as changé

D’éternité.

Cela n’est pas que souvenir,

Mais le souvenir te porte

A vivre le souvenir,

A le resignifier

Constamment.

                        * *

Maintenant,

Les yeux sont ouverts

Et les oreilles attentives.

L’olfaction et le goût

Et même le toucher

Ont un sens.

Les trajectoires incurvées

De la fuite du temps

Chantent

Une existence justifiée

Et concrète.

L’espoir et le désir

Ne sont plus un rêve

Désespéré,

Mais une réalité

Tangible,

Possible,

Avérée

Et omniprésente,

Ouvrant à la face de la misère,

De la bêtise et de la petitesse

Du monde,

Un chant majeur

De lumière solide,

De force découverte,

De certitude confirmée,

Et de souvenir gagné.

                                                          

                                                                                                                 0/10/97

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