Ceux qui petits,

Ceux qui lâches,

Ceux qui tièdes,

Ceux qui mous

Ceux qui Flasques

Ceux qui reptiles,

Ceux qui ne pensent pas,

Ceux qui pensent peu,

Ceux qui pensent comme il faut,

Ceux qui veulent penser comme il faut,

Ceux qui pensent qu'ils pensent,

Ceux qui pensent qu'il faut penser comme il faut,

Ceux qui mesquins,

Ceux qui s'alignent

Parce qu'on les aligne

Et qui n'espèrent même pas,

Un jour,

Aligner les autres.

Ceux qui espère, un jour aligner les autres

Et qui se sont laisser aligner

Pour cela;

Mais ne s'en rendent plus compte.

Ceux qui honorent,

Ceux qui bavent,

Ceux qui: veules,

Ceux qui: fats,

Ceux qui: vains,

Ceux qui décident de ne rien décider,

Ceux qui sont dépassés,

Ceux qui se noient dans un verre

Vide.

Ceux qui n'ont jamais su

Qu'il y a des choses à comprendre,

Ceux qui n'imaginent rien,

Ceux qui réprouvent qu'on imagine,

Ceux qui ne réprouvent même pas

Mais n'imaginent pas non plus qu'on puisse imaginer,

Ceux qui font comme on leur dit,

Ceux qui votent comme on leur dit,

Ceux qui attendent qu'on leur dise,

Ceux qui n'attendent pas mais ne font rien en attendant,

Ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez

Et ont le nez petit.

Ceux qui se croient libres

Parce qu'ils traversent en dehors des passages pour piétons,

Ceux qui librement aliènent

Leur liberté,

Ceux qui librement hurlent

Contre la liberté des autres,

Ceux qui envisagent

Des distributions de coup de pied au cul

Sans pensée émues pour leurs propres fesses.

Ceux qui ne volent pas de mobylette,

Ceux qui ne volent pas de mobylette

Parce qu'ils préfèrent les voitures.

Ceux qui ne disent rien.

Ceux qui parlent fort,

Ceux qui croient que la valeur des arguments

Tient à la puissance de la voix

Ceux qui croient que la valeur des arguments

Tient à la puissance tout court.

                                   *          *

            T'en souvient-il, la Belle

Des beaux parfums dont nous songions?

            Mille candeurs d'ombelles

Venaient en compactes légions

            Tu m'accordais, rebelle,

Ton vrai sourire en religion.

            Tu dansais. L'émotion,

Chose si rare que tu celles

            Courait sans intention

En prés fleuris, en étincelles

            Tes moments d'attention,

J'en recueillais chaque parcelle.

            La vie était nouvelle;

Dans cet ailleurs dont nous rêvions,

            Les moissons en javelles

Nous emportaient et nous bravions

            Toute mort qu'on révèle;

Dans nos espoirs de grands avions

            Nous, malheureux troupions,

Nous échappions à nos attelles;

            Et, n'étant plus les pions

De l'échiquier que l'on râtelle,

            L'air frais, nous le happions

En défilant notre dentelle.

            Dressés en paix jumelles,

Nous chantions notre pavillon.

            Nous allions où se mêle

Le vol hasard des papillons.

            Goûte! Goûte comme ailes!

Le parfum vert des grappillons.

            Vivent les illusions!

Les souvenirs en ritournelle

            Brûlent les décisions.

L'herbe qui naît est éternelle

            Croissant dans la vision

De nos chansons sous la tonnelle.

                                   *          *

Ceux qui poussent la voiture quand il y a assez de monde,

Ceux qui veulent bien aider

A condition que cela se sache,

A condition de ne pas être le premier.

Ceux qui signent les pétitions

En milieu de page

Du milieu.

Ceux qui font remarquer

Qu'ils ne se font pas remarquer.

Ceux qui attendent qu'une majorité se dessine

Pour être les premiers;

Ceux qui ne sont opposant

Que quand l'opposition est majoritaire

Mais prennent des précautions

Pour pouvoir changer de camp

Si nécessaire.

Ceux qui, au secours de la victoire, volent;

Ceux qui savent obtenir une distinction.

Ceux qui se font décorer

Sans demander eux même.

Ceux qui arborent leur décoration

Et qui en sont fiers;

Mais disent à chacun

Qu'ils y sont obligés

Et que cela froisse leur humilité.

Ceux qui, simultanément,

Un fond de culotte merdeux

                        Ont

Et plus haut que leur derrière

                        Pètent.

Ceux qui trempent dans toutes les sauces

Et qui ne veulent pas se mouiller.

Ceux qui sont près à tout

Pour n'être près à rien.

Ceux qui promettent n'importe quoi

En sachant qu'après, ils feront un autre n'importe quoi.

Ceux qui promettent pour obtenir

Et virent leur cuti lorsqu'ils ont obtenu;

Ceux qui ont une veste en peau de caméléon.

Ceux qui laissent croire qu'ils promettent

Mais savent bien montrer après

Qu'il n'en était rien.

Ceux qui font prendre des vessies pour des lanternes

Ceux qui après décision délèguent

Afin de pouvoir se démarquer.

Ceux qui font porter le chapeau.

Ceux qui ne signent jamais.

Ceux qui font rédiger leurs discours

Et qui le signent.

Ceux qui signent à la place des autres;

Ceux qui sont sur la photo.

Ceux de qui on parle.

Ceux qui ne vomissent jamais,

Ceux qui font vomir les autres

Et que cela écœure.

                                   *          *

Je garde encore ce soir

Les mots qui s'enfuient si vite,

Ton souvenir, mon miroir

Viens! Le ciel n'est pas si noir

Et le refus de faillite,

Je garde encore ce soir.

Disparu dans un couloir,

Fuit un fantôme hypocrite,

Ton souvenir, mon miroir.

Les odeurs d'un vieux mouchoir,

Que pourtant toujours j'évite,

Je garde encore ce soir.

Est-il parti sans me voir,

Lié par une fin subite,

Ton souvenir, mon miroir?

Rangée au fond d'un tiroir,

Ton œuvre que j'ai transcrite,

Je garde encore ce soir.

Il faut serrer le bel avoir,

L'ombre qui ne se délite,

Ton souvenir, mon miroir.

Son caché dans un fermoir

Ta voix que la lune imite,

Je garde encore ce soir.

Au murmure du parloir,

Ton cri est là, il hésite,

Ton souvenir, mon miroir

Discret et sans le savoir,

Ton discours qui s'irrite,

Je garde encore ce soir.

Mélodie du grand Falloir,

Je crois que toujours m'habite

Ton souvenir, mon miroir.

Entends-le, ce chant d'espoir!

Son image nous invite;

Je garde encore ce soir

Ton souvenir, mon miroir.

                                   *          *

Ceux qui sont de tous les vernissages,

Ceux qui inaugurent,

Ceux qui font venir la presse.

Ceux qui font chorus,

Ceux qui acclament en se cachant

Par prévoyance.

Ceux qui y étaient

Et qui le disent,

Ou qui le disent,

Ou qui le nient,

Ou s'en dédouanent.

Ceux qui ont le courage

De n'être pas courageux.

Ceux qui pleurent sur le passé

Dont, pourtant ils étaient.

Ceux qui remplissent bien les formulaires.

Ceux qui ne remettent pas en cause.

Ceux qui remettent en cause;

Ceux qui remettent en cause les remises en cause.

Ceux qui se réunissent

Ceux qui réunissent.

Ceux qui font prendre des décisions démocratiques

Soigneusement induites par eux.

Ceux qui, lorsque la démocratie

Ne va pas dans leur sens,

Passent outre

Au non de l'intérêt supérieur.

Ceux qui applaudissent

Quand il faut applaudir.

Ceux qui ne savent pas quand il faut applaudir

Et applaudissent avec les autres:

Plus fort que les autres.

Ceux que l'intérêt dirige.

Ceux qui veulent monter en grade.

Ceux qui veulent un bout de reconnaissance

Et ne reconnaissent pas ce qu'on peut reconnaître.

Ceux qui veulent être chef

Parce qu'ils ont peur des chefs.

Ceux que la différence étonne

Et scandalise

Et qui proclamant le droit à la différence

Pour ne pas être différents.

Ceux qui craignent les changements,

Ceux qui rejettent la nouveauté

En criant: «Vive le progrès!»

Ceux qui pérennisent

Ceux qui sont installés,

Installés dans leur installation,

Installation misérable

De capitulation étroite

Et inconsciente.

Ceux qui n'aiment pas la peinture moderne.

Ceux qui aiment la peinture moderne

Si ça fait cultivé,

Si c'est déjà accepté

Si c'est déjà reconnu,

Si ça permet de spéculer.

                                   *          *

Les ombres magiques de tes chatoyances

S'étalent, surface, pour des festoyances;

Et les reliefs barbares que tu inscris,

En aimables tons frais, nous lancent ton cri.

Les turbulents magmas, posés en silence,

Gavent le repos de celui qui s'avance.

Les éclats de soleil disent ton regard

Ebroué de désir,  murmure hagard.

Là, le geste lent et précis que tu cloues

Et répand comme un farfadet qui te loue

Rebondit sur le mur: brume de foulard.

L’écho de ton rêve nous marque ta part.

Les fraîches aubades de matin perlé

Que danse ton dire en ordre démêlé

Incite au repos en grande bacchanale:

Douleurs qui t'effraient dans leurs hordes fatales.

Tu ouvres à chacun ton œil dégelé,

Et ta souffrance gît au fond de l'allée.

Furie en bamboche que tu as reçue,

Tu clames le calme pour un aperçu.

Emprise de fougue et de ressort câlin,

Ta main qui se lance d'un geste malin

Enfourche la fièvre des rires déçus;

Ce qu'on peut en dire, tu t'assois dessus.

                                   *          *

Et voila.

Tout ceux-là,

Ceux qui ont été évoqués

Et cités;

Mais pas seulement ceux-là,

Parce qu'on en a oublié,

Vous pensez...

Ceux qu'on a oubliés

Parce qu'on les oublie toujours,

Et ceux qu'on a oublié

Parce qu'ils savent se faire oublier.

Donc, tous,

Les oubliés

Et les pas oubliés,

Vont, viennent,

Ils respirent,

Comme vous et moi;

Ils mangent...

Enfin, pas tous,

Ou pas comme vous et moi.

Il y en a, qui... plus que vous et moi...

On se demande comment ils font;

Mais, la plupart, largement moins;

Et eux aussi, on se demande comment ils font.

A part cela, chacun est satisfait de son sort.

On se fait croire qu'on a drôlement de la chance

Et qu'il y a plus malheureux.

On se fait croire qu'après, ça ira mieux;

Et que si après ça risque d'aller mieux,

Il n'y a pas de raison de blâmer ceux qui vont déjà mieux;

Même si c'est infiniment différent.

Mais, cela, on ne s'en rend pas compte, naturellement.

Alors, on continue,

Alors, on obtempère,

Alors, on n'a pas d'ambition,

Ni de projet.

On attend Dimanche

Pour jouer aux boules

Avec les copains

Et ça va bien.

On fait des petits

Qui continueront le même chemin.

                                   *          *

                        Hurle ta douceur,

                        Silence sauvage!

                        Eteins la noirceur,

                        La paix te ravage.

                        Déchire le vide,

                        Elan psalmodié

                        Et la joie perfide

                        N'est plus remédiée.

                        Chante le tumulte

                        Brouhaha rangé;

                        Et l'horreur des cultes

                        Des morts vendangés.

                        Romps la dispersion.

                        Attirante douleur,

                        Détruits l'aversion

                        En mille couleurs.

                                   *          *

Et le temps passe.

Pourquoi voulez-vous que ça change?

Ceux qui vont infiniment mieux

N'y ont pas intérêt,

Et comme c'est eux qui commandent...

Moins les autres seront renseignés,

Et mieux cela ira

Pour ceux qui vont infiniment mieux.

Donc, pas de vagues,

Pas d'éclaboussures,

Chacun son affaire,

Chacun sa ration,

Chacun son monde,

Chacun son destin,

Et de toutes façons,

«On n'affranchit pas les caves.»

                                   *          *

                        Délicate lunule

                        De douceur majuscule

                        Tu écris le souhait

                        De celui qu'on flouait.

                                   *          *

Donc, voila.

Ce qui cache un peu tout,

Et donc ce qui aggrave,

C'est que, par-ci par-là,

Quelques individus,

Allez savoir pourquoi,

Sont un peu favorisés.

Très peu.

Ils sont bien trop loin du haut

Pour voir le haut.

Alors, ils croient que c'est eux,

Le haut.

Ils en sont persuadés,

Et le crient très fort.

Entre eux ils se chamaillent:

«- Mais si.

- Mais non.

- C'est pas moi!

- Moi non plus.

- C'est toi!

- Non, c'est lui.»

Pour ceux d'en bas,

C'est un écran de fumée.

Un chef d'équipe...

Un contremaître...

C'est quelqu'un.

On sait qu'après,

Il y a encore,

Peut-être,

Un personnage mythique,

Mais qu'on ne voit jamais.

Il doit être dans un château

Où on ne peut pas aller.

Ca se dit;

Mais le château,

On ne sait pas où il est.

                                   *          *

Un jour, tes yeux, je regarderai;

Et dans tes yeux, au fond de tes yeux,

Au fond de ton regard trop soyeux,

J'attendrai vivre l'ultime arrêt.

Un jour, ta tête, dans mes mains,

Je la prendrai. Tes tempes sous mes doigts

Battront sans fin jusqu'à ce qu'ondoie

Le demain éternel lendemain.

Un jour, dans ton sourire caché,

Je me glisserai. Dans sa chaleur

Et sa fraîcheur mêlées, sa pâleur

Me dissoudra en paix arrachée.

Et ta tête dans mes mains tenue,

Et tes yeux regardés en breuvage,

Et blotti dans ton sourire sage,

J'attendrai que l'heure soit venue.

Et l'heure viendra un peu plus tard,

Quand devenus éther, les questions,

Pas posées, auront leur solution

Dans l'univers glacé, quelques part.

                                   *          *

Un gradillon, cela rend fier.

On ne fabrique plus,

On remplit des papiers.

On se fait des courbettes,

On se coopte,

On crée des commissions, on invente des réseaux,

On inscrit dans des superstructures

Que l'on structure

Pour être super.

On se congratule.

On prononce des discours vains.

On se dépeint comme brillant et judicieux,

Et dans le droit fil de ce qui est souhaité en haut-lieu.

L'autre, qui n'est pas dupe,

Reçoit le message,

Fait semblant de le croire,

Et félicite pour la pertinence de ce qu'il entend et voit.

Sans être dupe non plus,

On accepte la félicitation

Dont on s'enorgueillira, plus tard,

Devant un tiers qui agira de même,

Et ainsi de suite.

Puis, on s'étonne quand la réalité

Est rebelle.

Vraiment, la base,

On n'y peut pas compter.

Tout irait tellement mieux

Si on ne l'avait pas.

Des trains sans voyageurs,

Des compagnies ferroviaires sans trains

Et sans personnel...

Des écoles sans élèves...

Et sans classes...

Des hôpitaux sans malades...

Des routes sans automobiles...

Cela irait si bien sur le papier.

Quel rêve!

Hélas,

Les services au service des hommes de terrain?

Ou les hommes de terrain au service des services?

Y aurait-il quelque chose

De pourri

Au royaume de Danemark?

Pauvre Danemark!

                                   *          *

Couché dans un ruisseau de clair argent glacé,

Je garde en mon esprit ta pensée cristalline.

Mon souffle m'a quitté, par l'onde déplacé,

Et mon corps trop lavé prend couleur de platine.

L'eau lisse mes cheveux. Sous mes joues on devine

Mon grand lit fait de mousse aux feuilles compassées.

Couché dans un ruisseau de clair argent glacé,

Je garde en mon esprit ta pensée cristalline.

Parfois la libellule, visiteuse mutine,

Se pose sur mon nez dans son parcours pressé.

Je regarde le ciel en arbres inversés.

Ton visage m'entend, et puis, il me dessine

Couché dans un ruisseau de clair argent glacé.

                                   *          *

«Mais enfin, Célestine!

Tu n'as pas obtenu ton?

Et le formulaire bleu XV3 62S,

Tu ne l'as pas rempli?

Tu ne savais pas qu'il fallait le demander?

Tu ne savais pas que cela existait?

Allons, ma pauvre Célestine,

A quoi penses-tu?

Bien sûr, tu es dans tes...

Tu ne pourrais pas être sérieuse,

De temps en temps?

Ton métier! Ton métier!

Est-ce seulement un vrai métier?

Et puis, il faut que tu t'occupes

De tes affaires!

Il faut faire des démarches,

Bâtir des dossiers,

Et les présenter,

Et les défendre,

Et les justifier...

Non, ce n'est pas automatique.»

«Qu'est-ce qu'il raconte, celui-là?

Tu quoi,

Tu joues de la...

Bouff!

Comment cela, ce n'est pas une plaisanterie?

Encore qu'avec toi...

Où ça que tu dis?

Allez, laisse moi tranquille avec tes bêtises.»

Ah oui? Il y a un musée?

Ah bon.

Au théâtre?

Ah bon.

Un roman?

Moi, je ne lis que des revues techniques.

Le reste, je n'ai pas le temps,

Vous comprenez...

Non, je ne m'occupe que de choses sérieuses, moi.

Rendre service?

Et qu'est-ce que cela me rapporte?

La pensée? La beauté?

La culture?

C'est incompréhensible.

Et puis, cela ne se mange pas en salade.

                                    *          *

                        Par le ciel étoilé,

                        Par les airs étalés,

                        Par la mer en tempête,

                        Par la terre défaite

Et par la déchirure de l'humanité,

Par la misère froide et par ses vanités,

                        Par la chaleur du jour,

                        Par le feu du parcours,

                        Par l'ombre de la nuit,

                        Par l'effroi que l'on fuit,

Par le froid des matins où l'on va travailler,

Par la pluie qui ruisselle dans les vies brouillées,

                        Par la fuite des eaux,

                        Par la joie des oiseaux,

                        Par demain qui s'approche,

                        Par l'espoir qui s'accroche,

Par la paix qui s'enflamme autour des horizons,

Par le calme qui bout au fond de nos maisons,

                        Par la fleur qui s'ébroue,

                        Dans le pré que l'on troue,

                        Par l'oubli repoussé

                        Et le rire amassé,

Je dis, j'affirme à ceux que mon regard embrasse,

A ceux que mon discours et mes yeux embarrassent,

                        Contre tout bon sens,

                        Contre toute observance,

                        Contre tout ce qui plie,

                        Contre toute folie,

Contre le bien penser et le penser bien sage,

Contre le discours sain qui porte ses ravages,

                        Contre les vaniteux

                        Et contre les miteux,

                        Contre les établis

                        Aux gestes anoblis,

Contre les petits gueux avec leurs esprits fades

Contre l'ordre des choses dressé dans ses bravades,

                        Contre ce qu'on approuve

                        Et ce que l'on réprouve,

                        Contre ce que chacun dit

                        Du lundi au lundi,

Avec la force et hargne de douceur sucrée,

Avec la paix violente qu'en ton cœur tu crées

                        Avec la certitude,

                        Avec ma gratitude,

                        Avec tout le courage,

                        Avec tous ses mirages,

Je clame et réitère, flamboyante présence,

Ce que je n'ai pas dit, broyé dans mon silence.

                                   *          *

Et puis, il y a les autres:

Les asociaux,

Les illuminés,

Ceux par qui le malheur arrive.

Peu nombreux, heureusement.

Ils faussent le jeu.

Le haut; le bas, le milieu,

Le milieu plus près du bas que du haut,

Le milieu tout court et qui est partout,

Cela les indiffère.

Pour eux, le problème n'est pas là.

                                   *          *

Clochette fleurette qui réjouis les prés,

Tu jettes, et nous prêtes ton regard diapré.

Mâtine gamine qui sort de son lit,

Divine coquine tu nous abolis

Civelle trop frêle, qui redoute encore

Les belles nouvelles des bruits de dehors,

Livresques grotesques tu hais ces péchés;

Les fresques sont presque déjà séchées.

Alors, tout ton corps fuit ton épouvante,

Et l'or qui t'adore se dresse et t'invente

La haine qu'on traîne veut t'envelopper,

Que vienne la plaine, tu sais galoper.

Les villes défilent en riches maisons,

La bile servile n'est pas ta raison,

Et coule la foule des hommes perdus,

Tu roules le moule à ton art éperdu.

                                   *          *

Eux, ils font autrement.

Et c'est ça qui est grave.

Tout ce qui est différent

Menace l'édifice.

Et quand l'édifice branle,

Ceux qui se font le plus mal,

Sont ceux qui tombe de plus haut.

Alors là, on ne plaisante plus.

Découvreur?

Au bûcher!

Inventeur?

De canons? Non?

Au bûcher!

Novateur?

Au bûcher!

Expliqueur?

Au bûcher!

Créateur?

Au bûcher!

«- Pourtant, ce qui existe,

Il a bien fallu, un jour, l'imaginer...

Donc il y a bien eu des imagineurs,

Dans : le passé.

- Certes, mais ceux là aussi,

On les a brûlés.

Vous discutez?

Au bûcher!»

Au bûcher!

Au bûcher!

Au bûcher!

La nouveauté, oui, bien sûr;

Mais uniquement

Celle que, déjà, on connaît.

Sinon...

Non mais!

                                   *          *

L'aurore se lève; elle éblouit tes yeux,

Et ton regard ouvert s'élance plus haut.

En cône inversé, le monde est plus beau,

Et tu y pénètres d'un désir radieux.

Ton pas se décide tu vas où il faut;

Tu es découvrante et reconnais les lieux;

L'aurore se lève; elle éblouit tes yeux,

Et ton regard ouvert s'élance plus  haut.

La nuit fuit son partage. Venant du milieu,

Un grand éclairage réchauffe ta peau.

Ton souffle gardé déchire les rideaux;

Et tu franchis les cercles amis des dieux;

L'aurore se lève; elle éblouit tes yeux.

                                   *          *

            Alors,

            Gluez!

Tripards ringards,

Politicards pendards,

Hussards hagards,

Mitards, placards,

Et chiards gueulards,

Panards papelards

Dédaignez, conspuez, étouffez, écrasez,

Vilipendez, emprisonnez, bâillonnez

Ceux que vous méprisez.

Votre mépris n'est pas crédible.

Il n'est que le visage de votre effroi,

Et votre effroi est laid.

Il a la laideur

De votre incurie,

De votre conservatisme,

De votre obscurantisme,

De votre immobilisme,

De votre lâcheté,

Et de votre bêtise.

Si, plus tard, on se souvient de vous,

Ce ne sera pas pour votre grandeur factice,

Mais pour vos freins,

Vos refus,

Vos censures,

Vos interdits

Et vos index.

On vous garderait si vous étiez grands

            Dans l'abjection.

            Toutefois,

Comme on n'est abject que contre quelqu'un,

C'est, pauvres détracteurs, accroché à ses mollets,

Comme la boue du chemin

Que vous survivriez,

            Peut-être,

            Grâce à lui:

Parasites méprisables,

Suçant le sang des chevaux.

            Or, même cela,

Vous n'en êtes que très peu capables.

                        Donc, adieu.

            Laissez-nous respirer.

                                   *          *

     Le beau éveille ton esprit en un songe.

     Enfuit, le soucis malvenu qui te ronge.

Tu vas, vers l'avenir, dans un désert riant

     Que tu rempliras d'images où tu plonges.

Loin devant l'horizon, ton regard est brillant;

     Tu cours en jetant, haut en l'air, tes sandales;

Et tu teins de ciel vert le noir sable criant.

     Tu peux, dans ce vide, inventer des dédales

Où tu libéreras le silence de cris

     Resté prisonnier au fond de tes pétales.

Ici, les interdits seront, par toi, proscrits;

     Inventant des voies, que partout on ignore,

Des réseaux retrouvés qui n'étaient pas écrits.

     Les formes lancées sont un parfum qu'honore

Le vol reconnu de l'oiseau te conduisant,

     A l'initial parcours de la mandragore.

L'initiation t'épargne les mots séduisants;

     L'oiseau te transporte, il faut que tu sois prête,

Et prête à surmonter les travaux épuisants.

     Ce que tu feras, c'est toi qui le décrètes;

Les questions ne sont plus puisqu'elles sont partout,

     Y répondre est un jeu, pour toi la secrète.

Aucune hésitation, puisque tout est va-tout,

     Dansante étincelle au son de la lumière,

Tu bondis en tatou surpris d'être un matou.

     Ton geste produit, en flaques singulières,

Un nouveau précipice, où ta pensée se fond,

     Pour en jaillir, plus tard, en valeur première.

Tu comprends et traduis tout ce que l'on confond;

     Le doute et sa peur ne sont plus apanage;

Hésiter est parti; il est resté au fond.

     Bateau relancé d'un nouveau carénage,

Il n'est plus de chercher ce que l'on doit chercher;

     Mais trouver suffit sans aucun dépannage.

Hisse alors la grand voile et, dans les airs couché,

     Navire révélé, ne crains plus le mensonge;

Tu vogues, maintenant, sur les vagues perché.

     Le beau éveille ton esprit en un songe.

                                                          

                                                                                                                                        11/12/97

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