La lune enviée pleure ses nacres attendries,

Et les larmes de nuit sur ses joues rebondies

Ruissellent un parfum gracieux qui s'évapore :

Frais brouillard doux, argent glacé, sueur d'acore.

 

Lune de pluie, lune de vent, lune de froid,

Lune de nuit, lune de noir, lune d'effroi,

Lune d'amour, lune d'émoi, lune de vie,

Tu emplis mon espoir de bonheur et d'envie.

 

Je te regarde, Lune, et mes yeux m'ont quitté ;

Ils ont fui leur cratère en toute iniquité ;

Et mon regard n'est plus, ou plutôt il s'efface,

Voguant vers la lueur que murmure ta face;

 

Vers un ailleurs subtil, humés par ta présence,

Ils errent vers "là-bas" autour de ton silence.

Et, bien qu'encore à moi, ils sont une poussière

Participant sans fin à ta tendre lumière.

 

Et puis tu me regardes; et aussi tu me cloues

Dans cette sereine hébétude qui me floue.

Mystère épris des loups depuis l'éternité,

Je suis figé, pour toi, dans l'immobilité.

 

Ta pression envoûtante envahit ma poitrine

Et vide de son sang la viscère intestine.

Seul le cœur bat encore, pulsion trop maladroite,

Emplissant malgré tout sa cage trop étroite.

 

La puissance du flux qu'ainsi tu irradies,

Comme un vent trop puissant porteur de maladie

Plaque sur un buisson un vieux torchon mouillé,

Applique sur mes os mon tors émerveillé.

 

Et cela appuie, et cela m'enchante; et cela me noie.

Je ne puis échapper au regard qui me broie.

Et cela me traverse. En mon dos lacéré,

Un grand morceau de peau soudain s'est déchiré :

 

Lambeau d'algue morte glissant parmi les eaux.

Le rocher qui m'assoit a reçu ce bandeau

Et 1`a contaminé de sa rigidité :

Placard silicifié atteint de fixité.

 

L'air maintenant circule entre mes côtes sèches.

C'est une vie nouvelle : Douce saveur de pêche.

Mes genoux pétrifiés se sont couverts de mousse

Et de fleurs que ton souffle émeu: Haleine douce.

 

La pierre s'est insinuée dans mon être rebelle.

La froidure a gagné mon essence réelle.

Seul mon cœur entêté bat l'absence de sang.

Et mon âme éblouie boit mon regard absent.

 

Je te regarde et tu ne me regardes pas.

Tu m'illumines, mais, pourtant, ne me vois pas.

Sur ta face chérie, métal où rien ne bouge,

Tes dards immobiles forent ton halo rouge.

 

Tes rayons exaltés se condensent, magiques ;

Unies sur mon visage, leurs liqueurs extatiques

Versent pour toi les larmes délaissées

Que mes orbites creuses n'osaient t'adresser.

 

 

                                       16/06/96

 

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