Saleté de téléphone!

 

Théâtre

 

Jean Durier-Le Roux

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Saleté de téléphone!

  

La scène représente un intérieur standard, plutôt coquettement aménagé mais sans trop avec un léger désordre impliquant une pièce où l'on vit beaucoup. Il fleure bien l'appartement de fonction. Sur une table basse, bien en évidence: un téléphone.

Un seul personnage: Ninie. C'est, a priori, une femme d'âge moyen mais, dans le fond son âge n'a aucune importance.

  

 

Saleté de téléphone!

 

Première partie

 

Le téléphone sonne longuement. Ninie arrive en courant. Elle est en pyjama. Au moment où elle va prendre le combiné, la sonnerie cesse.

Ninie: Et, bah, ça commence bien. Je vous jure... Je n'aime pas ça, mais alors, pas ça, du tout, du tout. (S'adressant au téléphone): Tu ne pouvais pas me laisser tranquille, non? Ça ne se fait pas une chose pareille. Réveiller les gens un dimanche matin à des heures inhumaines... Non, ça ne se fait pas. C'est mal élevé. C'est malpoli. c'est un manque de savoir vivre évident et, au minimum, discourtois. Non mais! Tu crois vraiment que je t'ai acheté et introduit dans mon salon, le lieu privilégié et ostentatoire de mon habitation, pour que tu te permettes de telles incivilités? Si je t'avais rangé dans le placard à balais, encore, je ne dis pas. Mais là, non. C'est très exagéré. C'est un abus de pouvoir qui devrait être réprimé par la loi. Quelle heure est-il? Neuf heures moins dix. Bon. Je t'accordes que c'est presque admissible mais ce n'est pas une raison. Ce n'est pas à toi de me réveiller. Ici, c'est moi qui commande. C'est moi la patronne. C'est moi la chef!

Et puis, il n'y a même pas de message. Tu aurais pu faire un effort et enregistrer quelque chose. Mais non. Rien. Et comment est-ce que je fais, moi, maintenant? On ne peut vraiment pas compter sur toi. C'est vrai que tu es un modèle plutôt bas de gamme. Mais que veux-tu? Je n'avais pas les moyens de te choisir plus luxueux.

(Elle surveille le téléphone, prête à bondir. De temps à autre, elle pourra tendre la main comme si elle allait décrocher, selon les besoins de la mise en scène. Parfois, ce sera indiqué mais on pourra ajouter le même geste ad libitum)

Alors, tu vois que je suis là! Vas-y! Sonne! Ouais... Tu n'est pas très coopératif... Bas de gamme, vas.

Je me demande quand même qui ça pouvait bien être... Bon, ce n'est pas grave. Ils rappelleront. Oui, ils rappelleront; surtout si c'était grave.

Et si c'était la perception? Pour me dire qu'ils vont me couper l'eau. Ou le conseiller financier de ma banque? Parce qu'en ce moment, mon compte, je n'ose pas trop y penser. Encore que, la perception ou le conseiller financier de la banque, un dimanche matin... A neuf heures moins dix... Je n'y crois pas trop. C'est déjà ça. C'est même plutôt rassurant.

Très bien! Alors, puisque je suis rassurée, je vais me préparer mon petit café.

Elle se penche vers le téléphone et avec un ton méprisant:

Bas de gamme!

Elle part vers la cuisine puis, s'arrête brusquement, se retourne et:

Bas de gamme.

Elle revient comme aspirée par une force magnétique et s'assoit en se laissant tomber sur un canapé en face du téléphone et s'adresse à lui.

Un petit café. Pourquoi un petit café? Qu'est-ce que c'est que cette auto censure? Non, non, non! Je ne veux pas d'un petit café. Pas un grand non plus, du reste. Pas une bassine de café; je n'ai pas l'intention de prendre un bain dedans. Non! Juste un café moyen. Un café normal, un café règlementaire, un café de taille syndicale. Il y a des gens qui vous disent: "Tu veux un p'tit café?" Et vous répondez niaisement: Oui. Niaisement est le mot parce qu'ils en profitent pour vous verser une goutte de café dans un dé à coudre. Bande d'escrocs! La tasse est tellement petite qu'il faut touiller avec le manche de la cuiller. L'autre côté n'entre pas. Oui, parce que moi, le café, je le veux sucré. Il y a des gens qui sont tellement radins que, non seulement ils servent le café au compte goutte, mais qui, en plus, imaginent qu'on ne veut pas de sucre. Mais si, mais si, mais si! Je veux du sucre, moi. Bon, je n'irai pas jusqu'à dire que pour moi le café est un alibi pour consommer du sucre, mais pas loin.

Eh! Bas de gamme! Tu m'écoutes? Oui, c'est à toi que je m'adresse. Je m'adresse à toi parce que tu es devant moi et que ce matin tu m'as agacée. C'est toi qui as commencé. Tu m'as sonnée et puis plus rien. Tiens, tu sais, c'est comme les gens qui t'appellent et qui, quand tu tournes le tête, que tu t'approches et que tu leur réponds de façon civile et serviable, prête à les secourir, te disent: Euh, non, rien! Moi, ceux la, j'aurais envie de leur labourer le visage de mes griffes acérées.

Le café... Parfois, il y en a si peu que quand vous voulez mettre le morceau de sucre dedans, cela requiert une technique accomplie. Attention! Il faut approcher le sucre pour éviter quand vous le lâchez une trop grosse éclaboussure qui, inévitablement se répandra à côté de la tasse. Mais, gare! il ne faut pas toucher la surface du café, sinon, (Elle fait un bruit de succion) par capillarité, tout le café est monté dans le sucre: "total absorbiert". Et, avant que l'on ait le temps de réagir, le sucre, qui se ramollit et s'écrase dans vos doigts (qu'il faudra, alors, fort inélégamment, sucer), s'effondre au fond de la tasse vide sous la consistance d'une bouillie informe. A ce moment là, on a l'envie irrépressible d'aller récupérer le tout avec son index, déjà sucé, ou pas encore, c'est au choix, au fond du récipient parfaitement ridicule, voire provocateur. N'importe comment, malgré tout le soin qu'on y porte, il en restera toujours un peu dans l'angle formé par le fond et le bord. C'est là que l'on maudit le destin de n'avoir pas été pourvu d'une langue plus longue, plus exploratrice et plus capable de parcourir certaines cavités. Si! C'est le même drame que quand on mange des escargots. On ne peut pas attraper le fond. Comme il y a un gaspillage patent et une perte castratrice, on en ressent un sentiment de frustration tragique bien qu'inexprimable.

Pour consommer ce genre de café chez des gens qui se disent nos amis, il faut posséder une technique sereine et longuement entraînée pour être vaguement assimilée. Si le bas du morceau de sucre a effleuré la surface noire, il faut, sans réfléchir, par un mouvement devenu un réflexe à force de répétitions, un peu comme le font les judoka qui ont répété des milliers de fois leur prise favorite, leur spéciale, afin de la porter de façon automatique et instinctive, il est d'une nécessité absolue, un: De poser la tasse dans sa soucoupe; deux: De porter la main qui ne tient pas le sucre (la gauche si l'on est droitier et la droite si l'on est gaucher) sous l'autre main (celle qui tient le sucre) et, toujours aussi vite, jeter le sucre dans sa bouche avant l'effondrement inéluctable. Le tout, évidemment, avec grâce et élégance. Si l'on ne réussit pas l'enchaînement avec la coordination et la célérité voulue, c'est la catastrophe.

(Avec plus d'emphase et de passion).

Et là, telle une prêtresse antique, je m'adresse à vous tous, ô esprits familiers de mon foyer! Et même, quand je dis antique, c'est une vision bien restrictive puisque, dans nombre de régions du monde, aujourd'hui encore, sans le moindre doute, on n'oublie pas de tenir compte de vos existence cachées mais ô combien influentes. Donc, je ne m'adresse plus seulement à Bas de gamme. Non! Je vous prends tous à témoin. Oui, tous! Toi, l'esprit de la pendule fort laide que j'ai achetée, pour une misère, dans un vide grenier mais qui, si je n'oublie pas de changer la pile de temps à autre, me donne, fidèle servante, une approximation horaire parfaitement satisfaisante. Je t'invoque aussi, toi l'esprit du guéridon qui me vient de ma grand-tante sur lequel j'avais espéré poser des vases de fleur, chose à laquelle j'ai renoncé puisque tu es tellement bancal que même en plaçant sous une de tes pattes mon échéancier d'impôts sur le revenu plié en seize, tu restes d'une stabilité douteuse. Oui, je m'adresse à tous! A toi, également, l'esprit de la clef du buffet qui de temps à autre, par pure malignité se coince dans la serrure de façon telle que je ne peux plus tourner ni à droite ni à gauche, chose à laquelle je remédie par intimidation en flanquant un coup de pied à la porte qui, elle, ne m'a rien fait. Je ne vais pas tous nommément vous désigner, mais dans mon cœur, je vous associe tous au moment tragique je suis en train de vivre... Tout ça, à cause de "Bas de gamme". Oui, je sais bien que je suis entourée par votre multitude, qu'à chaque instant de ma vie, vous êtes là à m'observer, à me soutenir de votre sollicitude ou, parfois, à m'agacer par pure effronterie. Comme le poète, je vous demande: Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer?

Brusquement plus calme, elle se rassoit.

Ça, c'est une ânerie. Si, c'est une ânerie. Il dit une ânerie, le poète; une ânerie aussi grosse que lui... Encore que... Côté grosseur, Lamartine, il y a pire. Il était plutôt tout en longueur. Disons que c'est une ânerie aussi grande que lui. Ce sera plus juste. Cela dit, qu'il ait parfois des remarques incongrues, il a des excuses. Il a un lourd handicap à assumer. Bah si! entre nous... S'appeler la martine quand on est un homme... N'empêche qu'il dit une ânerie. Un simple petit exercice d'étymologie sauvage suffit à le montrer. Ame et animé on la même racine latine. Ame en latin se dit anima. Donc quand il dit objets inanimés avez-vous donc une âme, cela revient à demander: Objets sans âme, avez vous donc une âme? C'est comme si on se posait la question de savoir si les bestioles sans ailes ont des ailes, ou si les fleurs non bleues sont bleues.

C'est précisément ce que les mathématiciens ensemblistes appellent un sous ensemble vide. Attendez, je vais vous le redire de façon mathématique. vous allez voir, c'est beaucoup plus simple à comprendre. Dans l'ensemble des fleurs, il y a deux sous ensembles. Le sous ensemble des bleues et le sous ensemble des non bleues. Il ne peut pas y avoir d'intersection entre ces deux sous ensembles. Et même si on décidait qu'il y a une intersection, ce ne pourrait former qu'un nouveau sous ensemble vide.  Vous voyez que vu comme ça, c'est beaucoup plus compréhensible! Donc, objets inanimés avez vous donc une âme, c'est soit un ensemble inexistant, soit un ensemble vide. Il est à noter, du reste que le sous ensemble inexistant et le sous ensemble vide se superposent exactement ce qui donne à penser que c'est un sous ensemble de deux sous ensembles inexistant et vide.

En plus, cette constatation, ce n'est pas franchement une nouveauté. Il y a très très longtemps, Parménide... Euh, Parménide c'est un Monsieur qui vivait il y a très très longtemps... Oui, et même très très longtemps avant Lamartine. Et bien, il  constatait déjà que ce n'était pas possible puisqu'il disait que rien ne peut, à la fois, être et ne pas être. L'existant ne peut pas être en même temps inexistant, ce qui peut donner à penser que Lamartine maîtrisait mal la pensée de Parménide. La lampe ne peut pas être simultanément allumée et éteinte. Le téléphone ne peut pas, à la fois,  sonner et ne pas sonner. Je ne peux pas, en même temps, être exonérée d'un impôt et devoir le payer quand même. Encore que là, je ne suis pas très sûre que ce soit un bon exemple. Les gens du fisc, non plus, n'ont pas du lire Parménide.

Remarquez que son ânerie, Lamartine il la dit bien. Objets inanimés avez vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer. Han! J'en ai des frissons qui me parcourent l'échine depuis la troisième vertèbre cervicale jusqu'à la dernière lombaire. C'est beau! Une grande âme ce Lamartine, une grande âme sentimentale et romantique. C'est cela: Une grande âme sentimentale et romantique qui dit des âneries sur les plans, à la fois, mathématique et philosophique, mais une grande âme, quand même, et qui les dit tellement bien. Quoi que... manquerait plus que ça que, en plus, il les dise mal.

Voila. Avec tout ça, et par la faute de Bas de gamme, je digresse, je digresse et je ne sais plus à quoi je pensais.

Ah oui! Le café. L'art d'échapper au ridicule quand le sucre touche le café de façon inopinée et anticipée.

Elle mime la suite déjà décrite. Elle approche le sucre. Vite, elle pose la tasse, met la main disponible sous l'autre et porte le sucre à sa bouche. Puis elle mâchouille un peu, avale, se lèche avec une distinction affectée le pouce et l'index et adresse un sourire de satisfaction niaise à différents objets de la pièce.

Voila. Je vais le refaire... Pour l'entraînement... et pour ceux qui n'auraient pas bien vu.

Elle ré-exécute le tout et adresse de petits saluts autour d'elle.

Je sens que je le tiens bien, là.

Brusquement, elle se lève semi fléchie comme en position de "en garde" de lutteur japonais avec une grimace effrayante de menace en direction du téléphone comme si elle allait sauter dessus pour le décrocher à temps.

Ce qu'il faudrait, c'est pouvoir enchaîner les deux; même si dans la pratique la probabilité pour que les deux évènements se suivent est faible, voire négligeable, mais on ne sait jamais. Il vaut mieux prévoir.

Elle enchaîne les deux mouvements et se rassied.

Bon. Je sens que je suis parée. Les mésaventures peuvent survenir. Je les attends de pied ferme... (au téléphone, avec mépris) Bas de gamme!

Si l'on ne réussit pas l'enchaînement avec la coordination et la célérité voulue, c'est la catastrophe.

Et pourquoi la catastrophe? Si vous n'allez pas assez vite, cela risque de tomber dans le creux de votre main qu'il faudra lécher avec soin pour éviter que cela ne devienne poisseux et colle aux autres mains que vous serrerez en partant. Ce qui, avouez-le, en fait de distinction est un peu douteux. Alors, pourquoi mettre la main au dessous? Parce que sinon, cela tombera sur la moquette gris perle du salon. Et une tache de café, sucré de surcroit, sur une moquette gris perle, pour la retirer, on a plus vite fait de changer la moquette. On risque de ne plus jamais être invitée chez les propriétaires de la susdite moquette. Ce qui, tout bien considéré n'est peut-être pas un mal. Bien fait pour eux. Ils n'avaient qu'à avoir des tasses de la taille idoine et adéquate.

(Elle refait le mime de l'agression du téléphone en silence mais en articulant bien pour qu'on comprenne qu'elle ajoute: bas de gamme).

Bon, et bien avec tout ça, en parlant de café, je n'ai toujours pas pris le mien.

Elle se dirige vers une porte se retourne et agite son index vers le téléphone avec un air entendu comme pour lui signifier: Attention, toi, je te surveille. Elle franchit la porte mais repasse la tête et l'index qu'elle agite de nouveau et disparaît).

Musique et bruits de cuisine et de cafetière. De temps à autre, elle passe la tête et signale au téléphone qu'elle ne l'oublie pas.

 

 

Deuxième partie

 

Le téléphone sonne. Hurlement dans la cuisine.

Oui, j'arrive!

Bruit de fracas de vaisselle dans la cuisine. Elle se précipite sur le téléphone de la façon la plus spectaculaire possible selon les possibilités acrobatiques de l'actrice. Elle finit sa course en s'effondrant dans le canapé. Elle décroche comme elle peut et d'une voix hachée par l'essoufflement du à l'effort physique:

Oui, bonjour, j'écoute.

Hein? Non, je ne suis pas tonton René... Non, je ne suis pas non plus la voisine de tonton René... Mais puisqu'... Mais puisqu'... Je vous dis que vous n'êtes pas chez tonton René... Exactement, je ne suis personne qui ne corresponde de près ou de loin à tonton René... Voila, c'est ça... Oui, mon numéro est très précisément celui que vous venez de me dire, mais cela c'est mon numéro. Pas celui de tonton René. Si je suis sûre? Bah oui, quand même. Enfin, je suis sûre que c'est mon numéro et selon tout bon sens, si c'est le mien, ce ne devrait pas, en même temps, être celui de votre oncle. Hein? ce n'est pas votre oncle? Bah, alors, pourquoi l'appelez vous tonton? Vous êtes sûr qu'il s'appelle René au moins? Ah oui, quand même. Donc, vous l'appelez tonton René parce que tout le monde l'appelle tonton René. Ah oui... Ah oui... Ah oui. Il est le tonton de tout le monde et tout le monde l'appelle Tonton parce qu'il n'est le tonton de personne. C'est gentil, ça. Enfin, même en faisant beaucoup d'efforts, je ne suis pas Tonton René ni même un de ses innombrables faux neveux. Voila... c'est ça... vous avez compris et moi aussi. Mais je vous en prie... Il n'y a pas de mal... Mais vous ne m'avez pas dérangée. Mais non... Mais non... Mais non. Quand vous le verrez, donnez lui le bonjour de ma part. Oui, c'est ça. De la part de Ninie. Non, il ne me connaît pas, mais ça lui fera sans doute plaisir quand même. Et puis, tenez, excusez moi mais pendant que je vous parle, est-ce que c'est vous qui m'avez appelée à neuf heures moins dix? Non? Vous en êtes certain? Ah bon. Vous n'avez pas appelé Tonton René à neuf heure moins dix? Vous n'avez appelé personne. Et vous n'avez même pas essayé? Donc, d'une part, je ne suis pas celle que vous avez appelée et vous n'êtes pas, non plus, celui qui m'a appelée. Donc, en résumé, nous ne sommes ni l'un ni l'autre celui ou celle que nous sommes... Ou que nous ne sommes pas, du reste... Voila... Voila... C'est cela même... Mais je vous en prie... Mais il n'y a pas de mal... Passez une bonne journée... Je vous remercie et vous de même.

Elle raccroche, et, regardant longuement le téléphone:

Bas de gamme.

Quand je pense qu'au début du vingtième siècle, des gens fort instruits, fort intelligents et fort inventifs ont consenti des efforts conséquents pour explorer un monde de l'absurde, de l'inconséquent, de l'improbable et en dehors du réel, s'ils ont éprouvé tant de difficultés pour n'en entrevoir qu'une infime parcelle, je me dis qu'ils ne devaient pas posséder de téléphone. Le téléphone: Ô! merveilleuse invention du génie humain, offrant, aux primates supérieurs que nous sommes, une capacité magnifiée de la communication! Ô! Alexander Graham Bell, soies couronné dans le parnasse des sommets humains. Soies divinisé dans la mémoire de l'humanité éblouie et reconnaissante. Qu'au frontispice des monuments publiques ton visage lumineux soit représenté en icône devant les nations prosternées et que ton nom, en lettres de lumière soit apposé en exemple dans les abécédaires des petits enfants.

Avec tout ça, je ne sais toujours pas qui m'a appelée ce matin à neuf heures moins dix. Ça me turlupine, ça.

Bon, une chose est certaine, ce n'est pas le Monsieur qui voulait parler à Tonton René. Ça, c'est sûr. Il me l'a dit. Cela fait donc déjà une possibilité de moins. Restent toutes les autres. Sept milliards et demi d'habitants sur la planète dont environ la moitié peut avoir accès à un système de téléphone. Moins les enfants en bas âge. Allez, disons que la potentialité est d'environ deux milliards d'individus... Voila, c'est ça. Deux milliards d'individus... moins un. Ça laisse encore un panel assez large.

Ça m'ennuie de ne pas savoir.

Si, ça m'ennuie.

Et si c'était une personne en détresse qui m'a appelée en pensant que je suis la seule capable de lui apporter la solution pour la tirer d'une situation tragique... C'est angoissant, ça. Pourquoi ne me rappelle-t-il pas? Peut être que c'est parce qu'il passe dans un tunnel... Ouais, depuis le temps, ça fait quand même un long tunnel. A moins, précisément, qu'il ne soit bloqué dans ce tunnel. Oui, mais non. Parce qu'il ne pouvait pas savoir avant d'entrer dans le tunnel qu'il allait y être bloqué... Sauf grande capacité de prémonition... Mais là, je pense que cela dépasse mes compétences.

Il est notoire que c'est quelqu'un qui n'a pas réitéré son appel. Peut-être qu'il ne peut plus appeler. Et pourquoi ne pourrait-il plus appeler? Il y a plusieurs raisons possibles.

D'abord, il y a la situation proche du tunnel. Il n'a plus de réseau. Il marchait, comme ça, très détendu et ne pensant pas à mal et tout à coup, en longeant un chantier oublié, il met le pied sur une grande tôle. Et alors là, voila que tout s'effondre. Il va tomber! Non! Il s'accroche à des gravats hérissés de ferrailles rouillées. Alors, mu par une dernière lueur d'espoir, il sort son téléphone d'une main en se cramponnant de l'autre et tente de me joindre. Je n'arrive pas à temps, à cause de bas de gamme. Ses pauvres doigts sanglants tremblent et lâchent prise. Il tombe dans l'abîme béant! (Elle pousse un cris lugubre qui décroit en puissance au fur et à mesure que la profondeur augmente): Ah! Plof. Il essaie encore de téléphoner, mais là, ah misère et désespoir: Plus de réseau.

Mais pourquoi m'appeler: moi, plutôt que les pompiers? Parce que j'habite à deux pas et qu'il ne doute pas que je vais courir comme une folle par les rues, avec mon peignoir jaune et mes bigoudis sur la tête, en poussant des hululements tragiques et en me tordant les mains d'effroi et d'horreur pour que mon immense héroïsme bien connu de tous intervienne.

Y a-t-il un chantier dans le quartier qui se prête à une telle hypothèse? Je réfléchis... Je réfléchis... Mais non. Je ne vois pas.

Bon, autre chose. Il n'a pas réitéré parce que, bêtement, il a laissé sa batterie se décharger. Il faudrait qu'il rentre chez lui, qu'il retrouve son chargeur et qu'il fasse le plein. Ça, ça risque de prendre du temps. Et c'est pour cela que je n'ai plus de ses nouvelles. Mais quel crétin, aussi! Il ne pouvait pas prendre ses précautions? S'il re-sonne, je ne lui répondrai pas. Na! Il n'avait qu'à faire attention. Non mais! On n'appelle pas les gens le dimanche à neuf heures moins dix quand on n'a plus de batterie! C'est d'une irresponsabilité crasse! Et d'un mauvais goût! Non, non. Je ne lui répondrai pas. Sauf que je ne sais pas qui c'est. Donc je réponds et dès que je sais, je ne réponds pas. Voila. c'est ça que je vais faire.

Bas de gamme!

Autre cas de figure, au moment de composer mon numéro, il a oublié que juste avant, il avait parlé longuement à sa mémé qui est malade. Forcément, avec l'émotion, il n'a pas pensé qu'il avait trop parlé. Et pan! Plus d'unités. Ah! La poisse!  Evidemment, il ne pouvait plus me dire qu'il n'insistait pas parce qu'il n'avait plus d'unités puisqu'il n'avait plus d'unités. Il faudrait que moi, je prenne l'initiative. Oui, mais je ne sais pas qui.

Je ne vois qu'une solution. Il faudrait que, systématiquement, je téléphone à tous les numéro que j'ai notés sur mon répertoire. Enfin, tous, non, pas vraiment. Parce que la mairie, ou la gendarmerie, ou les urgences médicales, ce n'est peut-être pas nécessaire. Ah, bah si, quand même! Ça restreint déjà le nombre des possibilités! Et là, deux cas de figure: Ils décrochent ou ils ne décrochent pas.

S'il décrochent, c'est ennuyeux. Oui, c'est même très ennuyeux. s'ils décrochent, cela veut dire qu'ils ont la possibilité de répondre, donc une batterie bien chargée et une possibilité de réseau satisfaisante; donc, qu'ils ne m'intéressent pas. En conséquence, puisque ce n'est pas eux que je cherche: Plouf! Je coupe. Oui, je ne vais tout de même pas me lancer à tout leur expliquer, ce serait trop long. Voila. Mais il y a un ennui. Ceux qui n'ont plus assez d'unités, ils peuvent répondre, mais ils ne peuvent pas appeler. Alors, je rectifie ma stratégie. Je sonne: Gring, gring, gring. On répond. Je demande: Bonjour, avez vous en ce moment assez d'unités pour appeler? Si on me répond non, je pousse mon investigation un peu plus loin. Si on me répond oui, alors, je dis merci et plouf.

S'ils ne décrochent pas, c'est bon signe. S'ils ne répondent pas, c'est justement ceux là qui entrent dans le cas qui me concerne. S'ils ne répondent pas, c'est soi parce qu'ils ne sont pas là, soi par manque de batterie, soi par manque de réseau. Donc, je note tous ceux qui ne répondent pas et par la suite, je persiste à les solliciter jusqu'à ce qu'ils répondent afin de savoir s'ils m'ont réveillée un dimanche matin à neuf heures moins dix ou si ce n'est pas eux. Par élimination, je devrais arriver à trouver le bon.

C'est simple, non?

Je m'auto admire pour ma grande sagesse et pour ma grande perspicacité.

Oui, mais ça risque d'être long.

Bas de gamme!

Cela dit, je fantasmagorise, je fantasmagorise, mais ça pourrait n'être qu'un simple démarcheur téléphonique qui veut me vendre je ne sais quoi en tentant de me convaincre que si je ne fais pas cette dépense, je serai la dernière des humains et tout au moins une crétine accomplie.

(Elle joue les deux rôles en faisant semblant de prendre le téléphone.)

Tubulubulubulubulu... Tubulubulubulubulu... Tubulubulubulubulu...

- Oui, bonjour.

- Bonjour, est-ce que je pourrais parler à Madame Ninie.

- Oui, c'est moi même.

- Je me présente. Martine du "Groupe Energie de France"

- Oh comme c'est curieux, comme c'est inattendu et comme c'est original!

- Je suis M...

- Oui, j'ai bien entendu: du groupe énergie de France. Vous êtes la première aujourd'hui. Et même hier, vous ne m'avez pas appelée. Mais avant hier, trois fois.

- Nous ne sommes pas la seule entreprise à...

- Oui, je sais. Mais vous, Groupe énergie de France, depuis bientôt trois ans, c'est plusieurs fois par semaine et même, certains jours jusqu'à trois fois par jour. Donc, je vous informe que si vous voulez me vendre des panneaux photo voltaïque, ne perdez pas de temps avec moi. Si j'ai déjà refusé l'offre de vos collègues, j'en ferai autant avec vous.

- Moi, Madame, je ne veux rien vous vendre. Je veux juste vous informer que...

- Oui, je sais. Vous réalisez en ce moment une étude dans mon secteur et vous souhaitez juste m'informer que je peux recevoir un technicien qui me dira si ma toiture est éligible pour la pose de votre matériel. Et puis, ce technicien, une fois sur place, se rappellera subitement que justement, spécialement pour moi, il a une affaire en or à me suggérer.

- Mais non, nous ne vendons rien! vous connaissez sans doute les nouvelles orientation énergétiques subventionnées par l'état...

- Oui, c'est bien ce que je dis. Vous n'êtes pas une entrepris; vous ne fabriquez pas de matériel et ce matériel que vous ne fabriquez pas, que vous ne vendez pas et qui est subventionné par l'état, vous voulez, à toute force m'en faire profiter. Seriez-vous une entreprise philanthropique?

- Vous ne me laissez pas parler.

- C'est pour gagner du temps. Je vous répète ce qu'on m'a déjà dit, avec une régularité touchante, ce qu'on m'a déjà seriné depuis environ trois ans.

- Laissez-moi, au moins, m'exprimer.

- Je vous écoute.

- Nous menons juste une enquête de faisabilité pour déterminer si votre toiture est éligible pour recevoir un dispositif...

- Oui, je sais, tout ça, je vous l'ai déjà dit. Donc, il n'y a rien de plus?

- Je vous demande si vous seriez d'accord pour recevoir notre technicien  à votre domicile. Ça ne prendra pas longtemps!

- Et là, je n'ai pas le choix. C'est une obligation.

- Mais, vous faites ce que vous voulez!

- Ah, quand même! Alors, si je fais ce que je veux, à votre question: Est-ce que je veux recevoir ce que vous appelez votre technicien, je réponds: Non.

- Mais ça ne vous engage à rien!

- Je sais, mais je réponds non quand même.

- Ce n'est qu'une étude technique

- Précisément, je n'ai que faire de votre étude technique.

- Mais si on vous disait que votre toiture est très adaptée pour réaliser une économie et à terme un revenu.

- Justement, c'est bien pour ça que je dis non. Il est évident que votre pseudo technicien, qui, en fait, n'est rien de plus qu'un représentant de commerce, va découvrir, avec une surprise éblouie, que précisément je suis nettement au dessus de la moyenne pour réaliser un bénéfice substantiel. et que, franchement, j'aurais bien tord de passer à côté d'une si juteuse affaire.

- Et vous n'êtes pas sensibilisée à la situation écologique que nous vivons?

- Ah bon? En plus, vous tentez de me culpabiliser en me stigmatisant comme une mauvaise femme qui ne veut pas sauver la planète.

- Mais non, je ne vous culpabilise pas. Je vous rappelle juste que c'est important...

- Oui, c'est exactement ça. Le réchauffement de la planète, c'est de ma faute. J'en suis donc responsable et coupable et il faut me stigmatiser. Oui, il faut me montrer du doigt et il faut que, dans la rue, les petits enfants me lancent des cailloux puisque malgré tous vos efforts et bien que j'aie parfaitement compris la situation, je refuse absolument de vous acheter votre marchandise. Ou bien je n'ai pas compris et dans ce cas, je suis une parfaite idiote.

- Mais puisque je vous dis que je ne suis pas là pour vous vendre quelque chose!

- Oui, oui! Ça, j'ai compris. Vous êtes appointée par une entreprise qui fabrique des matériels dans l'intention de ne surtout pas les vendre. Vous êtes une commerciale qui a pour mission de ne surtout rien vendre.

- Je ne suis pas une commerciale.

- Voila. Une entreprise qui ne veut pas vendre son matériel en rémunérant du personnel surtout non commercial.

- C'est juste une enquête...

- Remarquez, à vous, personnellement, je ne vous en veux pas. Je conçois facilement qu'avec la situation actuelle de l'emploi, vous avez pris comme gagne pain ce qu'on vous a proposé. Et, selon le nombre de clients potentiels que vous avez débusqués, vous touchez quelques primes supplémentaires en fin de mois. Mais ne croyez pas que tout le monde soit dupe. Ne vous faites pas croire à vous même que vous êtes crédible.

- Comment voulez-vous que je vous expose ce que j'ai à vous dire si vous ne me laissez pas parler?

- Je vous l'ai déjà dit. J'anticipe sur ce que vous allez me débiter, que j'ai déjà entendu plusieurs centaines de fois, et que je connais donc par cœur, afin de gagner du temps.

- Cela ne vous coûtera rien et à terme pourra vous rapporter de l'argent.

- Allons donc.

- Vous ne me croyez pas?

- Exactement. Je ne vous crois absolument pas.

- Alors, laissez moi vous expliquer.

- Non, non, non! Pitié! Grâce! Arrêtez d'expliquer! Je sais déjà tout. On me l'a déjà dit. Vous voulez absolument me caser votre matériel et moi je n'en ai pas envie. Je vous en ai déjà informée, je crois. Je vous dis non. Je ne veux pas. Vous perdez votre temps avec moi. Vous feriez mieux de passer au suivant sur votre liste car lui, vous parviendriez, peut-être, à le convaincre et à le circonvenir; mais moi, c'est non. suis-je claire? Me comprenez-vous? Ou faut-il que je recommence.

- Vous ne comprenez donc pas que cela peut vous rapporter de l'argent? Cela ne vous intéresse pas de gagner de l'argent?

- Ah bon? C'est gratuit votre histoire? je n'aurai jamais à dépenser ni un euro ni même un centime?

- Je n'ai pas dit ça! C'est un investissement qui, de plus est largement subventionné par l'état... Cela peut aller jusqu'à plus de cinquante pour cent.

- Ah! je comprends mieux. Donc, si nous résumons: Vous m'appelez pour m'informer que vous ne voulez pas me vendre un produit qui est gratuit mais dont il faudra que je paie, de façon directe, quarante pour cent et que le reste, je ne le paierai que de façon indirecte sous la forme d'une majoration de mes impôts. Cela implique que votre entreprise  verra son chiffre d'affaire augmenté immédiatement tandis que je ne m'y retrouverai que d'une façon très hypothétique dans une dizaine d'années si votre matériel n'est pas devenu complètement obsolète et caduque, voire une véritable ruine et si la conjoncture dans la production d'électricité n'a pas, entre temps changé.

- Puisque je vous dis que...

- Vous remarquerez, au passage, la grandeur de mon civisme puisqu'en refusant votre offre mirobolante, j'épargne à mes concitoyens une majoration de leur impôts déjà écrasants.

- Vous ne voulez pas que je...

- Non, non!

- Même si...

- Non, non!

- Mais je...

- Non, non!

- Pourtant...

- Je vous ai dit non, je crois.

- Alors, vous n'êtes pas intéressée?

- Oh que vous êtes perspicace! Comment avez-vous fait? Vous avez trouvé cela toute seule? J'en suis éblouie. Je n'en reviens pas.

- Je...

- Tenez, si vous vouliez me faire plaisir, vous pourriez...

- Oui, Je suis à votre service.

- Ne nous emballons pas.

- Oui, je peux, si vous le souhaitez vous laisser un temps de réflexion et, dans quelques jours vous...

- Oh! du calme! J'aimerais simplement que vous demandiez à votre entreprise de me rayer de la liste de vos clients potentiels.

- Vous voulez que je demande...

- Oui, c'est ça. Vous ne pouvez pas savoir comme je serais contente si vous pouviez me ficher la paix.

- Ah bon. Je ne vous promets rien, mais je vais essayer de...

- Remarquez, je ne me fais pas d'illusions. Une bonne douzaine de vos collègues m'ont déjà fait la même promesse sans résultat.

- Comment ça?

- Quoi comment ça? Si aujourd'hui vous êtes encore là, c'est que cela n'a pas abouti,  c'est que de deux choses l'une: Ou ils ont menti en disant qu'ils allaient le faire, et ce sont des menteurs ou ils n'ont pas réussi et ce sont des incapables.

- Donc, vous ne voulez pas entendre l'avis d'un technicien.

- Vous n'allez pas recommencer!

- Vous ne nous faites pas confiance?

- Confiance? (Elle rit de façon ostentatoire) Confiance! Confiance!  Non, mais vous le faites exprès? Vous dites cela pour me faire rire, pour me détendre!

- Non, nous sommes une société sérieuse.

- Et sérieuse en plus. Vous me racontez des balivernes depuis le début et vous voudriez que j'aie la sottise de vous faire confiance. J'ai constaté au fil du temps que votre société employait des personnels qui étaient soit des menteurs, soit des incapables, voire les deux à la fois, et vous voudriez que j'aie confiance. Je sais bien que je suis un peu benête, mais pas à ce point là.

- Mais...

- Tenez, je vais vous faire une confidence.

- Oui.

- Si par hasard, par inadvertance, ou par maladresse, il me prenait l'idée incongrue de vouloir m'équiper de matériel de ce genre, chose à laquelle je ne crois pas du tout, vous avez sur le marché, de très nombreux concurrents. Et bien, croyez-moi, vous m'avez trop harcelée et trop ennuyée. Je m'adresserais à n'importe quelle entreprise sauf à la votre.

- Je vais essayer de vous faire effacer de nos listes.

- C'est ça. c'est une bonne idée mais je n'y crois pas beaucoup. Au revoir Madame; passez une bonne journée! Plouf.

Elle raccroche son téléphone fictif et regarde son téléphone.

Bas de gamme!

Bon. Et bien ce n'est pas tout ça, mais avec toutes ces histoires, moi, je n'ai toujours pas pris mon café. Quoi que, à l'heure qu'il est maintenant, je me demande si c'est bien raisonnable. En revanche, toujours eu égard à l'heure qu'il est maintenant, il serait peut-être séant que je m'habillasse.

Elle sort. Petite musique. Eventuellement, on l'entend, de loin, qui chantonne.

 

 

Troisième partie

 

 

Ninie revient. elle est maintenant très élégamment vêtue et maquillée et tient une paire de chaussures à hauts talons à la main. Elle tourne plusieurs fois autour de son téléphone avec toutes sortes de gestes indiquant diverse dispositions d'esprit et le menaçant de coups de chaussure.

Alors, toi, tu sonnes ou tu ne sonnes pas? C'est agaçant, à la fin. quand je suis à l'autre bout de l'appartement, alors là, oui! Et que je te sonne et que je te re-sonne. Mais quand je suis à côté, rien. Rein de rien. Rien de rien de rien. Tu le fais exprès, je présume. Je n'aurais pas du te choisir. J'aurais du en préférer un autre... Plus coopérant et plus complaisant. Avoue que tu n'y mets pas du tien. Je suis sûre que quand je vais sortir, dès que je serai sur le palier et que je viendrai de fermer la porte et le verrou: Gring... Gring... Gring... Et je vais encore courir. Tu vois, Bas de gamme, entre nous, sans animosité particulière, je te le dis amicalement et même avec une certaine tendresse: Un peu, c'est drôle, mais à la longue, c'est lassant. Ce matin, à neuf heures moins dix, cela m'a agacée et, je pense, mise en mauvaise disposition psychique pour la journée. Un dimanche gâché par un appel téléphonique manqué. Brr! Quand j'y repense, ça me fait des gargouillis dans l'estomac et il y a là dedans des bruits parfaitement comparables à des glouglous de lavabo qui se vide. Oui, je somatise. Je ne devrais pas, mais je somatise quand même. Je ne fais pas exprès et ça m'agace d'autant plus.

Je me demande bien qui ça pouvait être.

Et si c'était... si c'était... Le père Noel? Non, peut-être pas, quand même.  Lui, j'ai des doutes. Il y a tellement longtemps qu'il ne se soucie plus de moi... Quoi que si c'était lui, cela me ferait rudement plaisir. Mais non. Le Père Noel, je n'y crois pas trop. Oui, c'est ça. Le Père Noel, il y a longtemps que je n'y crois plus.

Et si c'était le Prince charmant. Oh oui! Le Prince Charmant... Han... Han... Le Prince Charmant. Han... Le Prince Charmant. Si c'était le Prince charmant. Oh oui! Si c'était le Prince Charmant. Han... Han... Han...

Oui, vous savez, le Prince Charmant. celui qui porte toujours un collant gris tendre avec un culotte bouffante saumon un peu comme une barboteuse, une jolie chemise ample avec des manches en gigot et un boléro brodé de dorure comme s'il avait sur lui la passementerie des rideaux de sa chambre et une toute petite couronne posée juste au sommet de la tête à tel point qu'on se demande comment elle tient. Pourtant, il n'a pas un joli petit cordon qui passe sous le menton. Ça se verrait. Peut-être qu'elle est visée dans les os de la boite crânienne et que du coup, il doit dormir avec. A moins que ça ne s'agrippe sur les vis avec des boutons pressions. Mais non. je me trompe. c'est un Prince charmant... Han... Han! Non, il est né comme ça. C'est une mutation génétique de Prince charmant. Un gène dominant héréditaire. Elle pousse comme ça toute seule entre ses cheveux bouclés et soyeux. Une fois par an, comme les cerfs, elle tombe puis elle repousse avec plus de petites étoiles que l'année précédente. C'est même comme ça qu'on peut savoir l'âge d'un Prince Charmant.

En plus, un Prince Charmant, ça porte toujours de jolies petites ballerines orangées clair. Elle sont toujours propres les ballerines d'un Prince charmant. Même quand il pleut et qu'il y a de la boue. Et même quand il va piétiner dans le purin de l'écurie pour aller seller son cheval. Si, si, si! Un Prince charmant, ça ne salit jamais ses ballerines. Et puis ça marche comme ça, un Prince charmant. Ça marche sur la pointe des pieds en levant très haut les genoux et ça balance les deux bras simultanément d'avant en arrière en se tenant très droit. Pas comme ça alternativement, les bras. Non, ça, c'est le docker. Le Prince Charmant, c'est comme ça, avec le port de tête élevé, le regard lointain, un sourire permanent posé sur le visage et qui étire les commissures des lèvres vers les oreilles comme pour les anges des cathédrales gothiques, avec toute une distinction propre au Prince Charmant. Quand on en croise un dans la rue, ça se reconnaît bien. Moi, personnellement, je n'en ai jamais vu; enfin, pas encore. Eh! c'est que les Princes Charmants, ça ne court pas les rues! Mais si j'en apercevais un, même de loin, même quand il y a beaucoup de monde et même s'il y a du brouillard, je le reconnaîtrais tout de suite. On ne peut pas se tromper.

Comprends-tu ce que tu m'a sans doute fait manquer? Bas de gamme...

Un Prince Charmant, ça se promène toujours tout seul, loin de chez lui. Ça va par les forêts, les landes, les marais et les villes. Ça traverse la foule sans être vu et ça ne voit personne et, parfois, ça s'égare. Forcément, si loin de son pays! Alors, c'est là que, lorsqu'il est égaré, il rencontre par hasard, tout à fait fortuitement la jeune fille de ses rêves. Han! La jeune fille de ses rêves... Han! La jeune fille de ses rêves. Han! La jeune fille de ses rêves. Douce, fine, jolie et délicate, fraiche comme une fleur du printemps et d'une intelligence si vive qu'elle le reconnaît tout de suite. Spontanément, il lui prend les deux mains et, s'étant brusquement souvenu du chemin du retour, l'emmène, en lui tenant toujours les deux mains, jusqu'au château de son papa.

Son père, un vieux monarque bonhomme et rondouillard les accueille avec joie et ordonne immédiatement les noces pour le lendemain. Noces qui auront lieu dans le faste le plus accompli au milieu de la liesse populaire et de la foule exultant grâce aux petites miettes du banquet dont elle pourra profiter.

Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Bas de gamme!

Si c'était le Prince Charmant qui est tombé dans le trou parce que la tôle s'est effondrée... Si c'était lui qui de ses pauvres petites mains ensanglantées avait tenté vainement de me joindre afin que je le secourusse contre la mauvaise fée qui l'avait fait tomber méchamment exprès dans ce trou où il n'a plus de réseau? Oh oui! Si c'était lui?

Bas de gamme! Je te hais!

Prince Charmant... Prince Charmant.

Il me semble qu'une petite étude linguistique s'impose. Prince Charmant: Bon, prince, tout le monde sait ce que ça veut dire... Mais charmant. Ha! Ha! Ha! Charmant: Voila un mot dont le vrai sens échappe à l'immense majorité. On s'imagine volontiers que charmant, cela veut dire joli , mignonnet, séduisant. On pense qu'un prince charmant c'est un gentil petit jeune adulte aux joues roses, blondinet et délicat. Pas du tout! Pas du tout, du tout, du tout! Charmant, c'est celui qui charme, qui utilise sa capacité de charmer. Qui lance ses charmes afin de circonvenir. Charmer, c'est un peu comme ravir et ravir, c'est voler. Charmer, c'est lancer un charme c'est à dire comme lancer un sort... donc un sortilège. Etre sous le charme, c'est la même chose qu'être sous un sortilège. Charmer, cela consiste à faire perdre à la victimes ses facultés d'objectivités et la conduire dans des méandres d'aberrations mensongères. Dans nombre de pays francophones d'Afrique, quand une personne a l'impression qu'un ami est en train de lui donner une fausse nouvelle afin de le mystifier, elle lui demande: Est-ce que tu ne serais pas en train de me charmer, toi, là? Ou bien elle dit: Arrête donc de me charmer. Et c'est là le vrai sens du mot. Il y a encore une autre expression où c'est encore plus clair. Le charmeur de serpents: vous croyez vraiment qu'il est là avec son joli minois à faire de mignons sourires aux cobras? Non, c'est plutôt un bonhomme aux traits burinés par le vent et le sable du désert et il charme les serpents de ses gestes fascinants. Il les ensorcèle. Il les hypnotise. Il les captive. Il les charme.

Alors, hein, le prince charmant... Il y a quelque chose de maléfique dans la séduction. Cela me rappelle ces collègues de travail qui viennent, avec des yeux ruisselant de séduction, vous demander de faire leur travail à leur place: Dis, tu ne pourrait pas me remplacer pour le... S'il n'y avait pas la tentative d'enchantement, je serais volontiers serviable. Mais là, moi, non. Je suis tentée de prendre le même ton suppliant et de leur répondre: Ah non. Je n'ai pas envie d'être prise pour une quiche. Non mais! Ils sont dangereux les séducteurs! Je n'ai pas envie que leur charme n'agisse sur mon sens des réalités.

Dans le fond, le prince charmant, c'est celui qui joue de son aspect juvénile et troublant pour obtenir je ne sais quoi.

Elle joue les deux rôles. Pour le prince charmant, elle a une voix grave semblant venir du fond d'une caverne et, pour elle même, une voix de petite fille de dessin animé japonais. Le tout avec un ton de film fantastique pour enfants.

- Viens Ninie! viens! viens!

- Oui, ze viens... Ze viens!

- Viens, Ninie, viens! Et regarde moi dans les yeux.

- Oh, oui, Prince sarment, ze viens et ze te regarde dans les yeux!

- Regarde moi! Regarde moi mieux! Il n'y a plus dans ton champ visuel que moi. Tu es éblouie par la lumière qui sort de mon être et tu es irrésistiblement attirée par ma présence.

- Oh oui, Prince sarment! Il n'y a plus dans mes yeux que l'imase de ton visase.

- Et tu ne pense plus qu'à moi. Tout le reste du monde s'est évanoui.

- Evanoui...

- Et tu ne pense même plus à Bas de gamme

- Ah ça non! Ze ne pense même plus à lui. Ze suis envoutée. Ze suis toute z'envoutée.

- Alors, dans ce cas, Il faut maintenant, et c'est dans la fonction normale et ordinaire des princes charmants que je susurre des paroles sentimentales et sucrées à ton oreille en extase.

- Qu'est-ce qu'il faut que tu leur fasses à mes oreilles... En extase?

- Il faudrait que je susurrasse.

- Oh oui, alors, susurrasse! Susurrasse!

Sur un ton plus langoureux et émotif.

- Depuis toujours, et même avant la création du monde, nous savions que nous devions nous rencontrer. Les étoiles et même les galaxies n'ont parcouru leur trajectoire désordonnée dans l'immensité de l'univers qu'afin que notre retrouvaille devienne possible. Des nuées de particules rudimentaires, dans un déterminisme farouche, se sont agglomérées pour constituer nos deux êtres distincts et maintenant leur fusion finale va pouvoir se réaliser dans un éclat éblouissant de lumière cosmique.

- Oh oui! Cette lumière brulante réchauffe nos corps d'une tiédeur douce et mazique.

- La lune, qui courait derrière des nuages solides, s'est arrêtée pour mieux nous regarder.

- Pour mieux nous voir.

- Puis, reprenant sa course presque à regret de ne plus nous envelopper de sa lumière grise, elle s'est dit qu'enfin, puisque nous sommes réunis, rien ne serait plus comme avant et que le monde allait pouvoir commencer.

- Elle s'est dit que puisque nous la regardions, elle allait pouvoir exister.

- Des volutes de parfums suaves ou piquants nous enveloppent et des goûts sucrés nous subjuguent dans un songe avéré.

- Nos deux êtres, zusque là inexistants se mêlent dans un éssanze de phéromones extatiques en créant une entité magnifiée, plus vaste et plus accomplie dans son unicité lustrale.

- L'univers, dans sa course folle, s'est arrêté un instant, surpris que cela ait pu arriver.

- Oui, c'est ça. Puis, comme à regret, il s'est remis à son évolution coutumière.

- Mais comme il a compris que nous nous étions rencontrés, il sait maintenant que plus rien ne sera comme avant puisque notre réunion, par sa simple existence, allait influer sur le reste de l'immensité.

Reprenant le ton précédent.

- Regarde-moi, Ninie! regarde moi!

- Voui, ze te regarde et ze vois que tu vois que ze te vois.

Il est le charmeur de serpents et elle est le cobra qui se dandine de façon incertaine.

- Danse encore pour moi...

- Oui, ze danse... Ze danse... Ze suis dans une transe mazique...

- Viens! Parcourons notre destin vers un avenir infini.

- Voui, parcourons-le z'ensemble! Manzons les fruits sases des phases de la vie.

Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Tu vois ce que c'est que l'élévation de l'esprit? Bas de gamme!

Si, si! Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Bon, après ça, ils ont quand même eu des problèmes d'impôts locaux, de panne de machine à laver avec des histoires de chaussettes sales et des soucis de poubelles éventrées par les chiens du quartier.

Mais globalement, ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Le Prince Charmant... Han! Le Prince charmant... Le Prince Charmant... Han! Han! Han!

Cela dit, il y a une autre variété de Prince charmant.

Celui-ci, il se déplace exclusivement en voiture décapotable. Il est toujours habillé par des grands couturiers selon les moments en smoking ou avec un charmant ensemble de flanelle beige clair. On ne sait pas pourquoi ni d'où il tient cela, mais il est immensément riche. Son papa n'est plus le vieux roi de tout à l'heure, mais il semblerait que ce soit quand même de là que le Prince Charmant tienne son charme, précisément. Il a les cheveux soigneusement coiffé et un visage de star hollywoodienne. Il ne travaille jamais. On ne sait pas s'il a une fonction quelconque, mais il est riche. C'est comme ça. Sa fortune a du pousser sur lui comme les feuilles sur les arbres au printemps. Comme la couronne qui pousse sur la tête de l'autre. C'est le prince charmant moderne. encore que: moderne, oui... Mais avec un petit côté passéiste, quand même. Le Prince Charmant moderne vit il y a une bonne soixantaine d'années. L'activité normal d'un Prince Charmant moderne est d'avoir charmé sa secrétaire. On se demande, d'ailleurs, d'où sort cette secrétaire puisqu'il n'a aucune activité professionnelle ni aucune activité tout court, du reste. Dans le même temps, on peut se demander quelle est la fonction de la gentille secrétaire puisqu'elle, du coup, elle non plus, n'a rien à faire.

Alors, la susdite secrétaire est charmée. Si, si, elle est charmée! Ça se voit bien qu'elle est charmée. Elle est tout sourire et toute émotion. Elle n'y avait pas tellement pensé, au départ. Mais pendant son travail de secrétariat qui consistait à ne rien secrétarier, elle s'est aperçue qu'elle était charmée par son employeur.

Le Prince Charmant voyage beaucoup. La petite secrétaire est donc obligée de le suivre dans tous ses déplacements afin de pouvoir assumer sa mission de secrétaire inutile. Du coup, on les voit le plus souvent dans le cabriolet de luxe déjà évoqué. Elle a une mignonne petite robe à fleurs, un foulard sur la tête et des lunettes de soleil; même la nuit. Son foulard, bien que très élégamment noué voltige un peu et froufroute au vent du soir de la côte amalfitaine. Un ciel pathétiquement romantique les illumine toujours de son soleil couchant.

- Rassurez-vous, ma chère Gwladys,

Oui, parce que ces secrétaires là s'appellent toujours Gwladys... ou parfois Shirley. Mais elles ont toujours un prénom anglo-saxon et elles ont toujours besoin d'être rassurées.

- D'ici quelques minutes, nous allons arriver à ma villa.

Ces Princes Charmants possèdent toujours à proximité une villa somptueuse avec des jardins magnifiques et des plans d'eau au bord desquels poussent des arbres exotiques toujours fleuris et odoriférants. Bien qu'on ne voit jamais de personnel, les différents domaines sont toujours parfaitement entretenus et lors de l'arrivée du Prince Charmant et de sa secrétaire, la table est mise avec toutes sortes de mets et de rafraîchissements à la bonne température.

- Oh, mais je ne suis pas inquiète! Avec vous, je sais que je suis en sécurité! Monsieur Giacomo.

Parce que lui, le Prince Charmant richissime et désœuvré, il a forcément un prénom de consonance italienne.

- Ce soir, si vous n'êtes pas trop fatiguée, j'aimerais vous conduire à une petite promenade en mer avec mon bateau qui est amarré en bas du domaine.

- Oh, mais ce sera avec plaisir, Monsieur Giacomo!

- S'il vous plait, ma chère Gwladys, ne dites plus Monsieur Giacomo. appelez-moi tout simplement Giacomo.

Et là, on comprend mieux pourquoi la gentille petite secrétaire Gwladys dont le papa vend des chaussures sur les marchés est charmée. Elle est charmée. Ça, oui! pour être charmée, elle est charmée. Vous pensez! Ne pas être charmée avec tout ça, il faudrait vraiment être insensible. Elle est même sincèrement charmée. Pourquoi voudriez-vous qu'il entre dans son esprit la moindre parcelle d'intérêt ou de mauvaise pensée? Elle est charmée et puis c'est tout.

Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Je ne suis pas très sûre qu'ils aient des soucis de machine à laver. Quoi que... On ne sait jamais. Des ennuis avec le fisc, c'est plus vraisemblable.

Et voila. Voila comment au même titre que les princes héritiers de royaumes lointains et inconnus épousent des bergères, les bénéficiaires d'immenses fortunes insoupçonnées épousent des secrétaires. C'est bien connu.

Pour ma part, dans ce deuxième cas, je ne suis pas vraiment concernée parce que je ne suis la secrétaire de personne.

Donc, je ne saurai jamais qui m'a appelée ce matin à neuf heures moins dix.

Elle enfile ses souliers et passe une veste. Elle sort. On entend la porte qui est verrouillée.

 

 

 

 

Quatrième partie

 

 

Le téléphone sonne. On entend la serrure tourner. Ninie entre en courant et en balançant ses chaussures. Elle se précipite vers le téléphone qui arrête de sonner. Elle attend un instant.

Pas de message? Non. rien. Ah non! Pas deux fois! Pas deux fois le même jour! Pas deux fois un dimanche matin! Là, ce n'est même plus de la provocation! C'est du harcèlement.

Une question se pose: Ou bien c'est la même personne, ou bien c'en est une autre. Si c'est le même correspondant, cela veut dire que c'est très important et qu'on cherche désespérément à me joindre sans succès. Dans ce cas, je ne peux plus sortir et je dois impérativement attendre le troisième appel à côté du téléphone. Ma journée est gâchée et je vais devoir me nourrir exclusivement de petites tartines pour surveiller bas de gamme. Et oui! Si c'est la même personne, il faut très sérieusement que j'attende la troisième fois. Si je n'y mettais pas un peu du mien, cela pourrait être considéré comme une forme de mépris. Je ne peux pas lui faire ça.

Mais si ce n'est pas la même personne? Si ce n'est pas la même personne, le cas se pose en double. La situation est la même, mais deux fois. Oui, deux fois indépendantes l'une de l'autre. Bon, pour le premier, je crois que j'ai déjà, à peu près fait le tour de la question. Oui, mais pour l'autre, il va falloir que je recommence tout depuis le début!

Si c'est un autre, c'est moins grave que si c'était deux fois le même. Si c'est le même, il faut que j'attende qu'il appelle une troisième fois, mais si ce n'est pas le même, cela voudrait dire que j'attends que: soi le premier appelle une deuxième fois, soi le second appelle ne deuxième fois, soi, éventuellement, qu'un troisième appelle pour la première fois.

Je ne sais vraiment plus à quel saint me vouer. Que faire? Mais que faire? La vie vous a parfois de ces détours tragiques qui conduisent lentement, peu à peu mais inexorablement sur les chemins de la folie et du désespoir.

Dis, toi, là, tu les vois les résultats de tes turpitudes sordides, inconsidérées et dévastatrices?

Je te hais, je te hais, je te hais!

Bas de gamme!

 

Noir

11 11 13

 

 

 

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