Ils vont, effarés de hargne farouche,

Lançant, dans les rues, de larges clameurs,

Des cris passionnés fusent de leurs bouches,

Laissant retentir toute leur fureur,

Ils scandent sans fin, dans la même ardeur,

Leur refus profond en râle animal.

Ils crachent la lie, le relent fécal

Des égouts blafard de ruelles sombres

Sans chercher vraiment d'où leur vient ce mal.

Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.

 

Ils refusent sans fin tout ce qui les touche:

Les guerres, les spoliations, les hideurs,

L'inégalité qui, sur eux se couche,

L'appauvrissement source du malheur,

La discrimination portant la peur.

Ils vomissent leurs tourments viscéral,

Leur écœurement trop lourd et brutal,

Ne sachant nommer ce qui les encombre,

Ils ne marchent pas vers l'espoir total.

Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.

 

Dénonçant la branche, ils laissent la souche.

Ils ne cherchent pas, parmi les horreurs,

La cause première qui les accouche.

S'en prenant aux bras, ils oublient le cœur.

Où fuit donc le sang de tout leur labeur?

En ne visant pas le lucre fatal,

La course au profit, festin de chacals,

Les laisse meurtris au fond des décombres

Où ils sont broyés de crime bestial.

Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.

 

Ô! frères humains, rêvant d'idéal,

Visez le vrai but, le besoin vital!

Soyez conquérants, vous avez le nombre.

Sans plus gaspiller le projet final,

Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.

 

 

30 05 16