Eh !

Il faut que je vous dise…

          J’ai un secret.

                    Si, si !

          J’ai un secret.

C’est le plus grand des secrets.

                    Voilà…

Pourquoi riez vous ?

Ça ne changera rien.

C’est un secret qui reste forcément

Un secret

Vous ne me croirez pas.

Si je vous le dis,

          Mon secret,

Vous allez rire…

Peut-être même pas.

Vous allez hausser les épaules

          Et l’oublier.

                    Alors,

          Mon secret

Sera toujours mon secret.

 

*        *

Je peux le crier, mon secret,

Tout haut à la face du monde.

Il sait, quand la bêtise abonde,

Sous les oublis, vivre discret.

 

Bravant les jalousies immondes,

La haine lançant ses décrets,

Je peux le crier, mon secret,

Tout haut à la face du monde.

 

Depuis les cimes et les crêts,

Il brille ignoré dans sa ronde.

Alors, qu’il éclate concret

Et que la lumière l’inonde,

Je peux le crier mon secret.

 

*        *

 

Vous voyez,

Je n’ai encore rien dit

                    Et déjà,

Vous ne me croyez plus ;

Vous ne m’écoutez plus ;

Vous ne me voyez plus.

                    Déjà,

Vos esprits sont ailleurs

                    Déjà,

Mon nom n’existe plus ;

                    Déjà,

Ma parole est silence

                    Et déjà

Vos oreilles se sont tues.

 

*        *

Pourtant, il ira ce message radieux

          Au feu des étoiles obscures.

Et vous, traversés par mes mots harmonieux,

          Absents de la flamme qui dure,

Vous n’entendrez pas mon secret merveilleux.

 

*        *                                                                                      

Je comprends,

Pour vous,

Il est inaccessible.

Et mon existence, même, vous échappe.

Vous ne m’oubliez pas,

          Non,

                    Pour vous,

          Dorénavant,

Je n’ai jamais existé.

Je m’étais trompé.

Ce secret n’est pas mon secret.

Il ne m’appartient pas.

C’est moi qui lui appartiens

Et je participe de son inconnu.

S’il est de l’indicible,

Il faut qu’aussi,

Rejoignant sa nature,

Je devienne inconcevable.

Suis-je d’une autre matière ?

D’une autre essence ?

Ai-je traversé la limite des choses ?

 

*        *

 

Jadis, égaré loin des siens, porteur de son simple courage,

Pâris, le berger, courait sur les cimes sauvages.

 

Ayant dépassé les chemins, quitté la dernière forêt,

          Le vent lui chantait d’aller où bon lui semblerait.

 

D’un saut, il franchit un ravin, porté comme on l’est dans les sommes

          Et sans le savoir, brisa la frontière des hommes.

 

Alors, déchirure de l’air, cinglant au travers des buissons,

          Des cris excédés emplirent son corps de frissons.

 

C’était des menaces des mots mêlés en furieuses exordes ;

          Ici, en venin, régnait l’œuvre de la Discorde.

 

Pâris effrayé s’approcha. D’abord, il ne vit que noirceur.

          La nuit effacée, six yeux le perçaient de fureur.

 

C’étaient, ces terribles regards, ceux de trois farouches déesses

          Vexées d’apparaître en masque infamant de faiblesse.

 

« Ô toi » demanda la première. « Qui donc, jusqu’ici t’a conduit ?

          Tes yeux ont trop vu ; je veux les détruire aujourd’hui. »

 

« Et puis, ta mémoire nous blesse. Perds la ! » Ordonna la seconde.

          « Et sois oublieux de tout ce qui va par le monde. »

 

« Mes sœurs », murmura la troisième. « Soyez attentives un moment.

          Notre différent lui est de bien peu de tourment.

 

Qu’il soit reconnu par nous trois et que, sans aucun subterfuge,

          Il puisse assumer l’arbitre qui pèse et qui juge.

 

Et toi, le mortel, entends-moi. Je suis Aphrodite et ma main

          Ailée de déesse érige l’amour des humains.

 

De trois olympiennes beautés, tu dois désigner la plus fière.

          Chacune de nous attend ta sentence dernière.

 

Remets cette pomme à l’élue. Sachant conquérir son appui,

          Tu dois décider à qui tu donneras le fruit. »

 

Tentant de fléchir l’officiant, chacune à son tour, en mirage,

          Lui fait miroiter l’espoir de brillants avantages.

 

Les trois différentes beautés restaient en un partage égal

          Et chaque maintien savait demeurer sans rival.

 

Pâris, cependant, se taisait gardant dans son ventre la trace,

          D’effrois entrevus, laissé par les sombres menaces.

 

Pourtant, Aphrodite, en ce lieu, avait protégé de l’horreur

          Et par ses mots clairs rendu le repos à ses sœurs.

 

Devant couronner par un choix inscrit dans la pomme maudite,

          Pâris, rassuré laissé triompher Aphrodite.

 

Ravie, la déesse promit de lui accorder son concours

          Et tint, en serment, pour s’y engager, ce discours :

 

« De toute la terre habitée, emplie de nombreuses mortelles,

          Pâris, saches-le, c’est toi qui auras la plus belle. »

 

Puis dans un rayon de soleil, l’image sacrée s’évanouit.

          Pâris retourna où la vie humaine s’enfouit.

 

De port en nation laborieuse, allant et cheminant sans cesse,

          De ville en cité, partout, il chercha sa princesse.

 

Reçu par la reine d’Argos, lumière éblouie d’un festin,

          L’amour qu’il en eut scella pour jamais son destin.

 

Lorsqu’il rencontra ce joyau, il vit la main de la déesse.

          Loyale, Aphrodite avait honoré sa promesse.

 

                    *        *

 

Pâris…

          Oui,

                    Mais moi…

Je n’ai rien fait.

          Pourquoi ?

Pourquoi me récompenser,

          Me récompenser de quoi ?

 

                    *        *

          Princesse au regard de clarté

                    Tu es le soleil

                    Offrant au réveil

          Un éclat de lune enchanté.

 

                    *        *

 

          Voici mon secret,

                    Dites-le à tout le monde.

J’ai épousé

          La plus douce,

          La plus gentille,

          La plus délicate,

          La plus sensible.

J’ai épousé la plus belle

De toutes les femmes de la terre.

                    Ensemble,

          Nous forcerons l’avenir

A couler dans le bon sens,

A nous accorder ses bienfaits.

                    Ensemble,

Nous saurons bâtir une vie d’harmonie

          Et conquérir les étoiles.

 

                    *        *

 

Pour toi, la plus belle, chaque fleur du matin

Ouvre sa corolle en fraîche bacchanale.

Elle circonvient la magie des lutins

Tentant d’opposer sa couleur en rivale

Mais l’effort est vain et rehausse ton teint.

 

Le vent, oubliant ses furies animales,

Languit sur tes joues en douceurs de satin :

Caresse jolie où les parfums s’étalent

                              Pour toi la plus belle.

 

Le monde étonné, délaissant ses butins,

Devant ton visage aux profondeurs astrales,

Change ses aigreurs en sourires mutins.

L’univers entier, dans sa ronde totale,

Relance l’espoir vers de nouveaux destins

                              Pour toi la plus belle.

 

 

 

 

                                                           J. DURIER   le 11 03 01

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