Il va

Le papillon estival.

Vol imprévisible,

Insaisissable,

Apparente divagation,

Il vagabonde de fleur en fleur.

Chaque rebondissement

Est un plané nouveau,

Une autre direction,

Une invention inattendue.

            Il va

Le papillon estival.

Aux corolles offertes,

Il se compare,

Et, avec le nectar qu'il butine,

Se charge de leurs formes

Et de leurs teintes.

            Il va

Le papillon estival.

Ses ailes aux découpures

            Surprises

Sont des tables où s'étalent,

            Yeux éblouis,

La lumière des prés.

Indigo et lapis lazuli,

            Saphir,

Jades et émeraudes,

Rubis et topaze,

Velours de soie noire,

Aigue marine

Et blancheur du matin,

            Il va

Le papillon estival.

Sa trajectoire vacillante

Echappe à toute poursuite,

A toute intention,

A toute prévision.

Pour lui, le temps n'existe pas.

            Il va,

Il mange les couleurs

Et en fait son habit,

Le papillon estival.

En lui,

Pas d'intentions mauvaises.

            Il va;

Il va.

Son seul souci est de surprendre les fleurs ;

            Et il vole

Sans s'occuper

Du voluptueux souffle

Du vent qui l'emporte

Et tièdement le berce

Dans la chaleur de l'été.

Le vent se demande :

« Où vas-tu Papillon ? »

Et le vent réfléchit ;

Et le vent est circonspect ;

Et le vent murmure :

« Veux-tu que je t'enveloppe,

Si c'est ton souhait,

Demain, je me lèverai de grand matin.

J'irai devant ta maison.

Je sais où est ta maison.

Avant le lever du jour

Pour être sûr de te trouver,

Devant ta porte, j'attendrai. J'attendrai que tu sortes.

Cela finira bien par arriver.

Je te guetterai.

La lassitude ne m'atteindra pas

            Puisque, immobile,

Je ne me fatiguerai pas.

J'attendrai la saison qu'il faudra;

Et puis tu paraîtras.

Tu ouvriras la grosse porte de bois

Avec une petite plaque dorée

Où est inscrit : «Maison du papillon

Et

De quelques insectes ».

Tu fermeras la porte

            Derrière toi,

Que les autres ne s'enrhument pas.

Tu descendras les marches.

Tu viendras au bord du trottoir

Et tu monteras dans mon bateau.

Ce n'est pas un très beau bateau.

Il est un peu pansu

Et sa peinture est délavée.

Là où son amarre a rouillé,

Les couleurs en sont souillées.

Il sent aussi l'huile et la vieille ferraille,

Mais c'est un bon bateau.

Alors, nous traverserons les rues,

Les places et les jardins publics,

Et le bateau, sur les ponts,

Les gares, les églises et les palais, S'envolera.

Il ira,

Le papillon estival.

Le bateau, avec sa vieille hélice émerveillée           T'enlèvera.

Il t'emportera par les plus courtes voies

Jusqu'au hameau voisin:

Omnibus rêvant dans les haltes du chemin.

Les cimes endiamantées

Se dresseront plus haut pour te voir passer ;

Les océans, les forêts se diront ton approche ;

Et ton parcours sera éveillé :

Shrinagar,

Comodoro Rivadavia,

Oulan bator,

Anchorage.

Quand nous aborderons à Machu Pichu,

            La mer se retirera ;

Et nous irons nous enivrer,

            A deux pas,

Du souvenir des fleurs de Samarkand »

03 04 98

 

 

 

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